Philon
de Byblos |
La
mythologie phénicienne
[Philon,
explique Eusèbe en préambule] admet
comme le principe du tout un air rempli de ténèbres
et d'esprit, ou le souffle d'un air ténébreux, et un chaos
trouble et noir [La
Genèse].
Tout cela était infini, et durait depuis
une éternité. Mais, ajoute-t-il,
lorsque l'esprit devint amoureux de ses propres éléments
et qu'il s'y mêla, il en résulta l'union qui s'appelle désir.
C'est là le commencement de toutes choses. Mais l'esprit ne reconnaissait
pas son oeuvre; de son union naquit Mot. Les uns entendent par là
un limon, les autres une sorte de putrilage aqueux. De la provient toute
semence de la création, et la génération de tous les
êtres. Il y avait d'abord des animaux
n'ayant pas de sentiment; de ceux-là
naquirent ensuite les animaux pensants, qui furent appelés zophasimin,
c'est-à-dire contemplateurs du ciel, et
qui reçurent une forme ovoïde : aussitôt brillèrent
au ciel Mot, le Soleil
et la Lune,
les petits et les grands astres [...]. Voici
comment l'auteur raisonne : après que l'air fut devenu resplendissant,
la chaleur de la mer et celle de la terre
donnèrent naissance aux vents et aux nuages,
ainsi qu'aux précipitations et aux écoulements des eaux
célestes. Puis, les éléments, d'abord distincts et
séparés par la chaleur du Soleil, s'entrechoquèrent
de nouveau dans l'air; de là les tonnerres et les éclairs.
Au bruit du tonnerre les animaux pensants se réveillèrent;
épouvantés de ce son, le mâle et la femelle remuèrent
au sein de la terre et de la mer. Telle est la cosmogonie,
que l'auteur fait suivre de ces paroles :
« Voilà
ce qui fut trouvé dans la cosmographie et les mémoires écrits
de Taaut, tirés des arguments et des phénomènes
que son intelligence lui a fait saisir et qu'ils nous a révélés.
»
Après
avoir expliqué les noms des vents, de Notus,
de Boréas, et des autres, il continue ainsi :
« Ceux-là
consacrèrent les premiers les germes du sol, les mirent au nombre
des dieux, et adorèrent les productions
dont ils vivaient leurs descendants comme leurs ancêtres leur firent
des libations et des sacrifices. Les idées de leur culte étaient
en harmonie avec leur faiblesse et leurs besoins. Du vent Kolpias [de
kol
pi iah = voix de la bouche de Dieu?] et
de sa femme Bauv, qui signifie nuit, naquirent
deux mortels : Aeon et Protogone; Aeon découvrit la nourriture provenant
des astres. De cela naquirent Genos (= genre)
et Genea (= procréation), qui habitèrent la Phénicie
: après que la chaleur se fut déclarée, ils élevèrent
leurs mains au ciel vers le Soleil, parce qu'ils croyaient ce dieu seul
maître du monde, l'appelant Beelsamin (Baal),
ce qui signifie chez les Phéniciens maître du ciel, Zeus
chez les Grecs.
»
Puis il
relève ainsi l'erreur des Grecs :
« Ce n'est pas
sans dessein que nous avons insisté sur tous ces détails
: pour conserver les traditions intactes, nous avons ajouté les
noms aux choses [?];
les Grecs les ont mal comprises, parce qu'ils avaient été
trompés par une interprétation équivoque.-»
Il
ajoute ensuite :
« Aeon et Protogone
engendrèrent à leur tour des enfants mortels, appelés
Lumière (Phos), Feu (Pyr) et Flamme (Phlox).
Ceux-ci découvrirent le feu par le frottement
des bois, et ils en enseignèrent l'usage. Ils engendrèrent
des fils, distingués par leur stature. Ces derniers imposèrent
leurs noms aux montagnes dont ils s'étaient
emparés; de là le Kasius [dérivé
peut-être de Kados, nom de plusieurs montagnes du Proche-Orient],
le Liban, l'Anti-Liban et le Brathy [Nom inconnu].
Ceux-ci engendrèrent Memroumos et [si
ce deuxième nom n'est pas simplement la traduction grecque du premier]
Hypsouranios
[de
hypsos (hauteur) et Ouranos
= le ciel d'en haut?]; ils tirèrent
leur origine des mères [mortelles], car
les femmes se livraient alors sans pudeur au premier venu. Hypsouranios
s'établit dans Tyr;
il inventa le moyen de construire des cabanes avec des roseaux, des tiges
de scilla et de papyrus. Il s'insurgea contre son frère Ousous [=
l'Esaü de la Bible
d'après Scaliger],
qui le premier songea à se vêtir avec les peaux des animaux
dont il s'était emparés. Pendant une tempête violente,
les arbres de Tyr furent brisés, prirent
feu, et tout le bois fut consumé. Ousous se saisissant d'un arbre,
en abattit les branches, et osa le premier entrer dans la mer.
Il éleva deux stèles, et les consacra au Feu
et au Vent : il les adora en leur offrant des libations
avec [le sang] des animaux pris à la
chasse. Après la mort de ceux-ci [d'Hypsouranios et Ousous ], les
autres hommes leur consacrèrent des verges, adorèrent les
stèles et instituèrent en leur honneur des fêtes annuelles.
Longtemps après, de la lignée d'Hypsourios naquirent Agreus
[=
chasseur, en grec] et Halieus [=
pêcheur, traduction grecque du phénicien tsaïd
dont dériverait le nom de Sidon (Saïda)],
les inventeurs de la chasse et de la pêche. Ils engendrèrent
deux frères, et inventèrent le fer et ses usages : l'un,
appelé Chrysor [ou Khorès =
forgeron], s'exerça dans l'éloquence,
dans les enchantements et l'art divinatoire.
C'est le même que Héphaistos
: il inventa aussi le hameçon, la ligne et le radeau. Ce fut le
premier navigateur. C'est pourquoi, après sa mort, on le révéra
comme un dieu. On l'appelle aussi Diamnichius.
Ses frères,
dit-on, ont inventé l'art de construire des murs avec des briques.
Ils eurent pour descendants deux jeunes gens, dont l'un se nomme Technite
[= artisan], et l'autre Autochthone terrestre.
Ceux-ci inventèrent l'art de mêler du mortier à l'argile
des briques, de les sécher au Soleil et d'en couvrir les édifices.
Ils engendrèrent Agros et Agrouéros ou Agrotes, dont il existe
en Phénicie une statue en bois, très vénérée,
et une chapelle portative [apparemment, un
analogue de l'Arche d'Alliance des Hébreux],
et les Bybliens le regardent comme l'un des plus grands dieux. Ces deux
derniers perfectionnèrent la construction des maisons, en y ajoutant
des vestibules, des compartiments et des galeries. Leurs descendants furent
des cultivateurs et des chasseurs. On les appelle Alètes et Titans.
Ceux-ci engendreront Amynus et Magus, qui élevèrent des villages
et des troupeaux. Ils eurent pour enfants Misor et Sydyk, c'est-à-dire
le
léger à la course et le juste, qui inventèrent
l'emploi du sel. De Misor naquit Taaut, qui trouva l'écriture des
premiers caractères; les Égyptiens
l'appellent Thooth, les Alexandrins Thoyth, et
les Grecs-Hermès.
De Sydyk descendirent les Dioscures, ou Cabires
[confusion courante] ou Corybantes,
ou Samothraces. De ceux-là naquirent d'autres inventeurs, qui enseignèrent
la connaissance des plantes, la guérison des morsures d'animaux
venimeux, et les enchantements. Après
cela vinrent au monde Elioun, c'est-à-dire le Très-Haut,
et sa femme Beyrouth ou Bérith [= Alliance].
[La suite est un
mélange de plus en plus confus de mythologie
grecque et phénicienne-:
]
[Elioun et Bérouth]
habitèrent les environs de Byblos,
et eurent pour fils Epigée ou Autochthon, qu'on appela plus tard
Ouranos
[= le Ciel]. Ce dernier
donna son nom à l'élément qui est au-dessus de nous,
et dont la beauté est sans égale. Il eut pour soeur
Gaïa
[= la Terre], dont la beauté laissa de
même son nom à ce que nous appelons la Terre.
Son père, le Très-Haut, ayant péri dans un combat
contre des animaux féroces, fut divinisé : ses enfants lui
offrirent des libations et des sacrifices. Ouranos, ayant succédé
à son père, épousa sa soeur, la Terre, et il en eut
quatre enfants : Ilus [êl ou
îl,
c'est-à-dire le dieu par excellence, synonyme de
Baal
et, selon Servius, de Moloch
à Carthage],
qu'on, nomme aussi Cronos, Betylus
[= Maison de Dieu], Dagon,
qui préside au blé [c'est le
sens du mot dagon], et Atlas.
Ouranos eut avec d'autres femmes une descendance nombreuse. La Terre en
fut jalouse; dans sa colère, elle en fit de vifs reproches à
son mari et amena le divorce. Ouranos, chaque fois qu'il voulait en approcher
de force, fut repoussé. Il tenta même de tuer ses enfants.
La Terre, aidée de ses auxiliaires, eut souvent à se défendre.
Lorsque Cronos eut atteint l'âge viril, il prit pour conseiller et
aide Hermès le trois fois très-grand
(c'était son secrétaire); embrassant le parti de sa mère,
il combattit son père Ouranos. Cronos eut deux enfants : Perséphone
et Athéna. La première mourut vierge.
Sur l'avis de Athéna et de Hermès, Cronos fabriqua avec du
fer une faux et une lance. Hermès séduisit ensuite les auxiliaires
de Cronos par des paroles magiques, et leur inspira le désir de
faire, dans l'intérêt de la Terre, la guerre à Ouranos.
C'est ainsi que Cronos, ayant battu Ouranos, le chassa de son empire, et
prit les rênes du gouvernement. Dans ce combat, la concubine favorite
d'Ouranos, enceinte, fut faite prisonnière. Cronos la donna en mariage
à Dagon elle accoucha d'un fils, qui reçut le nom de Démarous.
Après ces
événements, Cronos entoura son
habitation d'un mur, et fonda la première ville, Byblos[Étienne
de Byzance fait également de Byblos la plus ancienne ville]
en Phénicie. Ayant ensuite conçu des soupçons contre
son frère Atlas, Cronos, d'après
le conseil d'Hermès, l'ensevelit dans
les entrailles de la terre. Vers la même époque, les descendants
des Dioscures
[des Kabirim?] naviguèrent sur les
radeaux et les navires qu'ils avaient construits, et, ayant échoué
contre le mont Kasius, ils y élevèrent un temple. Les auxiliaires
d'llus, dit Cronos, furent appelés Eloim [=
les dieux, appelés Elohim dans la Bible,
où le contexte monothéiste fait du mot un pluriel de majesté],
comme
qui dirait Croniens (Saturniens). Cronos eut pour fils Sadid; ayant conçu
contre lui des soupçons, il s'en saisit, et le fit périr
par son propre glaive; il coupa de même la tête à sa
fille. Tous les dieux furent épouvantés de ce goût
sanguinaire de Cronos. Par la suite du temps, Ouranos, s'étant enfui,
envoya sa fille Astarté, avec deux autres
de ses soeurs, Rhea et Dione,
pour faire tomber Cronos dans un piège. Mais ce dernier s'empara
des deux soeurs, et en fit ses épouses. Averti de cette nouvelle,
Ouranos
fit marcher contre Cronos Himarmène et Hora avec leurs auxiliaires.
Mais Cronos se les appropria également. On rapporte que le dieu
Ouranos inventa aussi les Bétyles après avoir fabriqué
des pierres animées [= météorites?].
Cronos eut avec Astarté sept filles, les Titanides ou Artémides,
et avec, Rhéa, sept fils dont le plus jeune fut divinisé
dès sa naissance. Avec Dione, il eut plusieurs enfants femelles,
et de nouveau avec Astarté, deux enfants : Pothus (désir,
Cupidon)
et Eros (=
amour).
Après que
Dagon
eut inventé le blé et la charrue, il reçut le nom
de Zeus Aratrios. L'une des Titanides, ayant eu
un commerce amoureux avec Sydycus, dit le Juste , mit au monde Asclépios
(= Eshmoun).
Cronos engendra, dans Pérée,
trois enfants , Cronos, l'homonyme du père, Zeus Bélus [=
Baal] et Apollon. Après
ceux-ci naquirent Pontos,
Typhon
et Nérée, le père de Pontos.
Pontos engendra Poséidon et Sidon, qui,
à cause de la douceur de sa voix, inventa la mélodie et le
chant. Démarous engendra Mélicarthus
[= Melek Arta = le Roi de la Terre ou Melek Cortha = Le Roi
de la Ville], qui se nomme aussi Heraclès.
Ouranos
s'insurgea ensuite de nouveau; et, après avoir fait défection,
il s'adjoignit à Démarous, pour combattre Pontos. Démarous
attaqua Pontos, mais ce dernier mit l'agresseur en fuite. Démarous
fit un sacrifice pour s'être sauvé par la fuite. Dans la trente-deuxième
année de son règne, Ilus, c'est-à-dire Cronos, fit
tomber son père Ouranos dans une embuscade, dans un endroit de l'intérieur
de la Terre : il s'empara de lui, et lui coupa les parties génitales
près des sources des fleuves. Ouranos,
rendant l'âme, fut reçu au nombre des dieux : le sang, dégouttant
des parties génitales, se mêla à l'eau des sources
et des fleuves; et on montre encore aujourd'hui l'endroit où cela
eut lieu. Telle est l'histoire de Cronos et de cette époque fameuse
que les Grecs
vantent comme l'âge d'or des mortels, siècle
de l'antique félicité. »
L'auteur
ajoute ensuite :
« Astarté,
la très grande, Zeus Démarous, et
Adod,
roi des dieux, régnèrent sur le pays, d'après le voeu
de Cronos. Astarté mit sur sa tête,
comme insigne de la royauté, une tête de taureau.
En parcourant la terre, elle trouva un astre tombé du ciel; elle
le prit, et le consacra dans l'île sacrée de Tyr. Les Phéniciens
disent qu'Astarté est la planèteVénus.
Cronos, faisant le tour de la Terre, donna à Athéna,
sa fille, le royaume de l'Attique.
Pendant les ravages d'une maladie pestilentielle, Cronos offrit en holocauste
à Ouranos, son père, son fils
unique; il se mit à circoncire ses parties génitales, et
força ses compagnons à en faire autant. Peu de temps après,
il voua aux dieux son second fils, qu'il eut de Rhéa,
et qui venait de mourir : il portait le nom de Mouth [= Mort en phénicien
et en hébreu]. Les Phéniciens l'appellent la Mort
ou Hadès. Après cela, Cronos donna
la ville de Byblos
à la déesse Baaltis, qu'on nomme aussi Artémis;
il donna Bérytus à Poséidon
et aux Cabires agricoles et pêcheurs, qui déposèrent
les restes de Pontos à Bérytus.
Déjà auparavant, Taaut avait imité les figures d'Ouranos
(du ciel), de Cronos, de
Dagon
et des autres, et tracé les caractères sacrés des
éléments. Il imagina pour Cronos, comme
emblème
de la royauté, quatre yeux, dont deux placés à la
face et deux à la partie postérieure, deux de ces yeux étaient
à demi fermés; il lui attacha aux épaules quatre ailes,
dont deux levées comme pour le vol, et deux abaissées.
Pour ce qui concerne
les yeux, le sens symbolique est que Cronos voit,
quoique endormi, et qu'il dort, quoique éveillé. Les ailes
avaient le même sens symbolique : le dieu prend son essor, quoiqu'en
repos, et se repose, bien qu'il vole. Quant aux autres dieux, il ne leur
attribua à chacun que deux ailes aux épaules, comme pour
indiquer qu'ils étaient les compagnons de Cronos. De plus, il mit
à ce dernier deux ailes sur la tête : l'une comme symbole
de l'intelligence suprême, l'autre comme symbole du sentiment. Étant
venu dans le pays du midi, Cronos donna toute l'Égypte
au dieu Taaut (Thot)
comme royaume. Ces choses furent rédigées, selon l'ordre
de Taaut , d'abord par les sept fils de Sydyk , les Cabires,
et par leur huitième frère, Asclépios
[c'est-à-dire plutôt Eschmoun].
Le fils de Thabion [Sanchoniathon, Hierombal?],
qui fut de mémoire d'hommes le premier hiérophante
des Phéniciens, mêla toutes ces allégories à
des phénomènes physiques et cosmiques, et transmit ce mélange
de doctrines aux prophètes qui président aux orgies et aux
mystères.
Ceux-ci ajoutèrent encore à cette amplification, et transmirent
l'oeuvre à leurs successeurs et aux initiés. L'un d'entre
eux était lsiris, l'inventeur des trois lettres
[ajoutées au premier alphabet phénicien?]
[...], frère du premier Chna [= marchand,
même étymologie que Cananéen],
c'est-à-dire Phénicien. »
Philon de
Byblos ajoute ensuite ceci:
« Les Grecs, surpassant
par leur aptitude tous les autres humains, se sont d'abord appropriés
la plupart des doctrines primitives, qu'ils ont ensuite enjolivées
par des fables ingénieuses et variées. De là les fictions
d'Hésiode et des poètes cycliques
relativement à la théogonie
et à la gigantomachie. Et comme
nous sommes, dès notre enfance, accoutumés à entendre
le récit de ces fictions, il est difficile de s'en défaire,
et on les prend, sans examen préalable, pour la vérité.
»
Bornons-nous
à cet extrait de l'histoire de Sanchoniathon, traduite par Philon
de Byblos, et approuvée comme véridique par Porphyre
le philosophe. Ce dernier, dans son livre sur les Juifs, écrit
ce qui suit sur Cronos :
[Extrait de Porphyre
: ] « Taaut, que les Égyptiens
appellent Thot, renommé chez les Phéniciens
pour sa sagesse, rédigea le premier en un corps de doctrine les
notions vulgaires sur le culte des dieux. Après un grand nombre
de générations, il eut pour successeurs le dieu Saurumbel
et Thuso, dont le nom fut changé en celui de Chrusarthis : ils mirent
en lumière la théologie de Taaut, obscure et enveloppée
d'allégories. »
Puis il
ajoute :
« Il était
de coutume chez les Anciens que les chefs de l'État et de la nation
devaient, en temps de grandes calamités, immoler aux génies
vengeurs , pour le salut de tous , l'enfant le plus chéri
[on pense ici au sacrifice d'Abraham];
et ce sacrifice se pratiquait selon le rite des mystères.
Or, Cronos, que les Phéniciens appellent lsrael
[= Celui qui lutte avec Dieu, nom donné
dans la Genèse
au neveu d'Abraham], et auquel on consacra,
après sa mort, l'astre du même nom
[Saturne],
était roi du pays; il avait eu d'une nymphe
indigène, nommée Anobret
[= Concevant par la grâce, on pense à Sarah],
un fils unique, appelé Ieoud (ce nom signifie encore aujourd'hui
fils unique chez les Phéniciens [c'était
aussi l'épithète d'Isaac]). Le
pays ayant été accablé sous le poids d'une guerre
grave, il revêtit son fils des ornements ruraux, construisit un bûcher,
et l'y sacrifia. »
[Philon],
revenant à l'histoire primitive des Phéniciens extraite de
Sanchoniathon, traduit ensuite les merveilles relatives aux reptiles et
animaux
venimeux, qui ne sont d'aucune utilité pour les humains, mais les
infectent et leur causent la mort, en leur instillant un poison délétère
et terrible. Voici à peu près comment il s'exprime :
« Taaut attribua
aux dragons et aux serpents
une nature divine, croyance qui fut adoptée par les Phéniciens
et les Égyptiens.
II prétendit que ce genre d'animaux était le plus rempli
d'esprit et de feu; de là cette vitesse incomparable,
sans le secours de mains et de pieds, ni d'aucun des moyens dont se servent
les autres animaux pour se mouvoir. De plus,
ce même genre présente différentes formes, et se porte
promptement là où il le désire, en traçant
des spires. Il vit très longtemps, et, se dépouillant de
sa vieillesse, non seulement il rajeunit, mais encore son corps s'accroît,
et, arrivé à un certain degré de développement,
il se résout en lui-même, ainsi que Taaut l'a indiqué
dans les Ecritures sacrées. Cela explique l'usage de ces animaux
dans les pratiques religieuses et dans les mystères.
Nous en avons parlé plus au long dans les livres intitulés
Ethothes
[ = Annales?]
: nous y avons fait voir que le serpent ne meurt pas de mort naturelle;
il faut qu'il ait été violemment frappé. Les Phéniciens
l'appellent le bon génie [Agathodémon].
Pareillement , les
Égyptiens
le nomment Kneph [kanaph
= oiseau en hébreu] : ils lui
donnent pour attribut une tête d'épervier, à cause
de la qualité essentielle de cet oiseau. Ces détails s'accordent
à la lettre avec ce que dit Épéis, l'allégoriste
, qui est appelé chez eux (les Égyptiens) le très
grand hiérophante et hiéro-grammate, dont l'ouvrage a été
traduit en langue grecque par Arius d'Héraclée. L'être
primordial le plus divin est le serpent à
figure d'épervier, extrêmement gracieux; quand il ouvrait
les yeux, il répandait partout la lumière dans la région
la première née [= le ciel];
quand il les fermait, il se manifestait des ténèbres.
Il était aussi de la nature du feu, comme
Épéis le donne à entendre par l'expression "resplendit"
, dont il se sert, à propos des Phéniciens. Phérécyde
a traité du dieu dit Ophion et dès Ophionides [Ophites],
sur lesquels nous reviendrons.
« Partant de
la même idée, les Égyptiens pour représenter
le monde tracent un cercle fermé, ayant l'aspect de l'air enflammé,
et au milieu, un serpent étendu, à forme d'épervier,
de manière que toute la figure ressemble à celle de notre
Q.
Le cercle désigne le monde, et le serpent du milieu, qui y est contenu,
indique le bon Génie. »
Zoroastre,
le Mage, dans le livre sacré des rites Perses,
s'exprime ainsi :
«
Le dieu à tête d'épervier est le premier, impérissable,
éternel, incréé, indivis, le plus dissemblable, le
modérateur de tout ce qui est beau, inaccessible à la corruption,
le meilleur des bons, le plus prudent des prudents; c'est le père
de la bonne législation et de la justice, instruit par lui-même,
naturel, parfait, sage, et le seul inventeur de la nature divine. Ostanes
dit la même chose dans son ouvrage intitulé l'Octateuque.
Tous les autres, qui l'ont suivi, ont raisonné de la même
manière. Représentant les premiers éléments
par des serpents, ils leur consacraient des temples, et, les réputant
les plus grands dieux et les chefs de I'univers, ils célébraient
en leur honneur des sacrifices, des fêtes et des orgies. Voilà
ce qui est relatif aux serpents. »
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