| Les montagnes, les collines et les lieux élevés en général, ont traditionnellement été considérés comme des lieux propices à la manisfestation du sacré. Aussi, les voit-on recevoir dans de nombreuses cultures une espèce de culte ou de vénération plus ou moins explicite. Parfois, on les dit habités par des dieux. Pour les Grecs, par exemple, la demeure des dieux est une montagne : l'Olympe. Dans le langage allégorique, disent les auteurs de l'Antiquité, les montagnes furent appelées les rois du pays, et dans la suite on en parla comme de rois réels. Souvent elles furent peintes comme des géants, et depuis, peut-on lire parfois, on les cita comme de véritables géants. D'où la mythologie grecque de la Guerre des Géants, des monts Atlas, Athos, Ossa, Pelion, etc. On les choisissait de préférence les lieux élevés, soit pour y offrir des sacrifices, soit pour y élever des temples à la divinité; souvent les montagnes et les collines choisies étaient couvertes de petits bois ou plantées de bosquets considérés comme sacrés. D'un autre côté, le culte religieux dont on honora les montagnes avait pris sa source dans le sentiment de reconnaissance. Et en effet, après ces déluges qui ponctuent très souvent les cosmogonies, les montagnes furent dans un proportion importante de récits, désignées comme les sauveurs des peuples, et en quelque sortes les pères du genre humain... On sait avec quelle insistance la Bible recommande aux Juifs de ne pas sacrifier sur les hauts lieux; elle exalte le mérite des pieux rois qui les ont détruits, et indique clairement qu'une des principales causes du schisme et de l'idolâtrie des dix tribus a été l'érection des autels sur les collines; car consacrer des hauts lieux était désobéir formellement à la loi, et imiter les païens dans leur culte; les bosquets ou bois sacrés qui les entouraient étaient très propres à favoriser le libertinage. Les anciens habitants de l'Irlande avaient aussi des collines sacrées. C'était là que les prêtres offraient des sacrifices, que le législateur ou le juge promulguait ses décrets, et que le roi, à son inauguration, était représenté avec la baguette du pouvoir. L'idée que les Irlandais attachaient aux collines sacrées était si solennelle et si terrible, que l'un de leurs poètes, en chantant les louanges de saint Patrick, pour donner une preuve du zèle et du courage de cet apôtre, assure qu'il osa annoncer Dieu sur les collines sacrées et près des saintes fontaines. La vénération populaire pour tous les jugements qui provenaient de ces lieux élevés avait été transmise d'âge en âge, et s'était conservée avec tant de ténacité, qu'au temps même de Henri VIII, le même sentiment traditionnel régnait encore en Irlande; et, nous tenons d'une grave autorité qu'à cette époque les lois anglaises n'étaient pas observées huit jours de suite, tandis que les lois promulguées par les Irlandais sur leurs collines se conservaient fermes et stables, sans qu'on les violât pour une somme d'argent ou pour toute autre récompense. Il est difficile de trouver, en Inde, une éminence qui n'ait pas sa petite chapelle, ou au moins une statue de dieu, à laquelle se rendent fréquemment les habitants du voisinage pour y faire leurs dévotions. Mais une montagnes sacrés se détache plus particulièrement, c'est la résidence de la Trimourti : le mont Mérou.
| Elisabeth Foch, Montagnes sacrées, Le Chêne, 2005. - Pour cet ouvrage, Elisabeth Foch a sélectionné 75 images "coups de coeur" de photographes professionnels du monde entier, passionnés comme elle par les montagnes, des images où se révèle la rencontre qui s'opère parfois entre les montagnes et ceux qui les contemplent, des images qui nous emmènent dans différentes parties du monde, sagesses ou religions. Chaque image fait l'objet d'un texte expliquant l'histoire ou les histoires attachées à cette montagne, des anecdotes concernant le photographe et son histoire personnelle avec cette montagne. Elisabeth Foch traite aussi dans quatre textes intercalaires des thèmes liés à la montagne et qui lui sont chers : le culte des hauteurs, la marche, des signes que les montagnes nous envoient et de la spiritualité qui naît de cette rencontre. (couv.). Jean-Paul Roux, Montagnes sacrées, montagnes mythiques, Fayard, 1999. | | |