|
. |
|
Abraham
ou Abram est le plus célèbre des patriarches, le père
mythique du peuple hébreu et de quelques
peuples voisins, auquel est consacrée, une grande partie du livre
de la Genèse
(XI, 27, XXV, 10). A raison même de la célébrité
du personnage, dont les écrivains juifs
se sont occupés avec prédilection, l'ensemble du récit
est singulièrement surchargé; le même thème
y revient sous plusieurs formes, parfois amalgamées par un dernier
rédacteur : de là des répétitions, des variantes
et des contradictions que notre analyse, si brève qu'elle soit,
ne doit pas laisser tomber, sous peine de devenir infidèle. On sait
d'ailleurs que les différents livres du Pentateuque
(Ancien Testament),
tout particulièrement la Genèse, sont nés de
la combinaison de documents originairement isolés, dont on a même
pu, en plusieurs cas, restituer la teneur primitive.
D'après la Genèse, Abraham est fils de Tharé, descendant lui-même de Noé à la neuvième génération. II reçoit de Yahveh, le dieu des Hébreux, l'ordre de quitter sa demeure (d'après une tradition, Ur en Chaldée, d'après une autre, Haran, dans la haute Mésopotamie) pour une destination inconnue et cela sur la foi de magnifiques promesses adressées à lui et à sa future postérité. Abraham part, accompagné de sa femme Sara et de son neveu Loth, fils d'un frère défunt; il arrive au pays de Chanaan, près de Sichem. La divinité lui apparaît et lui promet la possession de la contrée; Abraham érige un autel, puis va séjourner près de Béthel, où il bâtit un nouvel autel. Amené en Égypte à l'occasion d'une famine, il fait passer Sara pour sa soeur; le roi, frappé de sa beauté, la fait venir dans son harem, mais la rend à son mari sur un avertissement céleste. Abraham, riche en or et en troupeaux, retourne à Béthel; là des discussions s'élèvent entre lui et son neveu Loth à l'occasion des pâturages devenus insuffisants à nourrir leurs nombreux troupeaux. Abraham, généreusement, offre à son neveu de lui abandonner la région qu'il préférera; celui-ci choisit la vallée du Jourdain, laissant à son oncle la montagne chananéenne. Abraham transporte son séjour à Hébron, où il érige un troisième autel. Apprenant là que son neveu Loth vient d'être victime d'une invasion de souverains orientaux, accourus pour réduire les villes de Sodome et autres révoltées, il part à leur poursuite avec une faible troupe, bat les vainqueurs et leur arrache leur butin, dont il offre la dîme à Melchisédech, « roi de Salem, prêtre du Dieu Très-Haut ». Abraham, toutefois, était âgé
et sans enfants; la divinité lui apparaît de nouveau, renouvelle
ses promesses d'avenir et lui annonce qu'il aura un fils. Un pacte solennel
est conclu entre la divinité et le patriarche. Cependant Sara, désespérant
d'avoir une postérité directe, donne à son mari sa
servante Agar; bientôt, voyant celle-ci enceinte, elle la chasse
au désert d'où la voix divine la rappelle. Agar devient mère
d'lsmaël.
Abraham, étant un jour assis devant sa tente, voit venir trois hommes auxquels il offre une généreuse hospitalité. L'un d'entre eux, qui n'était autre que la divinité elle-même, annonce à Sara la prochaine naissance d'un fils; cette annonce provoque l'hilarité de Sara, qui est vertement reprise. Au moment de s'éloigner, la divinité fait savoir à Abraham que les villes de Gomorrhe et de Sodome vont être englouties dans une catastrophe effroyable, punition de leurs crimes : sur les instances du patriarche, Yahveh toutefois se montre prêt à pardonner aux pécheurs s'il se trouve seulement dix justes dans Sodome. Après que Loth et ses filles, mères des Moabites et des Ammonites, ont échappé au désastre, Abraham va à Guérar, en Philistie, où il lui arrive, à propos de sa femme, la même aventure que précédemment en Égypte; il fait passer Sara pour sa soeur et la voit enlever par le roi de l'endroit, lequel, informé de la véritable situation, la rend avec de grands honneurs. Sara devient enceinte et donne le jour à Isaac; Ismaël, fils d'Agar, ayant manqué de respect à l'héritier direct d'Abraham, Sara le chasse au désert ainsi que sa mère. Abraham termine par un traité régulier une dispute avec les Philistins au sujet des puits de Bersabée. Lorsque Isaac eut atteint l'âge de 25 ans, Yahveh, pour éprouver la foi d'Abraham, lui ordonna de le lui sacrifier sur le mont Moria. Abraham allait obéir, quand un ange substitua un bélier à la victime. A celui qui n'a pas refusé à la divinité son fils unique, les plus éclatantes promesses sont renouvelées, Sara étant morte, Abraham achète aux indigènes d'Hébron un lieu de sépulture, où il l'inhume; puis, préoccupé d'assurer le mariage d'Isaac avec une femme non chananéenne, il envoie un serviteur de confiance à Haran, au sein de sa famille, lui chercher une épouse. Après la mort de Sara, Abraham épousa Céthura, dont il eut 6 enfants, qui sont les souches de diverses tribus arabes. Après sa mort, intervenue à l'âge de 175 ans, il est enseveli auprès de Sara, à Hébron, par les soins réunis d'Isaac et d'Ismaël. Ce patriarche est vénéré des Musulmans comme des Juifs et des Chrétiens : les Musulmans se disent descendre de lui par Ismaël. Quand on débarrasse la légende d'Abraham des répétitions qu'elle présente, d'une part, de quelques éléments anecdotiques greffés sur le fond premier, tels que les aventures avec les rois d'Égypte et des Philistins, l'étonnante victoire sur les chefs des empires orientaux, etc., de l'autre, on constate que l'on a devant soi une figure très simple. Abraham est la personnification du peuple hébreu, venu d'un pays étranger en Chanaan; le pacte bilatéral qui, d'après une conception chère à la théologie des Hébreux, les unissait à leur dieu national, Yahveh, et attachait de son côté celui-ci à leur fortune, est matérialisé sous la forme d'un traité conclu avec le père de ce peuple, qui prend, en quelque sorte, livraison anticipée du territoire palestinien. II faut renoncer à chercher dans l'histoire d'Abraham un noyau historique; d'un vif intérêt dans son ensemble, d'une rare élévation dans plusieurs de ses parties, elle n'est pas faite pour nous renseigner sur un passé reculé, mais elle est propre à nous faire connaître l'idéal moral et religieux conçu par les Israélites aux plus beaux temps de leur floraison littéraire, ainsi que l'image qu'ils se faisaient, par le biais de la généalogie du personnage, des relations des Hébreux et des peuples voisins. (Maurice Vernes). |
. |
|
|
|||||||||||||||||||||||||||||||
|