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Artémis

Artémis (Mythologie grecque) est l'une des grandes divinités des Grecs et une des déesses les plus importantes de l'Olympe. Aucune n'offre au mythographe une plus grande variété de cultes et n'a motivé plus d'explications et d'hypothèses. Ce nom a été donné à des divinités tout à fait dissemblables, même en nous en tenant à la principale, à l'Artémis dorienne ou hellénique, ce n'est pas sans raison que Callimaque l'appelle polyônymos. Outre les épithètes relatives à ses attributs - et nulle divinité n'en a davantage - un grand nombre d'épithètes locales attestent l'existence d'autant de cultes particuliers. Nous connaissons les Artémis Lykoatis, Stymphalia, Skiaditis, Kondyleatis d'Arcadie; Kyparissia, de Messénie; Derrhiatis et Karyatis de Laconie; Oineatis et Saronitis d'Argolide; Chésias et Imbrasié de Samos; Amarysia, Sipylène, Astyrène, de Mysie; Pheraia, Aitolé, Aigineia, Mysia, Eleia, Alpheia, etc.

Tels qu'ils nous apparaissent à l'époque homérique - la plus éloignée à laquelle les textes permettent de remonter, le culte et la mythologie d'Artémis sont étroitement associés à ceux d'Apollon et de Lêto. Que cette forme soit ou non la première, c'est elle, en tout cas, qui a prévalu, et l'Artémis classique, celle que l'on identifia avec la Diane romaine, est la fille de Zeus et de Létô, soeur d'Apollon. Le parallélisme du mythe et des attributs d'Artémis et d'Apollon est presque complet. Artémis est née à Ortygie, l'île des cailles; on admet qu'Ortygie est un ancien nom de Délos ou d'un îlot voisin, et ne s'applique ici ni à l'Ortygie voisine d'Ephèse, ni à celle d'Etolie, ni à celle de Syracuse. Elle serait née un jour avant Apollon, le 6 du mois Bysios. Elle fut avec son frère attaquée par le dragon (tradition de Sicyone), combattit avec lui contre Tityos et les Géants; de concert encore, ils punirent les Niobides (Niobé). En revanche, elle punit seule les Aloades (tradition de Naxos) et Bouphagos (en Arcadie), et fait périr le chasseur Orion

Apollon est l'idéal masculin; de même Artémis, l'idéal féminin. Vierge farouche, déesse des jeunes filles, elle parcourt les forêts, armée de l'arc, entourée d'un essaim de chasseresses. C'est à ses flèches (comme à celles d'Apollon) qu'on attribue les morts subites. Les épithètes qu'on lui applique le plus souvent sont relatives à sa virginité (agnè, parthénos, etc.), à son amour de la chasse, surtout en Arcadie et en Elide (agrotera, theroktonos), à ses flèches (iocheaira); elle participe au pouvoir divinatoire de son frère; elle dirige le choeur des Muses et des Charites (Grâces), d'où l'épithète d'Hymnia; comme son frère, elle peut envoyer ou guérir les maladies épidémiques; elle lui emprunte peut-être ses surnoms de Phoebé, de Delphinia, Pythia, Patroa; en revanche, il lui prend ceux de Tauropolos, Laphraios. Enfin, la curieuse légende des Hyperboréens appartient au culte d'Artémis autant qu'à celui d'Apollon. Ces cultes sont d'ailleurs étroitement associés non seulement à Délos, mais à Delphes, à Sycione, à Lesbos, en Ionie (Didymaeon), en Lycie; ajoutons que sur les monuments, figures, vases peints, bas-reliefs, etc., Artémis est constamment associée à Apollon et à Létô.

Artémis chasseresse.
Artémis. La déesse est représentée en
chasseresse.

Néanmoins, il ne faudrait pas exagérer les ressemblances entre les cultes d'Apollon et d'Artémis; pour Apollon, la conception arcadienne du dieu des chasseurs et des bergers a été rejetée au second plan; pour Artémis, au contraire, elle a prévalu. C'est la déesse des sources : on en trouve dans ses temples d'Aulis, de Dereion, de Kleitor, de Méthone; des eaux thermales (Thermaia); des fleuves (Potamia), en particulier de ceux de Samos (Chésias et Imbrasié), de l'Alphée, le grand fleuve du Péloponèse; et par extension (?) des rivages (Limnaea), à Sicyone, Patras, Tégée, Sparte, Messène, etc.; d'une manière générale, elle est une protectrice de la navigation : le mythe du sacrifice d'Aulis en témoigne. Elle se plaît aussi sur les sommets boisés (Oreia, Koryphala), dans les forêts; un de ses sanctuaires était situé dans un cèdre, à Orchomène ( le bas-relief de Thyrea conservé au musée d'Athènes); elle préfère aux temples les fraîches et ombreuses clairières voisines des sources. Déesse des forêts, elle est aussi la souveraine des animaux sauvages (potnia therôn); elle les chasse avec les Nymphes, ses compagnes;

Fière de ses flèches, elle marche à travers les montagnes, sur le long Taygète ou l'Erymanthe, et se réjouit de poursuivre les sangliers et les cerfs rapides; autour d'elle se jouent les Nymphes, filles de Zeus qui porte l'égide, habitantes des champs » (Od., VI, 102). 
Non seulement, elle chasse les bêtes sauvages, mais elle les protège; les bois qui lui sont consacrés sont de véritables réserves où l'on ne poursuit pas le gibier. Ses animaux favoris sont : en Orient, le lion et la panthère; à Sparte, la tortue (Artémis Chelytis); en Arcadie, l'ours ; ainsi s'expliquent la légende de Callisto et les rites du culte de Brauron (Attique), où les jeunes filles se déguisaient en ourses pour les fêtes de la déesse. Artémis étendit naturellement son empire sur les animaux domestiques, boucs et chèvres(A. Knagia), boeufs et chevaux (Boupolos, Hippopolos) : l'épithète de Tauropolos lui est fréquemment appliquée; elle était honorée sous ce nom à Samos, Icarie, en Macédoine, etc. Elle préside à la naissance sous le nom d'Artémis Lochia et finit par absorber les divinités qui jouent le même rôle, llithye, Hécate, etc. Elle veille ensuite sur la jeunesse de l'enfant (Korythallia à Sparte, Kourotrophos, etc.) et ses fêtes des Elaphébolies se répandirent beaucoup. On invoque aussi Artémis au moment du mariage, et en général comme protectrice (Sôteira). Nous avons déjà parlé de ses attributs musicaux (Hymnia); elle dirige les choeurs des Nymphes ou des Charites, manie la phorminx ou la lyre. Enfin, comme Apollon, elle guide les colons lors de la fondation des villes (Hégémone).
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Cranach : Artémis et Apollon.
Artémis et Apollon, par Lucas Cranach l'Ancien, 1530.

Comme pour les autres dieux helléniques, on a été fort embarrassé pour découvrir le caractère fondamental, primitif d'Artémis. La question a été encore obscurcie par la confusion, avec Artémis, de divinités fort diverses auxquelles on a donné son nom, et par ses rapports avec d'autres déesses qu'elle n'a pas absorbées, mais qu'elle a dépouillées de leurs attributs. Nous étudierons ci-dessous d'abord ces divinités parentes de l'Artémis classique, puis les autres déesses qui, malgré leur nom d'Artémis, n'ont presque rien de commun avec elle. Mais, avant d'aller plus loin, il est intéressant de voir si l'on peut retrouver, sous la multiplicité des cultes et des attributs de l'Artémis hellénique, son caractère original, L'étymologie fournit peu de chose : les uns dérivent Artémis d'artemes, la déesse sans tache, vierge ou salutaire; les autres d'aerotemos (qui fend l'air); de la racine strat ou rat, exprimant l'idée de jeter. O. Müller distinguait, comme pour Apollon, la déesse arcadienne de la nature agreste de la déesse Létoïde étroitement associée à Apollon. Claus y voyait la Nuit (confondue avec la Terre), épouse de Zeus. A Sicyone, en effet, on trouve Artémis Patroa associée à Zeus : une colonne représentait la déesse; une pyramide, le dieu; cette association est signalée également à Argos

La grande majorité des mythographes font d'Artémis une divinité lunaire proche parente de Séléné et d'Hécate. Si l'on admet que Lêtô est la Nuit (l'Obscurité, Nyx); Apollon, le Soleil; Artémis est la Lune.. Elle porte presque aussi souvent une torche que l'arc, d'où l'épithète de Sélasphoros ce serait donc une déesse de la lumière; on trouve quelquefois le croissant lunaire dans ses attributs (les cornes de l'Artémis tauropole sur une monnaie d'Amphipolis); on la trouve une fois appelée Selanaia; à Athènes, on l'adorait sous le nom d'Artémis munichienne (Mounychia); le mois de munychion lui était consacré, elle avait son temple à Munychie, sa fête de Munychia le jour de la pleine lune. Par ce caractère lunaire s'expliqueraient aisément, dans les idées de l'Antiquité, l'influence d'Artémis sur la naissance, son association avec Apollon envisagé comme dieu solaire, et son caractère de pureté sereine; productrice de la rosée, elle serait devenue aisément la déesse des eaux et de la végétation.

L'hypothèse naturaliste que nous venons de développer ne lève pas toutes les objections : les caractères lunaires de l'Artémis hellénique peuvent lui venir des Artémis asiatiques, tout comme ils peuvent expliquer l'assimilation de divinités si dissemblables. Munychie est précisément un point où ont fusionné les cultes d'Artémis, d'Hécate, de la déesse thrace Bendis. Les cultes lunaires de Séléné et Hécate ont persisté à côté de celui d'Artémis. Tout ceci touche d'ailleurs à la question générale du caractère primitif des dieux grecs et de l'association d'Apollon et d'Artémis que plusieurs écrivains considèrent comme primitivement indépendants. Concluons donc qu'Artémis est essentiellement une déesse de la nature agreste, ordinairement associée à Apollon, et qui, par certains traits, semble une personnification de la Lune.

Les divinités dont la parenté avec Artémis est incontestable, quoique leur personnalité se soit maintenue distincte, sont : Hécate, Bendis, Britomartis ou Dictynna, Ilithye, la déesse (Némésis) de Rhamnonte, Eurynome; d'autres paraissent être plutôt des dédoublements d'Artémis, telles Aréthuse (?), Callisto, Iphigénie ou Orthia, etc. - Hécate n'est pas citée avant l'Hymne à Déméter et la Théogonie (passage interpolé?); c'est une déesse lunaire : 

Hécate, ce n'est plus l'astre clair et brillant qui illumine les nuits sereines de Grèce de sa vive splendeur; c'est la lune voilée de vapeurs, à la lueur blafarde ou dont la face sanglante perce soudainement les nuages qui l'enveloppaient pour épouvanter les humains. Déesse voyageuse, qui, pendant la nuit, règne souverainement sur les chemins, sur les rues des cités, adorée surtout dans les carrefours et à tous les points où les routes se divisent en trois directions.  (Decharme.)
Dans l'hymne à Déméter, elle est associée à Hélios; mais c'est surtout une divinité chthonienne. D'autre part, elle protège les troupeaux, d'où son surnom de Brimo, qu'on lui applique surtout à Phères; ajoutons que I'Artémis-Hécate de Phères pourrait bien être le prototype de l'Artémis de Munychie. A Argos, Hécate semble identifiée à Hithye. Enfin, Eschyle confond si bien Hécate et Artémis qu'il fait de celle-ci une fille de Déméter (ce qu'on disait d'Hécate). 
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Diane (Artémis) chasseresse. Ecole de Fontainebleau, 1550.

Bendis est une déesse thrace, d'un caractère lunaire, importée par les Orphiques, dont Hécate est peut-être un doublet. Hérodote déjà l'assimile à Artémis; on l'appelle Artémis Bendeia, Hécate Bendis, fille de l'Hadès. Elle était adorée à Lemnos, où on l'appelait  "la Grande Déesse"; elle se confondit en particulier avec l'Artémis tauropole : par ses fêtes d'un caractère orgiastique, par son association avec le Dionysos Sabazius, elle représente une transition entre l'Artémis grecque et les Artémis asiatiques. 

Britomartis ou Dictynna est souvent qualifiée d'Artémis crétoise ; elle appartient aux Etéocrètes, peuple crétois non hellénique; son sanctuaire principal était à Cydonie, d'où l'appellation d'Artémis cydonienne chasseurs et pêcheurs la révèrent également; son culte se répandit hors de Crète, notamment en Laconie et à Egine. A Egine, elle était vénérée sous le nom d'Aphoea; elle y avait été probablement importée à l'époque de la thalassocratie crétoise dont le mythe de Minos rappelle le souvenir. F. Lenormant a fait observer que cette épithète d'Aphoea, "la déesse qui disparaît périodiquement", convient à merveille à l'astre nocturne. Ailleurs, on en fit une des nymphes de l'entourage d'Artémis-Ilithye, qui préside à l'enfantement, fut graduellement absorbée par Artémis; en Attique, aux temps des tragiques, en Béotie, au IIe siècle, la fusion est accomplie.

La déesse adorée à Rhamnonte (Attique), sous le nom de Némésis, est, d'après Welcker, une Artémis.  Pausanias nous apprend qu'on identifiait avec Artémis la déesse de Phigalie, Eurynome représentée avec un buste de femme terminé en queue de poisson le peuple, dit-il, l'appelle Artémis, les archéologues Eurynome.

Il nous reste à parler maintenant des déesses qu'on a confondues avec l'Artémis hellénique en leur donnant son nom. Les principales sont l'Artémis de Tauride, l'Artémis d'Ephèse, l'Artémis Leucophryène, celle de Pergé, de Coloëne La sanguinaire déesse de Tauride (Chersonèse Taurique) a été facilement confondue avec l'Artémis Tauropole par une sorte de calembour : et cette confusion a été consacrée par la légende d'Iphigénie, qu'a si bien expliquée O. Müller. Le culte de Brauron se rapporte aussi bien à la déesse de Tauride qu'à l'Artémis des Grecs.  L'Artémis d'Ephèse n'a de grec que le nom : son origine est nettement asiatique, son culte l'est resté, et ses représentations en témoignent. 

L'art la représente coiffée du polos, les deux mains ouvertes et étendues, la poitrine chargée de nombreuses mamelles; son corps est enfermé dans une gaine historiée de zones sculptées, où apparaissent des têtes d'animaux, cerfs, lions et taureaux. (Collignon). 
Il faut ajouter l'abeille. Ces attributs caractérisent la déesse de la fécondité naturelle inépuisable, conçue à la manière orientale; elle est aussi déesse des astres, Soleil, Lune, étoiles. On peut l'assimiler à Ma, la mère des dieux adorée à Comana. Ses prêtres eunuques, ses prêtresses, l'organisation de son culte, les rites orgiastiques et les fêtes qui remplissent le mois d'Artémision, ses mythes complètement étrangers à ceux de l'Artémis proprement dite, tout nous rappelle l'Orient. Le mythe des Amazones est lié au sien étroitement. D'Ephèse et des côtes d'Asie, son culte se propagea au loin : Xénophon l'apporta en Messénie, les Phocéens à Marseille; en Arcadie on l'associa à Pan. La vogue en fut immense; elle coïncida avec la fusion progressive de l'hellénisme et de la civilisation orientale; le temple d'Ephèse devint un des grands sanctuaires de la Méditerranée orientale. D'innombrables statues et monnaies reproduisirent le type de l'Artémis éphésienne. 
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Artémis d'Ephèse.
L'Artémis d'Éphèse.
Déesse de la fécondité.

L'Artémis Leucophryène, adorée en Crète, à Magnésie et en Phrygie, dans le bassin supérieur du Méandre, semble, à en juger par ses représentations, la même que la déesse d'Ephèse. Celle de Pergé, en Pamphylie, desservie par des corporations de prêtres mendiants, est à la fois une déesse sidérale et une chasseresse; son vrai nom serait Manapsa. L'Artémis de Coloé, en Lydie, se rapproche par ses caractères de l'Eurynome  arcadienne.

On identifia avec Artémis la grande déesse perse nommée Anaïtis. Nous rappelons enfin que les Romains voulurent retrouver dans Artémis leur Diane; le nom de Diane l'a emporté dans le langage courant; mais les traits sous lesquels la chaste déesse nous est connue sont empruntés à l'Artémis hellénique. (A.-M. Berthelot).

Les visages d'Artémis
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1. L'Artémis soeur d'Apollon est une sorte d'Apollon féminin, représentant, comme femme, la même idée que cette divinité, dont elle partage la puissance et les attributs; aussi Eustathe la prend-il grossièrement pour l'épouse d'Apollon (ad Hom., P. 1197, 39). Terrible comme son frère, elle l'assiste dans ses vengeances, frappe d'épidémies cruelles les humains et les troupeaux, et se plaît surtout à percer les femmes de ses flèches acérées; de là ses noms d'Apolfousa, la destructrice; de Iocheaira, qui se plaît au jet de la flèche; de Toxophoros, l'archer; de Chryselakatos, à la flèche d'or. Sa main, n'est cependant pas toujours armée du trait fatal; parfois elle s'apaise, détourne les calamités qui frappent les humains, et s'offre à leur adoration comme la divinité qui bénit et guérit les douleurs; alors on la nomme Artémès (Artémis), qui sauve : Sotira, Sospita. C'est en cette qualité de déesse favorable qu'elle était, comme Apollon, du parti des Troyens, et qu'elle guérit Énée. L'heureux mortel qu'elle a honoré d'un regard bienveillant voit ses troupeaux prospérer : la concorde règne dans sa maison, et il attend, au sein du bonheur, une vieillesse tranquille. Du reste, si la colère obscurcit quelquefois son front, ce n'est jamais sur le jeune âge qu'elle jette un regard farouche; elle protège les enfants et aime tout ce qui commence à vivre; de là ses noms de Courotrophos, Philomeirax, Paidotrophos
" c'est Artémis, dit Diodore, qui guérit les petits enfants".
Les jeunes troupeaux et le gibier étaient aussi chers à la soeur d'Apollon; aussi la regardait-on comme la divinité tutélaire des champs et surtout de la chasse, et la désignait-on par les appellations d'Eurippa, de Ipposoa, d'Elaphebolos, de Celadeinè (qui aime le fracas de la chasse). Comme Apollon, Artémis ne se maria jamais; jamais elle ne fut domptée par L'amour (Sophocle). Sa pudeur farouche n'aurait pu souffrir d'autres prêtresses que de jeunes vierges parfaitement chastes et pures; les prêtres eux-mêmes devaient être soumis aux lois de la chasteté (Pausanias). 

Douée d'une grande beauté et d'une stature majestueuse, Artémis donnait une taille élancée aux jeunes filles. Quoiqu'elle ne sût pas toucher la cithare, elle venait chez Apollon à Delphes, et y dirigeait les choeurs des Muses et des grâces. La tradition ne la met pas au nombre des divinités qui rendaient des oracles; elle devait cependant à sa parenté avec le dieu prophétique les titres de Divinité protectrice, de Pytho et de Sibylle de Delphes, ceux de Prostateria et de Propylaia; car, comme l'Apollon Agieus, elle protégeait les villes et les rues; ceux de Archegètis et d'Hègemoné. Enfin, la consécration du laurier et l'adoration à Délos lui étaient communes avec son frère; c'est dans l'île sainte, où nul bruit profane ne devait se faire entendre, que les jeunes filles hyperboréennes lui apportaient leurs offrandes. 

2. Artémis l'Arcadienne, ou la déesse des nymphes. Cette divinité, objet d'un culte très étendu et tout à fait particulier à l'Arcadie, n'avait aucun rapport avec Apollon et les autres déesses qui portaient le nom d'Artémis. Son symbole était une ourse, et le système d'eaux courantes du pays jouait un grand rôle dans les mythes qui la concernaient. Ainsi les nombreux surnoms sous lesquels elle était adorée sont tous dérivés de noms de fleuves ou de montagnes; les lieux théâtres de son culte se trouvaient au bord des fontaines, des lacs ou des rivières; enfin, au milieu de ses temples jaillissaient souvent des sources vives, et les poissons lui étaient consacrés. Divinité chasseresse, elle parcourait les bois et les vallées du Taygète, de l'Erymanthe et du Ménale, perçant les animaux sauvages de flèches qui avaient été forgées par les Cyclopes,
et animant à la course ses chiens, présent du dieu Pan. Elle avait habituellement un cortège de vingt nymphes, appelées Amnisiennes, du fleuve Amnisos en Crète, et dirigeait la danse de soixante autres nymphes, toutes filles de l'Océan. Elle trouva en Arcadie cinq biches d'une grandeur et d'une beauté remarquables, et en attela quatre à son char; la cinquième, qu'Héra voulait être l'objet du troisième des travaux d'Héraclès, s'échappa. Cette Artémis était surtout révérée à Sicyone, à Epidaure, auprès 

de Messène, à Limné, à Tégée, à Corinthe, etc. Atalante, amazone arcadienne, allaitée par une ourse, et qui jouit de la faculté de faire jaillir l'eau du rocher, et Callisto, Paraissent n'être que deux faces diverses de l'Artémis d'Arcadie. 

3. L'Artémis taurique, Brauronie, Orthie, Orthosie, Iphigénie, Hécate. On entrevoit, à travers l'obscurité des traditions qui se rapportent à cette déesse, que son culte se célébrait par des orgies et par des sacrifices humains. Ces cérémonies sanglantes avaient lieu, suivant le dire des Grecs, en Tauride, d'où Oreste et Iphigénie apportèrent la statue d'Artémis à Brauron. Elle fut révérée comme une déesse nationale, dans cette ville, ainsi qu'à Athènes et à Sparte, où Lycurgue substitua aux sacrifices humains l'usage, plus doux, de la flagellation. Les Lacédémoniens la nommèrent Orthia, appellation dont on n'a pas d'étymologie certaine. Une autre tradition, rapportée dans Servius, dit qu'Oreste et Iphigénie ayant pris à Aulis la statue de la déesse, l'apportèrent à Aricia, cachée dans un faisceau de sarments; ce qui valut à Artémis le surnom de Fascelis, Phacelitis. Cette Artémis taurique portait aussi le nom d'Iphigénie, sous lequel plusieurs villes la révéraient :

"Les Tauriens eux-mêmes, dit Hérodote, affirment que la déesse à laquelle ils sacrifient est la même qu'Iphigénie fille d'Agamemnon."
Celle-ci, destinée d'abord à être sacrifiée, puis sauvée par la déesse, devint sa prêtresse, et reçut le nom d'Hécate avec l'immortalité. Comme Hécate ou déesse-lune, Artémis prend divers surnoms: Aithopia, Phosphoros, Dadouchos, Amphipyros, Pyrphoros, Luciferae; ces deux dernières épithètes désignaient aussi la déesse de la chasse, qui portait des flambeaux. A l'Artémis taurique correspond enfin, sous divers rapports, l'Artémis tauropolos, déesse des taureaux, ou reine des Tauriens; son culte était sanglant, et portait le caractère du détire, puisque c'est à cette divinité que le choeur de l'Ajax de Sophocle attribue la fureur qui a saisi le héros. Il paraît que dans tous ces mythes relatifs à l'Artémis taurique, ou à Hécate, des traditions grecques qui se rapportaient à d'anciennes divinités de la nature se sont confondues avec les mythes et le culte des divinités asiatiques, dont les symboles étaient au ciel la lune, et sur la terre la vache

4. Artémis Britomartis ou Dictynne. - Divinité crétoise et d'Egine. Britomartis signifie douce vierge, dans le dialecte crétois. A l'origine, Britomartis n'était pas Artémis elle-même, mais une, des nymphes de cette déesse. Pour échapper aux poursuites de Minos, roi de Crète, qui était amoureux d'elle, elle se précipita dans la mer, et tomba dans des filets de pêcheurs. Sa protectrice, pour honorer sa vertu, la mit au rang des divinités. Elle apparut alors aux Eginètes, qui l'honorèrent depuis sous le nom d'Aphaea; par la suite ils la confondirent avec Artémis. D'autres disent qu'un jour, occupée à la chasse, qu'elle aimait passionnément , elle tomba dans ses propres filets, au moment qu'un sanglier fondait sur elle; elle voua un temple à Artémis, si elle échappait, et dégagea sa parole en lui élevant un temple sous le nom d'Artémis Dictynna. On lui attribue l'invention des filets dont se servent les chasseurs.

5. Artémis Ilithyie. - Parfois considérée comme une divinité autonome fille de Héra, parfois simple attribut de Héra ou d'Artémis. Ilithyie était une déesse qui, chez les Grecs, présidait aux accouchements. On lui attribuait une influence tantôt favorable, tantôt nuisible. On la rapprocha aussi des Moires. Homère admettait deux Ilithyies. 

6. Artémis d'Éphèse. Cette déesse, qui n'a aucun rapport avec l'Artémis des Hellènes, paraît avoir été la personnification de la puissance toute fertilisante et toute nourrissante de la nature, à laquelle les Grecs donnaient, par on ne sait quelle analogie, le nom d'Artémis. Elle était fille de Léto; sa nourrice s'appelait Ammas; son symbole était l'abeille, et son pontife portait le nom d'Essèn, roi des abeilles. Dans son temple magnifique à Éphèse, où les Amazones, dit-on, établirent son culte, se trouvait son image, sous la forme d'une momie, la tête chargée d'une couronne, et le sein fourmillant de mamelles. Son sanctuaire n'était accessible qu'aux jeunes filles vierges; ses prêtres étaient des eunuques. 



Les artistes l'ont représentée très diversement, suivant le caractère qu'ils lui attribuaient. Déesse champêtre de l'Arcadie, l'ourse était son symbole; déesse de la Lune ou Phoebé, telle que la représenta Praxitèle, elle porte un voile, et, en guise de diadème, un croissant ou des cornes; quelquefois elle a un flambeau à la main. L'Artémis (ou Diane, selon le nom de son équivalent romain) d'Éphèse, présidant à la nature et à la production, figure sur les médailles le corps couvert de mamelles et la tête chargée d'ornements; l'abeille est son emblème. Mais la Diane / Artémis chasseresse est le type le plus célèbre: elle a les cheveux noués derrière la tête, coiffure appelée corymbos et qui était celle des vierges athéniennes vêtue d'une tunique courte et habituellement retroussée, chaussée du cothurne, elle a des formes souples, élancées, et des hanches étroites qui indiquent qu'elle est taillée pour la course et non pour la maternité. Elle a de plus un arc à la main, le pied chaussé d'un brodequin, accompagnée d'une biche ou d'un chien de chasse, et suivie de nymphes, chastes comme elle. La statue la plus célèbre de ce genre, dite Diane à la biche, fut apportée en France avant Henri IV, et orna successivement les châteaux de Meudon, de Fontainebleau et de Versailles; elle est aujourd'hui au Louvre.
 
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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