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Artémis (Mythologie grecque) est l'une des grandes divinités des Grecs et une des déesses les plus importantes de l'Olympe. Aucune n'offre au mythographe une plus grande variété de cultes et n'a motivé plus d'explications et d'hypothèses. Ce nom a été donné à des divinités tout à fait dissemblables, même en nous en tenant à la principale, à l'Artémis dorienne ou hellénique, ce n'est pas sans raison que Callimaque l'appelle polyônymos. Outre les épithètes relatives à ses attributs - et nulle divinité n'en a davantage - un grand nombre d'épithètes locales attestent l'existence d'autant de cultes particuliers. Nous connaissons les Artémis Lykoatis, Stymphalia, Skiaditis, Kondyleatis d'Arcadie; Kyparissia, de Messénie; Derrhiatis et Karyatis de Laconie; Oineatis et Saronitis d'Argolide; Chésias et Imbrasié de Samos; Amarysia, Sipylène, Astyrène, de Mysie; Pheraia, Aitolé, Aigineia, Mysia, Eleia, Alpheia, etc. Tels qu'ils nous apparaissent à l'époque homérique - la plus éloignée à laquelle les textes permettent de remonter, le culte et la mythologie d'Artémis sont étroitement associés à ceux d'Apollon et de Lêto. Que cette forme soit ou non la première, c'est elle, en tout cas, qui a prévalu, et l'Artémis classique, celle que l'on identifia avec la Diane romaine, est la fille de Zeus et de Létô, soeur d'Apollon. Le parallélisme du mythe et des attributs d'Artémis et d'Apollon est presque complet. Artémis est née à Ortygie, l'île des cailles; on admet qu'Ortygie est un ancien nom de Délos ou d'un îlot voisin, et ne s'applique ici ni à l'Ortygie voisine d'Ephèse, ni à celle d'Etolie, ni à celle de Syracuse. Elle serait née un jour avant Apollon, le 6 du mois Bysios. Elle fut avec son frère attaquée par le dragon (tradition de Sicyone), combattit avec lui contre Tityos et les Géants; de concert encore, ils punirent les Niobides (Niobé). En revanche, elle punit seule les Aloades (tradition de Naxos) et Bouphagos (en Arcadie), et fait périr le chasseur Orion. Apollon est l'idéal masculin; de même Artémis, l'idéal féminin. Vierge farouche, déesse des jeunes filles, elle parcourt les forêts, armée de l'arc, entourée d'un essaim de chasseresses. C'est à ses flèches (comme à celles d'Apollon) qu'on attribue les morts subites. Les épithètes qu'on lui applique le plus souvent sont relatives à sa virginité (agnè, parthénos, etc.), à son amour de la chasse, surtout en Arcadie et en Elide (agrotera, theroktonos), à ses flèches (iocheaira); elle participe au pouvoir divinatoire de son frère; elle dirige le choeur des Muses et des Charites (Grâces), d'où l'épithète d'Hymnia; comme son frère, elle peut envoyer ou guérir les maladies épidémiques; elle lui emprunte peut-être ses surnoms de Phoebé, de Delphinia, Pythia, Patroa; en revanche, il lui prend ceux de Tauropolos, Laphraios. Enfin, la curieuse légende des Hyperboréens appartient au culte d'Artémis autant qu'à celui d'Apollon. Ces cultes sont d'ailleurs étroitement associés non seulement à Délos, mais à Delphes, à Sycione, à Lesbos, en Ionie (Didymaeon), en Lycie; ajoutons que sur les monuments, figures, vases peints, bas-reliefs, etc., Artémis est constamment associée à Apollon et à Létô. Néanmoins, il ne faudrait pas exagérer les ressemblances entre les cultes d'Apollon et d'Artémis; pour Apollon, la conception arcadienne du dieu des chasseurs et des bergers a été rejetée au second plan; pour Artémis, au contraire, elle a prévalu. C'est la déesse des sources : on en trouve dans ses temples d'Aulis, de Dereion, de Kleitor, de Méthone; des eaux thermales (Thermaia); des fleuves (Potamia), en particulier de ceux de Samos (Chésias et Imbrasié), de l'Alphée, le grand fleuve du Péloponèse; et par extension (?) des rivages (Limnaea), à Sicyone, Patras, Tégée, Sparte, Messène, etc.; d'une manière générale, elle est une protectrice de la navigation : le mythe du sacrifice d'Aulis en témoigne. Elle se plaît aussi sur les sommets boisés (Oreia, Koryphala), dans les forêts; un de ses sanctuaires était situé dans un cèdre, à Orchomène ( le bas-relief de Thyrea conservé au musée d'Athènes); elle préfère aux temples les fraîches et ombreuses clairières voisines des sources. Déesse des forêts, elle est aussi la souveraine des animaux sauvages (potnia therôn); elle les chasse avec les Nymphes, ses compagnes; Fière de ses flèches, elle marche à travers les montagnes, sur le long Taygète ou l'Erymanthe, et se réjouit de poursuivre les sangliers et les cerfs rapides; autour d'elle se jouent les Nymphes, filles de Zeus qui porte l'égide, habitantes des champs » (Od., VI, 102).Non seulement, elle chasse les bêtes sauvages, mais elle les protège; les bois qui lui sont consacrés sont de véritables réserves où l'on ne poursuit pas le gibier. Ses animaux favoris sont : en Orient, le lion et la panthère; à Sparte, la tortue (Artémis Chelytis); en Arcadie, l'ours ; ainsi s'expliquent la légende de Callisto et les rites du culte de Brauron (Attique), où les jeunes filles se déguisaient en ourses pour les fêtes de la déesse. Artémis étendit naturellement son empire sur les animaux domestiques, boucs et chèvres(A. Knagia), boeufs et chevaux (Boupolos, Hippopolos) : l'épithète de Tauropolos lui est fréquemment appliquée; elle était honorée sous ce nom à Samos, Icarie, en Macédoine, etc. Elle préside à la naissance sous le nom d'Artémis Lochia et finit par absorber les divinités qui jouent le même rôle, llithye, Hécate, etc. Elle veille ensuite sur la jeunesse de l'enfant (Korythallia à Sparte, Kourotrophos, etc.) et ses fêtes des Elaphébolies se répandirent beaucoup. On invoque aussi Artémis au moment du mariage, et en général comme protectrice (Sôteira). Nous avons déjà parlé de ses attributs musicaux (Hymnia); elle dirige les choeurs des Nymphes ou des Charites, manie la phorminx ou la lyre. Enfin, comme Apollon, elle guide les colons lors de la fondation des villes (Hégémone). - Artémis et Apollon, par Lucas Cranach l'Ancien, 1530. Comme pour les autres dieux helléniques, on a été fort embarrassé pour découvrir le caractère fondamental, primitif d'Artémis. La question a été encore obscurcie par la confusion, avec Artémis, de divinités fort diverses auxquelles on a donné son nom, et par ses rapports avec d'autres déesses qu'elle n'a pas absorbées, mais qu'elle a dépouillées de leurs attributs. Nous étudierons ci-dessous d'abord ces divinités parentes de l'Artémis classique, puis les autres déesses qui, malgré leur nom d'Artémis, n'ont presque rien de commun avec elle. Mais, avant d'aller plus loin, il est intéressant de voir si l'on peut retrouver, sous la multiplicité des cultes et des attributs de l'Artémis hellénique, son caractère original, L'étymologie fournit peu de chose : les uns dérivent Artémis d'artemes, la déesse sans tache, vierge ou salutaire; les autres d'aerotemos (qui fend l'air); de la racine strat ou rat, exprimant l'idée de jeter. O. Müller distinguait, comme pour Apollon, la déesse arcadienne de la nature agreste de la déesse Létoïde étroitement associée à Apollon. Claus y voyait la Nuit (confondue avec la Terre), épouse de Zeus. A Sicyone, en effet, on trouve Artémis Patroa associée à Zeus : une colonne représentait la déesse; une pyramide, le dieu; cette association est signalée également à Argos. La grande majorité des mythographes font d'Artémis une divinité lunaire proche parente de Séléné et d'Hécate. Si l'on admet que Lêtô est la Nuit (l'Obscurité, Nyx); Apollon, le Soleil; Artémis est la Lune.. Elle porte presque aussi souvent une torche que l'arc, d'où l'épithète de Sélasphoros ce serait donc une déesse de la lumière; on trouve quelquefois le croissant lunaire dans ses attributs (les cornes de l'Artémis tauropole sur une monnaie d'Amphipolis); on la trouve une fois appelée Selanaia; à Athènes, on l'adorait sous le nom d'Artémis munichienne (Mounychia); le mois de munychion lui était consacré, elle avait son temple à Munychie, sa fête de Munychia le jour de la pleine lune. Par ce caractère lunaire s'expliqueraient aisément, dans les idées de l'Antiquité, l'influence d'Artémis sur la naissance, son association avec Apollon envisagé comme dieu solaire, et son caractère de pureté sereine; productrice de la rosée, elle serait devenue aisément la déesse des eaux et de la végétation. L'hypothèse naturaliste que nous venons de développer ne lève pas toutes les objections : les caractères lunaires de l'Artémis hellénique peuvent lui venir des Artémis asiatiques, tout comme ils peuvent expliquer l'assimilation de divinités si dissemblables. Munychie est précisément un point où ont fusionné les cultes d'Artémis, d'Hécate, de la déesse thrace Bendis. Les cultes lunaires de Séléné et Hécate ont persisté à côté de celui d'Artémis. Tout ceci touche d'ailleurs à la question générale du caractère primitif des dieux grecs et de l'association d'Apollon et d'Artémis que plusieurs écrivains considèrent comme primitivement indépendants. Concluons donc qu'Artémis est essentiellement une déesse de la nature agreste, ordinairement associée à Apollon, et qui, par certains traits, semble une personnification de la Lune. Les divinités dont la parenté avec Artémis est incontestable, quoique leur personnalité se soit maintenue distincte, sont : Hécate, Bendis, Britomartis ou Dictynna, Ilithye, la déesse (Némésis) de Rhamnonte, Eurynome; d'autres paraissent être plutôt des dédoublements d'Artémis, telles Aréthuse (?), Callisto, Iphigénie ou Orthia, etc. - Hécate n'est pas citée avant l'Hymne à Déméter et la Théogonie (passage interpolé?); c'est une déesse lunaire : Hécate, ce n'est plus l'astre clair et brillant qui illumine les nuits sereines de Grèce de sa vive splendeur; c'est la lune voilée de vapeurs, à la lueur blafarde ou dont la face sanglante perce soudainement les nuages qui l'enveloppaient pour épouvanter les humains. Déesse voyageuse, qui, pendant la nuit, règne souverainement sur les chemins, sur les rues des cités, adorée surtout dans les carrefours et à tous les points où les routes se divisent en trois directions. (Decharme.)Dans l'hymne à Déméter, elle est associée à Hélios; mais c'est surtout une divinité chthonienne. D'autre part, elle protège les troupeaux, d'où son surnom de Brimo, qu'on lui applique surtout à Phères; ajoutons que I'Artémis-Hécate de Phères pourrait bien être le prototype de l'Artémis de Munychie. A Argos, Hécate semble identifiée à Hithye. Enfin, Eschyle confond si bien Hécate et Artémis qu'il fait de celle-ci une fille de Déméter (ce qu'on disait d'Hécate). - Diane (Artémis) chasseresse. Ecole de Fontainebleau, 1550. Bendis est une déesse thrace, d'un caractère lunaire, importée par les Orphiques, dont Hécate est peut-être un doublet. Hérodote déjà l'assimile à Artémis; on l'appelle Artémis Bendeia, Hécate Bendis, fille de l'Hadès. Elle était adorée à Lemnos, où on l'appelait "la Grande Déesse"; elle se confondit en particulier avec l'Artémis tauropole : par ses fêtes d'un caractère orgiastique, par son association avec le Dionysos Sabazius, elle représente une transition entre l'Artémis grecque et les Artémis asiatiques. Britomartis ou Dictynna est souvent qualifiée d'Artémis crétoise ; elle appartient aux Etéocrètes, peuple crétois non hellénique; son sanctuaire principal était à Cydonie, d'où l'appellation d'Artémis cydonienne chasseurs et pêcheurs la révèrent également; son culte se répandit hors de Crète, notamment en Laconie et à Egine. A Egine, elle était vénérée sous le nom d'Aphoea; elle y avait été probablement importée à l'époque de la thalassocratie crétoise dont le mythe de Minos rappelle le souvenir. F. Lenormant a fait observer que cette épithète d'Aphoea, "la déesse qui disparaît périodiquement", convient à merveille à l'astre nocturne. Ailleurs, on en fit une des nymphes de l'entourage d'Artémis-Ilithye, qui préside à l'enfantement, fut graduellement absorbée par Artémis; en Attique, aux temps des tragiques, en Béotie, au IIe siècle, la fusion est accomplie. La déesse adorée à Rhamnonte (Attique), sous le nom de Némésis, est, d'après Welcker, une Artémis. Pausanias nous apprend qu'on identifiait avec Artémis la déesse de Phigalie, Eurynome représentée avec un buste de femme terminé en queue de poisson le peuple, dit-il, l'appelle Artémis, les archéologues Eurynome. Il nous reste à parler maintenant des déesses qu'on a confondues avec l'Artémis hellénique en leur donnant son nom. Les principales sont l'Artémis de Tauride, l'Artémis d'Ephèse, l'Artémis Leucophryène, celle de Pergé, de Coloëne La sanguinaire déesse de Tauride (Chersonèse Taurique) a été facilement confondue avec l'Artémis Tauropole par une sorte de calembour : et cette confusion a été consacrée par la légende d'Iphigénie, qu'a si bien expliquée O. Müller. Le culte de Brauron se rapporte aussi bien à la déesse de Tauride qu'à l'Artémis des Grecs. L'Artémis d'Ephèse n'a de grec que le nom : son origine est nettement asiatique, son culte l'est resté, et ses représentations en témoignent. L'art la représente coiffée du polos, les deux mains ouvertes et étendues, la poitrine chargée de nombreuses mamelles; son corps est enfermé dans une gaine historiée de zones sculptées, où apparaissent des têtes d'animaux, cerfs, lions et taureaux. (Collignon).Il faut ajouter l'abeille. Ces attributs caractérisent la déesse de la fécondité naturelle inépuisable, conçue à la manière orientale; elle est aussi déesse des astres, Soleil, Lune, étoiles. On peut l'assimiler à Ma, la mère des dieux adorée à Comana. Ses prêtres eunuques, ses prêtresses, l'organisation de son culte, les rites orgiastiques et les fêtes qui remplissent le mois d'Artémision, ses mythes complètement étrangers à ceux de l'Artémis proprement dite, tout nous rappelle l'Orient. Le mythe des Amazones est lié au sien étroitement. D'Ephèse et des côtes d'Asie, son culte se propagea au loin : Xénophon l'apporta en Messénie, les Phocéens à Marseille; en Arcadie on l'associa à Pan. La vogue en fut immense; elle coïncida avec la fusion progressive de l'hellénisme et de la civilisation orientale; le temple d'Ephèse devint un des grands sanctuaires de la Méditerranée orientale. D'innombrables statues et monnaies reproduisirent le type de l'Artémis éphésienne. - L'Artémis d'Éphèse. Déesse de la fécondité. L'Artémis Leucophryène, adorée en Crète, à Magnésie et en Phrygie, dans le bassin supérieur du Méandre, semble, à en juger par ses représentations, la même que la déesse d'Ephèse. Celle de Pergé, en Pamphylie, desservie par des corporations de prêtres mendiants, est à la fois une déesse sidérale et une chasseresse; son vrai nom serait Manapsa. L'Artémis de Coloé, en Lydie, se rapproche par ses caractères de l'Eurynome arcadienne. On identifia avec Artémis la grande déesse perse nommée Anaïtis. Nous rappelons enfin que les Romains voulurent retrouver dans Artémis leur Diane; le nom de Diane l'a emporté dans le langage courant; mais les traits sous lesquels la chaste déesse nous est connue sont empruntés à l'Artémis hellénique. (A.-M. Berthelot). Les visages d'Artémis
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