.
-

Le Jaïnisme

Le Djaïnisme, Jaïnisme ou Jinisme est une des trois grandes religions historiques de l'Inde. Elle compte aujourd'hui environ trois à quatre millions de fidèles, disséminés dans l'Inde entière, ce qui est évidement très peu, surtout en comparaison de l'importance historique et culturelle de cette religion (doctrine de la non-violence). Les principales communautés sont groupées dans le Goudjerat; le Pendjab, le Radjpoutana et les pays dravidiens, particulièrement le Canera. Ils s'occupent en général de négoce. Noyés dans la multitude des sectes hindoues, le djaïnistes (jaïnistes) ont dû à leur petit nombre même une influence légitime; commerçants probes autant qu'habiles, plus cultivés que leurs voisins, accoutumés à la solidarité qu'impose l'isolement, instruits par leurs dogmes à espérer la conversion de l'univers entier, ils se démarquent aussi sur bien des points des doctrines brahmaniques. Leur piété intelligente a su se plier aux exigences de la société où ils vivent : opposés en principe à la division des castes et à l'emploi des vêtements, ils ont accommodé la raideur des doctrines aux préjugés et aux costumes des Hindous brahmanisants, et vivent sans scandale au milieu d'eux sans rien sacrifier de leurs croyances essentielles.

Le djaïnisme aussi bien que les religions rivales a pour base le dogme de la transmigration accepté comme un axiome par l'Inde tout entière. La vie n'est pas, au regard des Hindous, un accident entre deux éternités; elle est la suite logique d'une série infinie d'existences, et le principe d'une nouvelle série également infinie; elle est un anneau d'une chaîne continue. La perspective de l'activité à perpétuité épouvante l'inertie des Hindous; ils demandent à leurs guides religieux un moyen de s'échapper hors de ce cercle sans issue pour goûter à jamais la béatitude du néant. Le djaïnisme, comme le bouddhisme, résume en trois joyaux (tri-ratna) sa théorie de la délivrance. Ces trois joyaux sont la perfection de la foi, la perfection de la connaissance, la perfection des pratiques.

Perfection de la foi. 
Le djaïniste (désigné souvent aussi sous la forme sanscrite djaïna, jaïna, djaïn et sous les noms de Nirgrantha, d'Arhata, etc.) ne donne pas sa foi à un dieu. Ce n'est pas qu'il nie l'existence des dieux brahmaniques; il en multiplie même démesurément le nombre; mais il ne les considère pas comme une classe d'êtres à part; ils jouissent actuellement d'une situation acquise par des mérites accumulés pendant des existences antérieures; mais, la provision une fois épuisée, ils perdront ce bonheur provisoire pour rentrer dans une condition nouvelle. La foi consiste à chercher son refuge, son asile, son salut dans le maître qui a découvert et enseigné la voie de l'émancipation, qui a conquis la vérité et mérité le titre glorieux de Djina, vainqueur. Le Djina par excellence, l'objet principal du culte djaïna, Mahâvira ou Vardhamâna, n'est pas le premier ni le seul; vingt-trois autres djinas ont déjà paru avant lui, à des intervalles toujours décroissants; la durée de leur vie décroît aussi successivement. Le Djina ne sort jamais d'une famille brahmanique, il naît toujours dans la caste guerrière des çatriyas. Ce simple trait souligne l'hostilité originelle du djaïnisme contre la suprématie brahmanique, et le rapproche du bouddhisme; l'un et l'autre rappellent la lutte âpre de la caste sacerdotale contre la caste royale, qui a laissé sa trace dans les Brahmanes et dans la légende épique.

Le premier en date des Djinas, Richabha ou Vrichabha, naît à Ayodhyà et vit huit millions quatre cent mille années : deux millions comme prince, six millions trois cent mille comme roi, et cent mille comme ascète. Il meurt dans le Goudjerat. Entre sa mort (Nirvâna) et celle du dernier Djina s'écoulent cent milliards d'océans d'années. Un océan d'années comprend mille milirads de palyas, et la durée du palya s'exprime par la formule suivante : soit un puits de cent yojanas (lieues) au carré, rempli de cheveux très fins; si on en retire un cheveu par siècle, le temps nécessaire pour l'épuiser forme un palya. (Nous rapportons cette définition pour montrer le goût des chiffres extraordinaires commun aux djaïnistes et aux bouddhistes, jaloux de surpasser les hyperboles monstrueuses des brahmanes.). L'emblème de Vrichabha est le taureau

Vinrent ensuite : Adjita (emblème : l'éléphant); Sambhava (emblème : le cheval); Abhinandana (emblème : le singe); Soumati (emblème : le flamant rouge); Padmaprabha (emblème : le lotus); Soupârsva (emblème : le svastika); Chandraprabha (emblème : le croissant de lune); Pouchpadanta (emblème : le crocodile); Sitala (emblème : l'arbre), Sreyâmsa (emblème : le rhinocéros); Vasoupoûdjya (emblème : le buffle); Vimala (emblème : l'ours); Ananta (emblème : le porc-épic) ; Dharma (emblème : le carreau de foudre); Sânti (emblème: l'antilope); Kounthou (emblème : le bouc); Ara (emblème: le poisson); Malli (emblème : le pinacle); Mounisouvrata (emblème : la tortue); Nami (emblème: le lotus avec tige); Nemi ou Arichtanemi (emblème : l'écaille), Pârsva (emblème: le serpent); et enfin Vardhamâna-Mahâvira (emblème : le lion).

La liste des Djinas est, comme leur histoire, une pure oeuvre d'imagination. L'avant-dernier cependant pourrait être un personnage historique : Pârsva paraît deux cent cinquante ans avant Mahâvira et vit cent ans seulement; les traits de sa figure sont assez nets et précis, et son souvenir a persisté presque avec l'intensité du réel. Son culte, les lieux sanctifiés par sa présence attirent encore de nombreux fidèles, et la colline du seigneur  Parsva, Parisnath, où il mourut, est un des pèlerinages les plus fréquentés, et se couvre sans cesse de temples nouveaux. Enfin, la doctrine de Mahâvira se présente comme une simple réforme de l'enseignement donné par Pârsva.

Le Djina Mahâvira appartient plus plausiblement encore à l'histoire. Les livres saints racontent sa vie en détail. Il naît à Koundagrâma, halte de caravanes située dans le pays de Videha et voisine de Vaisali (Besarh). Son père Siddhârtha est un çatriya, de la tribu des Djñâtikas ou Djñâtris, sa mère Trisalâ est de souche royale, soeur de Chetaka, roi de Vaisalî, et tante par alliance de Bimbisâra, le puissant roi du Magadha, si célèbre dans la légende bouddhique. Conçu dans le sein de la brâhmanî Devânandâ, femme du brahmane  Richabhadatta, le futur Djina fut transporté par Indra avant sa naissance dans le sein de la çatriyâni Trisalâ; quatorze songes avertirent sa mère du bonheur qui lui était réservé. Aussitôt né, l'enfant répandit la prospérité, la richesse et la joie dans la maison on lui donna donc le nom de Vardhamâna (qui accroît). 

II avait un frère aîné, Nandivardhana, et une soeur, Soudarsanâ. Ses parents, qui pratiquaient la religion de Pârsva, se laissèrent mourir d'inanition, la mort des saints, quand ils furent parvenus à un âge avancé. Affranchi alors des obligations naturelles envers son père et sa mère, Vardhamâna résolut d'embrasser la vie religieuse. Il eut soin de demander d'abord l'autorisation de son frère aîné, des autorités locales; puis, avec leur congé, il se fit ascète. Il avait alors vingt-huit ans. Après un an et un mois d'austérités, il renonça à tout vêtement et vécut à l'état de nudité absolue le vêtement, si réduit qu'il fût, n'était-il pas encore un dernier honneur rendu au corps, une dernière marque de préoccupation corporelle? Il passa ensuite douze ans à errer dans le pays de Lâdha, de Vadjjabhoûmi, de Soubbhabhoûmi (Bengale occidental), souvent en butte à de mauvais traitements qu'il supportait avec une patience bienveillante. La treizième année, il parvint à la connaissance absolue. 

« Le second mois de l'été, dans la quinzaine claire de Vaisâkha, le dixième jour, quand l'ombre était tournée vers l'est et que la première veille était passée, au jour appelé Souvrata, à l'instant dit Vidjaya, hors de la ville de Djrimbhikagrâma, sur le bord de la rivière Ridjoupâlika, non loin d'un vieux temple, dans le champ de Sâmâga, sous un arbre Sala, lors de la conjonction de la lune avec l'astérisme Outtaraphalgouni, accroupi les talons joints, exposé aux feux du soleil, après un jeûne de deux jours et demi, plongé dans une profonde méditation, il atteignit le degré suprême de connaissance et d'instruction appelé Kévala (l'absolu). »
Il prit alors les titres de Djina (vainqueur), d'Arbat (digne), de Kévalin (en possession de l'absolu), de Sarvadjna (omniscient), de Tathâgata, de Bouddha, etc., réservés aux docteurs les plus saints et les plus sages. Dès lors il se mit à parcourir les royaumes de Videha, de Kosala, de Magadha, d'Anga, situés dans le bassin inférieur du Gange, enseignant sa doctrine, controversant avec ses adversaires jaloux, tantôt à Vaisalî, tantôt à Champâ, à Râdjagriha, à Nâlanda, à Mithilâ, à Bhadrikâ, à Alabhikâ, à Panitabhoûmi, à Srâvasti, à Pâpâ, dans les mêmes lieux qu'illustra aussi la présence du Bouddha, en relation avec les contemporains les plus fameux du Bouddha, le roi de Videha Bimhisâra et son fils le parricide Koûnika, plus connu sous le nom d'Adjâtasatrou, le docteur Gosâla Makkhalipoutra. Enfin, à l'âge de soixante-douze ans, 
« tandis qu'il séjournait dans la ville de Pàpâ, chez le scribe du roi Hastipâla, au quatrième mois de la saison des pluies, dans le quinzième jour de la quinzaine sombre de Kârttika, le vénérable ascète Mahâvira mourut, trépassa, quitta le monde, rompit les nmuds de la naissance, de la vieillesse et de la mort, devint un Siddha, un Bouddha, un Moukta » 
et entra dans le Nirvâna. Les dieux s'en émurent; les dix-huit rois confédérés de Kâsi et de Kosala, les neuf princes Mallakis, les neuf Licchavis firent une illumination : 
« Puisque, dirent-ils, la lumière de l'intelligence s'en est allée, faisons une illumination de substance matérielle. »
Il laissait une communauté de quatorze mille moines placés sous la direction d'Indrabhoûti, de trente-six mille nonnes avec à leur tête Chandanâ, cent cinquante-neuf mille laïques mâles et trois cent dix-huit mille laïques femmes. L'entrée de Mahâvira dans le Nirvâna est le point initial de l'ère employée aujourd'hui encore par les djaïnistes. Elle se place en 526 avant l'ère chrétienne.

Perfection de la connaissance.
La perfection de la connaissance consiste à comprendre sans hésitation ni erreur les vérités enseignées par le Djina. On y parvient par cinq degrés : la conception directe (mati), la connaissance claire (srouta), la connaissance déterminative (avadhi) , la connaissance de la pensée d'autrui (manasparyâya), la connaissance absolue (kévala).

L'Univers, en y embrassant les mondes inventés et multipliés à l'envi par la fantaisie hyperbolique de la cosmologie djaïna, est incréé. Il existe sans directeur, par la seule force de ses parties, et il est éternel. Il se compose de six substances : l'âme (djîva), la loi (dharma), l'injustice (adharma), l'espace (âkâsa), le temps (kâla), la matière élémentaire (poudgala), principe des quatre éléments : eau, feu, vent, terre. L'âme est répandue dans l'univers entier, soit à l'état intelligent, soit à l'état inintelligent; elle passe par cinq conditions : la pureté originelle, le goût de l'inertie, la destruction des désirs, la condition mixte, l'impureté agissante. Elle se divise en vingt-quatre catégories selon les séjours où elle réside, depuis l'enfer jusqu'aux palais divins. Une tendance vicieuse pousse l'âme à entrer en contact avec la matière élémentaire, distribuée d'après l'étendue, le temps, l'essence, les attributs. Leur combinaison assujettit l'âme au karman, c. -à-d. aux actes avec leurs conséquences fatales. La collection des actes se  divise en huit classes partagées entre deux catégories, les actes nuisibles et les actes qui ne nuisent pas. Les quatre classes d'actes nuisibles sont : 

1° l'idée fausse que la connaissance est inefficace, que la libération finale ne résulte pas de la connaissance exacte des vérités;

 2° l'idée fausse que la libération ne peut s'obtenir par l'étude de la doctrine djaïna; 

3° l'irrésolution sur la voie à suivre; 

4° le manque d'énergie devant les obstacles qui empêchent la libération. 

Les quatre classes d'actes qui ne nuisent pas sont : 
1° la conscience personnelle qu'on est apte au salut; 

2° la conscience du nom, l'honneur; 

3° la conscience de l'appartenance sociale;

4° la prolongation de la vie. 

Les actes émanent soit de la parole, soit de la pensée, soit du corps. Le karman resserre les liens qui attachent l'âme à la matière et introduit dans le lieu même où l'âme réside des atomes nouveaux qui l'alourdissent et augmentent du même coup sa force d'impulsion vers le monde extérieur. Le sage doit donc s'appliquer à diminuer les liens de l'âme avec les corps, à les anéantir par la suppression de l'activité, par la destruction des passions et l'asservissement des sens. Dès lors il ne se forme plus de nouveau karman; la provision antérieure n'a plus qu'à s'épuiser. L'ascétisme est donc la véritable voie du salut. L'ascète en possession de la connaissance suprême a le droit de hâter l'affranchissement de son âme; au lieu d'attendre avec calme la mort, il peut la provoquer en s'abstenant de toute nourriture. Le suicide par inanition est la mort des saints; tous les autres genres de suicide sont pure folie. Définitivement séparée des corps, l'âme s'en va hors du monde, dans le ciel où résident les Djinas, et elle y séjourne éternellement pure, éternellement béate.

Les spéculations métaphysiques du djaïnisme sont fondées sur une méthode originale, désignée dans la scolastique indienne par le terme Syâdvâda : système du peut-être, qui considère tout prédicat comme l'expression d'une simple possibilité et qui permet d'affirmer et de nier en même temps l'existence d'une même chose. Le peut-être des Djaïnas s'opposa à l'être (astivâda) du brahmanisme et au néant (soûnyavada) du bouddhisme.

Perfection des pratiques.
Observance rigoureuse des cinq grands voeux qu'on prononce en entrant dans la vie religieuse, et qui sont pour ainsi dire le décalogue du Djaïna : 
 

1° ne faites pas de mal; 

2° dites la vérité; 

3° ne dérobez pas; 

4° soyez chastes; 

5° n'acceptez rien en don.

Ces préceptes de morale générale se précisent jusqu'à la minutie dans la vie réelle; l'expression négative s'y transfome en règlements positifs. Le religieux ne doit pas seulement se garder de faire souffrir les êtres; il est tenu à une bienfaisance active. II doit respect et protection à tout ce qui vit; il balaye avec soin la route où il va poser le pied, le siège où il va s'asseoir, il filtre minutieusement l'eau qui lui sert de boisson, il porte un voile devant la bouche pour préserver d'un accident les invisibles animalcules qui pullulent sur le sol, dans l'eau et dans l'air. 

L'hôpital d'animaux de Surate, qui étonna si fort les premiers navigateurs européens, était la fondation pieuse d'un Djaïna. Un code très compliqué règle en outre point par
point la discipline monastique ; les articles essentiels portent sur les détails de la tenue : l'ascète doit s'épiler entièrement la tête, tandis que le moine bouddhique se contente de la raser, et que l'ascète brahmanique laisse croître ses tresses; en outre la nudité absolue est recommandée comme une marque de sainteté, tandis que les bouddhistes et les brahmanes la réprouvent formellement. Elle est depuis l'origine la marque caractéristique des Djaïnas; les sages nus des auteurs grecs étaient sans doute des ascètes djaïnistes, car Hésychius interprète par Gymnosophistes le mot Gennoi (Djaïna). Elle a pris même une telle importance dans la religion qu'elle a provoqué la scission de la communauté djaïniste en deux schismes irréconciliables, les Digambaras (Tout-nus) et les Svetâmbaras (Blancs-Manteaux) .

Histoire.
L'histoire du djaïnisme est assez mal connue : les documents sont rares et l'autorité de la tradition est vivement contestée. Cette religion semble avoir été de bonne heure travaillée par les schismes; le premier éclata tandis que Mahâvira vivait encore, et il eut pour auteur le propre gendre du Djina, Djamâli, qui fonda la secte Bahourâya. Plus tard Tisagutta fonda dans la ville d'Ousabhapoura la secte Djivapadesiya;.puis vinrent successivement Asâdha, chef de la secte Avvâttiyâ; Asamitra, chef des Sâmouccheiyas; Ganga, des Dokiriyas; Chalouya, des Terâsiyas, et Gotthâmâhila, des Abaddhiyas. La grande scission des Digambaras et des Svetâmbaras se produisit d'après la tradition en 78 ap. J.-C. La date est sujette à caution, mais on admet généralement l'ancienneté du schisme; le nom de Bhadrabâhou, le dernier des grands saints, paraît s'y rattacher historiquement. L'établissement de colonies djaïnas dans le sud de l'Inde a pu en provoquer, a-t-on parfois écrit, ou au moins en favoriser la naissance; la chaleur extrême du climat encourageait le retour aux prescriptions originelles sur la nudité. D'ailleurs le contraste indiqué par le nom des deux sectes n'existe pas dans la vie réelle : les Digambaras ne sont partisans de la nudité qu'en théorie en fait, ils portent le costume courant du pays qu'ils habitent: ainsi font leurs pandits (ascètes de rang inférieur); les pasteurs de communautés (Bhattârakas) s'enveloppent d'un grand drap, qu'ils retirent pendant le repas seulement : un disciple garde alors la porte et sonne une cloche pour écarter les visiteurs. Les divergences des deux sectes portent sur quelques dogmes : les Svetâmbaras admettent, à l'encontre des Digambaras :

1° que les sages en possession de la connaissance absolue mangent;

2° que les femmes sont aptes au salut sans avoir à passer par la condition d'hommes;

3° que les moines ne perdent pas leur salut parce qu'ils possèdent;

4° que le foetus de Mahâvîra a été transporté par le dieu Indra des flancs de la brahmane Devânandâ dans le sein de Trisalâ.

En outre et surtout chacune des deux sectes a son canon spécial. Les Poûrvas, qui contenaient la doctrine originale de Mahâvira, ont été perdus de bonne heure; des quatorze ouvrages qui les composaient, dix seulement restaient au bout de six générations; puis leur nombre alla toujours en diminuant jusqu'au temps de Bhadrabâhou (Ve siècle ap. J.-C.) avec qui disparut le dernier souvenir des Poûrvas. Les Digambaras les ont remplacés par une collection de traités méthodiques, composés en sanscrit, et qui se flattent de donner la substance des Poûrvas sans prétendre à l'ancienneté. Pouchpadanta passe pour en avoir établi la rédaction définitive entre 633 et 683 du Djina (107-157 ap. J.-C.). Le canon des Svetâmbaras a été fixé et rédigé soit par le concile de Valabhi (454 ap. J.-C.), soit par le concile de Mathourâ (467 ap. J.-C.) sous la présidence du savant Devardhiganin. ll repose, certainement sur une transmission orale fort ancienne; la langue employée en est le plus sûr témoignage; malgré les rajeunissements inévitables tant qu'un texte n'est pas écrit, elle a conservé des indices nombreux de haute antiquité; c'est l'ardhamâgadhi, la demi-mâgadhi, une modification du dialecte parlé dans le pays de Magadha, et qui eut l'heureuse fortune de demeurer la langue sacrée du bouddhisme méridional. La canon comprend onze ouvrages appelés Angas, et qui portent les titres suivants : 
Achâra, Soûtrakrita, Sthâna, Samavâya, Bhagavatî, Djnâtadharmakathâs, Upâsakadasâs, Antakriddasâs, Anouttaraupapâtikadasâs, Prasnavyâkarana, Vipâka
Un douzième Anga, qui contenait le résumé des quatorze Poûrvas, le Drichtivâda, est perdu. Les Angas contiennent des traités de la vie monastique, des dissertations morales et métaphysiques, des paraboles, des légendes d'édification. Les traités sous-canoniques, au nombre de douze, sont :
Aupapâtika, Râdjaprasnîya, Djîvâbhigama, Pradjñapanâ, Djamboudvîpapradjñapti, Chandrapradjñapti, Souryapradjñapti, Nirayâvalî, Kalpâvatansikâ, Pouchpikâ, Pouchpachautikâ, Vrichnidasâs
Les uns sont des traités d'astronomie fantastique et de cosmologie; les autres, des prêches et des enseignements adressés en général par Mahàvira au plus illustre de ses disciples, Indrabhoûti Gautama. Un troisième groupe comprend les dix Prakîrnakas, qui traitent surtout de l'euthanasie, de la confession et de l'abjuration du mal. Les six Chedasoûtras se rapportent au clergé, à sa discipline, au culte, avec un mélange de récits légendaires : c'est dans ce groupe que se classe le Kalpasoûtra, le plus populaire des ouvrages religieux du djaïnisme, qui raconte la vie de Mahàvira et des Djinas antérieurs. Deux Soûtras et quatre Moûlasoûtras complètent l'ensemble de la littérature sacrée.

Les lettres.
Sur ce premier fonds s'est développée une abondante production de commentaires, de gloses et de récits exégétiques; à la faveur de la religion, le conte y a été cultivé presque avec autant de succès que chez les bouddhistes et plus d'un fabliau français, plus d'une nouvelle italienne remonte par une filiation certaine à un original djaïna. Les exigences de la polémique obligèrent d'autre part le djaïnisme à se départir de sa langue religieuse et à emprunter l'idiome de ses adversaires pour les combattre : le sanscrit, étudié dans ses chefs-d'oeuvre, affina le goût, provoqua l'imitation. Tous les genres classiques se sont enrichis d'oeuvres djaïnas; les recherches de manuscrits poursuivies systématiquement à partir de la seconde moitié du XIXe siècle sous la direction de Bühler, Bhandarkar, Peterson, ont mis au jour des épopées, des romans, des drames des traités grammaticaux et astronomiques composés par des Djaïnas, et qui ne manquent pas de réels mérites. La prévention qui a toujours écarté les brahmanes des ouvrages bouddhiques n'a pas été aussi farouche à l'égard des Djaïnas; leur orthodoxie ne s'est pas refusée à étudier et à apprécier plus d'une fois les oeuvres de leurs adversaires.

Les indications fournies par la littérature permettent de suivre avec le développement assez lent des communautés djaïnistes l'évolution de leurs croyances. Les adeptes laïques recrutés dans toutes les classes imposèrent aux dogmes comme au culte une transformation inévitable; la vie pratique n'admettait pas les règles de morale absolue destinées aux seuls ascètes; les habitudes acquises, Ies idées courantes, la concurrence des religions voisines exigeaient des ménagements. Le djaïnisme perdit sa sévère austérité, sans se dégrader toutefois; sa doctrine, qui éliminait entièrement l'action d'un créateur, dut s'accommoder d'une transaction; le pouvoir créateur passa aux Djinas, et le personnage du Djina primordial, Adi-Djina, dieu créateur par excellence, fut inventé et admis au premier rang du culte. Des divinités femelles, les Sâsanadevîs, prirent place aux côtés des Djinas et reçurent avec eux l'adoration des fidèles. Les dieux brahmaniques eux-mêmes, relégués aux emplois secondaires par Mahâvira, reprirent pied et brillèrent d'un nouvel éclat.

La formule de soumission aux Djinas se changea en prière directe, en hymne d'adoration; pour rendre plus durable le témoignage de leur foi, les fidèles élevèrent des temples, et le temple à son tour fit naître le rituel et les fêtes sacrées. Le culte toutefois ne prétend pas aux pompes et aux solennités; il consiste surtout en des hommages aux statues des Djinas accompagnés de récitations par le prêtre, et parfois de musique et de chants. En outre la direction spirituelle des communautés obligea les religieux à prendre un domicile fixe, malgré la prescription de Mahâvira qui leur imposait la vie errante en dehors de la saison des pluies; les asiles de religieux s'étendirent, se développèrent et se transformèrent en monastères où la culture des lettres put s'épanouir en paix ; les travaux originaux et les copies des moines y formèrent peu à peu de riches bibliothèques qui gardent encore aujourd'hui d'inestimables dépôts. Le nombre croissant des fidèles rendit indispensable une organisation intérieure; le clergé se divisa en communautés (ganas) désignées sous le vocable des maîtres qui les avaient fondées; les ganas se subdivisèrent en branches (sâkhâs) aux dénominations d'origine locale, et les branches se partagèrent en familles (koulas). Les inscriptions trouvées à Mathourâ indiquent l'existence de cette organisation dès le cours du IIe siècle ap. J.-C. Les divisions actuelles au sein du djaïnisme portent le nom de gacchas.

L'art djaïniste.
Le djaïnisme a créé un art religieux original, qui a donné plus d'un chef-d'oeuvre à l'Inde. Les spécimens s'en rencontrent dans toutes les régions de l'Inde, attestant la diffusion de la religion. Les temples sont toujours groupés en de véritables cités réservées aux dieux seuls, et d'où l'habitation humaine est bannie. C'est ainsi qu'à Satroundjaya, près Palitana, dans le Goudjerat, les édifices religieux couvrent deux collines et la vallée qu'elles renferment; les plus grands sont établis dans des enclos, les moindres en bordure sur les routes. Les prêtres comme les fidèles n'y pénètrent que pour les services du culte et les pèlerinages; il est interdit d'y demeurer, d'y manger ou d'y dormir. D'autres groupements aussi considérables se rencontrent au mont Abou (Radjpoutana), à Girnar (Kattiavar), à Parisnath (Bangla-Desh), à Mouktaguiri (Inde centrale). Les plus anciens monuments, qui sont aussi les plus purs et les plus beaux, ne remontent pas au delà du XIe siècle. Avant cette époque, on ne connaît que les statues à inscription de Mathourâ qui datent du IIe siècle. La statuaire se rapproche de l'art bouddhique jusqu'à la confusion; les poses des Djinas et des Bouddhas sont identiques; ils ont les jambes croisées, les cheveux frisés, l'expression contemplative. 

L'architecture au contraire est nettement caractérisée par un trait distinctif : elle ne rappelle jamais les procédés de l'architecture en bois que le bouddhisme s'est appliqué à reproduire en pierre. Le plan du temple est presque constant dans ses grandes lignes; l'objet principal est une chapelle éclairée par la porte et qui abrite la statue d'un Djina; la chapelle se termine en sikra; on désigne ainsi un toit en pain de sucre commun aux temples hindous et djaïnas du Nord. A la chapelle se rattache un portique d'étendue souvent considérable et presque toujours surmonté par un dôme reposant sur un grand nombre de piliers croisés ornés chacun d'une décoration particulière. L'ensemble est enclos dans une cour oblongue qu'entoure une double colonnade de piliers plus petits formant portique à une rangée de chapelles en réduction qui contiennent chacune la même image répétée à de multiples exemplaires. Le dôme horizontal et les piliers légers autant qu'élégants donnent aux temples djaïnas une ressemblance intime avec l'art arabe; en fait, les musulmans n'ont eu souvent qu'à les remanier pour les transformer en mosquées; les belles mosquées d'Ajmir, de Delhi, de Canoge, de Dhar, d'Ahmedabad sont des temples djaïnas désaffectés.

L'âge classique de l'architecture djaïna finit au XIIIe siècle; la décadence commence alors. Le style moderne forme deux divisions géographiques; l'art du Nord a subi l'influence musulmane; il remplace le sikra hindou par le dôme en bulbe des Arabes, et sacrifie au pittoresque la pureté et l'élégance. L'art du Sud se subdivise en deux types  : les bastis et les bettus. Les bastis sont des temples avec une image sacrée comme ceux du Nord ; le principal groupe se trouve à Sravana Belgola, dans le Mysore. Le style en est dravidien : les constructions s'étagent en pyramides tronquées, ornées chacune de chapelles simulées; le couronnement en sikra a disparu; le mur extérieur est décoré de pilastres et couronné de chapelles ornementales. Dans le Canara on trouve des bastis qui dérivent certainement de modèles en bois; l'imitation se marque dans les piliers massifs et dans le toit à arêtes en pyramide comme dans les temples népalais. Les bettus sont des cours à ciel ouvert avec, au centre, une image colossale : une de ces statues, à Sravana Belgola, mesure 70 pieds; une autre à Karkala 41 pieds. Elles représentent en général un personnage célèbre dans les légendes méridionales, mais inconnu aux djaïnas du Nord : Gomala Râdja. Les djaïnas ont aussi creusé des temples dans le roc, à l'imitation des bouddhistes et des Hindous, mais sans y témoigner d'originalité. On en trouve à Khandagiri dans l'Orissa, à Ellora, et à Badami dans le Dekkan.

Un plagiat du bouddhisme?
Le djaïnisme présentait trop d'analogies et de coïncidences avec le bouddhisme pour échapper au soupçon de plagiat. Les maîtres les plus illustres de l'indianisme, Colebrooke, Wilson, Lassen, n'ont pas hésité à le considérer comme une secte bouddhique détachée après la mort de son fondateur, et leur opinion sera encore soutenue avec éclat par Weber et Barth. Les charges qui pèsent sur le djaïnisme ont été résumées par Lassen en quatre chefs d'accusation : 

1° Les djaïnas décernent à leur maître les titres en usage chez les bouddhistes : les noms de Djina, d'Arhat, de Mahâvira, de Sarvadjña, de Tathàgata, de Sougata, Bouddha, Moukta, Parinirvrita sont les épithètes de Sâkyamouni aussi bien que de Vardhamâna. Sans doute, et d'autres maîtres encore les ont reçus et portés; les anciens ouvrages brahmaniques les appliquent aussi à des docteurs orthodoxes. C'étaient là des titres honorifiques en usage dans les écoles, et que chaque secte pouvait s'approprier; chacune puisait dans ce formulaire et y faisait un choix à son goût. La valeur même en chan geait à l'occasion : le titre de Tirthankara, appliqué aux Djinas par leurs adorateurs, désigne chez les bouddhistes les docteurs hérétiques.

2° Les deux religions adressent à des mortels un culte divin et leur érigent des statues. Le djaïnisme et le bouddhisme ont également dévié en effet de leur sorte d'athéisme primitif sous l'influence des mêmes causes; les laïques y ont faussé la doctrine et l'ont abaissée pour la ramener à leur niveau.

3° Les djaïnas et les bouddhistes comptent le temps par périodes énormes. La brahmanisme avait donné l'exemple; les deux hérésies se piquèrent de renchérir et grossirent à l'envi les nombres démesurés de leur modèle commun.

4° le Bouddha et le Djina interdisent avec une égale rigueur de faire le mal. Le djaïnisme a sur ce point dépassé le bouddhisme; il a presque exagéré la vertu; il a pris la défense et la protection des animaux presque pour son oeuvre essentielle. Il y a réussi d'ailleurs avec un succès singulier; le contact et l'influence des djaïnas font disparaître les sacrifices sanglants de l'hindouïsme autour d'eux. Mais l'ahimsâ n'est pas une innovation djaïna; le brahmanisme la prescrivait à l'ascète, et c'est à lui que ses deux rivaux ont emprunté leur code de morale. Les cinq grands voeux du djaïnisme et les dix vertus cardinales du bouddhisme reproduisent les cinq voeux des ascètes brahmaniques. Les coïncidences des deux doctrines s'expliquent ainsi par l'imitation ou la copie d'un modèle commun. Les divergences au contraire sont irréductibles, et de plus elles portent sur des dogmes fondamentaux. 

Tandis que les bouddhistes regardent l'individu comme un simple agrégat de rencontre, sans personnalité durable, le djaïnisme admet l'existence des âmes, comme les systèmes brahmaniques ; il va même plus loin qu'eux, jusqu'à mettre une âme dans la matière brute. Le retour périodique des sauveurs est une idée brahmanique : les descentes successives des Djinas et des Bouddhas répondent aux avatars. Les djaïnas en comptent vingt-quatre, les bouddhistes vingt-cinq. Les deux chiffres se ressemblent trop pour être indépendants, mais un principe général de critique prescrit de regarder le chiffre le plus élevé comme un renchérissement postérieur; venus les derniers, les djaïnas auraient eu soin d'ajouter au nombre bouddhique une unité pour se ménager une apparence factice d'antiquité relative. 

Les multiples ressemblances entre la vie du Djina et la vie du Bouddha, s'expliquent naturellement ; elles étaient inévitables. Venus à la même époque, dans la même province, dans le même état, vivant dans la même condition, leur biographie n'admettait guère de variété. Des légendes puisées au même fonds se sont adaptées sans effort à des récits identiques. On a reproché aux djaïnas de savoir trop sur leur passé lointain, et de conserver des souvenirs trop singuliers; le préjugé qui dénie à l'Inde le sentiment de l'histoire a failli nuire aux djaïnas. Cependant les ouvrages bouddhiques qui jouissent sans discussion d'une autorité parfois imméritée confirment, contre leur propre intérêt,. la tradition de leurs rivaux. Ils connaissent une secte hostile au Bouddha, les Nirgranthas, qui ont pour chef Nâtapoutta, forme vulgaire du mot Djñâtripoutra qui désigne le Djina Mahâvîra; ils l'opposent au Bouddha comme un adversaire redoutable malgré ses constantes défaites; ils lui attribuent les opinions qui caractérisent le djaïnisme, par exemple la doctrine de l'activité inhérente aux âmes, etc. Ils racontent enfin sa mort, avant le Nirvâna du Bouddha, à Pâva, le lieu même où meurt le Djina. 

On a pu même par réac tion contre les idées reçues aller jusqu'à énoncer comme une hypothèse vraisemblable que le Bouddha Gotama (Gautama) était en réalité un disciple infidèle de Mahâvira, identique au mystérieux Indrabhoûti Gotama qui joue un rôle si éclatant dans la suite du Djina, et qui disparaît brusquement des récits traditionnels après la mort du maître. Trois siècles plus tard, Ashoka mentionne les Nirgranthas parmi les communautés que surveillent les inspecteurs des cultes; vers le milieu du IIe siècle av. J.-C., une inscription de l'Orissa commémore la fondation d'un temple et l'érection d'une statue en l'honneur du Djina. Enfin les inscriptions trauvées à Mathourâ et contemporaines des rois indo-scythes) montrent un jaïnisme savamment organisé en communautés et en paroisses, et prouvent avec éclat l'authenticité de la tradition fixée dans le canon. 

Peut-être les Gymnosophistes placés par Ptolémée auprès de Mathourâ désignent-ils les établissements djaïnas alors abondants en cette région. Le djaïnisme traverse ainsi l'histoire de l'Inde sans laisser de traces  continues; on ne le suit qu'à des indices épars. La chronique bouddhiste de Ceylan mentionne la construction dans l'île de deux temples djaïna au IIe siècle après Bouddha : le djaïnisme faisait effort déjà pour se répandre hors de l'Inde. Ses propres traditions rapportent la conversion d'une île située dans l'Océan, et nommée Djaïnabhadri; l'empereur Akbar passe même chez les Djaïnas pour avoir été converti par le patriarche Hiravidjaya, la tolérance bienveillante d'Akbar permettant à toutes les religions de le revendiquer. Le djaïnisme persistera longtemps dans cette la lutte; en 1874, la conversion d'un musulman à Ahmedabad a été célébrée comme un triomphe de la foi. 

En résumé le djaïnisme, ou simple réforme d'une doctrine plus ancienne, ou création originale, est sorti du mouvement philosophique qui a également donné naissance au bouddhisme, pendant le cours du VIe siècle av. J.-C. Brisant les cadres étroits du brahmanisme, il a prétendu doter l'humanité entière des enseignements et des vertus réservés jusqu'alors aux plus sublimes ascètes et fixer sur la Terre le règne de la justice et de la bonté. Mais sa morale et ses dogmes étaient trop inspirés des idées indiennes pour être compris du monde entier; tandis que le bouddhisme débordàit sur l'Asie entière, le djaïnisme se cantonnait bon gré mal gré en Inde. C'est sa faiblesse même qui l'a préservé; tandis que le bouddhisme fuyait devant l'hindouisme triomphant ou s'absorbait en lui, le djaïnisme continuait sa vie paisible et médiocre, assez voisin des cultes orthodoxes pour vivre en paix avec eux, assez distinct pour conserver son individualité. La djaïnisme au fond n'était, comme les autres religions de l'Inde, qu'une forme légèrement altérée du brahmanisme avec des divergences purement philosophiques, une école plus encore qu'une secte. Dans la pratique, tous les cultes se ressemblaient jusqu'à se confondre aux yeux d'un étranger. il faut se garder, pour le comprendre, de subir l'illusion des mots : l'Inde à proprement parler n'a jamais eu qu'une religion, le brahmanisme (Sylvain Lévi).

.


Dictionnaire Religions, mythes, symboles
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004 - Reproduction interdite.