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Yôga est
le nom de l'un des six Darsana (systèmes
classiques et orthodoxes) de philosophie
indienne. Le mot yôga en sanscrit signifie à la fois «-union-»,
« connexion» et « application ». Sous sa forme actuelle, c'est une
doctrine de l' « union » mystique
avec le Dieu
personnel (le Seigneur), au moyen de la méditation, de la concentration
de la pensée.
Il est impossible de faire une histoire
exacte de la philosophie yoga. On ne la rencontre pas vraiment formulée
dans les premiers monuments de la pensée hindoue, les anciennes
Upanishads;
on ne retrouve, dans ces textes, que certains éléments du système futur,
par exemple la théorie des exercices mystiques.
Mais cette philosophie a certainement influencé le bouddhisme
et le jaïnisme
dès une époque très reculée. Elle joue un grand rôle dans l'épopée
et dans les livres de loi sanscrits. Il est rationnel de penser qu'au IIe
siècle avant notre ère, elle avait une importance déjà ancienne. Le
texte capital de l'école est le Sûtra de Patanjali. Cet auteur,
selon les Hindous, serait aussi le fameux grammairien que nous savons avoir
vécu à cette époque. Cette tradition semble fort acceptable.
Le système du yoga,
tel que décrit par Patanjali, se compose de huit membres, également appelés
Ashtanga
Yoga :
Yama (les
observances sociales)
Niyama (les observances
personnelles)
Asana (les postures
physiques)
Pranayama (le contrôle
du souffle)
Pratyahara (le retrait
des sens)
Dharana (la concentration)
Dhyana (la méditation)
Samadhi (l'absorption,
l'union)
Ces membres offrent
un guide complet pour la vie, la discipline personnelle et le développement
spirituel. Les Yamas et les Niyamas, les deux premiers membres du yoga,
en particulier, établissent des principes éthiques et moraux qui guident
la vie quotidienne. Ils incluent des directives sur l'honnêteté, la non-violence,
la pureté, le contentement, la discipline, l'étude de soi, etc.
Le yôga a pris une place considérable
dans la pensée hindoue. Non seulement on retrouve sa marque dans le bouddhisme
ancien, mais encore il entre pour une grande part dans la formation de
l'école bouddhiste du Mahâyana, si florissante dans l'Asie du Nord.
Dans l'Inde même, le brahmanisme
classique et mystique (Purânas,
Tantras)
est imprégné de lui. Al-Biruni, le voyageur
arabe, en a traduit des extraits. Il a peut-être été connu des Alexandrins,
des Gnostiques, du soufisme.
En tout cas, le spiritisme
européen est en relations avec les ascètes
adeptes du Yoga.
En principe, le Yoga est et a été considéré
comme un annexe de la philosophie Sânkhya. Comme
elle, il proclame la dualité de l'esprit et de
la matière, la supériorité du premier et la
nécessité de le délivrer du malheur. De là le but du Yoga. Il tend
à supprimer les « fonctions » de l'esprit, à le détacher du corps,
en suspendant les «-souffles », la vie animale
et sensorielle, le défilé des états de conscience.
La fin suprême, c'est un état d' « isolation absolue », de pensée
pure et de « méditation » sans fond, sans dédoublement, sans conscience.
Cet état succède à divers autres, et en particulier à un état où
l'esprit s'abîme déjà dans la pensée tout en restant conscient. C'est
en somme un état d'hypnose on de catalepsie, d'extase proprement dite.
La nature des moyens qui permettent d'y
atteindre prouve surabondamment ce caractère. Ces moyens, ce sont les
« pratiques » du Yoga ; elles ont pour but de réaliser progressivement
une absolue et pure intellectualité: soins donnés à la pureté des corps
et des moeurs; station assise et immobile; rétention de la respiration;
occlusion des organes des sens; application de l'esprit à des objets uniques:
méditation contemplative. L'obtention de l'extase procure à l'ascète
(yogin) des pouvoirs magiques considérables, pouvoir sur les esprits,
sur les corps, connaissance des vies antérieures
(Metempsycose),
du passé, du futur, mobilité spirituelle, etc.
La théorie théiste,
qui fait maintenant partie intégrante du système, semble lui avoir été,
originairement, étrangère. Elle est, en tout cas, surérogatoire. Le
Yoga se définit lui-même comme étant « la suppression du fonctionnement
de la pensée » (Yogasûtra, l, 2). Il a dû être une mystique
pure. En fait, la notion d'un Dieu personnel est contradictoire à la théorie
du Sânkhya qui n'admet qu'une âme
universelle, et dont notre philosophie dépend. C'est probablement une
addition orthodoxe, datant de la rédaction brahmanique des Sûtras.
(M. Mauss). |
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