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Un théâtre (du grec théatron, dérivé de théaomai = je regarde) est un édifice destiné aux représentations scéniques. Par extension, le nom de théâtre désigne l'ensemble des ouvrages dramatiques composés par un auteur (le théâtre de Corneille, le théâtre de Racine, etc.), ou qui figurent dans une littérature complète (le théâtre grec, le théâtre espagnol, etc.). Au point de vue de l'architecture, les théâtres ont été, après les temples, les monuments les plus remarquables des Grecs et des Romains en grandeur et en magnificence. Les théâtres antiques. Les théâtres furent longtemps de bois: le premier théâtre de pierre fut construit à Athènes au temps d'Eschyle (70e olympiade, 500 ans av. J.-C.) sous le nom de Théâtre de Dionysos, après l'écroulement des anciens gradins de bois. Les théâtres qui furent élevés plus tard ne s'éloignèrent pas beaucoup des dispositions adoptées ici. On choisissait pour emplacement la pente de la colline qui dans toutes les villes grecques, portait le nom d'Acropole; dans ce terrain, le plus souvent rocheux, étaient taillés les gradins, que l'on complétait au besoin par des blocs de rapport et par de la maçonnerie; ces gradins formaient un amphithéâtre demi-circulaire, d'où les spectateurs jouissaient ordinairement d'un horizon étendu. Le dernier gradin vers le bas dessinait ainsi une aire en demi-cercle, dans laquelle s'élevait l'autel. Cette aire portait le nom d'orchestre, parce que c'était là que le choeur exécutait en chantant les mouvements cadencés de la strophe et de l'antistrophe qui formaient une sorte de danse (orchésis). On voit, par les grandes ruines de théâtres qui existent encore en Crète et en Asie Mineure que les mouvements du choeur étaient indépendants de ceux de la scène, et que des deux côtés de l'orchestre il y avait un passage qui lui permettait d'entrer et de sortir librement, selon les nécessités de l'action. Le front de la scène s'élevait en ligne droite devant l'hémicycle, à une petite hauteur au-dessus de l'orchestre. Quand l'usage du rideau se fut introduit, on le logea dans une rainure le long de cette rampe, et c'est là qu'il restait pendant la représentation : on disait donc baisser le rideau dans le même sens où nous disons lever le rideau. La scène formait en face des gradins une construction quelquefois très considérable, et généralement composée de trois corps de bâtiments : celui du fond, qui portait le nom d'épiscénion, et ceux des côtés, qui étaient les ailes. Ces bâtiments étaient destinés à contenir la matériel du théâtre, les machines, les costumes, les masques, et à servir de vestiaires et de retraite aux acteurs pendant les représentations; ils remplissaient donc le rôle de garde-meuble et de coulisses. C'est devant ces façades intérieures que l'on dressait an besoin les décorations mobiles appropriées au sujet de chaque pièce; c'est entre elles que descendaient à ciel ouvert les dieux et les êtres aériens que l'on faisait souvent apparaître; l'art du machiniste consistait surtout à dissimuler les moyens de suspension qu'il employait. La surface scénique comprise entre l'épiscénium et les ailes était généralement très étroite eu égard à sa longueur. Comme il paraissait rarement sur la scène beaucoup de personnages à la fois, et qu'on n'y voyait guère des peuples entiers ou des armées, chacun des acteurs sortait à son tour de l'une des ailes et rentrait dans l'autre. Face à face, et occupés de leur propre action, ils n'avaient pas sans cesse le visage tourné vers les spectateurs; On les voyait le plus souvent de profil, disposés de manière à ne pas se cacher les uns les autres; et ils ressemblaient ainsi à une suite de bas-reliefs se dessinant sur la façade de l'épiscénium. Le choeur n'étant point sur la scène, mais à l'orchestre, une faible profondeur de scène suffisait toujours, même dans les plus grands théâtres. D'ailleurs, cette disposition nous prouve que les décors ne pouvaient qu'être mis à plat contre les bâtiments de la scène, et qu'ainsi les théâtres grecs ne pouvaient offrir ces plans nombreux et ces effets de perspective obtenus aujourd'hui par les coulisses et les échafaudages. Du reste, les gradins supérieurs étaient assez élevés pour atteindre au niveau des constructions scéniques, et apercevoir au delà les montagnes et les horizons lointains. Comme les représentations se faisaient en plein jour, le paysage naturel servait de décor au fond de la scène. Aucune toiture, aucun abri ne couvrait les spectateurs et ne leur dérobait la vue du ciel. La commodité du spectateur était entendue tout autrement qu'aujourd'hui. Car, s'ils étaient exposés à la chaleur du jour, ils avaient le plein air pour en tempérer la rigueur. Ils étaient assis sur la pierre; mais celle-ci était taillée suivant des plans bien conçus, comme on le voit au théâtre d'Epidaure, oeuvre de Polyclète. La circulation se faisait aisément par les chemins qui montaient de l'orchestre aux gradins les plus élevés. Et le spectateur pouvait en outre prendre le frais sous une colonnade qui, le plus souvent, régnait au haut de l'amphithéâtre, d'une aile à l'autre. L'illusion scénique semble également avoir été entendue tout autrement que chez nous; en effet, d'une part, il n'est pas croyable que les décorateurs aient poursuivi une représentation pour ainsi dire servile de la nature, laquelle ont été à peine possible sous la lumière du Soleil; ils ont dû, par conséquent, s'en tenir à de certaines conventions qui leur permettaient de simplifier leurs moyens et leurs ressorts. D'un autre côté, l'esprit artiste des Grecs n'eût jamais souffert qu'un acteur vint, avec sa figure, représenter sur la scène un dieu, un héros, ou un être idéal; on comprend, en effet, qu'il eût paru fort déplacé au milieu d'objets qui avaient un sens trop étendu et trop général pour que sa personne pût se rencontrer parmi eux; enfin comprend-on qu'un peuple réellement artiste eût supporté, au milieu d'événements divins et sous un costume héroïque ou même céleste, Ie visage d'un homme que l'on rencontrait chaque jour dans la rue? Les dimensions des théâtres antiques imposaient aux poètes et aux acteurs les mêmes nécessités. Celles de nos théâtres modernes n'en donnent qu'une très faible idée. Non seulement on ne voyait aucune construction ou garniture analogue à nos loges et à nos galeries, mais la commode disposition du théâtre en gradins concentriques permettait à la fois de loger le plus grand nombre possible de spectateurs sur un espace donné, et d'étendre vers le haut cet espace à fort peu de frais. Ainsi, les gradins du théâtre de Dionysos à Athènes pouvaient contenir 30 000 spectateurs; ceux d'Epidaure avaient 146 m de diamètre; ceux de la petite ville de Sicyone, 130 m, ceux d'Éphèse, 214 m, et pouvaient contenir 150 000 spectateus. La voix de l'acteur, amplifiée par le masque, renvoyée par les constructions de la scène, et concentrée par la galerie supérieure, devait remplir cette immense enceinte; la forme évasée que présentait l'ensemble des gradins était très heureuse pour l'acoustique, à laquelle, d'ailleurs, nous savons que le plein air ne faisait aucunement obstacle. Le grand nombre des spectateurs et les vastes dimensions qu'il imposait aux théâtres avaient plusieurs causes chez les Grecs : d'abord, les représentations dramatiques faisaient partie d'une fête religieuse, et étaient un usage sacré auquel l'art des poètes donna une puissance nouvelle sur les esprits; en second lieu, ces représentations étaient rares dans l'année et non quotidiennes comme chez nous, ce qui nécessairement devait attirer un grand nombre de personnes, préparées d'ailleurs par leur éducation à comprendre même les chefs-d'oeuvre de l'art le plus élevé; enfin l'entrée au théâtre était gratuite, et permise aux hommes de toute condition. Cette institution des théâtres, dont les villes faisaient les frais, était donc entièrement démocratique. Elle ne l'a jamais été chez les modernes, et il est même à remarquer que les nouveaux théâtres construits chez nous éloignent de plus en plus par le prix des places les personnes que leur fortune trop médiocre retient chez elles; l'argent règne au théâtre. Les Grecs seuls, et, parmi eux, les peuples ioniens, les Athéniens surtout avec leurs colonies, ont su faire des théâtres de vrais établissements démocratiques : ce caractère est imprimé à toute l'architecture des théâtres de la Grèce, aussi bien qu'aux oeuvres de ses poètes dramatiques. Italie. Le théâtre romain de Sabratha, en Libye. Il a été restauré dans les années 1920-1930. Source : The World Factbook. Les odéons et les amphithéâtres. L'amphithéâtre romain, entièrement inconnu des Grecs, n'est au fond qu'un théâtre où les épiscénia ont été supprimés avec la scène même, ce qui a permis de doubler les gradins et d'en former une enceinte unique et continue, presque toujours ovale, et où l'orchestre également doublé s'est trouvé transformé en arène on espace sablé; et comme il n'était guère possible d'adosser un tel édifice à une colline, on l'éleva de toutes pièces sur un terrain plat, avec cet art des constructions voûtées qui, dans les ruines romaines, fait encore l'admiration des modernes. (Em. B.). Théâtres modernes. Le XVIIe siècle. En France, ce ne fut guère qu'au XVIIe siècle que l'on bâtit des théâtres durables. Un des premiers et des plus importants fut le théâtre construit dans Ie Palais-Royal par ordre du cardinal de Richelieu : l'intérieur de la salle consistait en 27 gradins et 2 rangs de loges; la noblesse occupent les banquettes sur les côtés et l'avant scène; dans les gradins, les femmes de la cour se faisaient apporter des fauteuils ou des chaises; au parterre, on restait debout. Les autres salles ont dû présenter à peu près les mêmes dispositions. Les représentations n'avaient encore lieu alors que pendant le jour : les ordonnances de police prescrivaient de finir les spectacles, en hiver, à quatre heures et demie. Louis XIV fit construire aux Tuileries, par l'architecte italien Gaspard Vigarani, une salle de style composite qui occupait toute la largeur du pavillon Marsan. La scène avait 44 m de profondeur, 10,66 m d'ouverture, et 11,33 m de hauteur; le dessus, pour la retraite des décorations, était de 12,33 m, et le dessous de 5 m. La partie livrée aux spectateurs avait 16,33 m de largeur, sur 31 m de profondeur; la hauteur du parterre à la voûte était de 16,33 m. Quand on donna les représentations le soir, il fallut éclairer les salles de spectacle : de là l'emploi du lustre. On éclaira également la rampe, et tout d'abord avec des chandelles, car la salle de l'Odéon, à Paris, fut la première où l'on employa des lampes ou quinquets en 1784. La nouvelle géométrie des théâtres. Après bien des tâtonnements et des expériences, il a été reconnu que la meilleure forme pour les théâtres modernes est la forme elliptique. Tout spectateur, en se rendant au spectacle, se propose d'entendre et de voir; or, l'ellipse est la courbe la plus favorable à la libre circulation du son, et la disposition des loges et des galeries sur cette courba est la plus avantageuse pour unir sur la scène. Si, après avoir fixé les deux foyers de l'ellipse, on tire une ligne parallèle au petit diamètre et au quart de la longueur du grand, la longueur de cette ligne donne exactement les meilleures proportions de l'ouverture de l'avant-scène. Si l'on tire au delà de l'avant-scène une ligne parallèle au petit diamètre de l'ellipse et au huitième de la longueur totale du grand diamètre, si l'on tire ensuite deux lignes des extrémités du petit diamètre et passant aux extrémités de la ligne parallèle, le point d'intersection de ces deux lignes obliques donne celui de la profondeur nécessaire du théâtre, tant sous le rapport des rayons visuels que sous celui des lignes acoustiques. Il n'est guère possible, pour que les acteurs soient entendus, de donner plus de 25 m à la salle, depuis l'avant-scène jusqu'au fond des loges du point opposé. Pour que des places latérales les plus élevées les spectateurs puissent voir convenablement sur la scène, il faut que le rang de loges ou de galerie le pluss élevé de la salle ne surpasse pas en hauteur les deux tiers de la longueur totale de cette salle. C'est d'après ces principes qu'ont été construits beaucoup de théâtres italiens, qui peuvent servir de modèles, tels que : l'ancien théâtre de Fano, bâti sur les dessins de Torelli; celui de Mantoue, dû à Galli da Bibiena; celui d'Imola, oeuvre de Cosme Morelli; le théâtre San-Benedetto à Venise, et la salle Argentina, à Rome, que le comte Teodoli a faite sur le même modèle; le grand théâtre de la Fenice, à Venise, construit par Selva; celui de la Scala, à Milan, par Piermarini; le théâtre de Parme, par Bettoli, etc. Les avantages de la forme elliptique étant connus, il en résulte que le plafond d'une salle de spectacle, surtout d'une salle d'opéra, doit être tracé sur une courbe elliptique, qu'il faut se garder d'interrompre par une ouverture au centre, comme on le fait sous prétexte de favoriser le renouvellement de l'air dans la salle : avec cette forme, il favorise autant que possible la circulation du son. Par suite, le plafond doit offrir une surface plane, nue pour ainsi dire, dépouillée de ces compartiments et autres fantaisies architecturales qui n'ont d'autre effet que de dénaturer la masse du son, de la disperser, et de donner aux voix un caractère différent en divers points de la salle. II est encore une forme que l'on peut donner aux théâtres avec avantage : c'est celle du cercle, tronqué vers le quart par l'ouverture du proscenium, et au cinquième par celle du rideau. Elle a été adoptée complètement ou à peu près au théâtre Saint Charles de Naples; au théâtre de Bordeaux, construit par Louis; au Théâtre Français de Paris, ouvrage du même architecte, mais où l'on a un peu perdu de la propriété du cercle par une trop grande élévation intérieure; dans la même capitale, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, par Lenoir; au théâtre des Variétés, par Cellerier; au théâtre de l'Opéra, rue Le Peletier, par Debret. On a fait à Londres un essai bizarre, et sans succès, celui d'une salle en forme de porte-voix, dont la partie la plus resserrée est vers la scène : si cette disposition a pu être déterminée par des raisons d'acoustique, elle privait entièrement des propriétés de l'optique les parties latérales de la salle. Ce théâtre a présenté une autre innovation, qui était toute une révolution dans le système d'éclairage des salles : l'énorme lustre qui intercepte la vue à un certain nombre de spectateurs des galeries supérieures, et d'où se dégageait, surtout depuis l'emploi du gaz, une chaleur suffocante, a été supprimé; le plafond de la salle est formé par un immense verre ovale, dépoli et ciselé, au-dessus duquel furent concentrés de nombreux becs de gaz, et la lumière arrivait en quelque sorte tamisée et singulièrement adoucie. Ce système d'éclairage fut encore adopté au Théâtre-Lyrique de la place du Châtelet; du même artiste, ainsi qu'au théâtre de la Gaîté, sur le square des Arts et Métiers, l'un et l'autre construits aussi en 1862. Au théâtre de la Gaîté, l'architecte, a introduit quelques modifications heureuses : la décoration du plafond a la forme d'une véla disposée en panneaux; au centre est un grand cercle, rempli par une sorte de cul-de-lampe en verre dépoli et en cristaux, et fixé un peu en contre-bas du plafond, de sorte que la lumière se projettait mieux dans la salle. Elément de la façade du Théâtre de la Gaîté, à Paris. (© Photo : Serge Jodra, 2009). L'acoustique. La difficulté de disposer convenablement l'orchestre pour la bonne résonance est assez grande. S'il est trop bas à l'égard de la scène, il devient sourd, et ne forme point un tout homogène avec les voix; s'il est assez élevé pour l'effet musical, il devient un obstacle à la vue des spectateurs les plus rapprochés de la scène. La meilleure position, sous le rapport de l'homogénéité des sons, est celle où l'extrémité du plancher de l'orchestre opposée à la scène forme avec le plancher de avant-scène un angle d'environ 25 degrés : mais il n'est possible d'élever autant l'orchestre qu'en donnant aussi beaucoup d'élévation su fond du parterre, afin d'obtenir une pente douce qui permette aux spectateurs les plus voisins de l'orchestre de voir la scène sans obstacle. (B.). |
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