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Vishnu,
Vishnou, ou Vichnou, dieu hindou, deuxième personne de la
Trimourti (Trinité
des Hindous). C'est une divinité douce,
bienfaisante et conservatrice. Il est le premier être qui sorte du sein
de la mer primordiale, et alors on le nomme Narayana
(celui qui se meut sur les eaux); de son nombril sort un lotus qui porte
les deux autres personnes de la trimourti, Brahmâ
et Shiva. Il dort et flotte sur les eaux dans
l'intervalle des Kalpas ou destructions du monde; on le représente alors
couché, sous la forme d'un enfant, sur le grand serpent
Ananta ou Adisécha, dont les replis l'environnent en forme de lit, et
dont les cent têtes s'élèvent et se recourbent au-dessus de lui pour
lui faire une sorte de dais; ce groupe flotte à la surface des eaux dont
la terre est couverte. D'autrefois il est porté sur l'oiseau Garouda;
la jeunesse et la vigueur se dessinent dans tout son extérieur; son teint
est noir ou bleu foncé, et ses vêtements sont jaunes; il a quatre bras
et quatre mains; de l'une il tient une massue; de l'autre, le tchakra magique
ou disque tranchant; de la troisième, une conque, et de la quatrième,
un lotus; sa tête est ornée d'une magnifique couronne à triple étage.
Vishnou habite le Vaikountha, séjour délicieux
au Sud du mont Mérou; il y siège sur un trône
aussi brillant que le soleil à son midi, entouré de lotus; à sa droite
est la belle Lakshmi, sa céleste épouse. Tous
les saints personnages, assemblés autour de lui, chantent ses louanges
ou méditent sur ses formes divines.
Vishnou est l'emblème de la nature; c'est
pourquoi on le représente comme endormi, pendant la saison des pluies,
qui dure depuis le milieu de juin jusqu'au milieu d'octobre; et ses dévots
sectateurs se livrent à des oeuvres méritoires le jour de son sommeil
supposé et celui de son réveil.
La fonction spéciale de ce dieu est de
sauver et de conserver; les autres dieux, sans en excepter Brahmâ
lui-même, ont souvent eu besoin de son secours pour être délivrés des
périls qui les menaçaient. En sa qualité de conservateur, il s'est vu
obligé de prendre différentes formes, que les Indiens désignent sous
le nom d'avatars, descentes, et que l'on
traduit souvent par incarnations. Si l'on réunissait toutes les traditions
et les légendes qui ont cours en Inde, on compterait des centaines d'avatars;
néanmoins on en signale dix principales; c'est pourquoi on l'appelle le
dieu, aux dix formes.
1° Il apparut d'abord sous la
forme d'un poisson (Matsya), pour rapporter
du fond de la mer des Védas qui y étaient restés après un de ces déluges
périodiques qui détruisent
le monde.
2° Il prit la forme d'une tortue (Kourma)
pour soutenir sur son dos la terre nouvellement créée; d'autres disent
pour empêcher le mont Mandara de s'abîmer dans la mer.
3° Sous la forme de sanglier (Varaha),
il plongea dans les eaux sous lesquelles le globe était submergé,
et l'éleva sur une de ses dé,
fenses.-
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Varaha,
troisième incarnation de Vishnou. (Pallava, Sud de l'Inde, IXe
s.)
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Narasimha,
quatrième incarnation de Vishnou. (Sud de l'Inde, XIXe
s). |
Photos
: © Serge Jodra, 2011.
4° Sous la figure d'un être
moitié homme et moitié lion (Narasimha),
il punit l'impiété du géant Hiranyakasipou, qui persécutait les dieux,
et même son propre fils, coupable seulement de sa foi en la puissance
de Vishnou.
5° Vishnou se fit nain
(Vamana) pour confondre Bali, descendant du même
Hiranya-Kasipou; il grandit tout à coup et remplit les trois mondes.
Ces cinq incarnations sont purement mythologiques;
les suivantes sont en partie historiques; elles sont fondées sur des traditions
relatives à des personnages qui ont réellement existé; ou bien elles
sont la personnification de grands événements arrivés dans la société
indienne.
6° Dans la sixième incarnation,
Vishnou apparut sous la forme terrible de Parasou-Rama pour humilier et
détruire la descendance dégé
nérée des Kchatriyas.
7° Presque à la même époque (car le
dieu peut, paraître à la fois sous des formes diverses), Vishnou vint,
dans la personne de Rama-Chandra, pour châtier l'insolence du géant Ravana,
et conquit l'île de Sri Lanka.
8° Le troisième Rama,
appelé Bala-Rama, et fils de Daçaratha, radjah d'Ayodhia ou Aoude
(dont les aventures sont le sujet du Ramayana)
est compté comme le huitième avatar de Vishnou,
qui, sous ce nom, descendit sur la terre pour détruire le géant Pralamba.
Cependant, comme ce Bala-Rama était le frère et le compagnon d'armes
de Krishna, célèbre avatar du même dieu,
quelques mythologues comptent Krishna pour le huitième avatar; alors ils
mettent pour le neuvième une prétendue incarnation de Vishnou en Bouddha,
qui, cette fois, serait venu sur la terre tout exprès pour tromper les
humains et les induire en erreur, en provoquant un schisme formidable.
9° Le plus célèbre et le plus populaire
avatar de Vishnou est Krishna;
ce n'est plus seulement, disent les Hindous, une incarnation de Vishnou,
c'est Vishnou lui-même; Krishna est véritablement l'Homme-Dieu.
10° La dixième incarnation est encore
à venir. A la fin des temps, Vishnou sera le cheval
exterminateur Kalki, qui d'un coup de pied réduira le globe en poudre.
Le dieu subit encore une multitude d'autres
transformations; ou plutôt ses adorateurs
prétendent le voir dans la substance
réputée la plus excellente de tous les ordres de la
nature. C'est en ce sens qu'on lit dans
le Bhagavata le passage suivant :
Un jour
le pénitent Ardjouna ayant invoqué Vishnou avec ferveur et dévotion,
et l'ayant prié de se faire connaître à lui, ce dieu puissant, qui a
daigné se manifester aux humains sous toute sorte de formes, lui répondit
ainsi : Voici, Ardjouna, quels sont les êtres sous la forme desquels tu
dois surtout m'invoquer et reconnaître une partie de mon essence divine-:
Dans la
prière, je suis le Gayatri.
Dans la parole,
je suis le mor Om.
Parmi les dieux,
je suis Indra.
Parmi les astres,
je suis le Soleil.
Parmi les montagnes,
je suis le mont Mérou.
Parmi les Roudras,
je suis Tchakra.
Parmi les riches,
je suis Kouvéra.
Parmi les éléments,
je suis le Feu.
Parmi les Pourohitas,
je suis Vrihaspati.
Parmi les généraux
d'armée, je suis Kartikéya.
Parmi les pénitents,
je suis Bhrigou.
Parmi les sages,
je suis le saint mouni Kapila.
Parmi les Gandharvas,
je suis Tchitraratha.
Parmi les armes,
je suis la Foudre.
Parmi les oiseaux,
je suis Garouda.
Parmi les éléphants,
je suis Airavata.
Parmi les vaches,
je suis Kamadhénou.
Parmi les singes,
je suis Hanouman.
Parmi les serpents,
je suis Ananta.
Parmi les eaux,
je suis la Mer.
Parmi les fleuves,
je suis le Gange.
Parmi les arbres,
je suis l'Aswattha.
Parmi les arbrisseaux,
je suis le Toulasi.
Parmi les herbes,
je suis le Darbha.
Parmi les pierres,
je suis le Salagrama.
Parmi les géants,
je suis Pralhada.
Parmi les mansions
lunaires, je suis le Mrigasira.
Parmi les sciences,
je suis le Sama-Véda.
Enfin je suis l'âme
de tout ce qui existe,
et je me trouve
répandu partout.
On donne à Vishnou mille noms différents,
que ses adorateurs récitent chaque jour sur un chapelet composé d'un
certain nombre de grains. Les principaux sont Narayana, porté sur les
eaux; Djalasayi, dormant sur les eaux; Hari, le noir; Sripati, seigneur
de Sri ou Lakshmi; Padmanabha, qui a un lotus
dans l'ombilic, etc.
Vishnou est l'objet de l'adoration et du
culte spécial de la majeure partie des Hindous, surtout des Brahmanes
dont il est la divinité favorite; parmi le peuple, il est spécialement
honoré dans son incarnation en Krishna.
Les adorateurs de Vishnou portent le nom
de Vaishnavas; on les distingue à deux lignes tirées le long du nez et
conduites jusque sur le front. Ces lignes sont faites avec le limon du
Gange, quelquefois avec la poudre du bois de santal.
(A. Bertrand). |
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