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Le
turk
La famille des langues turques peut se
diviser en quatre groupes principaux. 1°) Le premier rassemble les langues
de l'Altaï (ouïgour et ouzbek, etc.), auxquelles ont adjoindra le yakoute,
parlé en Sibérie; 2°) le deuxième, correspondant à la portion sud-ouest
de l'aire linguistique des langues turques, est composé des langues oghouz
: azeri, turkmène et turc; 3°) le
troisième de ces groupes réunit des langues parlées entre l'Oural ,
la mer Caspienne
et la mer d'Aral ,
groupe dit kiptchak, et lui-même subdivisé en deux sous-ensembles : le
kazakh, le kirghiz et le nogaïque, se rangent dans le premier sous-ensemble,
et le tatar et le bachkir, dans le second. 4°) Enfin, la langue tchouvache
forme avec ses dialectes le quatrième et dernier groupe. A quoi pourraient
s'ajouter les langues turques mortes, parmi lesquelles l'énigmatique langue
des Huns.
Les langues sibéro-altaïques.
On peut reconnaître
ici deux sous-ensembles. Le premier comporte autour de l'ouzbek et du ouïgour
(ouïghour) des langues telles que l'oïrote (70 000 locuteurs), parlé
à la frontière de la Chine et de la Mongolie, le djagataï (au Turkménistan),
le yougour, etc. Le second sous ensemble, dont la plupart des locuteurs
habitent en Russie, est représenté par le yakoute, parlé par près de
400 000 personnes (bassins de la Lena et de la Kolyma), par le soïote
(ou ouriankhi) pratiqué par 200 000 personnes, surtout en Russie et dans
une moindre mesure en Mongolie, par le tatar de l'Iénisséi parlé autour
d'Abadan, au nord de l'Altaï, par 70 000 personnes, ou encore par des
langues telles que le shor et le dolgan, aujourd'hui menacées d'extinction.
L'ouzbek est la plus parlée
de toutes ces langues. Elle est pratiquée en Ouzbekistan et au nord de
l'Afghanistan par plus de 18 millions de locuteurs au total. L'ouzbek d'Ouzbekhistan,
influencé par la langue russe, se divise en trois dialectes (karlouk,
oghouz et kipchak);celui d'Afghanistan
est plus homogène, mais relativement chargé en mots iraniens, et assez
distinct des dialectes septentrionaux pour que l'intercompréhension soit
difficile.
L'ouïghour vient en seconde position,
avec près de huit millions de locuteurs, vivant pour la plupart en Chine
(mais avec une forte présence également au Kazakhstan : 300 000 locuteurs)
et une dizaine de dialectes. C'est de tous les idiomes turks le plus rude
dans sa prononciation, le plus simple dans sa structure, le moins mélangé
d'éléments étrangers. Il fut, le premier, fixé par l'écriture : son
alphabet, apporté dans le courant du Ve
siècle par des moines nestoriens ( Nestorius)
venus de Chine, est d'origine syriaque; il se trace de droite à gauche.
L'inscription
d'Orkhon - ladrintzef, a découvert en 1889, sur les bords de l'Orkhon,
au sud du lac Baïkal, non loin de l'ancienne capitales des Ouïghours,
Kara-Balgassoun, une stèle en pierre contenant une inscription en triple
texte, en caractères dits vieux-turcs (de type runique), ouïgours et
chinois. Elle mentionne les khans ouïghours qui se sont succédé jusqu'en
805. Cette stèle, qui daterait de 825 à 832, constitue alors le
plus ancien monument daté sibérien; D'autres ont été découvertes depuis.
D'où venaient ces caractères qui ressemblent beaucoup aux runes scandinaves
et germaniques? Ils ont pu être introduits en Sibérie
ou par le Nord de la Russie, par la Permie
et les monts Oural, au moyen d'une sorte d'infiltration naturelle, ou bien
ils ont été importés en Asie par la Caspienne et la mer d'Aral, par
les Huns et les divers peuples échelonnés le long du Danube, de la mer
Noire, de la Volga, et qui, ayant appris l'écriture à la source même,
en Pannonie ,
se la seraient transmise de tribus à tribus par un mouvement régressif
de l'Ouest à l'Est. Cet événement important de l'introduction de l'écriture
runique en Asie par le Sud-Ouest a très bien pu se produire vers la fin
du Ve siècle, en sorte que les populations
tartares de l'Asie, en dehors des Chinois, ont pu avoir une écriture alphabétique
empruntée aux runes d'Europe et dont elles se sont servies pendant deux
ou trois siècles, jusqu'à l'introduction de l'alphabet ouïghour.
Les langues oghouz.
On range ici des
langues, dont le nom se réfère au groupe de population turque qui a commencé
à migrer à partir du Xe siècle vers
le Sud et l'Ouest, et dont sont issues notamment les Seldjoukides et les
Osmanlis. On distingue dans cette famille trois idiomes, eux-mêmes subdivisés
en de nombreux dialectes : le turkmène, l'azéri et le turc moderne, héritier
direct de l'osmanli, parlé par la classe dirigeante de l'empire ottoman,
forme
littéraire et la langue turque.
Le turkmène ou turcoman
est parlé par 3,5 millions de locuteurs au Turkménistan, et par deux
autres millions en Iran. Plus de vingt dialectes sont répertoriés.
L'azéri se divise pour sa par en
deux groupes de dialectes assez distincts. Au nord (Azerbaïdjan),
6 millions de personnes pratiquent l'azerbaïdjanais, qui connaît de très
nombreuses variantes dialectales proches les unes des autres. Au sud, l'azéri
proprement dit, est parlé surtout en Iran, par 24 millions de personnes
(soit plus du tiers de la poupulation du pays). On y distingue une douzaine
de variétés.
Le turc, dont le principal dialecte
est l'anatolien, langue officielle de la Turquie, est parlé par plus de
70 millions de personnes, en incluant ses diverses variantes. Parmi celles-ci
figurent le gagaouz, ou turc des Balkans (Turquie et Macédoine), le
gagaouz de Moldavie, et le turc de Khoraçan. Jusqu'en 1928, on a écrit
le turc à l'aide de l'alphabet arabe, auquel il emprunte par ailleurs,
ainsi qu'au persan, une partie de son vocabulaire. Depuis, la réforme
d'Atatürk, il s'écrit avec les lettres de l'alphabet latin .
Les langues kiptchak
Ces langues sont parlés dans la région
qui correspont à l'ancien khanat du Kiptchak, c'est-à -dire de la Horde
d'Or. Trois groupes peuvent être définis : l'aralo-caspien, le
ponto-caspien, et l'ouralien.
l'aralo-caspien. - On réunit
ici deux langues proches, le kazakh (parlé par plus de 5 millions de personnes
au Kazakhstan, et plus d'une million en Chine), et le kirghiz (ou kara-kirghiz)
que pratiquent environ deux millions de locuteurs au Kirghizistan, auxquelles
ils convient d'ajouter le nogaïque, dont on dénombre 70 000 locuteurs
au nord du Caucase, en Russie, ainsi que karakalpak, parlé par 400 000
personnes en Ouzbekistan..
Le ponto-caspien. Essentiellement
représenté par le koumyk, parlé par 300 000 personnes au Daghestan (Russie)
et karadjaï, qui compte 250 000 locuteurs, surtout en Russie et,
secondairement en Arménie. Appartient également à ce groupe le karaïm,
dont on dénombre 20 000 locuteurs en Israël, originaires de Lituanie
(où cette langue est désormais presque éteinte).
L'ouralien. - Un groupe qui rassemble
principalement le tartar, parlé par 6 millions de personnes de la région
de Kazan en Russie, et le bachkir, dont les locuteurs, au nombre d'un million
environ, vivent dans la région proche d'Oufa,
Le tchouvache.
La langue tchouvache, parlé par les Tchouvaches
de la Russie d'Europe (entre Moscou et la Volga), a près de deux
millions de locuteurs. Cette langue qui est la dernière survivante des
dialectes parlés par les Bulgares de la Volga, et auxquels devait se rattacher
aussi la langue de Khazars, contient plus d'un tiers de mots d'origine
finnoise. Les substantifs, les pronoms, les noms de nombre, se déclinent,
mais non pas les adjectifs. On forme le pluriel des substantifs en ajoutant
zam
ou sam au nominatif singulier et en le déclinant ainsi. Les prépositions
se placent après leur régime. La conjugaison a 3 temps à l'indicatif;
les autres modes n'ont qu'un temps. Il n'y a pas de passif. On transcrit
le tchouvache à l'aide de caractères cyrilliques.
Les
langues mongoles
Cette famille comprend trois groupes principaux
: les langues khalkas (dans lesquelles on range le mongol et le bouriate),
les langues oïrates (kalmouk, darkhat) et les langues mongour, avec plusieurs
langues parlées en Chine (tu, pao-an dongxiang, yougour oriental). On
adjoint à ces groupe le dagour, également parlé en Chine.
Les langues khalkha.
Ces langues forment
le "noyau dur" de la famille. Il s'agit d'une part du mongol, qui peut
lui-même se diviser en deux langues distinctes, le khalka, parlé en Mongolie,
et le mongol périphérique, parlé en Chine, chacune ayant ses propres
dialectes, et d'autre part du bouriate.
Le mongol.
- Le mongol périphérique est parlé par plus de 3 millions de locuteurs
principalement en Chine (Mongolie intérieure). Il s'écrit en caractères
chinois, langue à laquelle il fait par ailleurs de nombreux emprunt. Le
mongol khalka est, lui, parlé par près de deux millions et demi de personnes,
qui constituent les neuf dixièmes de la population de la Mongolie. On
le parle aussi en Russie et au Kirghizistan .
Le bouriate.
-Le bouriate, proche du mongol, possède une dizaine de dialectes.
Il est principalement parlé en Sibérie au Sud et à l'Est du lac Baïkal,
par environ 300 000 personnes. On rencontre également quelques dizaines
de milliers de locuteurs en Chine (Mongolie intérieure) et autant en Mongolie.
Influencé, soit par le russe, soit par le chinois, soit par le khalkha,
selon le côté de la frontière où l'on se place, le bouriate abonde
en articulations nasales et gutturales. C'est de toutes les langues de
cette famille celui qui a le plus altéré leurs radicaux communs.
Les langues oïrates.
Ces langues sont représentées par le
kalmouk (appelé ainsi en Russie) ou oïrat (nom chinois) et le darkhat.
Le kalmouk est parlé par 200 000 personnes, principalement réparties
en Russie entre le Don et la Volga. Plusieurs dialectes peuvent être signalés
: torgout, oïrat proprement dit, etc. On écrit le kalmouk avec
des caractères particuliers, semblables à l'écriture mongole et dérivés
du syriaque. Le darkhat, pour sa part, a aujourd'hui moins de 5000 locuteurs.
Ils vivent au nord de la Mongolie.
Les langues mongour.
Ces langues sont parlées en Chine. Il
s'agit du dongxiang, du tu, du baonan et du yougour oriental. Le dongxiang,
aussi connu sous le nom de santa est parlé par près de 400 000 personnes.
Plusieurs dialectes existent, mais il existe entre eux peu de différences.
Le tu (ou mongour proprement dit) est pratiqué par 100 000 locuteurs.
Plusieurs dialectes existent aussi, mais dans ce cas l'intercompréhension
de l'un à l'autre est difficile. Le baonan ou pao-an, dont les trois ou
quatre dialectes ont subit l'influence soit du chinois, soit du tibétain,
est parlé par un peu plus de 10 000 locuteurs. Le yougour oriental, enfin,
n'est plus parlé que par 3000 personnes.
Le dagour.
Le dagour ou daour est parlé par près
de 100 000 personnes en Chine. Plusieurs dialectes existent. Certains semblent
pouvoir faire le lien entre les langues mongoles et les langues toungouses.
Les
langues toungouses
Les langues toungouses sont vives et saccadées.
Bien qu'elles forment à l'intérieur des langues altaïques un rameau
bien distinct, c'est encore des langues mongoles qu'elles se rapprochent
le plus. Langues auxquelles d'ailleurs, elles pourraient aussi se comparer
pour la richesse des formes verbales, et qu'elles dépassent par l'abondance
des formes nominales. On peut les diviser en deux groupes
: le groupe septentrional, qui rassemble les langues evenk, lamoute et
negidal; et le groupe méridional, dans lequel on range les langues mandchoue,
nanaï et udihe, qui sont d'ailleurs plutôt des ensembles linguistiques.
On rangera ainsi dans le mandchou, la langue mandchoue proprement dite,
le sibo, et la langue éteinte des anciens jou-jouen. Le nanaï (ou
golde) se réunira pour sa part le nanaï proprement dit, l'orok et l'ulch.
Enfin, l'udihe rassemble la langue khor (udihe) et l'orotch.
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L'écriture
des jou-jouen
La langue et l'écriture
jou-jouen (ou jou-tchen), dont la langue toungouse est l'héritière, ont
donné lieu à de nombreuses recherches dès le XIXe siècle. Langlès
(Alphabet mandchou, pp, 38-39, 3e éd.) avait dressé à cette époque
une liste des mots jou-jouen avec les mots mandchous correspondants et
a prouvé l'identité de ces deux langages; cette démonstration avait
été faite aussi par A. Wylie dans sa préface à la traduction du
Tsing wen ki mong. Les Mandchous se déclaraient d'ailleurs eux-mêmes
les descendants des Kin (Jin).
Quant à l'écriture,
les Jou-jouen n'en avaient aucune avant que leurs chefs eussent pris le
titre d'empereur. Agouta, en 1119, nomma une commission composée de Ouyé,
Moulianho et Kouchen pour inventer une écriture tirée du chinois, sur
le même principe que l'écriture khitane. En 1138, l'empereur Hi tsong
proposa un système simplifié qui fut appelé les petits caractères jou-jouen,
par opposition aux grands caractères jou-jouen qui étaient ceux d'Agouta;
les petits caractères jou-jouen furent mis officiellement en usage Ã
partir de 1145.
On possède une inscription
en petits caractères jou-jouen, c'est celle dite de Yentaï (Devéria
: Examen de la stèle de Yen-tai, dans Revue de l'Extrême Orient,
t. I, pp. 173-185). D'autres textes lapidaires ont également été découvert
qui peuvent lui être rapprochés. Ce sont en particulier l'inscription
de Salican et une partie de l'inscription hexalingue de Kiu yang koan,
mais ces deux textes n'ont rien de commun ni entre eux, restent bien différents
de l'inscription de Yen-tai. |
La plupart de ces langues sont aujourd'hui
menacées de disparition. La langue mandchoue,
qui fut celle des empereurs de Chine n'est plus aujourd'hui parlée que
par quelques dizaines de locuteurs déjà âgés.
L'orok (île de Sakahaline) est lui aussi presque éteint désormais,
tout comme le négidal, l'orotch et le khor. L'ulch, à peine mieux loti
en nombre de locuteurs (moins de 500) n'est plus du tout parlé par la
jeune génération. La langue nanaï est encore connue par
5000 personnes, mais est menacée. Même chose pour le lamoute (ou even),
fractionné en une quinzaine de dialectes (en y incluant le rameau orochon),
qui n'est plus parlé que par une petite dizaine de milliers de personnes
en Sibérie orientale. Seules deux langues toungouses s'en tirent encore
relativement bien : le sibo et l'evenk.
Le sibo, proche du Mandchou,
est surtout parlé en Chine (Xinjiang), et rassemble près de 30
000 locuteurs, qui sont les descendants d'une garnisons installée dans
la région à l'époque au XVIIIe siècle.
L'evenk est
surtout parlé en Chine (20 000 locuteurs), mais aussi en Russie (10 000
locouteurs) et, dans une moindre proportion, en Mongolie. Beaucoup de dialectes
existent, surtout en Russie, où les Evenk (appellation qui est devenue
depuis le début du XXe siècle que l'on
donne à toutes les populations de langues toungouses) occupent un très
vaste territoire. (H. Cordier/ Thévenot / B.).
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