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Les Khitans
Les Khitans étaient un peuple d'Asie Orientale que l'on range aujourd'hui parmi les proto-Mongols, pour signifier qu'ils ont été l'une des composantes à partir desquelles Gengis-Khan bâtira l'empire Mongol. Peut-être étaient-ils les héritiers des Tong hou, comme le laisse penser une chronique chinoise, ou bien, peut-être aussi, à l'instar des Bouriates actuels, descendaient-ils des Sien-Pei. Abel Rémusat (Recherches sur les langues tartares, pp. 21 et 81), rattachait les Khitans aux Toungouses, d'où sont sortis les Kin et les Mandchous; Howorth (Journal of the Royal Asiatic Society, vol. XIII, p. 123) les considérait comme formés par les mélanges de Toungouses aborigènes et de Mongols conquérants. Quoi qu'il en soit, il apparaît que l'identité Khitane s'est constituée progressivement au cours des premiers siècles de notre ère. Par la suite, les Khitan ont à deux reprises été à la tête d'états puissants. D'abord aux dépends du Nord de la Chine, avec la dynastie des Leao (Liao), puis, après la conquête  de l'État Khitan par les Kin,  et l'émigration d'une  partie de la population vers la région du lac Balkash, autour de la cité de Balagasoun, avec le nouvel État que les Chinois désigneront comme celui des Si Leao (ou Leao occidentaux), et que les auteurs persans feront connaître sous le nom de khanat de Kara-Khitaï (ou Kara Kitaï), c'est-à-dire des Khitans noirs. 
Dates clés :
333 - Apparition possible de l'entité khitane après la défaite des Tong-hou par le roi du Leao-tong.

628 - Les Khitans passent sous domination chinoise

902 - Conquête du nord de la Chine sous la conduite d'Apaoki.

907 - Chute de la dynastie chinoise Tang. Les Khitans prennent possession du nord de la Chine.

 937 -1124 - Dynastie khitane des Leao fondée par les successeurs d'Apaoki en Chine. 

1125 - Fondation de la dynastie des Leao occidentaux ou Kara-Kitaï par Yelu Tache. 

1218 - Destruction du Kara Kitaï par les Mongols.

Les Khitans avant leur établissement en Chine

Les légendes khitanes placent le berceau de ce peuple au Sud de la rivière Sira-muren; en outre, nous savons que l'ancienne capitale (Ling-hoa Tcheng ou Si leou) était au Nord-Ouest de la ville de Koangning où étaient enterrés quelques-uns des chefs khitan; Koang-ning est situé à l'Ouest de la rivière Leao, dans la province mandchoue de Chang-king, mais tout près de la barrière de pieux qui forme la limite Ouest du Leao-tong; l'ancienne capitale devait donc se trouver en dehors de cette barrière, c.-à-d. dans la partie Nord du Tche-li occupée par la suite par les Mongols Tumet. Là fut pendant de longs siècles le centre de l'État khitan. Le première mention qui soit faite des Khitans par les annales chinoises date de l'année 405 de notre ère; mais cette mention elle-même nous fait remonter plus haut encore dans leur histoire, puisqu'elle se réfère à un certain Kopi-neng, qui aurait été chef des Khitans vers 233-239 ap. J.-C. Cependant un autre texte ne rapporte l'apparition des Khitans qu'à une date un peu postérieure à l'année 333; ce serait en effet après la défaite des Tong-hou par Mou yang hoang, roi du Leao-tong (monté sur le trône en 333), que les Tong hou se seraient divisés en trois hordes dont l'une prit le nom de Khitan. 

Les Khitans n'apparaissent pas dès le début comme une entité bien puissante; un des plus célèbres parmi leurs anciens chefs, Dakhuri, qui commandait en 479 à leurs huit tribus, n'avait que 40 000 sujets. Aussi les Khitans ne purent-ils pas se maintenir dans un état de complète indépendance; ils furent soumis aux Yeou-yen qui étaient, au Ve siècle et au commencement du VIe, la puissance dominante en Mongolie. Quand, vers l'année 552, les Yeou-yen furent détruits par les Turks, les Khitans ne firent que changer de maîtres et tombèrent sous le joug turc. Ils profitèrent cependant de la période de transition pour diriger une attaque contre l'empereur de la dynastie des Tsi septentrionaux qui régnait alors à Pékin; ils furent repoussés d'ailleurs avec pertes. Jusqu'au commencement du VIIe siècle, kes Khitans restèrent de fort gênants voisins pour les Chinois qui avaient à se garder sans cesse contre leurs incursions. Mais lorsque l'Empire du Milieu, longtemps divisé en deux ou plusieurs Etats rivaux, retrouva son unité sous les princes de la dynastie Tang, il ne tarda pas à faire respecter son prestige jusqu'en Tatarie; en l'an 628, les Khitans se soumirent à l'empereur Taizong; leur pays fut appelé la commanderie de Song-mo et leur chef en fut nommé gouverneur (tou-tou). Cette soumission ne fut réelle qu'autant que les Khitans virent les Chinois capables de les maîtriser; dès qu'ils les sentaient faiblir, ils se révoltaient; c'est ainsi que le Fils du Ciel eut plus d'une fois à les combattre, notamment en 697, en 714, en 730 et en 749. Durant la seconde moitié du VIIIe siècle et la première moitié du IXe, les Turks Ouïgours furent tout-puissants en Mongolie; c'est à eux que les Khitans prêtèrent serment d'allégeance; aussi ne les voyons-nous guère, dans toute cette période, immiscés aux affaires de Chine. Cependant, en 848, les Ouïgours furent battus par les Hakas, les ancêtres des Kirghizes actuels; les Khitans grandirent alors rapidement. A la fin du IXe siècle, la dynastie Tang, elle aussi, donnait des signes visibles de décrépitude; la Chine ne devait pas offrir beaucoup de résistance au chef barbare qui serait assez hardi pour l'envahir : Apaoki fut le héros khitan qui eut cette audace.

Les Leao

Yelu Apaoki était né en l'an 872; Hentekin, qui était devenu roi des Khitans en 901, lui donna le commandement de l'armée. En 902, Apaoki envahit le Nord de la Chine et rapporta de cette expédition un grand butin et 95 000 prisonniers. A son retour, il construisit la ville de Long-hoa-tcheou (appelée aussi Chang-king = la capitale supérieure, ou Si-leou = la tour de l'Ouest), au Sud de la rivière Jaune ou Sira-muren, probablement sur la rive droite du Chono-ussu, en face de la bourgade ruinée de Boro-khoto. Dans les années qui suivirent, de sanglantes intrigues de palais achevèrent de perdre la dynastie Tang qui disparut de la scène de l'histoire en 907. La Chine se divisa alors en plusieurs  royaumes. Un de ces Etats fut celui d'Apaoki, qui ne comprenait, à vrai dire, qu'un très petit territoire de la Chine propre, puisqu'il ne dépassait pas au Sud la préfecture secondaire de Ki, au Nord-Est de Pékin, mais qui était considérable par, ses possessions en Mongole. Apaoki l'agrandit encore par la conquête du royaume de Po-Haï (Leao tong) qu'il fit de 925 à 926; son pouvoir s'étendit alors depuis la Corée à l'Est  jusqu'à la Dzoungarie à l'Ouest. Il mourut en l'an 926 et fut canonisé sous le nom de Tai tsou. 

Il est regardé comme le fondateur de la dynastie à laquelle son fils Tai tsong donna en 937 le nom de Leao; ce fut Tai tsong qui en fit une dynastie vraiment chinoise en 
s'emparant de tout le Nord de la Chine aux dépens de la dynastie éphémère des Turks Cha-to ou dynastie des Tsin postérieurs (936-945). Enfin, à partir de l'année 979, et jusqu'au commencement du XIIe siècle, la Chine ne fut plus divisée qu'en deux grands Etats : la Chine du Sud, gouvernée par les Song, et la Chine du Nord où régnaient les Khitans; c'est à cette époque que la Chine commença à être connue de l'Europe, et, comme ce fut par les régions du Nord qu'on entra en relations avec elles, notre Moyen âge apprit à la désigner sous le nom des Khitans et l'appela le Catay ou Cathay

Les empereurs khitans de la dynastie Leao sont les suivants : Tai Isou (907-26) Tai tsong (927-46); Che tsong (947-50); Mou tsong (951-67); King tsong (968-82); Cheng tsong (983-1030); Hing tsong (1031-1054); Tao tsong (1055-1100); Tien tcha (1101-24).
Malgré la durée et la puissance de la dynastie Leao, on n'a conservé aucun livre ni aucune inscription en langue khitane. On ne possède qu'un petit nombre de mots écrits en transcription chinoise dans un appendice à l'histoire des Leao; sauf quelques caractères reproduits dans le Chou che hoei yao, on n'a aucun spécimen de l'écriture : on sait cependant par les Annales chinoises que, en 920, Apaoki fit, inventer un système de caractères écrits dérivés des caractères chinois. 

Les Leao occidentaux (Kara Kitaï)

Après avoir régné sur la Mongolie, la Mandchourie et le Nord de la Chine pendant plus de deux siècles, les Khitans reparaissent encore une fois au Nord du Turkestan; leur nouvel empire, quoiqu'il n'ait guère duré qu'une cinquantaine d'années, eut cependant un grand éclat. Les souverains khitans de l'Asie centrale sont connus des Chinois sous le nom de Si Leao ou Leao occidentaux et des écrivains persans sous le nom de Kara Khitai ou Khitan noirs.

Le fondateur de cette dynastie fut un certain Yelu Tache. En 1122, Yelu Tache avait été mis à la tête des troupes par le dernier empereur de la dynastie Leao, Yelu Yen-hi (dont le nom posthume est Tien-tcha); en cette qualité, il lutta contre les Toungouses de la dynastie Kin (Jin) qui avaient envahi la Chine septentrionale; mais il ne put leur tenir tête; l'empereur dut s'enfuir de Pékin, fut fait prisonnier en 1214 et mourut peu après. Yelu Tache, à la tête de 70 cavaliers suivant les uns, de 200 suivant les autres, s'enfonça alors dans l'Ouest; il ne tarda pas à être rejoint par plusieurs chefs nomades et, en 1125, se trouva à la tête d'une armée de dix mille hommes. Il intimida si fort le khan turc qui commandait la Kashgarie, qu'il lui prit sans coup férir sa capitale, Balagasoun (la situation de cette cité a donné lieu à de nombreuses controverses; Bretschneider et Howorth la plaçaient sur la rivière Tchou, qui sort du lac Issik-koul); les Kara Khitans eurent dès lors le centre de leur empire dans la région comprise entre le lac Balkash, la rivière Ili et la rivière Tchou; mais leur domination s'étendait bien au delà et se faisait sentir jusque dans la Kashgarie et le Kharezm (capitale Ourghendj). 

Yela Tache prit le titre de gourkhân ou khan universel. Il mourut en 1136. Sa femme, la Kan tien heou, exerça la régence de 1136 à 1141. Son fils Yelu yili (canonisé sous le nom de Jen tsong) prit le pouvoir en 1142 et mourut en 1153. La soeur de Yelu Yili, Pu-so-wan, exerça la régence de 1154 à 1168. Tchikoulou, second fils de Yelu yili, monta sur le trône en 1168; il fut le dernier souverain de la dynastie. En 1203, Gengis Khan avait défait les Naïmans orientaux et, en 1206, les Naïmans occidentaux; Goutchlouk, fils du chef des Naïmans orientaux, s'enfuit avec les débris de son peuple et, toujours poursuivi par les Mongols, arriva en 1208 sur le territoire de Tchikoulou. Celui-ci, se trouvant à la chasse, fut fait prisonnier par Goutchlouk qui s'arrogea le titre de gourkhân et se proclama successeur des empereurs Leao. L'usurpateur ne jouit pas longtemps de son triomphe, car il fut tué en 1218 par les Mongols dont l'envahissante suprématie supprima définitivement l'empire khitan.

Pour suivre jusqu'au bout les destinées des Khitans, il faut rappeler que, même après la conquête mongole, on les voit reparaître une fois encore. Un officier du dernier khan du Kara Khitai, un nommé Borae Hadjib, tenta la fortune à main armée; il s'empara de la ville de Kévachir (ou Bardasir) et se fit reconnaître sultan de toute la province perse de Kirman. Ses descendants héritèrent de son trône pendant quatre-vingt-six ans; ils furent nommés Kara Khitaïens. Ils s'éteignirent en l'an 1309. (Ed. Chavannes).

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