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Les Ouïghours

Le nom de Ouïghours appartient spécialement à un peuple nombreux, parlant une langue de la famille des langues turques (Langues altaïques), qui a réuni pendant plusieurs siècles sous sa domination intermittente et effective de vastes régions du Nord-Ouest de la Chine, entre le Tian-chan et les affluents méridinaux du lac Baïkal. Les Ouïghours vivent aujourd'hui dans le Xinjiang, en Chine.

Dès avant notre ère, les Ouïghours occupaient les deux versants du Thian-chan, du lac Issik-Koul, à Tourfan et Hami. Ils formaient l'aile gauche des Hioung-nou, des Huns. Une partie d'entre eux suivit les Huns vers les confins de l'Europe. Ils envoyèrent même des essaims rejoindre ces premières bandes migratrices au Nord de la Caspienne. Et ce sont leurs tribus qui laissèrent son nom de Iougrie à ce territoire, nom qui s'est étendu ensuite à la Sibérie occidentale. En Mongolie, ils perpétuèrent avec les Tou-Kiou la famille des Huns. Les Chinois, dont ils subirent l'influence et même la domination, les appelaient, sous la dynastie de Wei (227-264), Kaotche « Hauts-Chariots », d'après certaines particularités de leurs moeurs de nomades.

Les Ouïghours se divisaient en quinze tribus, et le nom de plusieurs de celles-ci suffit à établir certaines de leurs affinités historiques. La première, la tribu dominante, était celle des Üngir. On l'appelait aussi Ogu et Oguz. La dixième était celle des Huns; la treizième, celle des Hekit. Ekis, Egiz, etc. Sous la dynastie de Sui (581- 618), ils étaient connus sous le nom de leur première tribu dans la vieille forme, Uigit ou Uigir. Ils furent un instant soumis aux  Tou-Kiou, dont les premières familles s'étaient installées dans l'Altaï entre 424 et 451. Mais de 605 à 616, ils se révoltèrent et se choisirent un chef particulier. Le gros de la nation est dès lors établi sur la Selenga, affluent de l'Orkhon. Mais on a des monnaies de cuivre de type chinois provenant du lac Issik-Koul qui ont été émises après 621 et portent des légendes de l'écriture des Ouïghours. Ceux-ci n'avaient donc sans doute pas abandonné entièrement leur première patrie.
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Turpan : la mosquée d'Emin.
La mosquée d'Emin et son minaret, à Turpan. Cette ville est une oasis dans la province 
autonome ouïghoure du Xinjiang (Chine). Le minaret d' Emin a été commencé en 1777 et achevé
en une seule année. Il est le plus haut minaret en Chine (44 m) et est nommé en l'honneur d'Emin
Khoja, un général héroïque  de Turpan. Source : The World Factbook.

Leur écriture est d'ailleurs développée de l'écriture syrienne, introduite en Chine par les nestoriens (Nestorius). Ceux-ci ont pénétré en Chine par l'Asie centrale, dans le courant du Ve siècle, et ont pu prendre contact d'abord avec les Ouïghours. Schlegel admettait toutefois que les Ouïghours firent venir chez eux des prêtres nestoriens en 762. De cette époque daterait non seulement l'écriture des Ouïghours, mais aussi la constitution d'une entité politique dominant un vaste territoire au sud du lac Baïkal. Les Ouïghours devinrent les alliés de la Chine à partir de 745; et il y avait alors en Chine un millier de temples et de couvents nestoriens. Ils ont eu une existence, nationale, indépendante encore un siècle ou deux. 

Le texte ancien le plus important qu'aient laissé les Ouïghours est l'inscription sur rocher de Kara-Balgassoum (Orkhon), qui était leur capitale. Cette, inscription en triple texte, en caractères dits vieux-turcs, ouïghours et chinois. mentionne les khans ouïghours qui se sont succédé jusqu'en 805. Elle daterait de 825 à 832. Ce premier empire ouïghour durera jusqu'à ce que les Kirghiz en viennent à bout au vers 840. Un second empire Ouïghour se constituera ensuite plus au Sud, et durera, celui-ci jusqu'au début du XIe siècle; il sera détruit par les Tangout (L'histoire du Tibet).
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Carte des khanats ouïgours.
Les deux khanats ouïghours. Au nord : entre 745 et 840; 
au sud : de 840 à 1028.

Au XIIIe siècle, le pays ouïghour passa sous le contrôle de l'Empire mongol puis du Djagataï, un État turco-mongol qui régnait sur une grande partie de l'Asie centrale.  La région ensuite, au XVIe siècle, sous le contrôle du khanat dzougare. Durant toute cette longue période, les Ouïghours purent conserver leur autonomie, identité culturelle et leurs traditions, malgré les divers changements politiques et influences extérieures et ont continué à être un important centre d'échanges et de commerce.

La dynastie chinoise Qing établit son contrôle sur la région à partir du XVIIIe siècle. Le gouvernement chinois mis alors en oeuvre des politiques visant à intégrer les Ouïghours dans la culture chinoise. Il y eut une politique de promotion du chinois mandarin comme langue officielle les mariages mixtes entre Ouïghours et Chinois Han furent encouragés.

Au pied du Nan-chan, entre Kan-tchéou et Soutchéou (Nord-Ouest de la Chine) existaient aussi au début du XXe siècle des Yégours qui sans doute apparentés aux Ouïghours proprement dits :
Les Soïotes. - Il s'agissait d'un peuple nomade de l'Asie centrale, établi entre les monts Altaï et Saïan, en Sibérie et Mongolie; les Chinois les nommaient Oulyanghaï. On les rattache parfois aux Samoyèdes; mais ils avaient fusionné avec les peuples turcs voisins, et une partie ont adopté la langue mongole.

Les Ouriankh. - Ce nom, plus géographique qu'ethnique, a été introduit dans la langue par les Russes qui l'ont emprunté aux Chinois. Il désignait les petites populations de la région montagneuse comprise entre l'Altaï et le Sud du Baïkal. Parmi elles étaient des débris de peuples refoulés par les Tou-Kiou de l'Altaï d'abord, et par les Ouïghours de l'Orkhon. On a supposé qu'on retrouverait parmi elles notamment des restes de Finno-ougriens, comme les Ostiaks, d'après d'anciennes idées. Soumis sous le nom de Kemkemdjoutes par Gengis Khan, ils s'étaient plus ou moins fondus avec les Ouïghours. Les restes des uns et des autres, absorbés en partie par le peuple soïote, formaient avec des Kalmouks le groupe ouriankh.  (GE).

La relative autonomie dont jouissait encore la région ouïghoure du Xinjiang au milieu du XIXe siècle, prit complètement fin. Cependant, jusqu'au début du XXe siècle, les Ouïghours connurent une période de stabilité qui se poursuivit plus tard sous le régime républicain. 

Dans les années 1940, les Ouïghours ont brièvement connu une période d'indépendance lorsque la région s'est déclarée République du Turkestan oriental. Cependant, cette indépendance a été de courte durée, car le gouvernement chinois a rapidement réaffirmé son contrôle sur la région.

Après la création de la République populaire de Chine en 1949, les Ouïghours sont passés sous le régime communiste. Dans les années 1950 et 1960, le gouvernement chinois a mis en oeuvre des politiques visant à moderniser et à développer la région, notamment en poursuivant la politique menée autrefois par les Qing, autrement dit amplifiant la promotion du chinois mandarin comme langue officielle et en encourageant la migration des Chinois Han vers la région. Ce qui a conduit des tensions entre les Ouïghours et les Chinois Han, car les Ouïghours estimaient que leur culture et leur mode de vie étaient menacés. Dans les années 1960 et 1970, il y a eu occasionnellement des flambées de violence et des protestations contre la domination chinoise.

Dans les années 1980 et 1990, le gouvernement chinois a commencé à assouplir certaines de ses politiques au Xinjiang, permettant une plus grande expression culturelle et une plus grande autonomie du peuple ouïghour. Des flambées occasionnelles de violence et de protestations, notamment une série d'attentats à la bombe ont  toutefois, eu lieu en 1992 et 1997.

Le gouvernement chinois a intensifié sa répression contre les Ouïghours au Xinjiang depuis le début des années 2000. Des politiques visant à réprimer l'identité et la culture ouïghoures ont été mises en place : restrictions sur les pratiques religieuses et culturelles, mesures de surveillance et détention des Ouïghours dans des camps d'internement. Des informations ont fait état de détentions massives de Ouïghours dans ces camps, où ils sont soumis à un endoctrinement politique, au travail forcé et à d'autres violations des droits humains. Le gouvernement chinois, qui a d'abord nié l'existence de ces camps, a fini par l'admettre, mais a cherché à les faire passer pour des centres de formation professionnelle destinés à lutter contre le terrorisme et à promouvoir le développement économique. On rapporte par ailleurs que les autorités chinoises ont mis en place une politique de contrôle des naissances par des avortements forcés et des stérilisations de masse.


Lasserre, Voyage au pays des Ouighours, Cartouche, 2010.
2915842590
Emmanuel Lincot, Carnets ouïghours de Chine, Koutoubia , 2009. - Ces Carnets disent une expérience de la Chine dans son rapport à l'islam. Ils nous entraînent vers le Xinjiang. Gigantesque territoire d'un million de kilomètres carrés, constitué de treize minorités ethniques, le Xinjiang est un nom à programme. En langue chinoise, Xinjiang signifie "Nouvelle Frontière". Le gouvernement central de Pékin lui a ajouté l'appellation "Weiwuer zizhiqu", littéralement "Région autonome "ouïghoure" du Xinjiang ", désignant l'ethnie majoritaire non Han dont le nombre dépasse la dizaine de millions. Les Ouïghours, peuple turcophone acquis à l'islam des confréries, appellent ce pays autrement : le Turkestan. Vue de Pékin, cette région constitue un front pionnier. Vue des oasis ou du désert du Taklamakan, il s'agit d'une mer intérieure. Il y a un siècle, cette partie du monde demeurait la seule à ne pas avoir été cartographiée. Les temps ont changé : des routes, des aéroports ont été aménagés. Des vagues de migrants Han s'y établissent comme au Tibet voisin, bouleversant les modes de vie traditionnels. Les tensions s'accroissent. Des attentats ont lieu. Des résistances s'organisent, passives dans la majorité des cas. Elles témoignent cependant d'une chose : le grand rêve national de l'Etat chinois rencontre ses limites. Les frustrations identitaires et religieuses des Ouïghours suffiront à nourrir pour longtemps des foyers de conflits. (couv.).
 
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