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L'histoire du Tibet
Les premiers habitants du Tibet étaient des peuples tibéto-birmanophones. La région était peuplée par divers groupes tribaux vivant dans des sociétés agropastorales. À partir du VIIe siècle avant notre ère, le Tibet commence à se structurer sous l'Empire Yarlung. Cet empire, centré autour de la vallée de Yarlung (près de l'actuelle Lhassa), est l'un des premiers États tibétains connus. Il a jeté les bases de la civilisation tibétaine en développant des institutions politiques et sociales.

A cette époque, le Tibet était influencé par ses voisins, notamment l'Inde et la Chine. Les échanges commerciaux et culturels avec ces régions ont contribué à façonner les traditions tibétaines. Le bouddhisme, en particulier, a commencé à pénétrer au Tibet à partir du VIIe siècle ap. JC., mais avant cela, la religion principale était le bon, une religion indigène tibétaine de caractère animiste et chamanique. Le bon vénérait des esprits de la nature, des divinités locales et possédait des pratiques rituelles complexes. Cette religion a influencé le bouddhisme tibétain ultérieur et continue de jouer un rôle culturel important.

Situé à l'ouest du Tibet, le Royaume de Zhangzhung avait sa propre culture et religion avant d'être absorbé par l'empire tibétain Yarlung. Le Zhangzhung avait des liens importants avec le commerce et la culture du Tibet.

Les royaumes tibétains

L'histoire chinoise du IVe au VIIe siècle cite plusieurs royaumes (liste ci-dessous), soit qu'ils connussent mieux les régions tibétaines, soit parce que plusieurs de ces royaumes se formèrent à cette époque. Les deux plus importants furent celui des Tangouts et celui des Tou-fan, à partir duquel allait se former l'empire Tibétain. On peut faire remonter cet empire au commencement de la période Me-kha-gya-tso, laquelle commence en 622 de J.-C. C'est peut-être l'ère de l'hégire que les Tibétains adoptèrent, nous ne savons pas au juste à quelle époque.
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T'ou-kou-houn.
Le royaume T'ou-kou-houn. Un prince tartare, T'oukou-houn, vers 322, s'empara du territoire entre Si-ning et le fleuve Jaune, le Koukou nor et le Tsadam; il soumit les Tibétains, s'établit dans ce pays avec les familles tatares qui l'avaient suivi. Il forma un royaume qui fut conquis par les Toufan après avoir duré de 312 à 665. Une grande partie de la population était tibétaine. Les Pa-nag et les Go-mi demeurent aujourd'hui dans ce territoire.

T'ang-tch'ang.
Le royaume de T'ang-tch'ang était à l'Ouest du Sse-tchouen, vers Ta-tsien-lou. Son premier souverain régnait vers 457. On compte neuf princes dans cette dynastie; le dernier, en 564, fut vaincu par les Pe-tcheou (Tcheou septentrionaux) qui gouvernaient dans le Nord de la Chine de 557 à 581 de J.-C.

Teng-tchi.
Le royaume Teng-tchi, à l'Ouest du précédent vers Bat'ang, était gouverné par des rois. Ils envoyèrent en 481 une ambassade en Chine. Leur prince, en 554, perdit la couronne et s'enfuit chez les Ouei qui régnaient alors dans le Nord de la Chine.

Les Pe-lan.
Les Pe-lan demeuraient à l'Ouest des Tangouts, dans le pays des Nyam-tcho, des Tao-rong-pa et les Etats du Nantchen-gya-tcho. Ils députèrent, en 564, des ambassadeurs en Chine. Ils avaient 10000 hommes de troupe; ils furent attaqués en 638 par Srong btsan-sgam-po.

Les To-mi.
Les To-mi, limitrophes à l'Ouest des précédents, habitaient les Etats qu'occuperont plus tard les Hor-tsi-gyab-pé-ko. Ils étaient déjà en 632 sous la domination des Tou-fan.

Les Si-li.
Les Si-li sont au Sud du royaume Tou-fan, dans le Tsang méridional, aux environs de Ta-chi-Ihoun-po; ils comptaient 50 000 familles et habitaient des villes et des bourgs; vu leur éloignement de la Chine, celle-ci ne les connut qu'en 646, sous les T'ang, lorsque des ambassadeurs furent envoyés en Chine.

Tch'ang-kié-po.
Les Tch'ang-kié-po, au Sud-Ouest du Si-li, sur les confins du Népal, étaient nomades et vivaient au milieu des montagnes. On comptait dans ce pays une armée d'environ 2000 hommes.

Yang t'oung.
Les grands et les petits Yang t'oung habitaient le Tsang occidental et le Ngari; ils étaient nomades et avaient une armée de 80 000 à 90 000 hommes; ils envoyèrent une ambassade en Chine en 641. Les Tou-fan les soumirent en 680.

Po-liu.
Les grands et les petits Po-liu habitaient à l'Ouest des Yang t'oung : c'étaient les gens du La-dag. Les petits Po-liu demeuraient dans le Baltistân (Petit-Tibet) actuel.

Le royaume des Tangouts.
Les Tangouts vivaient à l'Est du Hoang-ho et formèrent le noyau du royaume de Si-Hia ou des Hia occidentaux. Compris entre le Sse-tchouen au Sud, la ville de Khamil au Nord, le Fleuve jaune à l'Ouest et le Koukounor. Aujourd'hui encore les Tangoutes vivent au Nord du Tibet dans le bassin supérieur du Hoang-ho. La tribu des Kara-Tangoutes habite le pays de Koukou-nor et le long du Yang-tsé-Kiang supérieur. Ils sont bouddhistes. Les Tangoutes (Tang-hiang des Chinois) étaient de la famille des Tibétains ou Kiang; du IIIe au Ve siècle, ils étaient sous la domination des Kiang occidentaux. Ils occupaient au VIe siècle le pays s'étendant à l'Est à Lin-thao, près de Ti-tao, et à Sining, dans la province chinoise du Kansou; à l'Ouest jusqu'à Ye-hou. Les tangouts étaient divisés en huit tribus; quelques-unes se soumirent en 581 à la Chine, en particulier la tribu Thou-po qui était la plus importante. Les autres restèrent indépendantes jusqu'au milieu du VIIe siècle; elles tombèrent sous la domination de Srong-btsan-sgam-po. 

L'empereur chinois Hi-tsong, de la dynastie des T'ang, donna le commandement de la province de lia à Sse-Kong qui était originaire de la tribu des Thou-po; le gouverneur châtia le fameux chef des insurgés Hoangtch'ao. Aussi l'empereur lui conféra-t-il, comme nom de famille celui de Li. En 967, Li-Ke-joui obtint de l'empereur chinois de la dynastie des Song le titre de roi de Hia pour son défunt père Li-i-hing. En 979, Li-Kikiun, ayant appris que l'empereur du Song allait faire la guerre aux Han du Nord, se mit du parti de ces derniers. Il mourut sur ces entrefaites. Les Chinois furent victorieux; aussi Li-Ki-p'ung, frère du précédent prince, céda aux Chinois quatre provinces. Son neveu Li-Ki-tsien se retira en 982 à Ti-Kin-tse avec ses partisans; il épousa une princesse du pays du Kithan, et s'unit à ce peuple.

Les Chinois envoyèrent alors une armée pour le châtier, mais ils ne purent le vaincre. Quelques années après, LiKi-tsien vint (996) se soumettre à l'empire de Milieu. Il reçut le titre de Tchao-pao-Ki, et on lui donna cinq provinces celles du Hia, de Soei, de Yu, d'Iu, de Tsing. Son fils Li-teming fut nommé par les Khitan roi des Grands Hia. Il était très versé dans la doctrine bouddhique ainsi que dans les ouvrages chinois. Ce n'est qu'en 1032 que l'empereur des Song lui conféra le titre de roi de Hia ou plutôt qu'il le reconnut comme souverain. C'est à partir de cette époque que les Chinois font commencer le royaume de Si-hia. On compte onze rois qui régnèrent pendant 196 ans-:

 
Tai-tsong (Li-Te-ming)
King-tsong (Li-Yuan-hao)
I-tsong (Li-Leang-tso)
Hoei-tsong (Li-Ping-tchang)
Tchon-tsong (Li-Kien-choun)
Jen-tsong (Li-Jen-hiao)
Hoan-tsong (Li-Toun-you)
Hian-tsong (Li-Ngan-tsuan)
Chen-tsong (Li-Tsoun-Ki)
Hien-tsong (Li-te-wang)
Li-hien 
1004
1032
1049
1068
1087
1140
1194
1206
1211
1223
1226
Ces souverains eurent à soutenir des guerres avec leurs voisins et s'agrandirent successivement. Ils possédaient la province Chen-si, le pays d'Ordos, le territoire jusqu'à la ville de Khamil et les monts Ho-lan-chan au Nord et à l'Ouest jusqu'au Kouknor; les princes donnèrent à leur peuple une constitution et empruntèrent aux Chinois leur littérature. Un de ces souverains, Yuan-ho, inventa vers 1037 une écriture nationale avec l'aide du savant Ye-li-jenjong qui était peut-être d'origine khitan. Les Si-Hia furent plusieurs fois attaqués par les Mongols qui s'emparèrent, en 1227, de la capitale de ce royaume et prirent le roi Li-hien et le mirent à mort. Ce fut la dernière victoire de Gengis-Khan qui mourut quelques mois après. Le royaume de Si-Hia ou Tangout fut ainsi détruit et passa aux mains des Mongols. Marco Polo, le célèbre voyageur vénitien, visita cette contrée quelques années plus tard.

On a plusieurs inscriptions en caractères si-hia : 1° la stèle de Leang-tcheou, dans le Kan-sou, porte une inscription chinoise sur une des faces datée de 1094 et sur l'autre une inscription si-hia ; 2° sur la porte de Kiu-Yoaq-Koan, il y a les inscriptions si-hia de l'année 1345, deux d'entre elles sont en langue et en écriture si-hia et les deux autres sont en écritures différentes : sanscrit, tibétain, mongol en caractères de Phags-pa, ouïgour si-hia et chinois. On possède aussi plusieurs pièces de monnaies imitées des Chinois avec des caractères si-hia.

Le royaume de Tou-fan.
Le royaume de Toufan ou Tou-fan ou Tufan, au Sud des précédents, était le plus puissant royaume du Tibet et occupait le pays de Lha-sa (Lhassa) et la province d'Ou. La généalogie tibétaine nomme les princes de Tou-fan rois de Yarloung, du nom d'un petit affluent du Dzang-po dont la vallée est une des plus pittoresques et des plus peuplées du Tibet. Ce royaume ne tarda pas à soumettre la plupart des autres à sa loi; ses chefs, entreprenants et audacieux, obligèrent les États vaincus à faire cause commune avec elle contre ceux qui lui résistaient encore. Le roi des Tou-fan, le «-tsanpu-» (celui qui est homme et héros) s'adjoignait un certain nombre de collaborateurs, qui l'aidaient dans la direction des affaires, commandaient les troupes en son absence, ou portaient ses messages à l'ennemi, et décidaient avec lui de la paix ou de la guerre. Les Tufan se heurtèrent de bonne heure au Céleste Empire; maintes fois ils atteignirent sa capitale et le mirent en péril. On place le premier roi des Tou-fan au milieu du Ier siècle avant notre ère. 

Le mythe des origines. - A l'origine de la première dynastie des Tou-fan nous trouvons une légende. Trois descendants de Bouddha avaient déjà exercé le pouvoir lorsque survint le maître prédestiné. C'était le fils d'un prince apparenté au Fils du Ciel, d'après la version chinoise; au souverain de Patna, selon l'histoire hindoue. Des prodiges avaient accompagné sa naissance; il était venu au monde avec des cheveux bleu azur, des dents d'une blancheur éblouissante; une fine membrane réunissait les doigts de ses mains. Son père voulut le perdre en le faisant exposer sur la montagne. Mais des bergers le recueillirent, l'élevèrent, et lui prédirent les plus hautes destinées. Alors, il apparut en vainqueur, soumit quatre tribus tumultueuses, et, habile politique autant que puissant guerrier, il domina tout le pays. Ce personnage est appelé en quelque endroit Seger-Sandalitou.
Les faits de la vie de Seger-Sandalitou ne comportent aucune date, et après lui les récits légendaires se poursuivent avec vingt et un rois, qui apparaissent et disparaissent sans laisser dans l'histoire autre chose que le vague souvenir de leurs noms. Encore ces noms sont-ils très discutés. Il semble toutefois que, vers 250 av. J.-C., l'un d'eux, un certain  Nyaktritsanpo, aurait joui dans le Tibet d'un grand prestige. A la fin de cette période obscure, on aperçoit le brillant Lathatori, fort apprécié des historiens bouddhistes, qui fit la guerre aux Chinois et voulut le bien de son peuple (331-373). Vers 460 règne un certain Guyan-btsan, de la tribu des Tatars. Et c'est gNam-ri-srong-btsan, le vingt-neuvième souverain, qui fonda l'empire tibétain en resserant vers 622 les tribus éparses.

L'Empire tibétain (622 à 842)

A partir de 622, gNam-ri-srong-btsan (Namri-srong-btsan) étendit les limites de son royaume jusqu'à l'Inde, à gNya-zhur à l'Ouest. Sous son règne la médecine et l'arithmétique furent apportées de la Chine. Il mourut en 629. Srong-btsan-sgam-po (Srong-tsans-gampo) (630-650), son illustre fils, nous dit la tradition, introduisit le bouddhisme et l'écriture de l'Inde, fonda Lhassa; il épousa deux femmes, une princesse du Népal et une princesse chinoise. Il s'empara du royaume des Tangouts et des Pe-lan; et il envahit l'Inde centrale.
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Les religions du Tibet

Il y a (ou il y a eu) au Tibet deux religions bien différentes : celle qui est connue sous le nom de bon ou de bon-po et le bouddhisme tibétain ou lamaïsme.

La religion bon-po doit être fort ancienne; selon l'abbé Desgodins, il en est fait mention au Tibet 250 ans avant notre ère. Les bon-po reconnaissaient un dieu créateur qui s'est uni à un principe divin féminin. De ces deux principes sont sortis les petits dieux, les humains et le monde. Ils voyaient une divinité dans tous les phénomènes de la nature. Beaucoup de lacs, de montagne étaient l'objet de vénération et revêtaient un caractère divin. Une divinité très répandue était le Vent-cheval (loungsta); les bon-po professaient particulièrement le culte des ancêtres et celui des lares domestiques, chaque maison avait sa divinité. Cette religion avait certains rapports avec celle des anciens mongols et tatares. Les prêtre bon-po étaient souvent ermites, d'autres habitaient dans des couvents ou vivaient au milieu de la population laïque; ils n'étaient pas soumis au célibat et portaient les cheveux longs; ils étaient avant tout sorciers et nécromants. 

La religion bon-po a conservé jusqu'à l'époque contemporaine un grand nombre d'adhérents, surtout dans le Tibet oriental; ils ont longtemps dominé dans le Po-youl; Dzog-tchen-gon-pa était le plus important de leurs monastères dans le Nord-Est. La plupart de leurs livres s'imprimaient dans ce couvent. Mais depuis l'importation du bouddhisme au Tibet, le bon-po s'est effacé pour se diluer d'une certaine manière dans la nouvelle religion. Il est resté dans la trame de la religion populaire, comme sorte de réservoir de croyances et de pratiques conservées à la marge du bouddhisme strito sensu. Le bouddhisme au Tibet a même emprunté ouvertement à l'ancienne religion certaines pratiques, surtout celles qui sont demandées par le peuple, comme les cérémonies bon-po envers les morts. 

Selon Grénard, ceux des anciens tibétains qui sont restés le plus longtemps attachés au bon-po se faisaient passer pour des bouddhistes hérétiques et non pour des infidèles. Ainsi les pratiques religieuses des bon-po parurent-elles différer peu de celles des bouddhistes tibétains; ils employaient la formule « Om, ma-té-men ya-sa-lé-do! » au lieu de celle «-Om mani padmé hum! » des bouddhistes; ils avaient de même le fameux moulin à prières, mais au lieu de le faire tourner de droite à gauche comme les bouddhistes, ils le faisaite tourner de gauche à droite.

Le bouddhisme, que l'on appelle ici lamaïsme, religion indienne, fut introduit au Tibet sous le roi Srong-btsan-sgam-po vers l'année 632 de J.-C., mais il ne commença à fleurir qu'avec le célèbre Padma Sambava, docteur indien, sous le règne du « Khri Srong-lde-btsan » (755 à 780 de J.-C.). Le bouddhisme tibétain est très proche du bouddhisme tel qu'il existait en Inde du temps de Hiouen thsang, voyageur chinois qui visitait ce pays vers 635 de J.-C. On avait la crainte des démons, on invoquait le génie protecteur Vadjrapâni, on adorait l'Adi-Bouddha, les Dhyâni-Bouddhas, Avalôhiteçvara. Les mêmes croyances sont répandues aujourd'hui dans le Tibet.

La religion bouddhique ne s'occupe guère des laïques; les bouddhistes sont des moines qui ont renoncé à tous désirs et ont entrevu les quatre vérités. Le bouddhisme tibétain se fait remarquer par la constitution de son clergé, les lamas, dont dérive le nom cette forme de bouddhisme; historiquement son influence a été éminemment politique.

Mang-srong-mang-bstan (650-679) conquit le royaume T'ou-kou-houn. Il devint très puissant, prit aux Chinois quatre places importantes du Turkestan oriental.

Gung-btsan (679-703), fils du précédent, avait huit ans lorsqu'il fut élevé au trône. Le pouvoir fut confié au régent Kin-ling. On soumit les Yang t'oung et on prit tous les pays des Kiang ou Tibétains. Sa domination s'étendait à l'Est aux villes chinoises Liang (dans le Kan-sou), Sungp'an et Mou (dans le Sse-tchouen), Soui (dans le Yun-nan); au midi, à l'Inde; à l'Ouest, à Koutche, à Kashgar et à Khotan; au Nord jusqu'aux Turcs. Ce vaste empire, qui touchait Khoraçan d'après les historiens arabes, était à cette époque à son apogée. Gung-btsan, à sa majorité, prit les rênes du gouvernement; il témoigna de la méfiance au régent, celui-ci se tua de chagrin. Gung-btsan périt dans une expédition contre le Népal et l'Inde.

Gung-srong-'du-rje, son fils, monta sur le trône en 703, il n'avait que sept ans. Les Tibétains s'emparèrent de Ferghana, firent une alliance avec les Arabes qui faisaient la guerre dans le Mawarannahar. Ce souverain épousa une princesse chinoise.

Khri-lde-gtsug-brtan-mes-ag-ts'homs meurt en 755. Sous son règne on traduisit plusieurs ouvrages sanscrits en tibétain. Il eut une guerre avec la Chine au sujet de Bolor qui était allié des Tibétains; les Chinois furent victorieux.

Khri-srong-Ide-bstan (755-780). Le bouddhisme fut alors très florissant. Les Tibétains continuèrent la guerre contre la Chine, prirent Si-ngan-fou, la capitale; ils furent repoussés.

Mu-Tu-Khri-bstan-po (780-797). Il était très dévoué au bouddhisme. Trois fois il força les riches à partager leurs biens avec les pauvres.

Sad-na-legs (798-816), fils du précédent (selon les historiens chinois, il succéda à son frère qui n'avait régné qu'un an). Il fit la guerre aux Turcs Cha-to.

Ral-pa-chan (816-838) fit un traité avec la Chine et, pour en perpétuer la mémoire, on érigea un monument sur lequel on grava le texte du traité; le monument existe encore à Lhassa. Ral-pa-chan, très adonné au bouddhisme, fit réunir les ouvrages bouddhiques, traduits en tibétain, en deux grandes collections : le Kandjour et le Tandjour.

gLang-dharma (838-842), frère du précédent, entreprit une violente persécution contre le bouddhisme, il fut assassiné; le Tibet fut pendant plusieurs années en révolution.
Les deux fils de gLang-dharma divisèrent entre eux l'empire, il n'y eut plus que de petits princes.

Les principautés (842-1260)

Ol-srung, fils aîné de gLang-dharma, eut la partie occidentale du Tibet; à sa mort, ses deux fils se partagèrent l'héritage paternel. IDe-dpal-khor-btsan, son fils aîné, eut aussi deux fils.

Skyid-lde-nyi-ma-mgon, fils aîné du précédent, hérita du Ngari et fonda Purang; ses trois fils se partagèrent aussi sa principauté; le troisième, IDe btsun-mgon, eut la province de Sankar (partie occidentale du Ngari), ses descendants se succédèrent pendant vingt et une générations. Sous le règne d'un de ses successeurs, Byang-chhub-od, le pandit indien Atisha, qui réforma le bouddhisme, vint dans son royaume. A cette époque (1025), les Tibétains adoptèrent le cycle de soixante ans. La période Mekha gya tsho finit en 1024.

Khri-bkra-skis-brtsegs-pa-dpal, le second fils de lDedpal-khor-btsan, eut trois fils; le second Od-lde, eut quatre fils, le troisième de ses quatre fils, Khri-chhung, fut roi de Ou; il eut onze successeurs. Ces princes favorisaient aussi le bouddhisme; sous le septième de ces rois vivait au Tibet le célèbre Sakya-Pandita, qui naquit en 1180.

L'histoire donne peu de renseignements sur les princes orientaux descendants du second fils de gLang-dharma. On mentionne en 1015 le prince Ku-szu-lo qui fit la guerre au roi des Hia ou Tangouts. Son troisième successeur Hia-tching se soumit à la Chine et se fit bonze en 1102. Une partie de l'empire tibétain tomba aux mains du roi de Yun-nan et des Ouigours (Turks); l'ancien Tangout redevint un royaume puissant à partir de 967, sous le sceptre de Like-joui, originaire de la tribu Thou-po des Tangouts.

Le Tibet était, comme on le voit, divisé entre beaucoup de petits princes, puisque tous ces souverains partageaient leur territoire entre leurs fils. Lorsque les Mongols entrèrent vers 1254 dans le Tibet, ils eurent beaucoup de difficultés à réduire cette nation. Leurs chefs, Siuntato et Yntali, se défendirent vaillamment; ils ne se soumirent que lorsqu'ils se virent épuisés. Les Mongols firent encore en 1275 une autre expédition contre les Tibétains.

Les princes lamas

Koubilaï, khan des Mongols, en 1260, donna au lama P'ags-pa, supérieur du couvent sakya (au Sud-Ouest de Ta-chi lhoun po, dans le Tsang), l'autorité temporelle sur treize districts de Ou et de Tsang, et sur les provinces de Kham et d'Amdo. Ses successeurs se sont succédé jusqu'au XXe siècle comme souverains, mais leur territoire a été beaucoup diminué au fil du temps.

Le premier empereur Ming, en 1368, partagea le Tibet en plusieurs divisions territoriales. La Chine n'intervint plus dans les affaires des chefs tibétains. On créa en 1403 six grands lamas princes et d'autres lamas avec différents titres. A la mort de ces grands dignitaires, leur titre passait à un de leurs disciples. Tous ces lamas appartenaient à la secte rouge. Ils payent un tribut à la Chine. Ces princes n'eurent aucun démêlé sous les Ming (1368-1628) avec l'empire du Milieu, mais les chefs des tribus se révoltèrent en 1530; soixante chefs se soumirent, seize furent vaincus.
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Potala.
Le Potala, sur une colline qui domine Lhassa.
(Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

Les dalaï-lamas.
Tsong-kha-pa (1355-1417), le réformateur du bouddhisme tibétain ou de la secte jaune, fonda en 1407 le grand monastère de dGa-ldan, à 4 lieues à l'Est de Lhassa.

dGe-hdun-grub-pa, son disciple, qui descendait des anciens rois du Tibet et prince héréditaire de Fan, fonda en 1445 le monastère de Ta-chi-lhoun-po, dans le Tsang; il fut le supérieur de son monastère et réunit ainsi le pouvoir spirituel au pouvoir temporel qu'il tenait par sa naissance. C'est le premier dalaï-lama. Il passe, de même que ses successeurs, pour une incarnation du Boddhisatva Avalôkiteçvara.

dGe-hdun rgya-mtsho (1474-1540), deuxième dalaï-lama, refusa d'aller voir l'empereur de Chine Ou-tsong des Ming.

bSod-nams rgya-mtsho (1541-1586), troisième dalaï-lama. La Mongolie et d'autres pays reconnurent sa suprématie spirituelle. Aussi beaucoup de princes lamas de la secte rouge embrassèrent la secte ,jaune.

Yon-tan-rgya-mtsho (1587-1614), quatrième dalaï-lama.

Nag-dvang blo bzang rgya-mtsho (1615-1682), cinquième dalaï-lama. A cette époque, une partie du Tibet occidental appartenait au khan Tsan-pa. Sous prétexte qu'il tyrannisait ses sujets et nuisait à la secte des bouddhistes jaunes, le ti-pa (vice-roi du dalaï-lama), aidé par le prince des Eleuthes (Mongols) lui fit la guerre, s'empara de sa principauté. On bâtit le monastère de Po-ta-la (Potala), près de Lhassa, en 1643. Le dalaï-lama vint y demeurer; on donna le monastère Tachi-lhoun-po avec un territoire à un lama qui eut le titre de Pang-tchen rin-po-tche (panchen-lama). Ses successeurs restèrent les souverains de cette principauté. On chassa les bouddhistes rouges. Le dalaï-lama alla à Pékin en 1653. L'empereur de la dynastie mandchoue ne lui donna que des titres honorifiques. Le dalaï-lama mourut en 1682. Le ti-pa cacha sa mort pour nommer avec le khan des Eleuthes un autre dalaï-lama. La Chine voulut déjouer ces intrigues. Le khan La-tsang fit tuer le ti-pa en 1705, et de concert avec l'empereur ils nommèrent lu sixième dalaï-lama. Les Mongols ne voulurent pas le reconnaître et choisirent un dalaï-lama qu'ils disaient être la seule véritable incarnation de la divinité.

Rin-tchhen-tshangs dvyangs rgya-mtsho (1681-1708), sixième dalaï-lama, d'après la liste tibétaine.

bLo bzang skal ldan rgya-mtsho (1708-1758), septième dalaï-lama. Le khan des Eleuthes(Mongols)  envahit le Tibet entre à Lhassa, s'empara du Potala. La Chine intervint. En 1728 et 1751, il y eut des révolutions intérieures. La Chine envoya des ambassadeurs pour protéger le dalaï-lama. Le Tibet fut mis sous la suzeraineté de la Chine. C'est de cette époque (1751) que date l'organisation du gouvernement qui dura jusqu'à la fin de l'époque impériale.

bLo bzanq hjam dpal ryga-mtsho (1758-1805), huitième dalaï-lama; aidé par la Chine, il soutint une guerre contre le Népal.

Lung rtogs rgya mtsho (1805-1815), neuvième dalaï-lama.

Tshul khrims rgya mtsho (1815-1837), dixième dalaï-lama, fut empoisonné par le vice-roi de Lhassa.

mkthas grub rgya mtsho (1837-1856), onzième dalaï-lama, fit chasser les abbés Huc et Gabet six semaines après leur arrivée à Lhassa en 1846.

Phrin las rgya mtsho (1856-1875), douzième dalaï-lama; il y eut en 1863 une insurrection peu importante.

Tub-bstan rgya-mtsho, treizième dalaï-lama, né en 1876, mort en 1933, fut installé en 1877. Le téléphone et l'électricité font leur apparition au Tibet à cette époque. Les Anglais aussi, qui craignent une expansion de la puissance russe dans la région et envoient une expédition militaire qui prend possession de Lhassa en 1904, obligeant le dalaï-lama à fuir quelque temps en Mongolie. Mais surtout, c'est  à l'époque du treizième dalaï-lama que cesse, en même temps tombe la dernière dynastie impériale (1911), le protectorat chinois qui existait depuis 1720. Et, malgré les accords que lui a fait signer l'Angleterre et qui établissent une sorte de nouveau protectorat, le Tibet se trouve dans les faits indépendant  jusqu'en 1949 (la déclaration officielle d'indépendance eut lieu, de concert avec la Mongolie, en 1913).  (Ed. Specht).

Le treizième dalaï-lama introduisit des réformes afin d'équilibrer les pouvoirs entre les fonctionnaires civils, que rongeait la corruption, et les moines, qui, eux, furent ramenés à une plus grande discipline. Des impôts furent mis en place, ainsi qu'une police et une armée, dans un premier temps entraînée par les Britanniques, et qui eut à combattre contre les chefs de guerre chinois des provinces voisines. Cette politique réformiste, et surtout l'apparition des impôts, fit naître des dissensions avec le numéro deux du régime, le panchen-lama, qui dut s'exiler en Chine.

Après la mort, en 1934, du treizième dalaï-lama, une régent est désigné, Reting Rimpoche, qui amorce un rapprochement avec la Chine.

Tenzin rgya-mthsho (Tenzin Gyatso), né en 1935, devient officiellement le quatorzième dalaï-lama en 1940, au cours d'une cérémonies au cours ont été invités des officiels chinois. En 1950, Tenzin Gyatso prend officiellement ses fonctions de chef de l'Etat. Mais la même année, les troupes de la Chine communiste, qui s'étaient déjà emparées du Tibet oriental l'année précédente, prennent possession de Lhassa

En 1951, le gouvernement tibétain signe l'Accord en 17 points avec le gouvernement chinois, acceptant l'intégration du Tibet à la République populaire de Chine (RPC) en échange de promesses d'autonomie et de respect des traditions religieuses et culturelles tibétaines. Au milieu des années 1950, le gouvernement chinois commence à introduire des réformes agraires au Tibet, visant à abolir le système féodal et à collectiviser l'agriculture. Ces réformes provoquent une résistance parmi les nobles et les monastères tibétains, qui perdent leurs terres et leur influence.

En mars 1959, une révolte éclate à Lhassa, la capitale tibétaine, en réponse à la présence militaire chinoise et aux réformes imposées. La révolte est violemment réprimée par l'armée de Pékin. Tenzin Gyatso, le quatorzième dalaï-lama et les hauts dignitaires du clergé de Lhassa doivent fuir le pays, vite suivis par 80 000 Tibétains. Le dalaï-lama vit depuis en exil à  Dharamsala, au Nord de l'Inde, où il a constitué un gouvernement tibétain, appelé Administration centrale du Tibet. Il a reçu en 1989 le Prix Nobel de la paix. 

Après le soulèvement, le gouvernement chinois intensifie sa répression des dissidents tibétains. Des campagnes politiques, telles que la Révolution culturelle (1966-1976), entraînent la destruction de nombreux monastères et la persécution des religieux tibétains.

Le gouvernement chinois met en oeuvre des politiques visant à promouvoir la langue chinoise (mandarin) au Tibet, souvent au détriment de la langue tibétaine. L'éducation en mandarin devient obligatoire, et l'usage du tibétain est restreint dans les écoles et les administrations. Le gouvernement encourage par ailleurs la migration de Han chinois (l'ethnie majoritaire en Chine) vers le Tibet. Cette politique modifie la composition démographique de la région et accroît l'influence culturelle chinoise.

La politique de sinisation du Tibet inclut des mesures pour contrôler et restreindre les pratiques religieuses tibétaines. Les monastères sont placés sous surveillance étroite, et le nombre de moines et de nonnes est strictement limité. Le gouvernement chinois tente également de contrôler la réincarnation des lamas, une tradition centrale du bouddhisme tibétain.

La Chine continue de promouvoir le développement économique au Tibet, construisant des infrastructures modernes, des routes, des chemins de fer (notamment le chemin de fer Qinghai-Tibet inauguré en 2006), et d'autres projets de développement économique et touristique. Ces investissements visent à intégrer davantage le Tibet à l'économie chinoise. Cependant, les Tibétains locaux bénéficient souvent moins de ces développements par rapport aux migrants Han, ce qui exacerbe les tensions et les inégalités.

Le Tibet, riche en ressources naturelles, voit une exploitation accrue de ses ressources minières et hydrauliques. Ces projets de développement sont souvent réalisés par des entreprises chinoises, et les bénéfices économiques sont perçus comme ne profitant pas suffisamment à la population tibétaine locale.

Depuis les années 2000, des manifestations sporadiques et des actes de résistance, comme les auto-immolations de moines et de civils tibétains, attirent l'attention internationale sur la situation au Tibet. Ces actes de protestation expriment la frustration et le désespoir face à la sinisation et à la répression. En mars 2008, des manifestations importantes ont eu lieu à Lhassa et dans d'autres régions tibétaines, marquant le 49e anniversaire de l'exil du Dalai Lama et le soulèvement tibétain de 1959. Les manifestations ont été réprimées sévèrement, entraînant des arrestations et des restrictions sur les médias. Le gouvernement chinois a intensifié sa surveillance et ses mesures de sécurité, notamment après les manifestations de 2008 et les événements liés aux tensions politiques. Le contrôle sur les institutions religieuses tibétaines s'est accentué. La Chine a imposé des restrictions strictes sur les pratiques religieuses, les rassemblements religieux, et les activités des monastères. La politique de contrôle a également eu un impact sur le processus de reconnaissance des lamas réincarnés.

La Chine a investi massivement dans le développement économique du Tibet, avec des projets d'infrastructure tels que la ligne ferroviaire Qinghai-Tibet et la construction de routes, de ponts, et de centres urbains. Cela a entraîné une modernisation de la région, mais a également suscité des préoccupations quant à la préservation de la culture tibétaine et à l'impact environnemental. Des disparités subsistent aussi. Les Tibétains de souche ont parfois du mal à bénéficier équitablement des avantages économiques, et les tensions entre les populations tibétaines et les migrants han chinois continuent d'exister. Bien qu'il soit strictement contrôlé, le tourisme a connu une croissance rapide, avec une augmentation du nombre de visiteurs étrangers et nationaux. Les autorités chinoises ont promu le Tibet comme destination touristique, ce qui a généré des revenus mais a également conduit à des tensions concernant la gestion de l'environnement et des sites culturels.

Le Tibet, souvent appelé le « toit du monde », a été affecté par les changements climatiques, avec des impacts sur les glaciers, les rivières, et les écosystèmes locaux. La fonte des glaciers tibétains est une préoccupation majeure, affectant les ressources en eau pour toute la région. Des efforts ont été faits pour protéger l'environnement tibétain, mais la gestion des ressources naturelles et les projets de développement continuent de poser des défis. Les autorités chinoises ont mis en place des politiques pour préserver certaines zones écologiques, tout en poursuivant le développement économique.

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