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Charles-Quint |
Aperçu | De 1500 à 1530 | De 1530 à 1558 |
En 1530, les Turcs, dans leur marche envahissante contre la chrétienté, occupaient une partie de la Hongrie, et se dirigeaient sur Vienne. A la diète d'Augsbourg (1530), les Protestants furent invités par l'empereur à rentrer dans le sein de l'Eglise catholique; naturellement ils n'en firent rien, et, par la plume de Mélanchthon rédigèrent l'acte de leur foi, connu sous le nom de confession d'Augsbourg. Menacés d'être réduits par la force, les princes qui avaient embrassé la Réforme, formèrent la ligue de Smalkalde (1531); ils entrèrent même en négociations avec les rois de France et d'Angleterre contre l'empereur. Cependant Ferdinand, que Charles-Quint venait de faire proclamer roi des Romains, exposa à l'empereur que, si on n'avait pas les protestants avec soi, on ne pourrait résister aux Turcs; une paix provisoire (Nuremberg et Ratisbonne) fut comme une déclaration de tolérance religieuse, au moins pour un temps, et permit de réunir toutes les forces de l'Allemagne contre le sultan. L'empereur en personne se mit à la tête d'une armée de 90,000 fantassins et 30,000 cavaliers, sans compter les corps irréguliers, et marcha sur Vienne que Soliman assiégeait avec, dit-on, 300,000 soldats. Celui-ci ne l'attendit pas, leva le siège et retourna à Constantinople (1532). L'empereur passa alors en Italie, où il voulait consolider l'état de choses naguère établi, et traiter avec le pape de la réunion d'un concile, qui devait mettre fin aux querelles religieuses. On ne s'entendit pas sur ce point et Charles-Quint, après avoir amené tous les Etats de la péninsule à conclure avec lui une alliance pour la défense de l'Italie, licencia ses troupes et revint par mer à Barcelone, sur les galères d'André Doria (24 avril 1533). Il donna alors tous ses soins à l'administration de l'Espagne, que l'impératrice avait gouvernée en son absence; il réunit à Monzon (15 mai 1533), les Cortès d'Aragon, Catalogne et Valence, et obtint d'elles un subside assez fort; aux Cortès de Castille, à Madrid, on fit de nombreuses propositions utiles, entre autres celles de la publication d'un code et de la réduction des biens de mainmorte. L'empereur trouva d'ailleurs toute l'Espagne obéissante, et promit la plupart des réformes demandées. Sa puissance, qui venait récemment de s'augmenter encore par les conquêtes du Mexique et du Pérou, était vraiment imposante. Il résolut de mettre à profit le répit que lui laissait le roi de France pour se faire le champion de la chrétienté contre les infidèles, et reprendre les projets d'Isabelle et de Ferdinand sur l'Afrique. Là encore, d'ailleurs, la guerre n'avait qu'un caractère défensif; de même que les Turcs menaçaient l'Allemagne, Barberousse essayait de se constituer un grand empire maritime en Berbérie et de faire du bassin occidental de la Méditerranée un lac musulman. Après avoir fondé la régence d'Alger, sous la suzeraineté de la Porte, il venait de s'emparer du royaume de Tunis; ses audacieux corsaires semaient la désolation et l'effroi sur toutes les côtes d'Italie et d'Espagne; Doria fuyait souvent devant lui. L'empereur résolut de conduire contre Barberousse une grande expédition, et de faire alliance avec Muley-Hassen, le roi détrôné de Tunis. Il partit de Barcelone au printemps de 1535, avec une flotte de quatre-vingts galères, de près de quatre cents vaisseaux, et portant environ quarante mille soldats allemands, espagnols et italiens, et débarqua après une traversée heureuse près du cap Carthage. Les Turcs, prévenus, dit-on, par des avis de François Ier, s'étaient préparés à la résistance; ils tinrent plus d'un mois dans la forteresse de La Goulette, et l'armée impériale souffrit beaucoup; l'empereur s'exposa souvent de sa personne, et montra une réelle bravouve. Dans la marche sur Tunis, l'armée se débanda, et elle eût probablement éprouvé une sanglante déroute si la ville avait tenu; mais vingt mille chrétiens, qui s'y trouvaient captifs, étant parvenus à s'emparer de la Casbah, Barberousse, qui n'avait plus ni artillerie ni poudre, dut s'enfuir avec ses Turcs et quelques Arabes demeurés fidèles. Les habitants de Tunis se rendirent sans faire aucune résistance, mais les Impériaux, qui avaient beaucoup souffert et avaient perdu toute discipline, entrèrent dans la ville comme dans une ville prise d'assaut; pendant huit jours, ils mirent tout à feu et à sang; les horreurs qui s'étaient produites à Rome en 1527 se renouvelèrent. L'armée fut elle-même la première victime de ses excès; les cadavres accumulés et laissés sans sépulture dans les rues engendrèrent la peste; on se battit pour le butin; les soldats ne voulurent plus obéir à leurs chefs. L'empereur, qui avait le projet de poursuivre ses avantages et de marcher sur Alger, ne put le faire avec des troupes démoralisées et qui manquaient de tout. Barberousse cependant alla reprendre des forces à Alger et audacieusement se porta sur les Baléares, qu'il pilla au moment même où on faisait des feux d'artifice et des illuminations pour fêter la victoire de Charles-Quint. Le siège de Tunis en 1535. L'empereur, laissant sur le trône de Tunis Muley-Hassen, qui se reconnaissait son vassal et tributaire, vint passer l'automne de 1535 dans le royaume de Naples. Pendant ce temps, François Ier, qui voyait son ennemi toujours grandir et devenir de plus en plus menaçant, s'était allié avec Soliman; puis, irrité du meurtre d'un de ses agents, commis par le duc de Milan, peut-être à l'instigation de Charles-Quint, il déclara la guerre à Sforza et au duc de Savoie. L'empereur, dans la semaine de Pâques 1536, à Rome, au milieu d'une assemblée nombreuse à laquelle assistaient le pape, les cardinaux, les ambassadeurs de plusieurs puissances, dénonça l'alliance de François Ier avec les infidèles et se laissa aller, dans un mouvement de colère, à provoquer celui-ci en combat particulier; il annonça qu'à la tête d'une armée nombreuse il allait envahir la Provence, tandis que ses généraux pénétreraient en Champagne et en Picardie. En vain, le fameux Antoine de Leyva déconseillait cette expédition; l'empereur s'y entêta et partit avec de belles troupes, emmenant Paul Jove pour écrire le récit de ses victoires. On sait comment la Provence, systématiquement dévastée par Montmorency, repoussa les Impériaux. Charles-Quint dut repasser les monts avec son armée presque détruite et retourna en Espagne (novembre 1536). Les invasions de la Champagne et de la Picardie ne lui avaient pas mieux réussi; aussi, après quelques mois d'une guerre indécise en Flandre et en Lombardie, la reine de France et la reine de Hongrie, toutes deux soeurs de l'empereur, parvinrent à faire signer des trêves. A Nice (juin 1538), par l'entremise du pape Paul III, fut signée une autre trêve de dix ans, et, quelques semaines plus tard, à Aigues-Mortes, eut lieu une entrevue entre le roi de France et l'empereur, dans laquelle ils se firent de grandes protestations d'amitié. Charles-Quint retourna en Espagne. Les guerres si nombreuses qu'il avait à soutenir coûtaient à l'empereur des sommes considérables. Après l'expédition de Tunis, ce fut en vain qu'il demanda de l'argent aux Cortès d'Aragon (1536); après sa désastreuse campagne de Provence, il dut encore en demander aux Cortès de Castille et d'Aragon (1537). II obtint, cette fois, un subside des uns et des autres; mais, en dépit des trésors qui commençaient à venir du nouveau monde, l'Espagne se sentait ruinée. Les garnisons de Lombardie et de la Goulette se révoltaient faute de paye; le manque d'argent paralysait tous les projets du gouvernement. II fut obligé, en 1538, de demander la création d'un impôt nouveau, la sisa, aux Cortès de Castille, et il fallut l'établir d'office, car les nobles ne voulurent jamais le voter; depuis lors, on ne les convoqua plus à ces sortes d'états généraux. Le roi se vit réduit à écrire aux diverses cités pour leur demander quelque aumône. Cette pénurie revient dans tous les actes du règne comme une note ironique. Le pape, en faisant signer la trêve de Nice, avait eu pour objet, outre l'élévation des princes de sa famille, d'armer toute la chrétienté contre les musulmans, et avait formé une ligue où étaient entrés tous les Etats d'Europe, même Venise. L'empereur avait été reconnu comme chef militaire de cette ligue; il nomma généralissime Fernando de Gonzague et grand-amiral Doria; celui-ci ne put s'entendre avec l'amiral des galères vénitiennes; Castel-Novo, au royaume de Naples, fut emportée d'assaut par les Turcs, et les chrétiens n'éprouvèrent partout que des revers. Charles-Quint à la bataille de Muhlberg (1547), par Titien. L'empereur avait alors d'autres ennemis à combattre une guerre prochaine avec la France n'était pas douteuse, malgré la trêve de dix ans; de plus, Charles-Quint, tout plein encore de l'orgueil que lui avait donné l'expédition de Tunis, en rêvait une autre semblable et voulait en finir avec Barberousse; il croyait que l'Afrique était pour lui la terre des succès. A Gand, il avait appris de nouvelles déprédations des corsaires barbaresques et le sac qu'ils avaient fait de Gibraltar; plein de colère, il ne songea qu'à la guerre, rassembla des troupes dans son rapide voyage en Allemagne, d'autres en Italie et en Espagne. Tout le monde lui faisait observer qu'une campagne, préparée aussi hâtivement, serait peu profitable; son frère, le pape, Fernand de Gonzague, lui conseillaient d'attendre au moins l'année prochaine, et, au lieu d'exposer sa personne, d'en confier le commandement à un de ses généraux ; Doria lui assurait qu'une expédition par mer en Afrique n'avait chance de réussir que dans les mois de juillet et août. que la saison était trop avancée (on était en septembre 1540), que les tempêtes pouvaient disperser la flotte, que les provisions seraient insuffisantes. L'empereur n'écouta rien; il avait une confiance extrême en son génie militaire et en sa puissance; il pensait peut-être aussi que Hassen-Agha, avec qui il avait noué des relations comme jadis avec Barberousse, lui livrerait Alger sans coup férir. C'est contre cette ville que l'expédition était dirigée; une flotte immense, avec plus de 20,000 hommes, partit des ports de la Ligurie; on y remarquait les galères du pape, de Venise, de Doria, de l'ordre de Malte, des Etats italiens; elles portaient les meilleures troupes de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie, de vieilles bandes qui avaient semé la terreur sur maint champ de bataille. Une autre flotte devait la rejoindre, venant d'Espagne, avec des régiments et des munitions, et des vivres. Ferdinand de Gonzague commandait l'armée et Doria la flotte. Le mauvais temps dispersa les vaisseaux venant d'Italie et qui ne purent se rallier qu'avec peine aux Baléares; les navires d'Espagne ne purent rejoindre que sous Alger. On sait que, le surlendemain du débarquement (novembre 1541), une horrible tempête détruisit la moitié de la flotte; que l'armée, décimée par des souffrances de toutes sortes (pluies torrentielles, manque de vivres, insomnie), dut battre en retraite d'Alger sur le cap Matifou, s'embarquer précipitamment et éprouver de nouvelles tempêtes, de manière qu'un petit nombre seulement de soldats purent regagner leurs foyers. L'empereur montra, en ces douloureuses circonstances, une magnanimité et un courage au-dessus de tout éloge. Il fit abattre, le premier, ses magnifiques chevaux pour procurer quelque nourriture aux soldats, donnant ainsi à ses nobles l'exemple du sacrifice; dans la retraite, il combattit à pied, à l'arrière-garde, et, comme ses soldats craignaient qu'il ne les abandonnât, il monta sur la dernière galère et quitta un des derniers ce redoutable rivage. Les corsaires avaient encore une fois vaincu et humilié le grand empereur. Désormais, il ne voudra plus entendre parler d'expéditions en Afrique, et, si ses généraux tentent encore quelque chose à Tunis, à Mehedia, à Djerba ou dans la province d'Oran, ce sera en dehors de son consentement. Pendant que l'empereur était en Afrique, François Ier, se préparait à recommencer la lutte. Deux de ses agents, Rincon et Fregoso, chargés d'une mission auprès du sultan, furent assassinés par des hommes masqués, en traversant le Milanais, peut-être par les ordres du gouverneur impérial, du Vast. Le roi de France se plaignit à l'empereur de cette violation du droit des gens, mais ne reçut aucune satisfaction; il se prépara alors à la guerre, chercha des alliés, le duc de Clèves, le roi du Danemark, le sultan, et, mettant sur pied cinq armées, attaqua les Etats de Charles-Quint à la fois par le Luxembourg, le Brabant, le Roussillon et le Milanais. Les succès ne répondirent pas entièrement à cet énergique effort. D'autre part, l'empereur ne put entraîner le pape à se déclarer ouvertement pour lui; alors, malgré ses griefs personnels, malgré la qualité d'hérétique du roi d'Angleterre, il s'allia avec ce dernier, puis partit pour l'Italie, que Soliman et Barberousse, agissant de concert avec François Ier, menaçaient. Dans une entrevue qu'il eut avec le pape, à Plaisance, il ne put rien obtenir, passa alors dans l'Allemagne du Nord, et, mettant a feu et à sang les Etats du duc de Clèves, obligea celui-ci à se soumettre. Il pénétra ensuite sur le territoire français et assiégea, mais en vain, la forte place de Landrecies. Cependant, le sultan était entré sur les terres de l'Empire et les ravageait, tandis que la flotte de Barberousse, après avoir saccagé les rivages de l'Italie, venait rallier la flotte française à Marseille, et, de concert avec elle, assiégeait Nice, la dernière ville qui restât au malheureux duc de Savoie. La ville prise, l'entente cessa entre Barberousse et l'amiral français, et partout l'hiver, qui fut très rigoureux, vint mettre une trêve aux hostilités. Charles-Quint employa ce répit pour tenir la diète à Spire (1543), et, en y traitant avec bienveillance les protestants, il obtint la levée d'une armée de trente mille hommes; en même temps, il resserra son alliance avec Henri VIII et détacha, au contraire, du parti français le roi du Danemark, qui aurait pu faire, au Nord de l'Empire, une diversion dangereuse. Au printemps de 1544, l'empereur, avec une armée de plus de cinquante mille hommes, envahit la Champagne, tandis que le roi d'Angleterre dévastait la Picardie; les Allemands furent retenus longtemps au siège de Saint-Dizier, qui ne capitula qu'au mois d'août. Ils s'emparèrent ensuite d'Epernay et de Château-Thierry, à deux jours de marche de Paris. Mais le roi et les habitants de la capitale, au moins la plus grande partie, montrèrent une attitude énergique. Ce fut sans doute une des raisons qui décidèrent Charles-Quint à admettre des paroles de paix; il était d'ailleurs très souffrant et voyait son armée très affaiblie; il signa le traité de Crespy ( = Crépy-en-Laonnais, septembre 1544). La clause principale en était qu'il donnerait au duc d'Orléans, second fils de François Ier, la main de sa fille avec les États de Flandre, ou celle de sa nièce avec le Milanais. Les deux ennemis devaient ensuite mettre leurs forces en commun pour combattre les infidèles. Charles-Quint alla prendre quelque repos à Bruxelles, puis la mort de Barberousse et les guerres des Turcs en Asie lui ayant donné la libre disposition de ses troupes, il porta toute son attention aux choses d'Allemagne. Il paraissait croire qu'un concile pourrait y ramener la paix et l'unité religieuses; mais celui qui avait été convoqué à Trente (mai 1542) ne s'était pas réuni; le pape envoya une nouvelle bulle fixant la réunion à la semaine de Pâques 1545. Peu après, en décembre 1544, la diète de l'Empire se tint à Worms sous la présidence de Ferdinand; l'empereur était retenu par la goutte à Bruxelles. Dès la première séance, on vit bien que les Protestants n'étaient pas disposés à se soumettre aux décisions d'un concile et la présence de Charles-Quint, qui vint à la diète aussitôt qu'il fut un peu remis, ne changea pas ces dispositions. Au concile de Trente, d'autre part, les prélats du parti de l'empereur et ceux du parti du pape, ne s'entendirent pas sur la marche à suivre et aucun résultat pour l'apaisement de la Réforme ne fut obtenu. L'empereur, à la diète de Ratisbonne (1545) montra une grande partialité pour les catholiques et fit prendre par la majorité de cette assemblée, d'où presque tous les protestants étaient absents, une délibération qui donnait aux décisions du concile force de loi dans l'Empire. C'était une déclaration de guerre; les princes luthériens s'y étaient d'ailleurs préparés; ils cherchaient des alliances. Le roi d'Angleterre eût été disposé à les soutenir; mais il voulait être chef de la ligue, ce à quoi ils ne voulurent pas consentir; le roi de France et les cantons suisses gardèrent aussi la neutralité. Au contraire, l'empereur obtint du pape une armée et de l'argent pour réduire les Protestants. En 1546, il se mit à la tête de troupes, moins nombreuses que celles des confédérés, mais plus aguerries; il avait même sous ses drapeaux bon nombre de seigneurs luthériens, qui, comme Maurice de Saxe, faisaient passer leurs intérêts séculiers avant leurs croyances. Une rapide campagne soumit à Charles-Quint bon nombre de villes, comme Francfort et Augsbourg (1547), et les amendes qu'il leur imposa lui procurèrent de fortes sommes. En dépit de ces succès, sa situation ne laissait pas d'être critique; François ler se remuait de nouveau et ranimait les protestants abattus; il exhortait le sultan à rentrer en Hongrie en même temps qu'il détachait le pape de l'alliance avec l'empereur. II y avait d'ailleurs entre celui-ci et le pontife de nombreux motifs de discorde, qui firent que le pape transporta le concile de Trente à Bologne pour l'avoir mieux sous la main et que Charles-Quint se laissa aller à proférer publiquement des invectives contre le chef de l'Église. En même temps le peuple de Naples se révoltait, parce qu'on avait essayé d'établir dans ce royaume l'Inquisition. La mort de François Ier vint à propos délivrer Charles-Quint de son plus redoutable ennemi; il put alors entrer en campagne avec Ferdinand et Maurice de Saxe contre l'électeur de Saxe, chef des confédérés de Smalkalde. Il le battit et le fit prisonnier à Muhlberg (avril 1547), puis marcha sur Wittemherg, capitale de l'électorat et une des places les plus fortes de l'Allemagne. En menaçant de mettre à mort l'électeur, il força la femme de celui-ci à lui livrer la forteresse, puis parcourut tout le pays, traînant à sa suite, comme des trophées de sa victoire, l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse. Il les traita avec une extrême rigueur, frappa les villes de contributions énormes et se crut assez fort, à la diète d Augsbourg en 1548, pour imposer aux Protestants un corps de doctrines religieuses, qu'il fit rédiger par trois théologiens et auquel tous devaient se conformer, en attendant les décisions définitives du concile; c'est le fameux Intérim d'Augsbourg. Mais les princes et les villes refusèrent presque tous de l'admettre et la force ne l'imposa qu'en apparence à Ulm, Augsbourg, Constance, Mayence et Cologne. L'empereur partit ensuite pour les Pays-Bas, où il fit reconnaître son fils Philippe pour son légitime héritier par les Etats. Cette même année 1549, le pape Paul III étant mort fut remplacé par Jules II, qui jugea utile de convoquer de nouveau le concile à Trente. L'empereur, en même temps, réunissait la diète à Augsbourg (juin 1550), mais les protestants n'y vinrent pas. Maurice de Saxe, toujours dévoué en apparence à l'empereur, à qui il devait l'électorat de Saxe, commençait à rêver un autre rôle; frappé peut-être de l'impopularité que lui valait sa défection auprès de l'Allemagne protestante, espérant surtout quelque agrandissement extraordinaire de sa situation, il commençait à rentrer en négociations secrètes avec les princes luthériens et à tramer dans l'ombre quelque chose contre le pouvoir impérial. Pour mieux cacher son jeu, il faisait le siège de la grande ville de Magdebourg, qui n'avait pas voulu se conformer à l'intérim, et la forçait à se rendre, après un blocus qu'il laissa traîner en longueur pendant une année (novembre 1551). L'empereur cependant, pour être plus à même de suivre les opérations du concile de Trente, s'était établi à Innsbruck; Maurice de Saxe, avec sa duplicité ordinaire, envoyait des ambassadeurs au concile, correspondait amicalement avec les prélats catholiques en même temps qu'il poussait Mélanchthon et les théologiens protestants à soutenir de leur voix et de leurs écrits les doctrines de la Réforme. Dès le mois d'octobre 1514, il avait négocié avec le roi de France, Henri II, héritier de la haine paternelle une alliance offensive contre Charles-Quint. L'intrigue avait été conduite dans le plus grand secret. Charles-Quint, par Titien. La paix rétablie de ce côté, Charles-Quint n'eut plus d'autre pensée que se venger de Henri Il et lui reprendre ses conquêtes en Lorraine. Il réunit une armée de cent mille hommes, sous prétexte de faire la guerre aux Turcs et l'envoya en toute hâte avec une artillerie formidable pour assiéger Metz et nous l'enlever. Quoique toujours souffrant, il voulut y assister en personne et s'y fit porter le 10 novembre, mais Guise et les habitants même défendirent héroïquement la place et tous les efforts des assiégeants échouèrent; ils perdirent près de la moitié de leur effectif, par suite de blessures, de maladies et des rigueurs de l'hiver, et Charles-Quint, la rage au coeur, dut le 26 décembre donner l'ordre de la retraite; elle fut désastreuse. L'empereur, rentré aux Pays-Bas, reforma une armée, pour regagner au moins un peu d'honneur, emporta d'assaut la petite place de Thérouanne qu'il mit à sac et dont il fit raser les murs, puis celle de Hesdin (juin 1553); la guerre continua encore quelques mois de ce côté sans succès marqué de part ou d'autre, puis l'hiver imposa une trêve aux hostilités. Charles-Quint se flattait d'ailleurs de réparer par la diplomatie ses échecs sur les champs de bataille. Il négociait et réalisa l'année suivante le mariage de son fils Philippe avec Marie, soeur d'Edouard VI et héritière de la couronne d'Angleterre. Philippe reçut, pour dot de sa femme, le titre de roi d'Angleterre en même temps que son père lui cédait le royaume de Naples et le duché de Milan. Cette union, menaçante pour l'avenir, détermina Henri II à pousser la guerre avec plus de vigueur; il alla prendre le commandement d'une armée, enleva les places de Marienbourg, Bouvines, Dinant et arriva près de Namur, tandis que le maréchal de Montmorency ravageait le Hainaut; mais celui-ci fut bientôt obligé de reculer devant une armée impériale supérieure en nombre et commandée par Philibert de Savoie. A Renti, le 13 août 1554, il y eut entre les deux armées une bataille indécise; le duc de Guise, qui y montra un grand héroïsme, ne fut pas secondé et les Allemands, quoique ayant perdu plus de monde que les Français, restèrent maîtres du champ de bataille. Charles-Quint, qui venait d'y arriver peu de temps avant le combat, repartit quelques jours après pour Bruxelles, tandis que l'armée dévasta le Cambrésis. En Lombardie, Brissac résistait habilement aux Impériaux, commandés par le duc d'Albe, et eut tous les honneurs de la campagne. Charles-Quint était de plus en plus tourmenté par les douleurs physiques; il ne put assister à la diète d'Augsbourg, convoquée en 1555, en conformité du traité de Passau, et dut voir avec peine que son frère Ferdinand avait été obligé de proclamer définitivement la liberté du culte. L'élévation au trône de saint Pierre du théatin Caraffa, malgré ses efforts pour l'empêcher, dut lui causer aussi un vif chagrin; et bientôt le pape, pour se venger de l'opposition que l'empereur lui avait faite ainsi que de la décision de la diète d'Augsbourg, s'allia au roi de France. En Afrique, les armées impériales n'étaient pas heureuses contre les Barbaresques; Dragut avait renouvelé en ces parages les exploits de Barberousse; les Espagnols avaient perdu Tripoli en 1551; ils perdirent encore Bougie (Bejaia), place importante qu'ils possédaient depuis 1510. Charles-Quint montra à ce sujet une vive indignation : il fit pendre Alonso de Peralta, qui, laissé sans ressources à Bougie, avait dû capituler. L'empereur était accablé; son âme pliait sous les revers et sous le poids des souffrances physiques; tous les espoirs de ses jeunes années s'étaient envolés en fumée. Le 28 octobre 1555, à Bruxelles, il abdiqua solennellement l'autorité sur les Pays-Bas, en faveur de son fils Philippe, déjà roi de Naples et d'Angleterre; le 16 janvier 1556, dans cette même ville de Bruxelles, il signa un acte par lequel il transmettait au même prince les royaumes de Léon, Castille et Aragon avec les possessions d'Amérique, et cet acte, envoyé en Espagne, amena la proclamation officielle de Philippe II; voulant assurer à ce fils quelque répit du côté de la France, il signa avec Henri II une trêve de cinq ans, la trêve de Vaucelles. L'empereur aurait désiré aussi laisser à son fils tous ses domaines et toute son autorité impériale; à plusieurs reprises il avait demandé à son frère Ferdinand, roi des Romains, de renoncer à ses droits à l'Empire, mais n'y avait jamais réussi. Il fit encore une tentative suprême, mais quand elle eut échoué, il abdiqua l'administration de l'Empire en faveur de Ferdinand, se réservant seulement le titre de Majesté impériale (mai 1555); puis, s'étant dépouillé de toutes ses dignités, il se prépara à partir pour l'Espagne, où il avait depuis longtemps fait préparer sa résidence au monastère de Yuste en Estrémadure. Le 28 octobre, il partit de Bruxelles pour le port de Zuitbourg, en Zeelande, ou l'attendait une flotte de soixante vaisseaux, s'embarqua le 17 septembre et arriva au port de Laredo le 27 du même mois. Il se montra très mécontent de la médiocre réception qu'on lui fit, de ce que beaucoup de ses serviteurs n'étaient pas venus à sa rencontre, et de ce que surtout on ne lui eût pas envoyé les 4000 ducats qu'il avait demandés à la Castille. Le voyage par terre à travers l'Espagne fut long et pénible; ce manque d'argent, dont Charles-Quint avait eu à souffrir dans toutes ses entreprises politiques, il le retrouvait encore dans la vie privée; on chercha en vain à le détourner d'entrer au monastère. Il y fit une entrée solennelle le 3 février 1557. Les historiens ont maintes fois raconté que, à Yuste, l'ex-empereur avait vécu en véritable moine, détaché des choses de ce monde, d'une vie simple et sobre, se donnant de grands coups de discipline, fabriquant des horloges ou d'autres ouvrages en bois. Les documents prouvent que c'est là un pur roman. Du fond de ce monastère, Charles-Quint continua à diriger, au moins dans l'ensemble, la politique et les affaires d'une partie importante de l'Europe; son fils Philippe II et son frère Ferdinand le consultaient sur tout et il leur répondait de longues lettres très précises et très détaillées. II avait autour de lui une domesticité nombreuse et il n'entendait pas qu'on parût oublier son rang. Sa cuisine était bien fournie et l'inventaire de son mobilier montre qu'il ne s'était défendu ni les vêtements somptueux ni les bijoux. Les documents ne parlent pas non plus des horloges qu'il aurait fabriquées ni des coups de discipline; aucun non plus ne vient à l'appui de la tradition, d'après laquelle il aurait voulu assister à ses propres funérailles et se serait enfermé vivant dans un tombeau pour avoir l'impression de la mort. Ce qui paraît bien démontré, c'est qu'il passait de longues heures dans la méditation et la prière, qu'il aimait à converser avec les moines et avec quelques familiers qui le venaient voir, sur les choses de la religion. Lorsqu'il mourut, après une longue maladie suite d'une insolation, on lui fit des funérailles magnifiques dans le couvent et on lui rendit des honneurs funèbres dans tous les Etats qu'il avait gouvernés. (E. Cat). |
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