| Jules II (Giuliano della Rovere), 223e pape, élu le 1er novembre 1503, mort le 20 février 1513. Il était né au bourg d'Albizale, près de Vérone, en une année diversement désignée (1441 ou 1443), fils d'un frère de Sixte IV, de pauvre famille de pêcheurs, suivant plusieurs historiens, ou, suivant quelques autres, de l'illustre maison della Rovere. Il semble que cette dernière famille reconnut la parenté, après l'élévation de Sixte IV. Son oncle le fit successivement évêque de Carpentras, cardinal-prêtre au titre de Saint-Pierre-aux-Liens, archevêque d'Avignon (1475) et cardinal-évêque d'Ostie. En 1480, il fut envoyé comme légat en France, où il demeura pendant quatre années. Son influence ne paraît pas avoir diminué sous Innocent VIII, mais elle le mit en conflit avec Roderic Borgia. Lorsque celui-ci devint le pape Alexandre VI, Julien se retira à Ostie, et quelques mois après en France, ou il excita Charles VIII à entreprendre la conquête du royaume de Naples. Il l'accompagna dans son expédition et travailla à la convocation d'un concile pour juger et déposer Alexandre. A la mort de ce pape, il soutint la candidature d'Antoine Todeschini (Pie III), pour écarter celle du cardinal d'Amboise, qu'il avait pourtant incitée précédemment. Pie III était atteint d'une maladie incurable, dont il mourut quelques mois après (15 octobre 1503). Julien fut élu pour le remplacer et prit le nom de Jules, comme hommage à Jules César dont il admirait le génie. Ses adversaires prétendirent qu'il devait sa nomination à des moyens audacieusement simoniaques et à la faveur de César Borgia, à qui il avait fait les plus séduisantes promesses. On dit même qu'il avait réussi à lui persuader qu'il était son propre père, ayant été l'amant de Vanozza en même temps que Alexandre. D'où la haine de son rival. Pour faire face à ces accusations ou pour mettre un frein à l'ambition des autres, la sienne étant satisfaite, il publia une bulle (14 janvier 1505) déclarant nulle toute élection obtenue par simonie et ordonnant, dans ce cas, de poursuivre l'élu comme hérétique et d'employer contre lui le bras séculier. Dès son avènement, Jules se proposa de faire apparaître magnifiquement la souveraineté spirituelle de Rome, en la dotant du plus grand et du plus beau temple de la chrétienté. II en confia la construction à Bramante, et la première pierre de la nouvelle basilique de Saint-Pierre fut solennellement posée le 18 avril 1506. Cependant les deux pensées inspiratrices de ce règne furent la restauration de la puissance temporelle du Saint-siège et la conquête du titre de libérateur de l'Italie. Jules en poursuivit la réalisation avec une habileté, une énergie, une vaillance et une persévérance merveilleuses, mais aussi avec une audacieuse impudence dans l'emploi des moyens, et un complet mépris des réserves que le sacerdoce chrétien impose à ceux qui en sont investis. Moins de deux mois après son couronnement, il publiait une bulle déclarant que son devoir était de reprendre, même par les armes, les domaines enlevés à l'Eglise (3 janvier 1504). - Jules II (ca. 1441- 1513), par Raphaël (Londres). En même temps, il traquait César Borgia, à qui il devait son élection; celui-ci dut s'enfermer dans le château Saint-Ange et acheter sa liberté en rendant les forteresses qu'il occupait. En 1506, les Baglioni furent chassés de Pérouse, et les Bentivoglio de Bologne. Les Vénitiens tenaient Ravenne depuis près d'un demi-siècle, Rimini, Faenza et d'autres villes, qu'ils avaient prises après la chute de César Borgia, et ils se montraient insensibles aux remontrances et aux menaces. Jules conclut avec Louis XII, roi de France, l'empereur Maximilien, Ferdinand d'Aragon et d'autres (1508) la ligue de Cambrai, déjà préparée à Blois en 1504. Aux armes temporelles, il ajouta les foudres de l'Eglise et lança contre ses adversaires l'excommunication et l'interdit. Les Vénitiens appelèrent au futur concile, mais, attaqués de toutes parts, ils furent bientôt réduits à se soumettre à toutes les conditions du pape. Il leur accorda l'absolution (24 février 1510) et se fit leur allié contre son premier allié, Louis XII, dont les conquêtes l'alarmaient. - Jules II, par Raphaël (Vatican). Pour justifier cette rupture, Jules prit prétexte du refus que le roi faisait de rendre quelques villes sur lesquelles le Saint-siège prétendait avoir des droits. Il obtint d'abord l'alliance des Suisses, que Louis XII s'était aliénés en leur refusant insolemment une augmentation de subsides, puis celle de Ferdinand, à qui il donna l'investiture du royaume de Naples. Un concile national, assemblé à Orléans, puis à Tours, affranchit le royaume de l'obédience de Jules et accorda des subsides au roi (septembre 1510). On y convint avec l'évêque Matthieu Lang, représentant de l'empereur, d'indiquer la convocation d'un concile général à Pise; Cette convocation ne fut formellement décrétée que l'année suivante par une assemblée générale du clergé de France. L'ouverture se fit le 1er septembre 1511. Il s'y trouvait quatre cardinaux chargés des procurations de trois autres, quinze évêques, quelques abbés français, les députés des universités de Toulouse et de Poitiers et quelques docteurs de Paris. Le pape ayant mis l'interdit sur Pise, le peuple s'insurgea et força le concile, après la Ille session, à se retirer à Milan. Il y tint sa IVe session, le 4 janvier 1512. Les prélats étaient plus nombreux qu'à Pise, mais il ne vint aucun Allemand. Le 19 avril, on publia une troisième et dernière citation au pape Jules de comparaître; le 21, il fut déclaré suspens pour contumace. Bientôt après, les Français, abandonnés par l'empereur, évacuèrent Milan; les prélats les suivirent et se rendirent à Lyon, où ils prétendirent continuer le concile, mais ce fut sans succès. Le roi approuva leurs décisions par lettres patentes, et le pape mit le royaume en interdit. Menacé et condamné par un concile schismatique, Jules avait trouvé expédient de le faire excommunier par un autre concile; après huit années d'oubli ou de parjure, il s'était rappelé qu'au jour de son élection il avait promis par serment de convoquer un concile général. Cette assemblée, que les canonistes ultramontains appellent le Ve concile général de Latran, se réunit le 3 mai 1512. On y comptait alors quinze cardinaux, les patriarches latins d'Alexandrie et d'Antioche, dix archevêques, cinquante-six évêques, quelques abbés et généraux d'ordre, les ambassadeurs du roi Ferdinand, de Venise et de Florence. Dans la Ille session (3 décembre 1512), Matthieu Lang, qui avait représenté Maximilien au concile de Tours, vint lire un acte par lequel cet empereur répudiait tout ce qui s'était fait à Tours et à Pise. Dans la IVe session (10 décembre), l'avocat du concile demanda la révocation de la pragmatique sanction de Bourges; le 16 février 1513, une nouvelle monition fut décernée contre I'Eglise de France pour répondre de sa conduite à ce sujet. - Le pape Jules II, par Titien (d'après Raphaël) (Florence, Palais Pitti). Cependant, suivant un mot qu'on lui attribue et qu'il n'a peut-être pas prononcé, mais qui le caractérise bien, Jules préférait l'épée de saint Paul aux clefs de saint Pierre, qui n'ouvrent point les forteresses. Tandis que les théologiens discutaient, il combattait, cuirassé et armé de pied en cap, pointant les canons et stimulant les assauts, étonnant les capitaines par son habileté et les soldats par son audace, souvent vaincu, jamais abattu. A la sainte ligue qu'il avait formée avec les Vénitiens, les Suisses et le roi Ferdinand, il parvint à rallier Henri VIII d'Angleterre et, enfin, l'empereur Maximilien. Les Français, chassés de l'Italie, furent réduits à défendre péniblement leur propre pays, assailli sur toutes ses frontières. Dans le partage des conquêtes, le pape s'adjugea Parme et Plaisance, détachées du Milanais. Les Etats de l'Eglise étaient reconquis et agrandis, mais l'ltalie n'était point délivrée de ceux que Jules appelait des barbares; il mourut, regrettant de n'avoir pas encore vingt ans de vie pour achever son oeuvre. Ses ennemis lui reprochaient le défaut et le mépris des vertus que doit posséder un prêtre et particulièrement un pape, la duplicité, la violence, une haine cruelle, l'amour des armes, un goût immodéré pour le vin, une sexualité relâchée. Il est avéré qu'il avait une fille, qu'il maria à Jean Jourdain des Ursins. Néanmoins, Guicharchin semble avoir bien jugé ce règne, en disant que Jules mériterait une gloire immortelle s'il avait porté une autre couronne que la tiare. Sa famille, sa fille même, ne purent obtenir de lui aucune faveur préjudiciable à la bonne administration de l'Etat. Mais il se montra le protecteur généreux et intelligent des lettres et des arts; il donna à la ville de Rome un aspect nouveau et magnifique, et l'histoire associe son nom aux travaux de Bramante, de Michel-Ange et de Raphaël. (E.-H. Vollet). | |