| Isabelle de Castille, dite aussi Isabelle la Catholique, reine d'Espagne (ou plutôt reine de Castille), née le 22 avril 1451, morte à Medina del Campo le 26 novembre 1504. Fille de Jean II, roi de Castille, et de sa seconde femme, Isabelle de Portugal, petite-fille du grand roi Jean ler, elle n'hérita heureusement pas de l'indolence de son père. L'ayant perdu avant l'âge de quatre ans, elle fut élevée sous les veux de la reine douairière, dont la piété confinait au fanatisme. D'une intelligence supérieure, la jeune princesse joignait à un esprit sérieux une fermeté de caractère peu commune, qualités qu'elle était appelée à faire valoir de bonne heure sur un trône auquel elle ne pouvait s'attendre pendant longtemps, en présence de deux héritiers mâles. - Isabelle de Castille. En 1462, elle dut aller vivre, avec son jeune frère Alphonse (alors àâgé de huit ans), à la cour de Tolède, auprès de leur frère consanguin, le roi Henri IV (Enrique IV), que son imbécillité, ainsi que l'inconduite de sa femme, rendait de plus en plus odieux à la nation. Une confédération s'étant formée contre lui en faveur de l'infant Alphonse, le roi Henri tenta en vain, pour étayer son trône chancelant, de marier Isabelle d'abord avec Alphonse V, roi du Portugal, puis avec Pedro Giron, l'ambitieux grand maître de l'ordre militaire de Calatrava; la jeune fille opposa aux instances et aux menaces tantôt des moyens dilatoires indiquant déjà une maturité d'esprit précoce, tantôt une résistance pleine de dignité. Depuis 1467, elle résidait à Ségovie avec son jeune frère, après la mort inopinée duquel (5 juillet 1468) elle se retira dans un couvent d'Avila. Sollicitée à plusieurs reprises par les confédérés d'accepter le sceptre de Castille, elle se refusa de détrôner le souverain légitime. Sous la pression des événements, le roi reconnut sa soeur pour héritière de la couronne, mais avec la pensée secrète de l'en dépouiller à la faveur de cette convention, en la mariant avec le roi du Portugal et en faisant épouser au fils et héritier de celui-ci sa prétendue fille, la Beltraneja, issue des relations adultérines de la reine. Isabelle ne se prêta pas à cette combinaison et, pour couper court à toute l'intrigue, elle se fiança secrètement à Ferdinand, infant d'Aragon, titré alors de roi de Sicile (5 mars 1469). Le mariage eut lieu à Valladolid, le 25 octobre suivant. Le roi de Castille, après de longs tiraillements, se réconcilia avec sa soeur vers la fin de 1473, et mourut un an après. Isabelle fut proclamée alors reine de Castille et de Léon, conjointement avec son époux, par nombre de villes, ainsi que par une portion notable de la noblesse, proclamation qui fut confirmée ensuite par les Cortés. Le parti de la Beltraneja prit les armes et sollicita l'intervention du Portugal La lutte fut longue et ne finit qu'en septembre 1479. Le 9 janvier de cette année, Ferdinand avait succédé à son père comme roi d'Aragon et de Sicile, et dès lors le règne d'Isabelle se confond avec celui de son époux, bien qu'elle gouvernât en réalité elle-même ses propres Etats. Ils se trouvèrent en face d'une tâche immense; ils eurent à fortifier l'autorité royale profondément ébranlée par les usurpations de la noblesse et les longues luttes intestines, à rétablir la sécurité intérieure fortement compromise et à briser une foule d'éléments de discorde. Et par-dessus tout cela, ils se proposaient, comme but suprême, d'achever l'unité de l'Espagne par le refoulement des Maures (La Reconquista). Ces deux intelligences d'élite et ces deux caractères se complétaient heureusement pour la réalisation d'aussi hautes visées. Dans l'oeuvre capitale d'affranchissement du joug de l'étranger, Isabelle se montra d'une fortitude d'âme, d'un esprit de ressources exceptionnelles, et son influence morale, l'ascendant qu'elle exerçait sur les combattants, furent pour beaucoup dans l'issue victorieuse d'une lutte de dix ans. On a dit avec raison qu'elle fut le véritable chef de l'armée qui s'empara de Grenade, fait d'armes qui mit fin à la domination des Arabes en Espagne. Elle sut comprendre le projet de Christophe Colomb, de même que plus tard elle sut discerner les talents militaires de Gonzalve de Cordoue, celui qui devint « le grand capitaine » dans la lutte contre les Français en Italie. On est d'accord pour reconnaître que dans l'art du gouvernement elle se montra de beaucoup supérieure à son mari, et l'historien américain Prescott a mis son génie politique au-dessus de celui d'Elisabeth d'Angleterre. Elle exerça aussi une influence sur les lettres espagnoles, en provoquant et en patronnant d'importants travaux qui consolidèrent la langue castillane, en infusant son bon goût dans le domaine intellectuel et en développant l'instruction publique. Dans ce tableau, il y a une tache sombre, les excès de l'Inquisition (1481), qu'elle réorganisa, avec Ferdinand, pour en faire l'instrument de son antisémitisme. Elle créa aussi la milice de la Santa Hermandad. Si elle a réussi dans toutes ses grandes entreprises, il n'en fut pas de même pour ses affections familiales. Elle perdit en moins de deux années son fils unique, Jean, âgé de dix-neuf ans (1497) et sa fille aînée, Isabelle, reine du Portugal (1498), tandis que sa seconde fille, Jeanne, épouse de Philippe le Beau, et mère du futur empereur Charles-Quint, devint folle, vers 1503. Ces coups successifs du destin la conduisirent prématurément au tombeau. De ses deux autres filles, l'une, Marie, épousa le roi Emmanuel du Portugal, son beau-frère, et Catherine d'Aragon devint la femme de Henri VIII d'Angleterre. (G. P-I). | |