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Les universités médiévales |
Dans l'Antiquité, la civilisation hellénique avait eu ses écoles à Athènes et à Alexandrie. A l'époque gallo-romaine, la Gaule fut également le berceau de plusieurs grandes écoles : Marseille, célèbre par la culture de la littérature grecque et de la médecine; Autun, où enseigna Eumène; Bordeaux, grande école de rhéteurs prônés par saint Jérôme et Symmaque; Trèves, Reims, etc. Les maîtres étaient des personnages importants. Les étudiants avaient déjà leurs réunions et leurs associations. Ces foyers d'études, au moment de l'effervescence carolingienne (Moyen Age), reçurent une impulsion nouvelle, en même temps qu'ils passaient presque entièrement entre les mains du clergé et élaboraient, dans un assez grand nombre de centres divers, la scolastique. Toutes ces écoles, tant en Gaule qu'en Italie, étaient dirigées par un écolâtre ou scholasticus (Reims, Chartres, Angers, Laon, etc.), ou étaient des écoles de monastères (Saint-Gall, Cluny, Le Bec, etc.), ou enfin des studia indépendants, consacrés presque exclusivement à l'enseignement de la médecine (Salerne) ou du droit (Ravenne, Padoue, Bologne, etc.). Cependant, ce n'est qu'au XIIe siècle que l'on commence à parler d'universités, quand quelques grandes écoles commencent à devenir des corporations s'administrant elles-mêmes, pourvues de privilèges, ayant le monopole de l'enseignement supérieur dans des régions plus ou moins étendues et conférant des grades revêtus d'un caractère officiel. C'est dans les deux pays qui avaient été, dans l'Europe latine, les derniers dépositaires de la science antique, l'Italie et la France, que se développèrent les premières universités, Bologne et Paris. L'histoire de ces deux universités, pendant un peu plus d'un siècle, depuis 1150 environ jusque vers la fin du XIIIe siècle, est l'histoire même des origines des universités européennes. D'autres suivront rapidement : Oxford, Salamanque, Montpellier, Vienne, etc. Dates clés : ca. 1120 - Création des université de Bologne et de Paris. | ||
L'origine des universités Les universités sortirent, au XIIe siècle, de la fusion des écoles cathédrales, des écoles monastiques et des écoles privées, au moyen d'un mélange d'éléments empruntés à chacune de ces catégories d'établissements d'instruction et à travers une série de luttes qui durèrent plus d'un siècle, et eurent leurs principaux centres à Bologne et à Paris. Bologne . Il y eut à Bologne deux grands clubs d'étudiants, groupés par sociétés de compatriotes, les cismontains (Italiens) et les ultramontains (étrangers), qui élirent chacun un président, auquel fut donné le titre de rector, terme vague qui s'appliquait alors à toute espèce de fonctionnaires civils et ecclésiastiques. C'était bien là le principe des corporations ouvrières, appelées aussi universitates à cette époque, car le travail effectif était bien dû aux professeurs, pour le bénéfice de leurs élèves, qui devenaient leurs véritables patrons. Le « recteur » élu par les étudiants devait être âgé de vingt-quatre ans au moins. Les professeurs lui prêtaient serment d'obéissance et devaient se conformer aux prescriptions promulguées par les étudiants relativement à la manière de faire les leçons, sous peine de diverses amendes. De leur côté, les professeurs cherchèrent aussi à se constituer en un syndicat professionnel, qui prit un des autres noms par lesquels on désignait les corporations ouvrières en Italie, celui de collegium. Les professeurs, tous Bolonais, n'admirent dans leurs rangs, par voie de cooptation, que des compatriotes. Les membres du syndicat des maîtres furent classés en legentes (professeurs titulaires) et non legentes (maîtres non chargés de cours). Cette organisation, quoique très hybride, puisqu'elle en était arrivée à produire un antagonisme formel entre professeurs et étudiants, servit néanmoins de modèle aux autres universités qui s'organisèrent à la fin du XIIe siècle en Italie, et ne fut tempérée que par le système qui prévalut à Paris, où les maîtres prirent dès le début la direction des affaires universitaires. Paris . A partir du milieu du XIIIe siècle, les universités furent désignées sous le nom de studium generale ou universale, dénomination qui se référait principalement au monopole qu'elles commencèrent à prendre à cette époque, pour l'enseignement de la théologie, des sciences et des lettres. On les désigna aussi quelquefois par un terme qui s'est conservé en Allemagne dans la langue universitaire, gymnasium. On sait que les libraires, parcheminiers et copistes dépendaient de la juridiction des universités. Tous étaient, ainsi que les professeurs et les étudiants, les sujets ou suppositi (en anc. franç., « suppôts ») de l'Université. Organisation des universités du Moyen âge Constituées dans leurs traits essentiels pendant le courant du XIIIe siècle, les universités ont conservé leur organisation générale jusqu'à une époque avancée des temps modernes. Toutes les universités présentent les mêmes rouages fondamentaux, seulement avec des modifications locales : Recteur, Chancelier, Conseil de l'Université, Conservateurs des privilèges et Visiteurs, Nations, Collèges, Facultés, Enseignement, Examens, Grades. Recteur. Chancelier. Conseil de l'Université. Un reste des assemblées en masse des temps primitifs se retrouvera dans les mass-meetings des universités anglaises et américaines. Les universités italiennes avaient aussi une sorte de « conseil de perfectionnement » permanent, composé des reformatores studii, et qui prit une si grande importance, au XVe et au XVIe siècles, que toute la direction des affaires de l'Université passa entre ses mains. Les anciennes dénominations de congregatio et convocatio se sont conservées dans les universités anglaises. Les conseils universitaires rédigeaient les statuts généraux, longtemps transmis par tradition orale et dont les plus anciennes rédactions remontent aux premières années du XIIIe siècle (Paris, Oxford, etc.). Ces statuts se composaient primitivement de quelques prescriptions fort simples relatives aux examens, aux costumes, etc. Tous les membres de l'Université prêtaient serment solennel d'obéissance aux statuts. Les statuts ne pouvaient être révisés que par une commission de statutarii (Bologne). Le sceau de l'Université était enfermé dans un coffret à quatre clefs et chaque doyen de faculté en gardait une (Paris). Conservateurs des privilèges. Les privilèges des universités consistaient dans le droit de posséder en mainmorte, le droit de ses membres d'être soumis exclusivement à la juridiction universitaire et l'exemption des impôts personnels. Nations. Bologne comprenait les citramontani (Lombards, Toscans, Romains) et les ultramontani (Français, Picards, Bourguignons, Poitevins, Tourangeaux, Normands, Catalans, Hongrois, Polonais, Allemands, Espagnols, Provençaux, Anglais, Gascons). Les seconds eurent deux nations de plus au XVe siècle (Portugal et Savoie). Paris avait quatre grandes nations : France, Picardie, Normandie et Angleterre (Allemagne à partir du XVe siècle), subdivisées en « provinces » ou « tribus », ayant chacune leur doyen. Ces nations ont commencé à être distinguées à partir de l'an 1250. Voici ce qu'elles étaient encore pour la Faculté des Arts (grammaire latine, et grecque, rhétorique et philosophie) au XVIIIe siècle : 1 - Nation de France. - La nation de France est divisée en cinq provinces ou cinq tribus, qui sont Paris, Sens, Reims, Tours et Bourges.Montpellier était divisée en Provence, Bourgogne et Catalogne. Prague comprenait quatre nations (Bohème, Pologne, Bavière, Saxe).Première tribu. Paris, Charles, Meaux, Orléans, Blois et le Vicariat de Pontoise.Et hors de France, l'Espagne, l'Italie, la Lombardie, Venise, toutes les îles de la Méditerranée, et toute l'Afrique. La petite Université d'Orléans avait ses dix nations (France, Allemagne, Lorraine, Bourgogne, Champagne, Picardie, Normandie, Touraine, Aquitaine, Écosse) et celle d'Angers en comptait six (Anjou, Bretagne, Maine, Normandie, Aquitaine, France). Dans les universités allemandes, les nations n'eurent jamais un caractère administratif et individuel aussi développé qu'en France. La division en nations cessa d'être adoptée dans les universités qui furent fondées à partir du XVe siècle, surtout en Allemagne. C'est dans les universités suédoises qu'elle s'est conservé le plus longtemps. Collèges. Dès la fin du XIIe siècle, de riches particuliers fondèrent des collèges, dotés de revenus, dans l'île de la Cité, à Paris. Dès le siècle suivant, ces fondations prirent une très grande extension dans les universités de tous les pays. Les ordres monastiques eurent également leurs collèges pour ceux de leurs membres qui allaient étudier dans les grandes universités. Les collèges portaient les noms de leurs fondateurs (Sorbonne, Harcourt, Lemoine, Du Plessis, etc.), des pays des étudiants auxquels ils étaient destinés (Écossais, Lombards, etc.), plus rarement ceux d'une église ou d'un saint. A partir du milieu du XIIIe siècle, les collèges ne furent plus simplement des hôtelleries, mais commencèrent à prendre le caractère de maisons d'éducation, principalement avec la fondation des collèges de Sorbonne et de Navarre. L'enseignement qui y fut donné n'eut d'abord que le caractère de simples répétitions des cours de l'Université, données par des maîtres qui allaient assister avec leurs élèves aux cours qui se faisaient dans les locaux de la rue du Fouarre. Peu à peu ces maîtres firent dans les collèges, où ils réalité, une suite de digressions qui contenaient le véritable enseignement du maître. Un cours à l'université de Paris (XVIe s.). Les études Pour la théologie, on expliquait les Sentences de Pierre Lombard, comme complément pour l'interprétation de la Bible; pour le droit, les textes de Justinien, le Décret de Gratien, les Décrétales, etc.; pour la médecine, outre Hippocrate, Galien et Théophile (médecin byzantin), on se passionna pour les auteurs arabes, traduits en latin par l'entremise des juifs (Avicenne, Ali, Isaac, etc.). La philosophie et les sciences étaient enseignées d'après les différents ouvrages d'Aristote et au moyen d'un certain nombre de petits manuels élémentaires. La rhétorique consistait tout entière dans la disputatio contradictoire, dont le debate anglais est un dernier vestige, et qui habituait les esprits à soutenir indifféremment le pour et le contre de toute chose. Les cours étaient de deux sortes : ordinaires (sur les textes les plus importants) et extraordinaires (sur les textes et matières secondaires). L'année scolaire s'étendait généralement de la Saint-Remi (1er octobre) jusqu'au mois de juin. L'esprit de l'enseignement était plutôt de s'attacher aux formes et aux mots qu'aux idées. On affinait les intelligences sans leur donner une nourriture véritable. Un tel régime ne pouvait que préparer les redoutables excès de la casuistique des jésuites du XVIe siècle. Le latin était la seule langue dans laquelle se faisaient les cours (à l'exception de quelques cours de la Faculté de médecine). Les locaux universitaires étaient originairement très défectueux. A Paris, les salles de cours de la rue du Fouarre (Vicus Stramineus) n'étaient que des appartements loués dans des maisons particulières par la corporation des professeurs. Les universités ne commencèrent à posséder des bâtiments spéciaux, en plus de ceux des collèges, qu'à la fin du XIVe siècle. Les salles de cours ne comportaient pas de bancs. Les étudiants écrivaient sur leurs genoux ou sur des escabeaux qu'ils faisaient apporter par leurs domestiques. En hiver, le plancher était jonché de paille. Examens. L'examen de la maîtrise était assez compliqué. Il comportait deux parties distinctes. La première partie avait un caractère presque tout à fait privé (examinatio, temptamen). Une commission de docteurs désignait au candidat, quelques heures à l'avance, plusieurs passages de textes (puncta) à commenter (Bologne). Le candidat faisait aussi une leçon publique, dite collalio, et soutenait en public une petite thèse de son choix, dite quodlibetica (Paris). Dans la Faculté de théologie de Paris, cette soutenance s'appelait tentative. La seconde partie (inceptio, principium, conventus, aulatic, etc., en Angleterre commencement) était une dissertation publique et contradictoire sur un point de théologie, de droit ou de sciences. Elle avait, au fond, moins d'importance que la première partie, mais donnait lieu à une cérémonie solennelle, dans l'église cathédrale, en présence de toutes les autorités universitaires, municipales, etc. La thèse Sorbonica des examens de la Faculté de théologie de Paris était célèbre (depuis le commencement du XVe siècle). Le candidat était tenu de soutenir oralement sa thèse et de répondre à tous ses contradicteurs ou opposants (opponentes), depuis le lever du soleil jusqu'au soir, pendant une journée entière. Pendant cette séance, le candidat prenait le nom d'inceptor ou defendens. Le grade était conféré par le chancelier, qui remettait le bonnet (biretta) au candidat, qui avait désormais le droit de porter la robe (cappa) de maître. L'examen du baccalauréat ne se constitua que tardivement et fut une imitation de celui de la maîtrise, comportant également deux degrés. Un caractère distinctif des examens dans les universités médiévales était la liberté laissée aux candidats de choisir eux-mêmes, pour ainsi dire, le degré de difficulté de leurs examens. Quelques traces seulement de cette organisation seront conservées par la suite, notamment à Louvain et dans les universités anglaises. L'examen le plus difficile et le plus complet était qualifié de rigorosum. Les candidats qui le passaient avec succès obtenaient les honores (« honours » des universités anglaises). L'examen ordinaire (transibile) s'adressait aux élèves de force moyenne (« pass examination » en Angleterre). Les universités allemandes conserveront des diplômes avec une des trois mentions : summa cum laude, cum laude et rite. On ne peut nier que ce système n'ait favorisé le succès des candidats. Dans certaines universités dont les registres ont été conservés, il n'est pas rare, surtout en Allemagne, de voir des périodes de plus de vingt années sans qu'il y ait eu un seul candidat refusé. Les droits à payer pour passer les examens étaient très élevés. On les connaît mal pour la période du Moyen âge. Au XVIe siècle, ils étaient évalués par Ramus à environ 60 livres pour le grade de maître ès arts, 880 livres pour celui de docteur en médecine et 1000 livres pour celui de docteur en théologie. Comme les candidats étaient tenus à faire toutes sortes de cadeaux et à donner des banquets et des fêtes à leurs camarades. et aux professeurs, la somme totale des dépenses pouvait déjà, deux siècles avant, s'élever à plus de 3000 livres tournois, au commencement du XIVe siècle. Grades. Le bachelier (baccalarius, baccalaureus) possédait le grade universitaire le plus inférieur. C'était le terme qui désignait, en ancien français, un jeune homme et, en quelque sorte, un apprenti dans le métier de professeur. Très souvent, en effet, les bacheliers faisaient des cours ou des « suppléances », avant d'avoir obtenu aucun grade. Leur position avait des points de rapport avec le moderne Kandidat des universités allemandes et russes. On pouvait devenir bachelier à quatorze ans (Paris). A Bologne et à Paris, le grade de bachelier s'acquérait de droit après cinq ou six années d'études. L'examen proprement dit du baccalauréat était, à partir du milieu du XIIIe siècle, la soutenance (determinatio) d'une thèse. A partir du XVIe siècle, le grade de bachelier ne subsista plus qu'en Angleterre, dans toutes les Facultés, et seulement pour la théologie et le droit dans les autres pays. La licence est, en réalité, le grade universitaire le plus ancien. Elle remonte à l'époque où les écoles cathédrales étaient seules dépositaires de l'enseignement supérieur et ne donnaient pas de grades proprement dits, mais seulement des certificats d'aptitude (licentia docendi). On retrouve un reste de cette institution primitive dans la collation des grades. Au lieu de cette simple autorisation, d'un caractère presque privé, les universités conférèrent, à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, une licence qui comporta le droit exclusif, garanti par l'autorité pontificale ou impériale, d'enseigner ans les universités de tout pays (jus ubique docendi). Jusqu'à l'époque de la Renaissance, le terme « licence » eut généralement une acception restreinte : il signifiait l'autorisation donnée au candidat par les professeurs pour procéder à l'examen (inceptio, etc.) qui devait lui conférer le grade de maître. Le grade de maître (magister) indiquait un membre titulaire de l'Université en tant que corporation, qu'il appartint au personnel enseignant ou non. Le maître ès arts devait être âgé d'au moins vingt ans (Bologne, Paris, etc.). On ne pouvait recevoir le grade de maître qu'au moins six mois après avoir obtenu la licence. On ne devenait maître qu'après six années d'études (Paris), au XIIIe siècle, et après trois années seulement, depuis la fin du XIVe siècle. A Oxford, l'examen était remplacé par un serment du candidat sur la réalité de ses études et l'attestation de quatorze professeurs dans le même sens. Le doctorat était le grade suprême. Les docteurs formaient le personnel dirigeant de l'Université. Le docteur recevait un anneau, usage qui s'est conservé dans l'Université de Bologne; en Espagne, il recevait quelquefois une épée, en signe d'investiture. A Bologne, il fallait dix ans pour devenir docteur en droit civil et en droit canonique (doctor utriusque juris). Pour la théologie, il fallait dix à douze ans. Les professeurs qui avaient le grade de docteur se dispensaient souvent de faire leurs cours personnellement et se faisaient suppléer par des bacheliers, usage qui a persisté après le Moyen âge dans les universités anglaises. Les grades honorifiques (honoris causa) furent mis en usage par les papes : les personnes qui en étaient pourvues s'appelaient doctores bullati. Les nobles recevaient généralement leurs grades sans examens, coutume qui n'a disparu qu'à la fin du XIXe siècle à Cambridge. (GE). |
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