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Biographie et littérature |
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Fils naturel de Mme de Tencin et du chevalier Destouches, que ses fonctions de commissaire provincial de l'artillerie avaient fait surnommer Destouches-Canon, d'Alembert fut recueilli sur les marches de l'église de Saint Jean le Rond, située dans le cloître Notre-Dame, à Paris. Il fut baptisé et reçut, suivant l'usage, le nom et le prénom qui rappelaient les circonstances par lesquelles il avait échappé à la mort; mais on ignore exactement pourquoi il se fit plus tard appeler d'Alembert. Confié aux soins de la femme d'un pauvre vitrier de la rue Michel-Le-Comte, nommé Rousseau, il ne fut pas tout à fait cependant abandonné à ses modiques ressources, car le chevalier Destouches, dès qu'il fut informé de son sort, lui constitua une rente de 1200 livres; mais d'Alembert refusa plus tard, dans un mouvement d'indignation qui lui fait honneur, les caresses de sa mère et témoigna hautement sa reconnaissance pour Mme Rousseau. Placé dans une pension dès l'âge de quatre ans, il la quitta six ans plus tard pour entrer au collège Mazarin où ses progrès furent remarquables, mais où ses maîtres, jansénistes zélés, firent pour l'attacher à leur parti les mêmes efforts que les jésuites tentaient précisément alors pour entraîner Diderot à prendre la robe. D'Alembert reçut quelques leçons de mathématiques d'un de ses professeurs, M. Caron, et montra dès lors pour les sciences exactes une ardeur aussi vive que pour les lettres, au grand déplaisir de ses maîtres, qui accusaient les unes et les autres de lui dessécher le coeur et de le détourner de la grâce. Reçu maître ès arts en 1735 et avocat en 1788, il essaya pendant un an d'étudier la médecine, mais ne tarda pas à s'en fatiguer et revint à la géométrie. Nous apprécierons plus loin son rôle comme mathématicien. Contentons-nous de dire que ses travaux le firent élire adjoint-astronome le 29 mai 1741, à la place de Cassini de Thury, et associé-géomètre, le 5 mars 1746, en remplacement de Le Monnier. La seconde édition de ses Recherches sur la cause générale des vents (1747, in-4), dédiée à Frédéric II en trois vers latins qui renfermaient une allusion flatteuse à ses récentes victoires sur les Autrichiens et ornée du portrait du roi, lui valut d'être élu membre de l'Académie de Berlin sans scrutin et par acclamation. En 1752, le roi lui fit offrir la survivance de Maupertuis, alors très malade, comme président de cette académie. D'Alembert refusa en termes fiers, mais accepta, en 1754, une pension de douze cents livres. - Jean-Baptiste Le Rond d'Alembert (1717 -1783). L'occasion se présenta bientôt, pour lui de montrer de nouvelles aptitudes et de prendre rang parmi les esprits les plus hardis de son siècle. L'Encyclopédie venait d'être conçue par celui qui devait, quelques années plus tard, être seul à en supporter tout le poids. Ainsi que l'a fait observer Assézat, ce ne fut pas une des moindres habiletés de Diderot que d'associer d'Alembert à l'oeuvre dès son début, de faire figurer sur les frontispices son nom et ses titres et de se servir de lui comme d'un paratonnerre. Il ne l'avait pas réduit d'ailleurs à ce rôle purement honorifique : non seulement d'Alembert s'était chargé de la rédaction ou de la révision de tous les articles mathématiques, d'une partie des synonymes, mais encore et surtout du Discours préliminaire qui contribua si puissamment à la fortune du livre, ainsi que de l'avertissement du tome III. En vain a-t-on insinué, sans articuler la moindre preuve, que ce discours était l'oeuvre de l'abbé de Canave, spirituel épicurien, membre de l'Académie des inscriptions, et très lié, en effet, avec d'Alembert à cette époque : la postérité ne s'y est pas plus trompée se les contemporains, et ce Discours reste, avec ses Eloges académiques et sa correspondance, au nombre des meilleurs titres littéraires du mathématicien. Ce fut également d'Alembert qui rédigea la dédicace à d'Argenson et qui obtint la collaboration de Voltaire et de Montesquieu. Le premier tint à honneur, du moins au début, de justifier la désignation de "garçon encyclopédiste" qu'il se donnait volontiers dans ses billets intimes; la mort ne permit au second que de laisser quelques fragments de l'article Goût. D'Alembert ne se montra pas moins ardent que Diderot à défendre l'oeuvre naissante contre les calomnies on les critiques dont elle était l'objet : si l'on en croit l'abbé Goujat, à qui d'Alembert en aurait fait confidence, il aurait rédigé sous le nom de Diderot les deux lettres au P. Berthier (1751), qu'il ne faut pas confondre avec une autre lettre sur le matérialisme (1758), adressée au même journaliste et dont la paternité revient à l'abbé Coyer. Par une de ces contradictions dont l'histoire du XVIIIe siècle nous offre tant d'exemples, ce fut l'Encyclopédie, à peine tolérée alors et rigoureusement proscrite quelques années plus tard, qui valut à d'Alembert tous les honneurs qu'il pouvait souhaiter. L'Académie française l'appela en 1754 au fauteuil d'un de ses membres les plus obscurs, Surian, évêque de Vence, et, sur la recommandation de Benoît XIV, il fut élu en 1755 membre de l'Institut de Bologne. Tandis qu'à la suite d'un rapport de d'Argenson, Louis XV lui accordait une pension de 1200 livres sur le trésor royal, et que l'Académie des sciences lui conférait, - ce qu'elle n'avait jamais fait jusqu'alors, - le titre et les droits de pensionnaire surnuméraire sans qu'il y eût en réalité de vacance (10 avril 1756), la reine de Suède Ulrique-Eléonore, soeur de Frédéric II, le nommait associé étranger de l'Académie des belles-lettres qu'elle venait de fonder. En 1762, Catherine Il lui faisait offrir la place de gouverneur du grand-duc héritier et un traitement de 100,000 livres. Elle avait elle-même corroboré ses propositions officielles par une lettre autographe conçue dans les termes les plus flatteurs, mais d'Alembert ne céda pas davantage; ce ne fut pas toutefois sans avoir donné lecture de la lettre de l'impératrice à l'Académie française, qui décida d'une voix unanime qu'on l'insèrerait aux registres « comme un monument honorable à un de ses membres et aux lettres »; la copie figure en effet dans le procès-verbal de la séance du 24 janvier 1762. La réponse de Catherine ne laisse pas trop apparaître sous sa solennité calculée le profond dépit qu'elle éprouva, et elle lui fit même décerner le titre de membre honoraire étranger de son Académie des sciences (8 mai 1764); mais plus tard, en 1772, quand d'Alembert sollicita d'elle un adoucissement au sort de quelques officiers français mêlés aux confédérés polonais, il s'attira une fin de non-recevoir ironique et hautaine. Le grand-duc Paul s'efforça, il est vrai, lors de son voyage en France, de réparer la blessure faite par sa mère à l'amour-propre du philosophe; il insista gracieusement sur le regret que sa détermination avait causé à l'impératrice et, comme d'Alembert alléguait sa frêle santé et le climat rigoureux de la Russie : « C'est le seul calcul inexact que vous ayez jamais fait », lui répliqua le tsarevitch. Ces tracasseries ne furent pas toutefois sans influer profondément sur la décision prise par d'Alembert de renoncer à sa collaboration à l'Encyclopédie, lorsque cette vaste entreprise fut englobée dans l'arrêt de proscription qui frappait l'Esprit d'Helvétius (octobre 1758). Voltaire, après l'avoir un moment exhorté à la résistance, ne tarda pas à déclarer qu'il ne reprendrait la plume que si l'Encyclopédie s'imprimait sans entraves et réclama en termes pressants ceux de ses articles encore manuscrits. Dans une lettre à Mlle Volland (11 octobre 1759), Diderot a raconté tout au long le dialogue qu'il eut peu de temps après avec d'Alembert au sujet de l'abandon où il le laissait et dont la prudence n'était pas le seul motif : des questions d'intérêt semblent avoir pesé sur sa résolution, mais nous n'en avons, il est vrai, qu'un seul témoignage : « Cet événement, dit Mme de Vandeul, ne diminua ni l'estime de mon père pour la personne de M. d'Alembert, ni la justice qu'il rendait à ses rares talents, mais il s'éloigna de sa société. Toutes les fois qu'ils se retrouvaient, ils se traitaient comme s'ils ne se fussent jamais quittés, mais ils étaient quelquefois deux ans sans se voir. »C'est à partir de cette rupture que d'Alembert devint en quelque sorte le représentant officiel de Voltaire à l'Académie française, que sa correspondance avec Frédéric prit un caractère plus intime et plus fréquent, et qu'il conçut pour Mlle de Lespinasse la seule passion qu'une femme semble lui avoir inspirée. En 1756, on l'a vu plus haut, il avait fait le pèlerinage des Délices; par deux fois il céda aux instances du roi de Prusse : en 1755, pendant son séjour à Wesel, et en 1763 à Potsdam; il entreprit, en 1770, un voyage en Provence qui devait tout d'abord le conduire en Italie; mais il y renonça après avoir restitué au mandataire de Frédéric une partie de la somme qu'il lui avait avancée. Ce sont les seules infractions à la vie casanière dont il s'était fait une règle, et aussi à la sollicitude jalouse de son amie. Les commencements de cette liaison sont trop connus pour qu'il ne suffise pas de les rappeler en peu de mots. Introduit très jeune chez Mme du Deffend, d'Alembert fut l'un des hôtes les plus assidus de son salon jusqu'au jour où elle expulsa sa jeune lectrice (1764) et du même coup la société que celle-ci recevait pendant les heures de sommeil de la marquise. Mlle de Lespinasse prit alors un appartement rue de Bellechasse et continua à y accueillir, en toute liberté cette fois, Turgot, Marmontel, Chastellux et enfin d'Alembert, qui pendant près d'un an retournait chaque soir rue Michel-Le-Comte, où il occupait une chambre mal éclairée et mal aérée chez sa nourrice, Mme Rousseau. Il y tomba malade d'une fièvre putride et, comme Bouvard lui prescrivait un logement plus sain, il fut transporté à l'hôtel de Watelet, près du boulevard du Temple; Mlle de Lespinasse s'y constitua sa garde-malade et, quand il fut hors de danger, il vint s'établir dans un logement au-dessus du sien. « C'est aujourd'hui, disait plaisamment Duclos, qu'on a sevré d'Alembert. »Depuis qu'il avait renoncé à seconder Diderot, l'Académie française tenait dans la vie et dans les travaux du géomètre la place que la science pure y avait jadis occupée. C'est surtout à partir de 1760 que cette activité ne connut plus de fatigues. Désireux de faire prévaloir au sein de la docte assemblée l'influence de Voltaire absent et de rendre aux séances solennelles un éclat qu'elles avaient quelque peu perdu, d'Alembert fit, de 1760 à 1762, quatre lectures publiques : si ses Réflexions sur la poésie et sur l'histoire, son Apologie de l'étude, son Dialogue entre la poésie et la philosophie sont au nombre de ses écrits les plus médiocres, il faut du moins lui en tenir compte comme d'autant de manifestes en l'honneur de la liberté de penser et de ses représentants. Dans les élections, son rôle ne fut pas moins prépondérant : sans doute, il se montra plus que tiède quand, au lendemain de l'interdiction de l'Encyclopédie et de la représentation des Philosophes, Voltaire essaya, sans le moindre succès, de susciter la candidature de Diderot; mais Marmontel, La Condamine, Watelet, Saurin, Thomas, Condillac, Saint-Lambert, lui durent le meilleur appoint de succès plus ou moins contestés. L'Académie se divisait alors en deux partis, celui qui reconnaissait pour chefs Voltaire et d'Alembert, et celui des dévots qui comptait dans ses rangs Duclos, d'Olivet, Hénault, Moncrif, le cardinal de Luynes et Richelieu lui-même. De là des conflits où les encyclopédistes ne furent pas toujours vainqueurs, mais qui avaient alors le privilège de passionner singulièrement l'opinion publique. A la mort de Duclos (26 mars 1772), d'Alembert fut désigné pour lui succéder provisoirement dans les fonctions de secrétaire perpétuel. Le 9 avril suivant, il fut élu par dix-sept voix contre dix données à Batteux et ne tarda pas à prendre son nouveau rôle tout à fait au sérieux. Il conçut presque immédiatement le projet de reprendre l'histoire de l'Académie au point où Pélisson et d'Olivet l'avaient laissée, c.-à-d. au commencement du XVIIIe siècle, et il tint parole : soixante-dix-huit éloges, rédigés en moins de dix ans, furent le résultat de cette gageure : c'est à tout prendre l'oeuvre la plus durable de d'Alembert, non seulement parce que, selon le mot heureux de la Correspondance secrète de Métra (VII, 224), l'auteur ne semble louer les morts que pour faire la satire des vivants, mais parce que, s'il n'est pas parvenu à donner l'immortalité à bon nombre de gens qui ne la méritaient guère, il a du moins contribué à les sauver de l'oubli et recueilli pour notre profit des particularités que sans lui nous eussions toujours ignorées. En même temps, devenu par sa situation le « grand électeur » de l'Académie, il prit une part active aux luttes qui signalèrent aussi les candidatures de Delille, de Suard, de Malesherbes, de l'abbé Millot; pour ce dernier, d'Alembert, dérogeant au règlement de l'Académie qui dispensait le secrétaire perpétuel des fonctions de directeur, répondit au récipiendaire en l'absence des officiers du trimestre. En 1768, lorsque Christian VII, roi du Danemark, vint assister à une séance de l'Académie des sciences, d'Alembert avait prononcé un discours dont Grimm nous a conservé le texte et que l'infant de Parme, élève de Condillac, traduisit en italien. En 1771, il lut à l'Académie française devant Gustave III un dialogue entre Christine de Suède et Descartes, et l'on a vu plus haut en quels termes flatteurs le grand-duc Paul Petrovitch lui exprima le regret de n'avoir pas été son élève (juin 1782). « En effet, disait Grimm, à propos du pseudonyme adopté par d'Alembert, on ne soupçonnera pas cet auteur de partialité, car si les jésuites sont traités suivant leurs mérites, les jansénistes ne sont pas épargnés et, en rendant hommage à la vérité, l'auteur peut se flatter à coup sûr d'être odieux aux deux partis. »C'est ce qui ne manqua pas d'arriver, et la première lettre de 1767 est une réponse à l'abbé Guidi et à d'autres polémistes; la seconde roule principalement sur l'expulsion des jésuites d'Espagne. Grimm se montre encore plus sévère pour celles-ci que pour la Destruction et il les qualifie de « verbiage sans nerf, sans sel, sans gaieté, avec beaucoup de prétention à la plaisanterie et sans résultat ». Néanmoins, le bruit produit par cette brochure fut tel que le ministère s'en émut et que Choiseul fit attendre six mois à d'Alembert la pension vacante de Clairaut à laquelle il avait droit. En 1770, il donna une édition revue et augmentée de son Essai sur la nouvelle théorie de la résistance des fluides. Il n'apparaissait plus guère d'ailleurs à l'Académie des sciences, bien que la longue lutte qu'il avait soutenue au sein même de l'Académie contre Buffon, au sujet de Bailly et de Condorcet, se fut terminée par la double élection de Condorcet (1773) comme adjoint au secrétaire perpétuel Grandjean de Fouchy, qu'il devait plus tard remplacer, et comme membre de l'Académie française où il succéda à Saurin (1782). Il continuait aussi d'entretenir une correspondance scientifique, qui n'a été que partiellement recueillie, avec le P. Frisi, Lesage, de Genève, etc. - Frontispice et page de garde du Tombeau de Mlle de Lespinasse (édition de 1879). Il n'est personne qui ne connaisse les derniers épisodes et le dénouement de la liaison de d'Alembert avec Mlle de Lespinasse, comment elle s'éprit tour à tour du comte de Guibert et d'un jeune Espagnol, M. de Mora, et comment d'Alembert poussait la complaisance et l'aveuglement jusqu'à porter ou recevoir lui-même à la poste les lettres des deux amants! Le philosophe si cruellement trompé a pu alléguer plus tard à sa décharge que cette passion ne lui avait été révélée qu'après la mort de son amie, mais il est assez singulier que les changements d'humeur dont il se plaignait à Marmontel ne lui aient pas donné l'éveil, ni qu'aucun officieux ne soit venu troubler sa quiétude. Mlle de Lespinasse mourut le 22 mai 1776. D'Alembert, qui avait, quelques années auparavant, tracé de son amie un portrait singulièrement flatteur, épancha sa douleur dans deux nouveaux écrits : Aux mânes et Sur le tombeau de Mlle de Lespinasse (22 juillet et 2 septembre 1776 ). En vain reçut il les consolations les plus affectueuses de Frédéric II; loin de vouloir écarter le souvenir de celle qu'il avait perdue, il prenait une sorte de plaisir douloureux à rechercher dans le passé des situations analogues à la sienne : c'est ainsi que, lors de la réception de La Harpe (20 juin 1776), il fit dans l'éloge de Louis de Sacy, un tableau de sa liaison avec Mme de Lambert, récit dont les allusions furent d'autant plus sensibles que son émotion les soulignait davantage. « Jamais, disait Meister, M. d'Alembert n'a écrit avec plus d'âme et de sensibilité. Quoiqu'il ne lui soit pas échappé un seul mot sur sa propre situation, tout le monde a reconnu le sentiment qui lui dictait des plaintes si tendres et tout le monde a paru les partager. »Un autre malheur non pas aussi cruel, mais également irréparable, lui était réservé. Mme Geoffrin était frappée de paralysie; sa fille, Mme de la Ferté-lmbault, défendit aussitôt sa porte aux philosophes, ses commensaux, et à d'Alembert tout le premier, qui s'en vengea en faisant circuler la lettre par laquelle elle l'éconduisait, mais qui ne put revoir sa vieille amie à son lit de mort. Dans deux lettres à Condorcet qu'il fit imprimer peu de temps après, il rendit un hommage ému à la femme de bien dont les conseils et le dévouement ne lui avaient jamais manqué et dont la disparition ravivait une douleur qu'elle n'avait pu l'aider à supporter. Enfin, quel ques mois après (25 mai 1778), c'était le tour de Milord Maréchal (George Keith), l'intermédiaire de ses premières relations avec Frédéric II, et dont la mort précéda de cinq jours celle de Voltaire. D'Alembert, qui n'écrivit sur son illustre confrère qu'une note relative à la statue de Pigalle, rappela dans un court éloge les vertus et l'originalité de l'ancien lieutenant de Charles-Edouard. Cet Éloge et l'édition collective de ceux qu'il avait lus depuis plusieurs années à l'Académie française furent ses derniers travaux littéraires. Retiré depuis 1777 dans l'appartement du Louvre auquel ses fonctions lui donnaient droit, il ne sortait plus guère que pour assister aux séances de l'Académie française. Malgré le régime le plus sobre et la vie la plus réglée, il se vit atteint de la pierre et se refusa toujours à subir l'opération qui pouvait le sauver. « Ils sont bien heureux, disait-il, ceux qui ont du courage ; moi je n'en ai pas. »Cependant il attendit ses derniers instants avec calme; la veille de sa mort il eut assez de présence d'esprit pour trouver la solution d'un logogriphe du Mercure et pour faire répondre aux instances réitérées du curé de sa paroisse « qu'il irait lui rendre sa visite Ie lendemain »; il expira le 28 octobre 1783. L'archevêque de Paris autorisa l'enterrement au cimetière le plus voisin, sans cortège et sans bruit, mais lui refusa la sépulture dans l'église. « Ce mezzo termine, dit Meister, a mécontenté également les dévots et les philosophes. Il est assez étrange que ces derniers trouvent tant de plaisir à être dans l'église après leur mort, et tant de gloire à n'y être pas de leur vivant ».Les signataires de l'acte de décès, que Jal avait relevé sur les registres de Saint Germain-l'Auxerrois, Condorcet, Watelet et Rémy, maître des comptes, ami de collège de d'Alembert, étaient en même temps ses exécuteurs testamentaires. La teneur de ses dernières dispositions n'est pas connue, mais on sait par une note autographe que le revenu du défunt s'élevait en 1781 à 23,130 livres; il fut donc plus facile, sans doute, à ses amis d'effectuer les legs de 6000 et de 4000 livres qu'il faisait à deux de ses domestiques et ils purent ensuite se partager les quelques tableaux, gravures et porcelaines qu'il leur laissait. Condorcet et Watelet recueillirent en outre ses papiers, parmi lesquels figuraient deux copies de sa correspondance avec Frédéric Il et avec Voltaire. Le roi réclama celle qui était échue à Watelet, mais elle ne semble pas lui avoir été restituée. Quant à ses livres, ils furent vendus en même temps que son mobilier. (Maurice Tourneux). |
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