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Autographe (du grec autos, soi-même, et graphéin, écrire), fait de la main de l'auteur. Le mot s'emploie comme adjectif (lettre autographe, manuscrit autographe); et comme substantif (un autographe de Henri IV, de Bossuet, etc. ). Il était déjà connu des Anciens, puisque Pline et Suétone parlent de recueils autographes. En France, le goût des autographes et l'appréciation de leur utilité ne datent guère que du commencement du XIXe siècle; au XVIIe et même au XVIIIe, on n'attachait aucune importance à un manuscrit dès qu'il était imprimé; alors on le laissait perdre; voilà comment on n'a plus un seul autographe des comédies de Molière, des tragédies de Corneille, ni même de celles de Racine dont il existe cependant quelques autres autographes; aussi pour la vérification des textes de ces auteurs, on ne peut s'appuyer que sur la première édition, ou sur l'une des plus anciennes de leurs ouvrages. On voit donc l'utilité que la littérature peut tirer des autographes. Une autre utilité non moins intéressante, c'est de chercher dans un manuscrit autographe les traces du travail, du procédé de composition de l'auteur, de la modification de sa pensée, de la nuance ou de la valeur différente d'une expression substituée à une autre; toutes choses ordinairement visibles sous l'écriture biffée ou sous les mots raturés. Un examen de ce genre sur des autographes de Pascal et de Bossuet sera toujours digne d'un esprit sérieux et ami de la perfection dans l'art d'écrire. Autographe de Francis Drake. Le goût des autographes s'est converti, chez certains amateurs, en loisir. Parfois il laisse libre cours à la pensée magique, quand on prétend retrouver dans l'aspect, dans la tournure d'une écriture, le caractère de I'individu qui l'a tracée. Ce qui pourrait être vrai dans une certaine mesure, et rarement, ce serait d'y conjecturer le tempérament de l'auteur; ainsi, des curieux ont remarqué, dans les lettres du jeune sous-lieutenant d'artillerie qui fut ensuite Napoléon Ier, les mêmes abréviations hachées et cursives qui se retrouvent dans les autographes de l'Empereur, tyran de l'Europe. Il les étendit jusqu'à sa signature impériale qui fut d'abord Napoléon; en toutes lettres, puis Nap., puis N. tout seul. La graphologie ou divination physiologique par autographie, n'est guère plus utile que sûre, même si l'on peut s'étonner qu'en ce XXIe siècle, des entreprises puissent encore recourir à cette pratique superstitieuse et obscurantiste pour leur recrutement. Mais il n'en est pas de même de le connaissance ou reconnaissance des écritures, soit d'une époque, soit de certains écrivains ou personnages : elle permet de restituer à leurs véritables auteurs des écrits, des pièces anonymes. C'est ainsi qu'un littérateur, Villenave, amateur éclairé d'autographes, a reconnu d'uns manière certaine des écrits de Sully, de Daguesseau, de Bussy-Rabutin, d'Antoine Arnauld, que l'on ne savait à qui attribuer. L'étude des écritures peut également avoir son intérêt en criminologie. Nous dirons aussi que l'histoire politique ou administrative peut aussi tirer beaucoup de lumières des autographes pour résoudre certaines questions, dissiper certaines incertitudes de l'histoire ou de la critique. Ils sont réellement utiles, quand ils font connaître les opinions des hommes distingués sur la littérature, la morale ou la politique. Autographe de La Pérouse.
La Bibliothèque nationale de Paris possède une immense collection d'autographes qui faisaient jadis partie de différents fonds : rois, princes, ministres, guerriers, savants et personnages illustres, tant français qu'étrangers, depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours, y sont représentés. Là se trouvent les correspondances de Marguerite de Navarre, des ducs de Guise, du connétable de Montmorency, du maréchal de Saulx-Tavannes, des cardinaux du Bellay, Richelieu, de Retz et de Noailles, de François Ier, de Henri IV, de Louis XIV, le manuscrit du Télémaque avec des corrections de la main de Fénelon, etc. Les autographes abondent aussi au Palais de Justice et dans les différents Ministères, plus encore aux Archives nationales, où l'on trouve, par exemple, une charte de Louis IX, le procès-verbal du Serment du Jeu de paume à Versailles, des signatures de tous les membres de la Convention nationale et de plusieurs autres Assemblées législatives. Les autres pays possèdent aussi des collections très précieuses, entre autres, celles de Florence et de l'Escurial. Parmi les amateurs qui ont formé, au XIXe siècle, d'importantes collections d'autographes, on doit mentionner, en France, le marquis de Château-Giron, Dolomieu, Guilbert de Pixerécourt, Bérard, Berthevin, Saint-Gervais, Monmerqué, le marquis de Biencourt, le marquis de Flers, Auguis, Villenave, d'Aligre, Anatole de Montesquieu, Fossé d'Arcosse, Corby, Jolyet, Feuillet de Conches, Guizot, etc.; en Angleterre, sir Thomas Philippe, Dawson-Turner; en Italie, Gilbert Borromeo, le comte de Corsilla; en Allemagne, le prince de Metternich, Falckenstein, Fuchs, Franck, etc. Autographe de Toussaint-Louverture. La recherche des autographes a fait naître une industrie nouvelle : toutes les fortunes ne pouvant suffire à former des collections dispendieuses, on y a suppléé par la gravure et surtout par la lithographie: Des fac-simile ont été insérés dans toutes sortes d'ouvrages. On en a fait même des recueils spéciaux. Telle est l'Isographie des hommes célèbres, collection de fac-simile de lettres autographes ou de signatures, 2e édit., publiée par Delarue, Paris, 1853, 4 vol. gr. in-4°, renfermant environ 850 fac-simile, faits sur les originaux des bibliothèques et archives de Paris, de Vienne, de Prague, de Munich, etc., et de diverses collections particulières. Des collections d'autographes lithographiés ont également paru en Angleterre et en Allemagne. (B. et C.D-y). |
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