| Pierre Louis Moreau de Maupertuis est un mathématicien et astronome français, né à Saint-Malo le 17 juillet 1698, mort à Bâle le 27 juillet 1759. Fils d'un député au conseil royal de commerce et aux Etats de Bretagne, il commença ses études avec un précepteur, l'abbé Coquard, vint en 1714 à Paris, au collège de La Marche, où il eut pour répétiteur de mathématiques l'académicien Guisnée et où il resta deux ans, fit ensuite un voyage en Hollande et, en 1748, entra dans la compagnie des mousquetaires gris. Peu après, il obtint une lieutenance dans le régiment de La Roche-Guyon. Mais la paix lui laissait des loisirs. Il fréquenta au café de l'Ancienne-Comédie (café Procope) les beaux esprits du temps : Marivaux, Fréret, La Motte-Hédouard. En même temps, F. Nicole lui inspira le goût des mathématiques et, en 1723, s'étant démis de sa compagnie, il se fit recevoir en qualité d'adjoint à l'Académie des sciences de Paris. II n'avait encore rien publié, et son premier mémoire : Sur la Forme des instruments de musique, ne date que de l'année suivante. Il n'en passa pas moins, en 1725, adjoint associé, et il commença alors seulement à se révéler mathématicien avec une série de mémoires sur les questions de maximis et de minimis (1726), sur la quadrature et la rectification des figures formées par le roulement des polygones réguliers (1727), sur le développement des courbes (1727-1729). En 1728 il fut admis, au cours d'un voyage en Angleterre, à la Royal Society de Londres et, en 1729, s'étant rendu à Bâle, il s'y lia d'une étroite amitié avec les frères Bernoulli. En 1734, il devint, à la suite de la lecture d'un nouveau mémoire Sur la Courbe descensus aequabilis, membre pensionnaire de l'Académie des sciences. Puis il fut engagé par la publication d'une étude sur les lois de l'attraction et d'un discours sur la figure des astres, où il se faisait le défenseur des idées newtoniennes, dans une violente dispute avec les nombreux partisans des tourbillons cartésiens, notamment avec Cassini, Nollet, Fontenelle, Mairan. Les Cassini soutenaient, à cette époque, que la Terre est allongée aux pôles; au contraire, Huygens et Newton concluaient, de leurs calculs théoriques, qu'elle est renflée à l'équateur. Tandis que La Condamine, Godin et Bouguer étaient envoyés par Maurepas au Pérou pour y mesurer un arc du méridien (Le Voyage des géomètres en Amérique du Sud, texte en Ligne), Maupertuis était placé à la tête d'une seconde expédition dont faisaient partie Clairaut, Camus, Lemonnier, ainsi que le physicien suédois A. Celsius, et qui devait se rendre dans les régions arctiques pour y procéder à une opération identique. La petite troupe arriva au mois de juillet 1736 à Torneà (Suède septentrionale), où elle passa l'hiver et d'où elle repartit à la fin du printemps suivant, augmentée d'une jeune Laponne, dont Maupertuis s'était . épris et qui devait exercer plus tard la verve railleuse de Voltaire. L'entreprise avait, d'ailleurs, pleinement réussi, à Ia confusion de Cassini, qui, du reste, ne se rendit pas tout de suite à l'évidence, et les résultats en furent publiés par Maupertuis dans une relation intitulée : Sur la Figure de la Terre (1738). On lui reproche de s'être attribué tout le mérite de travaux effectués en commun. En tout cas, sa réputation en fut considérablement accrue, et, sollicité par le roi de Prusse, Frédéric Il, il se rendit en 1740 auprès de ce prince, qu'il accompagna même dans sa campagne de Silésie (1741). Fait prisonnier par les Autrichiens à Mohwiz, il fut presque aussitôt remis en liberté et revint à Paris, où il reprit ses travaux scientifiques et où il publia presque en même temps ses deux traités sur la parallaxe de la Lune et sur les comètes. En 1743, Maupertuis fut élu membre de l'Académie française en remplacement de l'abbé de Saint-Pierre et prétendit démontrer, dans son discours de réception, que «-l'objet des études de géométrie et du bel esprit est le même et dépend des mêmes principes ». Rappelé en Prusse par Frédéric II en 1744, il fut chargé de réorganiser l'Académie de Berlin que Frédéric Ier avait fondée en 1700. Il alla donc se fixer pendant huit ans dans cette ville en 1745, et reçut la présidence de l'institution avec le logement au palais et une pension de 15,000 livres. En 1750, il y fit entrer Samuel Koenig, professeur de philosophie, qu'il avait connu à Bâle. D'abord les meilleurs amis; ils se querellèrent bientôt au sujet de Leibniz, de sa découverte du calcul infinitésimal et à propos de la paternité du principe de moindre action. Maupertuis avait proposé en 1744 le principe de la moindre action comme fondement la mécanique, qu'il avait publié dans son Essai de cosmologie (1750). Il espérait que ce principe puisse unifier les lois de la nature, et il avait même tenté de s'enservir pour produire une preuve de l'existence de Dieu. Koenig accusait Maupertuis de plagier Leibniz. Il fut défendu par Euler. Voltaire, longtemps, lui aussi, l'ami de Maupertuis, mais vexé par le refus d'un service personnel, se rangea du côté de Koenig. Dès lors, les pamphlets et les satires se succédèrent. En vain Frédéric Il s'interposa. Tandis qu'il continuait à soutenir Maupertuis, Voltaire, implacable, multipliait les attaques et les brochures : la Diatribe du docteur Akakia, la Querelle, la Séance mémorable, la Berlue, Lettre d'un marquis à une marquise, Extrait d'une lettre d'un académicien de Berlin, Projet de paix, l'Art de bien argumenter, Lettre au secrétaire éternel, l'Homme aux quarante écus, Deux Siècles, etc. Il y traitait tour à tour le président de l'Académie de Berlin de plagiaire et d'ignorant, « ayant un peu parlé de mathématiques et de métaphysique, ayant disséqué deux crapauds et s'étant fait peindre avec un bonnet fourré ». Maupertuis le provoqua : Voltaire cria à l'assassin. Finalement et de guerre lasse, Maupertuis, déjà malade, rentra en France; puis il alla mourir à Bâle, dans les bras des Bernoulli, qui lui étaient demeurés fidèles. Certes, Voltaire a été injuste. Avant de couvrir Maupertuis d'injures, il l'avait, d'ailleurs, loué sans mesure. L'abbé Outhier, son compagnon dans l'expédition du pôle, loue l'agrément de sa conversation et de son commerce : « On étudiait, on calculait, dit-il; M. de Maupertuis nous soutenait par sa gaieté et par les charmes qu'il mettait dans notre société.» Parlant des périls qu'ils avaient courus ensemble il ajoute : « M. de Maupertuis conservait tout son sang-froid et nous rassurait par sa sérénité et même par la gaieté de son esprit. » (Outhier, Journal d'un voyage au Nord, 1744). Et Formey, son collègue à l'académie de Berlin, comparant la conversation de Maupertuis à celle de Voltaire, a dit : « Je l'ai regardé comme l'homme le plus spirituel que j'aie connu. Voltaire pérorait, dissertait et voulait être écouté; on aimait d'abord à l'entendre; mais on s'en lassait; au lieu que tout ce que disait M. de Maupertuis, partait comme un éclair et en avait le feu. » (Souvenirs d'un citoyen. Paris, 1797) Thiébault, peut-être plus impartial, a dit de lui : « M. de Maupertuis avait beaucoup d'esprit, mais il en avait moins que Voltaire... » (Mes souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, 1860) Dans l'éloge qu'il a fait de lui, Grandjean de Fouchy, le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, a dit : « Il était d'une vivacité singulière et qui paraissait dans tout son maintien. Sa conversation était, quand il le voulait, pétillante d'esprit et infiniment amusante... Il possédait non seulement la théorie mathématique de la musique, mais encore la pratique de cet art enchanteur, et connaissait les sources de l'agrément qu'elle peut procurer. » (De Fouchy, Eloge de Maupertuis, dans l'Histoire de l'Académie. des Sciences, 1759). On n'en est pas moins obligé de constater que le favori du roi de Prusse a été un très médiocre littérateur, au style raide et prétentieux, et que, gonflé d'orgueil et l'esprit faussé par la vanité, il n'a produit comme savant, hormis sa mesure de l'arc de Tornea, aucun travail ni aucune découverte de premier ordre, que, conséquemment, la grande célébrité dont il jouit parmi ses contemporains et les honneurs dont il fut comblé étaient aussi mal justifiés que les railleries de Voltaire étaient elles-mêmes exagérées. (L. S.).
| En bibliothèque. - Nous avons déjà indiqué, dans le cours de cet article, le sujet de quelques-uns des nombreux mémoires qu'il a présentés à l'Académie des sciences. II a publié à part : Sur la Figure de la terre (Paris,1738, in-12; trad. lat., 1742); Discours sur la parallaxe de la lune (Paris, 1741, in-8); Discours sur la figure des astres (Paris, 1742, in-8); Eléments de la géographie (Paris, 1742, in-8); Lettre sur la comète de 1742 (Paris, 1742, in-8); Astronomie nautique (Paris, 1745 et 1756, in-8); Vénus physique (Paris, 1745, in-12); Essai de cosmologie (Amsterdam, 1750, in-8); Maupertiana ou Ecrits divers (Leyde, 1753, in-8). Tous ces écrits ont été réunis sous le titre : Oeuvres complètes de M. de Maupertuis (Paris, 1752, 4 vol. in-8; autre éd., Lyon, 1768, 4 vol. in-8). En librairie. - Maupertuis, Vénus physique (prés. Patrick Tort), Aubier Montaigne, 1992. Michel Valentin, Maupertuis, un savant oublié, La Découvrance Editions, 1998. - Elisabeth Badinter, Jacqueline Duhême (illust.), Voyage en Laponie de Monsieur de Maupertuis, Seuil Jeunesse, 2003. -La Figure de la Terre (Voyage en Laponie), 1738. | | |