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Mathématiques / Regards en arrière] |
L'histoire des mathématiques |
Aperçu |
L'origine
des mathématiques est très lointaine.
Mais
pour tout le temps qui précède l'invention de l'écriture,
il semble difficile d'énoncer autre chose que des généralités, seulement
étayées indirectement par quelques témoignages archéologiques (successions
d'entailles ou de marques qui peuvent faire penser à un comptage, etc.)
ou par les analogies que l'on peut tirer des études ethnologiques : on
savait compter; ici, plusieurs systèmes de numération ont pu être utilisés
(numération décimale, duodécimale, sexagésimale, etc.), là , on a pu
s'en tenir à l'usage de quatre nombres seulement (un, deux, trois, «
beaucoup »); on devait aussi connaître quelques principes d'arpentage
des champs cultivés, imposés par le développement de l'agriculture.
En tout cas, il est frappant de constater que l'invention de l'écriture
est partout étroitement liée à des préoccupations mathématiques, ou
du moins comptables. On commence par consigner des nombres, mais très
vite aussi, on en vient à s'interroger sur les rapports qui existent entre
eux. Posés et résolus de manière très rudimentaires en Mésopotamie
et en Egypte, ces problèmes dessinent
déjà les contours d'une arithmétique, d'une algèbre, d'une géométrie.
Mésopotamie.
Egypte.
Les mathématiques antiquesQuant à la traditon mathématique occidentale, il faut aller en chercher l'origine dans la Grèce ancienne, où la discipline se constitue pleinement en tant que science abstraite.Grèce.
« Il y a quatre degrés de la sagesse, l'arithmétique, la musique, la géométrie, la sphérique, rangées 1, 2, 3, 4. » (Pseudo-Pythagore, De Dits.)Dès cette époque (Ve siècle av. J.-C.) le caractère spécial de ces sciences est donc déterminé, et elles sont classées d'après le développement qu'ont alors reçu leurs diverses branches. Chez les Grecs, les sciences mathématiques se sont développées rapidement et ont pris une forme classique bien connue, celle d'un ensemble de propositions isolées, mais rigoureusement démontrées les unes par les autres à partir de définitions ou d'axiomes en petit nombre. L'éveil
des mathématiques grecques.
Pythagore, ou du moins les premiers à se réclamer de lui, font des nombres le principe de chaque chose. L'un des premiers Pythagoriciens (peut-être Hippase de Métaponte), établi la proposition du carré de l'hypoténuse et son école parvient à en tirer quelques conséquences : on montre ainsi l'irrationnalité de la racine carrée de 2 et, plus généralement, on envisage la question des grandeurs incommensurables entre elles. Parmi les premiers Pythagoriciens on trouve aussi Archytas de Tarente, et de son époque date la découverte de la propriété du cercle ou de la sphère d'être maximum parmi les figures de même périmètre ou de même aire. Pour les Pythagoriciens, la musique est une application de l'arithmétique à l'acoustique, et est déduite des lois fondamentales attribuées au maître (théorie des rapports et des progressions). La tradition pythagoricienne se poursuivra longtemps. A l'époque alexandrine, on peut encore citer Nicomaque de Gérase. Anaxagore de CIazomène (vers l'an 460) compose un traité sur la quadrature du cercle. Mais le véritable essor de la géométrie date de Platon (vers l'an 400), dont la partie mathématique de l'oeuvre est encore d'inspiration pythagoricienne. Platon introduit la méthode analytique, la théorie des sections coniques et la doctrine des lieux géométriques. Il installe la question de l'inscription dans une sphère des cinq polyèdres réguliers (les cinq corps platoniciens ou les cinq corps d'Euclide, dira-t-on-plus tard) dans une sphère. Il donne aussi une solution simple et élégante donnée de la duplication du cube. Cette question, que les Anciens appellent le problème de Délos, avait déjà accaparé l'intelligence d'Hippocrate de Chios et d'Archytas. Aristote, disciple de Platon, aborde les questions de l'infini et du continu. Sa logique sera la seule que connaîtront les mathématiciens jusqu'au XIXe siècle. Eudoxe développe la théorie des proportions, Menechme étudie les sections coniques. Suivent-: son frère Dinostrate, Autolycus de Pitane, etc. Les
mathématiques alexandrines.
Après Euclide, on voit briller Archimède, Apollonius, Eratosthène, Nicomède, et quelques autres, qui parviennent à constituer ce que nous dénommons aujourd'hui les mathématiques élémentaires. En trouvant le rapport de la circonférence au diamètre, Archimède donne les premiers exemples d'un problème résolu par approximation. On lui doit encore un Traité des spirales, la proportion de la sphère et du cylindre circonscrit, la cubature des sphéroïdes et des conoïdes et la découverte de la quadrature rigoureuse. La marche suivie par Archimède constitue la méthode d'exhaustion (déjà esquissée par Euclide), où la méhode des limites et le calcul différentiel se trouvent en germe. Les écrits d'Apollonius de Perge (250 ans environ av. J.-C.) sont surtout relatifs à la géométrie de la forme. Le principal semble être Ie Grand traité des coniques. C'est lui, dit-on, qui le premier appliqua à ces courbes les noms de parabole, d'ellipse et d'hyperbole, sous lesquels on les a toujours désignées depuis. On lui attribue aussi la théorie des épicycles. -(Portraits imaginaires).
Parmi les mathématiciens illustres, successeurs d'Apollonius et Archimède, nous mentionnerons : Aristarque de Samos; Hipparque, l'inventeur de la trigonométrie rectiligne et sphérique; Ménélaüs, auteur d'un Traité des sphériques, où l'on trouve la propriété des transversales dans les triangles rectilignes ou sphériques; Ptolémée (ca. 85 - ca. 165 ap. J.-C) qui, dans son Almageste, a laissé un traité de trigonométrie rectiligne et sphérique et est aussi l'auteur d'une Optique et d'un Traité des trois dimensions des corps; Héron d'Alexandrie; Pappus, qui, dans ses Collections mathématiques, donne une définition précise de l'analyse et de la synthèse; il y donne, de plus, la propriété fondamentale du rapport anharmonique et le germe de l'involution. Après Pappus, l'école d'Alexandrie, à son déclin, compte encore Screnus, Dioclès, l'inventeur de la cissoïde, Proclus et plusieurs autres commentateurs : Théon et sa fille Hypatie; Simplicius, Eutocius d'Ascalon. Une fois soumis aux Romains, pour qui la science pure n'a aucun attrait, le monde hellène garde pour l'essentiel, mais sans l'accroître, le trésor de connaissances qui a été amassé. Seul se détache, à cette époque, Diophante (IIIe s. ?.) auquel on fait remonter ordinairement l'origine de l'algèbre. L'ouvrage de Diophante n'a trait qu'à une classe particulière de questions arithmétiques pour la solution desquelles il déploie une habileté remarquable, et se situe en fait à mi-chemin entre I'arithmétique et l'algèbre. Le mathématicien représente l'inconnue d'un problème par l'abréviation os, finale du mot grec rithmos (nombre); il n'emploie ni les lettres de l'alphabet, ni les signes des fonctions, excepté toutefois le signe de la soustraction, qui est un Psi renversé et un peu tronqué (). Rome.
La tradition mathématique orientaleLes mathématiques en Chine.La réelle influence des mathématiques chinoises sur les mathématiques indiennes et, partant, sur les mathématiques arabes et occidentales, n'a probablement pas encore été reconnue à sa juste place. Une influence directe des mathématiques chinoises sur les mathématiques grecques n'est peut-être pas à exclure. Quoi qu'il en soit, il ressort des documents existants (le Yijing, le Zhoubi Suanjing, le Suà n shù shu et le Jiuzhâng Suà nshù, pour citer les plus anciens) que les mathématiques chinoises ne diffèrent pas essentiellement de celles des anciens peuples orientaux en termes de niveau de connaissance. Les Chinois ont créé leur propre système de numération et l'usage du boulier remontait chez aux à des temps immémoriaux. Ils connaissaient le théorème de Pythagore (au moins dans le cas classique 3, 4, 5), le triangle de pascal, et savaient calculer, par des formules empiriques approchées, les aires et volumes de figures simples. Le nombre est connu à 6 décimales près. De nombreux problèmes d'arithmétique et de géométrie sont également traités dans les ouvrages qui nous sont restés. La résolution des équations (allant jusqu'au 14e segré) est abordée. Parmi les faits intéressants, mentionnonera encore la présence de carrés magiques, qui semblent être d'origine très ancienne chez les Chinois. C'est seulement à partir du Xe siècle, que les livres de mathématiques chinois perdent de leur originalité. Il devient en tout cas de plus en plus en plust difficile de distinguer ce qui appartient aux Chinois de ce qui a pu être importé d'autres traditions : indienne ou arabe. Les
mathématiques en Inde.
Dès le IVe s. av. J.-C, Apâsthamba a composé les Sulvasûtra, un traité destiné à rassembler les connaissances nécessaires pour la construction des temples, et dans lequel on trouve notamment une formulation du théorème de Pythagore. Au Ve s. ap. J-C, Aryabhatta a été l'auteur d'un ouvrage (l'Aryabhâtiyam), dans lequel apparaissent pour la première fois les rapports que l'on appellera plus tard sinus (les Grecs recourraient seulement à la notion de cordes). On y trouve également une table de sinus exprimée en vers, et donc supposée facile à mémoriser... Enfin, Brahmagupta, vers le milieu du VIIe siècle, a été l'auteur d'un traité qui aura bientôt une grande importance chez les Arabes, le Siddhânta. Plus tard, Bascora Acharay (ou Bhâskara), né en 1114, écrira la Lilâvati (du nom de sa fille), dans lequel on verra les quatre premières opérations en entiers et en fractions exécutées couramment, la règle de trois, l'extraction des racines carrées et cubiques, comme nous les faisons aujourd'hui Les
mathématiques arabes.
A partir du règne d'Al-Mammoun (813-834), grâce à l'oeuvre de son bibliothécaire, Abou-'Abdallah el-Khwârizmî, l'héritage mathématique des Grecs commence à être véritablement connu et enrichi des connaissances acquises par les mathématiciens indiens. Il étudie le Siddhanta sanscrit, révise les tables de Ptolémée et écrit sur l'algèbre des traités que le Moyen âge allait traduire en latin. C'est à el-Khwârizmî (du nom duquel dérive d'ailleurs le mot algorithme), que remonte le terme d'algèbre, dont la fortune a été singulière, et qui n'avait d'ailleurs au départ qu'une signification restreinte; l'appellation complète dont ce mot dérive (al-djebr wa'l moukâbala, restitution et opposition) désigne originairement chez al-Khwârizmi deux opérations nettement décrites dans Diophante comme les premières à faire subir aux équations. L'une (restitution) consiste à faire passer les quantités négatives d'un membre à l'autre, de façon qu'il ne reste plus de part et d'autre que des termes positifs; l'autre (opposition), à réduire les termes semblables de part et d'autre.La Composition mathématique de Ptolémée (l'Almageste) est traduite par El-Ferghâni (Alfraganus), dans le premier tiers du IXe siècle; celui-ci construit aussi un nouveau nilomètre en Égypte et compose un manuel d'astronomie; de même Abou-Ma'char (Albumaser) , venu de Balkh, l'ancienne Bactres. Al-Hajjaj traduit vers la même époque les Eléments d'Euclide, et, bientôt, Thâbit ben Qorra(836-901), changeur de monnaies à Harrân l'ancienne Carrhae, célèbre par la défaite de Crassus) venu à la cour des califes, traduit le livre des sections coniques d'Apollonius de Pergé, et écrit des manuels pour l'enseignement; son fils et son petit-fils suivront ses traces. Les traductions se
poursuivent, mais on commence alors à voir apparaître les premiers travaux
originaux. Al-Mahani (mort vers 874), traducteur d'Euclide et d'Archimède,
mit en équations (approche algébrique) le problème (géométrique) d'Archimède
consistant à diviser une sphère en deux segments spéhriques de
raison donnée.
Les progrès de la trigonométrie doivent beaucoup à Al-Habash, contemporain du précédent, Al-Battâni (Albategnius des Latins) et à Abu l'Wafa. C'est eux qui on porté à six les fonctions circulaires toujours en usage aujourd'hui, et qui on aussi établi les premières relations trigonométriques. Avicenne (980-1037) nous a laissé un livre sur le calcul, dans lequel il traite des opérations mathématiques et de la manière d'en faire la preuve, notamment celle qu'on appelle preuve par neuf. Ibn al-Haitham (Alhazen), mort en 1038 au Caire, par la trisection de l'angle et par les recherches sur les deux moyennes proportionnelles pour la duplication du cube, résout des problèmes insolubles avant lui. Le poète persan 'Omar Khayyâm (XIe siècle) contribue à la réforme du calendrier ordonnée par le sultan Seldjoukide Malak-Châh, surnommé Djelâl-ed-dîn, d'où le nom d'ère djélaléenne; il composa un traité d'algèbre qui renferme une importante étude algébrique et géométrique des équations jusqu'au troisème degré. Vers la même époque, on peut encore mentionner Al Karkhi chez qui se lit l'influence marqué des mathématiques indiennes. Toûsî, né en 1201 à Toûs (Mèchhed, Khorasan persan), astrologue de Houlagou, sauve un grand nombre de manuscrits lors de la prise de Bagdad. Il fait de la trigonométrie une science à part et traduit Euclide. Les mathématiques au Moyen âgeLe rôle joué dans l'histoire des mathématiques par les Médiévaux, qu'ils soient Arabes ou Latins, est principalement celui d'un relais. Ils ont recueilli et transmis les connaissances acquises en Inde, en Grèce ou à Byzance( (où l'on n'étudie plus les livres anciens que comme des curiosités sans grande application en dehors de l'astrologie). Cela permettra aux mathématiques, à partir de la Renaissance, de retrouver leur fil. Des progrès ont été accomplis pendant cette longue période, mais force est de constater qu'ils ont été mineurs : on a souvent moins affaire à des résultats nouveaux qu'à des remaniements de concepts anciens.Dans l'Occident
latin, à la charnière de l'Antiquité
et de Moyen âge, on peut, au mieux, mentionner
Boèce
(ca. 480-524), auteur d'une
Arithmétique, qui n'est qu'une copie,
mal digérée d'ailleurs, de Nicomaque de
Gérase. Et on a aussi sous son nom (mais l'attribution est contestée)
un
Ars Geometriae, contenant notamment une traduction littérale
des quatre premiers livres d'Euclide, mais où
les démonstrations ont été omises. Environ
un siècle plus tard, Isidore, l'évêque wisigoth
de Séville, dans ses Etymologies,
explique que « la géométrie a le caractère de la multiplication »,
ce qui la distingue de l'arithmétique « dont le fondement est l'addition
». C'est dire où sont tombées les mathématiques à cette époque.
Page de l'Ars geometriae, autrefois attribué à Boèce. Après une longue période d'obscurité, pendant laquelle le comput pascal a été le summum des connaissances désirables, l'enseignement des mathématiques reparaît dans le quadrivium des arts libéraux des universités, suivant la vieille classification pythagoricienne. Roger Bacon déclarait les mathématiques l'instrument le plus puissant pour pénétrer dans les sciences, la science qui précède toutes les autres et nous dispose à les comprendre. Mais bien rares sont encore ceux qui pensent comme lui. Hildebert du Mans, poète d'un grand renom à cette époque, est plus proche de l'état d'esprit du moment, en composant un poème en quinze chants, intitulé le Mathématicien, pour tourner en ridicule l'astronomie et les astronomes. Au XIIe siècle, les Arabes, fondateurs des universités de Grenade et de Cordoue font connaître en Occident les Éléments d'Euclide. Ils ont reçu des chrétiens de Syrie les trésors de la science grecque et indienne : ils les transmettent à l'Europe latine; grâce à des traductions entreprises notamment en Espagne. Hermann le Dalmate fait connaître le planisphère de Ptolémée (1183), Gérard de Crémone traduit l'Almageste (1173). De son côté, Campano, qui vit postérieurement à l'année 1200, commente Euclide, et étudie la théorie des planètes et la quadrature du cercle. Mais c'est surtout
des besoins pratiques du commerce qui se développent, surtout en Italie,
que vient un nouvel élan. Léonard de Pise,
dit Fibonacci, passe pour avoir, dans un traité
sur l'arithmétique (Liber abaci) publié en 1202, comprenant l'algèbre
telle qu'on la connaissait, enseigné ou plutôt propagé l'usage
des chiffres arabes, qu'il appelle nombre indiens, et dont il indique la
valeur relative ou de position. (Gerbert, vers
l'an mil, et un peu plus tard Adélard de Bath,
connaissaient déjà les chiffres numériques et l'arithmétique fondée
sur le système des Arabes, mais leur introduction en Occident avait eu
un impact très limité). Employé à la douane de Béjaia (Algérie actuelle),
Fibonacci recueillit tout ce que l'on savait d'arithmétique en Égypte,
en Grèce, en Syrie, en Sicile, et il en composa un traité.
Zéro,
selon lui, dérive du mot arabe Zephirum; mais son plus grand mérite
est d'avoir le premier, parmi les Latins, écrit sur l'algèbre, et de
telle manière que trois siècles de travaux assidus n'ont pas ajouté
la moindre chose à ce qu'il avait enseigné. Il s'applique à résoudre
des problèmes commerciaux sans faire la moindre allusion aux opérations
magiques, et cela à une époque où elles faisaient délirer les esprits
les plus distingués. Dès cette époque la science
paraît avoir été étudiée avec quelque assiduité en Italie, où l'on
peut citer notamment
Paul dall'Abaco, habile
mathématicien, qui représente, à l'aide de machines, tous les mouvements
des astres.
Le plus ancien livre imprimé sur ce sujet fut composé par le frère mineur Luca Paciuolo ou Lucas de Borgo (1445-1526) et parut en 1470. Il contient un traité assez complet pour son temps sur l'algèbre, mais la science y est encore à peu près dans l'état où l'avait laissée Diophante (qui ne semble d'ailleurs pas connu de l'auteur, celui-ci ayant seulement puisé chez les Arabes). Son application se bornait à des questions assez peu importantes relatives aux nombres, et elle ne pouvait encore que résoudre les équations du 1er et du 2e degré. Le reste de l'Europe va bientôt recommencer à s'intéresser au mathématiques. Mais il y a, dans la période finale du Moyen âge, des esprits curieux plutôt que savants. Nicolas Oresme ébauche la notation des exposants. John Halifax, plus connu sous le nom de Sacrobosco donne, outre son Algorithme, un traité de la sphère. La trigonométrie moderne est fondée au XVe siècle par Regiomontanus. Les mathématiques à la Renaissance (XVe et XVIe siècles)Le nouveau langage mathématique.Puis vient la renaissance des mathématiques, qui suit la prise de Constantinople par les Turcs (1453). Toutefois, l'oeuvre principale du XVIe siècle est la création de l'algèbre sous sa forme actuelle. Cette branche des mathématiques existait dans la tradition occidentale au moins depuis Diophante, et l'on sait qu'on pouvait en trouver déjà les bases chez les Babyloniens, En Egypte, en Inde, etc. Mais, trop arrimée aux nombres, attachée aux cas particuliers, il lui manquait encore les outils qui lui confèreraient toute sa puissance. Elle a acquis ses outils par étapes. Luca Paciuolo commence ainsi par donner des méthodes pour ramener toutes les équations du second degré à trois cas. Viennent ensuite Niccolo Fontana, dit Tartaglia, Cardan et Ferrari qui commencent à s'attaquer au problème général de la résolution des équations du troisième et du quatrième degré. Après eux, Viète est le premier à appliquer l'algèbre à la géométrie, et jette ainsi les fondements de l'analyse moderne. L'algèbre,
un langage en quête de son vocabulaire.
Quelque temps plus tard, Tartaglia (1500-1557), qui enseigne les mathématiques à Venise, a connaissance d'un défi porté, selon la mode du temps, par le mathématicien Fiori (ou Fior); celui-ci, qui possède, dit-il, un procédé de résolution de l'équation du troisième degré (peut-être lui vient-il de Scipion Ferro), engage chez un notaire une certaine somme d'argent, contre la solution de trente questions, c'est-à -dire que celui qui aurait, au bout d'un certain temps (de trente à quarante jours), résolu le plus de questions, serait déclaré vainqueur et gagnerait la somme déposée. En moins de deux heures, Tartaglia résolut les questions proposées, qui toutes se réduisaient à un cas particulier des équations cubiques, dont la formule est : x3 + px= q. Jérôme Cardan (né à Pavie en 1501, mort à Rome en 1576) est en train de composer son Ars marna, sive de regulis algebraicis liber unus (Nuremberg, 1545), lorsqu'il apprend le résultat de cette joute scientifique. Il arrache à Tartaglia son secret, jurant sur les Evangiles de ne jamais le révéler, mais cette promesse solennelle ne l'empêche pas de le publier dans son Ars magna, tout en rendant, il est vrai, justice aux inventeurs précédents. D'ailleurs, tandis que Tartaglia ne savait résoudre l'équation du troisième degré que dans le cas d'une seule racine réelle, Cardan, esprit subtil et mathématicien génial, remarque que, lorsque la formule de résolution contient des imaginaires, l'équation admet trois racines réelles : c'est là le premier exemple de la liaison entre quantités réelles et quantités imaginaires qui trouvera son plein développement au XIXe siècle. A l'âge de vingt-trois ans, Ferrari, élève de Cardan, résout l'équation du quatrième degré. Ainsi est acquise la résolution algébrique des équations des quatre premiers degrés, les seules que l'on puisse, dans le cas général, résoudre par des extractions de racines, comme devait le démontrer, au XIXe siècle, le mathématicien Abel. L'algèbre n'est encore, toutefois, qu'une collection de recettes isolées, dont chacune a pour but la résolution d'un problème particulier. De fait, Tartaglia et Cardan ne donnent pas des formules de résolution au sens que nous attachons aujourd'hui à ce mot. Les règles de Tartaglia sont mises en trois strophes de neuf vers, consacrées chacune à décrire la suite, des opérations destinées à résoudre chacune des formes d'équation que nous écririons aujourd'hui : x3 = px = q,formes que Tartaglia devait distinguer, parce qu'il ne connaissait que des nombres positifs. -
Au nombre des hommes qui, vers la même époque, contribuent au perfectionnement de l'algèbre par l'introduction d'une notation concise et systématique, on doit citer Stifel (ou Stifelius), et Robert Recorde. L'ouvrage du premier, intitulé Arithmetica integra, est publié en 1544. Stifel adopte définitivement les signes + et - (plus et moins) déjà introduits par Jean Widmann d'Eger, pour représenter l'addition et la soustraction, ainsi que le symbole' pour signifier radical ou racine. C'est encore lui qui introduit les exposants numériques des puissances - 3. - 2, - 1 , 0, + 1, + 2, +3, etc. On doit à Recorde (1552) l'invention du signe d'égalité (=); il fait choix de ce symbole parce que, dit-il, il ne peut y avoir deux choses plus égales entre elles que deux lignes parallèles (L'origine des symboles algébriques) . Après eux, Raphaël Bombelli (1579) et Richard Steven (1585) méritent d'être mentionnés. L'algèbre
selon Viète.
« On conçoit, dit Michel Chasles dans son Histoire des méthodes géométriques, que cet état restreint et d'imperfection ne constituait pas la science algébrique de nos jours, dont la puissance réside dans ces combinaisons des signes eux-mêmes qui suppléent au raisonnement d'intuition, et conduisent par une voie mystérieuse aux résultats désirés. »En représentant par des lettres toutes les quantités tant connues qu'inconnues et en les soumettant à toutes les opérations que l'on faisait sur les nombres, Viète constitue dans sa forme moderne cette science des symboles qu'est l'algèbre, en même temps langue que mécanisme, et en fait un moyen d'expression nouveau et un nouvel instrument de découverte. Ainsi, en transformant Ie raisonnement particulier en formule générale, en loi, il contribue à développer la puissance des méthodes mathématiques. Il étudie lui-même les équations algébriques de degré quelconque et il imagine la plupart des simplifications que subissent, pour être plus tôt résolues, les égalités algébriques. Il connaît probablement la formule développant (a+b)n; il trouve les formules exprimant sin mx et cos mx en fonction de sin x et cos x et les applique à l'étude de certaines équations algébriques. Il donne une expression de sous forme de produit infini qui, sans avoir de valeur pour le calcul pratique, est le premier exemple précis de cet emploi des développements illimités qui, au siècle suivant, marquera un si grand progrès de l'analyse mathématique. En géométrie, il résout avec une élégance singulière le problème consistant à mener un cercle tangent à trois cercles donnés. Simon
Stevin. Adrianus Romanus.
Ajoutons, pour en finir avec les mathématiques
de la Renaissance, que grâce au progrès
extraordinaire des méthodes de calcul algébrique, Van Roomen, plus connu
sous le nom d'Adrianus Romanus (né
à Louvain en 1561, mort à Mayence
en 1615), calcula le nombre (Pi)
rapport de la circonférence à son diamètre, avec quinze décimales,
3,141. 592. 653. 589. 793.
Les XVIIe et XVIIIe sièclesLa création de puissants outils (XVIIe s.).L'arithmétique, l'algèbre et même la vieille géométrie héritée des Grecs, vont encore faire de nouveaux progrès, mais les créations capitales du XVIIe siècle en mathématiques sont la géométrie analytique, due à Descartes et qui permet de traiter des propriétés géométriques d'une figure à l'aide des procédés ordinaires de l'algèbre, et surtout le calcul infinitésimal, préparé par Cavalleri (en transformant la méthode d'exhaustion d'Archimède, il aboutit à sa géométrie des indivisibles), et Fermat et Barrow (méthode des tangentes) et fondée par Newton et Leibniz, et qui va augmenter prodigieusement la puissance des mathématiques pour leur ouvrir des domaines nouveaux, non seulement en mathématiques pures, mais aussi en mécanique et en physique. Les
logarithmes.
John Napier (Néper) décrit sa découverte dans sa Logarithmorum canonis descriptio (Edimbourg, 1614), mais sans exposer les moyens employés pour y parvenir. Il fait simplement appel à des considérations mécaniques, et même les logarithmes dénommés aujourd'hui népériens semblent avoir été imaginés par Speidel. Après la mort de Napier, son fils publie sa Mirifici logarithmorum canonis constructio (Lyon, 1620), qui dévoile les procédés mis en oeuvre par son père. Puis Henry Briggs, a l'idée de prendre 10 comme base du système de logarithmes, et il calcule la première table de logarithmes des nombres de 1 à 1000 avec 14 décimales (1618). Dans son Arithmetica logarithmica (1624), il compléte cet essai en donnant les logarithmes de 1 à 20.000 et de 90.000 à 100.000. En 1628, Vlacq comble la lacune de 20.000 à 90.000 en établissant des tables à 10 décimales qui contient, outre les logarithmes des nombres de 1 à 100.000, les logarithmes des sinus, tangentes et sécantes, calculés de minute en minute pour tous les degrés du quart de cercle (1633). Ce livre a été la source où puiseront, au cours des siècles suivants, ses successeurs : Callet (1783), Lalande (1802), Prony et Schroen, pour ne citer que les plus célèbres. Jusqu'à l'avénément des calculateurs électroniques, dans la seconde moitié du XXe siècle, les logarithmes sont restés le meilleur moyen d'aborder les calculs numériques compliqués. Théorie
des nombres. Fermat.
Fermat. Nouveaux
symboles algébriques.
Descartes
et la géométrie analytique.
L'idée fondamentale de la géométrie cartésienne ou géométrie analytique - la détermination d'un point du plan par ses distances aux deux côtés d'un angle droit -, n'est certes pas nouvelle, puisqu'on fixe depuis longtemps la position d'un point sur la sphère terrestre par ses deux coordonnées géographiques, la longitude et la latitude. Mais Descartes, en établissant, entre les équations de l'algèbre (dont il renouvelle le symbolisme) et les figures de la géométrie, une correspondance, montre l'étonnante fécondité de la démarche. Il en dégage une méthode générale pour traiter par l'algèbre toutes les questions de géométrie et, en même temps, la meilleure classification des courbes; bien plus, la notion de coordonnée, qui réalise cette correspondance, dépasse le domaine de la géométrie pour s'étendre à la mécanique et aux sciences physiques : toute théorie physique est une représentation, une explication algébrique des phénomènes. Ainsi Descartes, transportant les mathématiques dans des régions entièrement nouvelles, considère le premier tous les phénomènes comme de simples conséquences des lois de la mécanique. En dehors des mathématiques, Descartes crée, par sa pensée, le monde extérieur, et sa physique est une sorte de géométrie où l'expérience n'a pas de place. Descartes indique en outre la manière de construire ou de représenter géométriquement les équations des degrés supérieurs. Il donne une règle pour résoudre une équation du quatrième degré un moyen d'une équation cubique et de deux équations du second degré. Enfin il perfectionne les méthodes employées par Cardan, Gérard, Harriot et d'autres mathématiciens pour réduire et traiter les équations. Il introduit notamment la notation des exposants et les principes de leur calcul. Tandis que Descartes découvrrait la géométrie analytique, les méthodes que la géométrie traditionnelle tenait des Grecs ont été aussi complètement renouvelées, par Descartes encore et par Pascal, avec leurs considérations sur les propriétés des projections et des transversales et surtout par Girard Desargues (1593-1662), qui jettent les bases de la géométrie descriptive, qui devra à Monge son entier développement, à la fin du siècle suivant. Desargues, qui comme Monge, à qui il peut être comparé, applique déjà ses découvertes à la pratique et notamment à la perspective et à la coupe des pierres. Le
calcul différentiel et intégral.
Le problème, des quadratures, c'est-à -dire le calcul des surfaces enfermées par une courbe, et celui des volumes avaient été traités, dans des cas simples, par Archimède. Le géomètre syracusain décomposait la surface ou le volume à calculer en tranches minces parallèles (tranches infiniment petites), assimilées à des rectangles ou à des cylindres et dont il calculait la somme. Tous les mathématiciens, depuis Galilée et Kepler (l'introducteur de la notion d'infini mathématique), employèrent les méthodes de sommation d'infiniment petits. Dans sa Géométrie des Indivisibles (1635), Cavalieri (1598-1647) se bornait à les exposer sous forme systématique et ne les appliqua qu'aux exemples les plus simples. Autrement importants vont être les résultats obtenus par Roberval (1602-1675), qui semble avoir trouvé sa méthode de sommation indépendamment de Cavalieri, par Fermat, Torricelli, Descartes, Wallis, et surtout par Pascal qui, par des prodiges d'ingéniosité, porte le problème des quadratures aussi loin qu'il était possible avant l'invention du calcul intégral. Leibniz dira des Lettres de Dettonville (1659), où Pascal a publié les résultats obtenus sur la roulette, qu'elles furent l'origine des idées qui l'ont conduit à la découverte du calcul infinitésimal. Le problème des tangentes, que les géomètres se posent à la même époque, sans en apercevoir d'abord le lien avec le problème des quadratures, était beaucoup plus difficile à résoudre. Dans sa Géométrie, Descartes donne une méthode générale de recherche relativement compliquée; Fermat, ramenant le problème des tangentes au problème des maxima et minima, imagine une solution bien meilleure, dont d'Alembert a dit qu'elle est la première application du calcul différentiel : Roberval et Torricelli trouvent aussi la construction des tangentes par la considération du mouvement des figures. Du problème des quadratures, qui était
une sommation d'infiniment petits, et de la recherche des tangentes, que
Fermat avait ramenée au calcul des rapports d'infiniment petits, l'esprit
philosophique de Leibniz va faire sortir la puissante synthèse qu'est
le calcul infinitésimal. Leibniz s'était peu occupé de mathématiques
jusqu'à l'époque où son séjour à Paris (1672-1676) lui fait connaître
Huygens
et les travaux des mathématiciens français, entre autres ceux de Pascal
et de Fermat. Il cherchait depuis longtemps Ã
représenter les opérations de l'esprit par des symboles abstraits et
à créer ainsi une sorte d'écriture universelle; c'est en essayant de
réduire à l'essentiel les idées et les calculs qui donnaient les quadratures
et les tangentes qu'il aperçoit que les deux problèmes sont inverses
l'un de l'autre, ce qui avait échappé à ses devanciers; il remplace
alors les raisonnements et les artifices
plus ou moins compliqués par un calcul soumis à des règles précises
et créé les notions nouvelles d'infiniment petits, de dérivées et d'intégrales
avec les méthodes et les notations qui sont encore employées. L'invention
de Leibniz, faite à Paris en 1675, n'a été publiée qu'en 1684 dans
les Acta Eruditorum de Leipzig.
De son côté, Newton, qui s'occupait surtout de mécanique, aboutit au nouveau calcul en considérant les quantités mathématiques comme engendrées par le mouvement. Ainsi apparaissent les notions de variables (fluentes) et de vitesse de variation (fluxions); ainsi se posent les deux problèmes mécaniques correspondant aux problèmes géométriques des tangentes et des quadratures : 1° connaissant à chaque instant l'espace parcouru par un mobile, trouver sa vitesse;La réciprocité est évidente, et la méthode de Newton, évitant en apparence la considération des infiniment petits, paraît plus intuitive. Newton la découvre sans doute dès 1671, par conséquent quelques années avant Leibniz, mais il ne la publie qu'en 1704, à la fin de son traité de l'Optique. Cette circonstance donnera lieu à une discussion qui s'est continuée longtemps avec une grande aigreur, d'une part entre les mathématiciens anglais qui revendiquaient les droits de Newton à l'honneur de la découverte, et de l'autre les mathématiciens de France et d'Allemagne, qui en attribuaient le mérite à Leibniz. (On s'accorde depuis longtemps à reconnaître ces deux mathématiciens comme des inventeurs indépendants). Le calcul infinitésimal a augmenté prodigieusement
le domaine et la puissance des mathématiques en y introduisant la notion
de variations déjà contenue dans la géométrie de Descartes; il en permet
l'application à l'étude des phénomènes naturels, où le mouvement occupe
le premier rang; des problèmes nouveaux sont dès lors posés et résolus,
non seulement en mathématiques pures, mais aussi en mécanique, en astronomie,
en physique; le calcul infinitésimal va favoriser le prodigieux développement
de la physique mathématique.
Les développements
de l'analyse (XVIIIe s).
L'histoire de l'analyse
mathématique au XVIIIe siècle est ainsi
surtout celle des problèmes de la mécanique générale et de la mécanique
céleste. Lagrange crée la théorie des fonctions
analytiques; Laplace applique une analyse savante à la mécanique céleste.
Les relations de la science pure et de la science appliquée entraînent
le progrès mutuel des deux parties; la mise en équation des problèmes
de la mécanique conduit aux équations
différentielles dont l'intégration reste pourtant alors un domaine
à peine exploré.
Euler. La
mécanique générale.
Avec d'Alembert, la mécanique se dégage des considérations métaphysiques qui entravaient son développement : partant du principe qui porte son nom, d'Alembert, dans son Traité de dynamique (1743), première synthèse des résultats acquis, expose une méthode générale pour mettre en équation tous les problèmes du mouvement, obtient les équations de l'hydrodynamique et du mouvement des gaz et donne une première forme des équations du mouvement d'un corps solide, à laquelle Euler trouve la forme définitive. Après Maupertuis, qui énonçe le principe de la moindre action, Lagrange réunit sous un même point de vue les découvertes de ses prédécesseurs. Il en montre la liaison et la dépendance réciproque; sa Mécanique analytique (1788), chef-d'oeuvre de clarté, d'élégance et de méthode, achève de constituer la mécanique rationnelle newtonienne. La
mécanique céleste.
La
résolution des équations.
Le XIXe siècleLe XIXe siècle va encore ouvrir de nouveaux débouchés à l'ardeur intellectuelle des mathématiciens; ce sera la théorie des nombres, négligée entre Fermat et Euler; ce sera celle des fonctions en général, en particulier l'étude des fonctions elliptiques (Abel, Weierstrass, Jacobi, Charles Hermite, Bertrand, Picard et Poincaré); ce sera aussi la géométrie moderne, constituée par Chasles, sans oublier les investigations de Legendre, Gauss, Poisson, Sturm, Cauchy, etc., pour ne parler que des domaines sur lesquels les progrès vont être le plus décisifs.L'étude approfondie de la nature est la
source la plus féconde des découvertes mathématiques jusqu'à Laplace
et Fourier; mais, avec Gauss et Cauchy, les mathématiques se sont orientées
vers la pure analyse : pour donner toute sa puissance à l'instrument mathématique,
on est conduit à généraliser les problèmes particuliers posés par
les phénomènes naturels, et l'on revient aux principes pour reconstruire
l'édifice sur de nouveaux plans élargis : de là sortent les théories
générales des équations algébriques, des fonctions de variables imaginaires,
des équations différentielles. Dans cette oeuvre, où Gauss
aura été un précurseur, le principal rôle revient à Cauchy,
à qui l'on doit les définitions précises et les méthodes rigoureuses
de l'analyse moderne.
La mécanique rationnelle semble ne plus avoir qu'à perfectionner ses méthodes d'exposition, mais ses applications pratiques présentent une importance extraordinaire, en raison du développement de l'industrie et des emplois de la vapeur et de l'électricité; toutes les branches de la physique sont soumises successivement au calcul et se subordonnent aux mathématiques, tandis que l'astronomie acquiert une précision de plus en plus grande et aborde des problèmes jusqu'alors considérés comme insolubles. Dans le même temps, et ne cessant de s'accentuer tout au long du siècle, une forme de division du travail commence à bien dessiner les contours de deux domaines distincts : celui de l'ingénieur avec les mathématiques appliquées qui gagnent une forme d'autonomie, et celui du mathématicien pur, désormais de plus en plus inquiet de la fragilité des bases théoriques sur lesquelles il a progressé jusqu'alors. L'analyse.
Théorie
des fonctions de variables imaginaires.
Après Cauchy, deux mathématiciens allemands, Riemann (1826-1866) et Weierstrass (1815-1897), achevent de fonder la théorie générale des fonctions : Riemann, avec les méthodes intuitives de la géométrie, en donne une lumineuse interprétation (1857). Wierstrass, par ses méthodes de pure logique, ramène tout à la considération des séries (vers 1870) et fait de l'analyse un prolongement de l'arithmétique. L'intégration
des équations différentielles.
Développements
en séries de Fourier.
Mécanique
rationnelle. Mécanique céleste.
Le seul fait marquant à enregistrer en mécanique céleste est la découverte de la planète Neptune, au moyen du seul calcul, par Le Verrier (1811-1877). Pour expliquer les écarts entre le mouvement observé d'Uranus et le mouvement calculé, Le Verrier les attribue à l'action d'une planète inconnue, dont il calcule la position; l'astronome Galle, de Berlin, apercevra la planète Neptune (1846) à l'endroit indiqué par Le Verrier; on y a vu une confirmation saisissante de la loi d'attraction newtonienne. En 1880, Henri Poincaré (1854-1912) commence l'étude géométrique des courbes définies par les équations différentielles, qui est le principe de ses Méthodes nouvelles de la mécanique céleste. Si les résultats obtenus sont très importants, le bloc des équations différentielles restera encore pendant plusieurs décennies une forteresse presque intacte. L'algèbre et
domaines connexes.
Après Abel, qui avait démontré l'impossibilité de résoudre par radicaux l'équation générale du cinquième degré, Galois, dans le sillage de Lagrange, Gauss et Vandermonde, renouvelle le problème de la résolution des équations algébriques en montrant qu'à chaque équation correspond un groupe de substitutions où se reflètent ses caractères essentiels. Il n'est peut-être pas, au XIXe siècle, de découverte plus féconde que celle de ce jeune homme qui, se jetant dans la mêlée politique en juillet 1830, va mourir en duel à l'âge de vingt et un ans. La veille de sa mort, il écrit à son ami Auguste Chevallier une sorte de testament scientifique qui se termine par ce regret poignant : «Je n'ai pas le temps! »; il y indique certaines propriétés des intégrales de fonctions algébriques, que Riemann ne devait trouver que vingt-cinq ans plus tard. Les notions introduites par Galois, prolongées par Jordan (Substitutions des équations algébriques, 1870), dépassent le domaine de I'algèbre, et le concept de groupe d'opérations a pris une place importante et sans cesse croissante en mathématiques. Sophus Lie (1838-1899), étudiant les groupes continus contenant une infinité de transformations, crée un instrument dont l'usage va se révéler fécond en géométrie, dans la théorie des fonctions, dans les équations différentielles, et, on le constatera au siècle suivant, jusqu'en physique, où il intervint dans la théorie de la relativité aussi bien que dans la physique des particules. Théorie
des nombres.
Dans sa Théorie des nombres (1830), Legendre (1752-1833) expose non seulement le résultat de ses travaux personnels, mais l'ensemble des résultats obtenus jusqu'à cette époque en arithmétique supérieure. Dans le domaine où l'algèbre rejoint la théorie des nombres, Hermite obtient (1873) ce résultat longtemps cherché que le nombre e, base des logarithmes naturels, n'est racine d'aucune équation algébrique à coefficients entiers. En suivant la même marche, Lindemann démontre la transcendance de (1882), établissant ainsi rigoureusement l'impossibilité de la quadrature du cercle. La
calcul des probabilités.
La géométrie.
On peut encore signaler les travaux de Hachette, Brianchon, Gergonne, Dandelin, Quetelet; ceux de Gaultier, de Steiner et de Gudermann sur la géométrie de la sphère, déjà cultivée par Lexell, Fuss, Lhuillier et Magnus; la Théorie de la rotation des corps de Poinsot; les études de Cauchy et de Bertrand sur les polyèdres; les recherches de géométrie infinitésimale d'Ossian Bonnet. Citons enfin Mannheim, qui par sa géométrie cinématique (1894), tire de la mécanique rationnelle de nouvelles méthodes pour la détermination des propriétés projectives. Géométrie
projective. Topologie.
En même temps, l'application de l'analyse infinitésimale à la géométrie se poursuivait dans la voie ouverte par Euler et Monge. Ici encore, Gauss apporte (Disquisitiones generales circa superficies curvas, 1827) une conception originale et féconde en caractérisant la topographie sur une surface par une forme quadratique de différentielles (appliquée à l'espace à trois dimensions, cette conception deviendra la base de la relativité générale d'Einstein). On ne peut énumérer ici toutes les acquisitions de la géométrie infinitésimale; le chef de l'école, Gaston Darboux (1842-1917), en a donné un tableau d'ensemble dans ses Leçons sur la théorie générale des surfaces. Les
géométries non-euclidiennes.
Les
fondements de la géométrie.
Chemin faisant de nouveaux questionnements théoriques, essentiellement autour de la logique, des fondements des mathématiques et des problèmes de calculabilité, commencent à se faire jour et à esquisser ce qui sera le programme des mathématiques du XXe siècle : Boole (les lois de la pensée, 1854), Cantor (théorie des ensembles, 1872), Peano (recherches logistiques, 1890), Hilbert (fondements de la géométrie, 1899), etc. Les mathématiques au XXe siècleLa nature des mathématiques (1900-1940).Posée dès la fin du siècle précédent, la question des fondements des mathématiques conduit maintenant à un important effort de formalisation. Il s'agit de réécrire la totalité des connaissances mathématiques sous la forme d'un tout rigoureux et cohérent à partir d'un système d'axiomes de base et de l'application d'un ensemble de règles logiques simples bien définis. L'entreprise culminera avec le grand travail de synthèse mené, à partir de années 1930, par le groupe Nicolas Bourbaki (un pseudonyme collectif), et qui débouchera sur ce qu'on a appelé les «-mathématiques modernes »
Parmi les premiers
à aborder de front la question du fondement des mathématiques, on trouve
Gottlob
Frege (1848-1925). Au début du XXe
siècle, la théorie des ensembles de Georg Cantor est reconnue comme le
meilleur point de départ (d'autres viendront plus tard, telle la théorie
des catégories proposée dans les années 1942-1945 par Samuel Eilenberg
et Saunders Mac Lane et pouvant jouer un rôle similaire). C'est donc sur
la théorie des ensembles que Frege s'appuie pour formuler
les règles de base de l'arithmétique. Mais, à peine énoncée, la promesse
d'un système mathématique parfait s'effondre, car la théorie des ensembles
recèle des failles. L'une de ces incohérences, relevée par le mathématicien
et philosophe
Bertrand Russell (1872-1970),
et connue sous le nom de paradoxe
de Russell, apparaît lorsqu'on se demande si l'ensemble de tous les
ensembles qui ne s'appartiennent pas à eux-mêmes s'appartient à lui-même.
On ne peut pas répondre sans contradiction à cette question.
La réécriture par Ernst Zermelo, Abraham Fraenkel et Thoralf Skolem de la théorie des ensembles permet de s'affranchir des paradoxes inhérents à la théorie de Cantor, mais elle ne règle pas tout. En 1931, Kurt Gödel (1906-1978) montre que tout système formel contenant l'arithmétique est incomplet, en ce sens qu'il contient des énoncés indécidables : il est incapable de les démontrer ou de les infirmer (théorèmes d'incomplétude de Gödel). C'est le cas, par exemple, comme l'on montré Paul Cohen et Gödel lui-même, de l'hypothèse du continu émise par Cantor, qui appartient à la théorie des ensembles, mais qui ne peut se déduire de ses axiomes ni être réfutée grâce à eux). Diverses options s'offrent dès lors aux mathématiciens, qui sont autant d'approches philosophiques de la nature des mathématiques. Quel sont donc le sens et la portée des mathématiques? Parlent-elles la langue du réel ou servent-elles seulement à façonner l'image que nous pouvons en avoir? Questions toujours ouvertes. L'âge des calculateurs
électroniques (après 1940).
Pendant la Seconde
Guerre mondiale, les mathématiciens alliés ont fourni un effort important
afin de décrypter les messages allemands chiffrés par une machine nommée
Enigma.
En Angleterre, une équipe, conduite par Alan Turing
(1912-1954), est parvenue à craquer ces codes et à donner un avantage
décisif aux Alliés. Alan Turing a ainsi été mis sur la voie des premiers
calculateurs programmables, dont il élabore les bases théoriques. John
von Neumann (1903-1957), impliqué dans la mise au point de la bombe
atomique, a été l'un des principaux créateurs de cette informatique
naissante, est aussi l'auteur de la théorie des jeux, qu'il élabore Ã
partir de 1944. Il s'agit d'un outil mathématique d'aide à la décision
qui va notamment être développé et utilisé pour répondre aux problématiques
de la Guerre froide (par exemple, la théorie
des jeux sert à la définition du concept de dissuasion nucléaire).
L'avènement de l'âge numérique stimule d'autres recherches et ouvre aussi des territoires nouveaux : théorie de l'information de Claude Shannon (1916-2001), mathématiques discrètes et théorie des graphes, géométrie fractale de Mandelbrot (prolongement d'un chantier ouvert au siècle précédent par Cantor, Jordan, Peano et, plus tard, Hausdorff), etc. La puissance des ordinateurs permet également d'envisager des calculs auparavant hors de portée. On l'applique notamment à la résolution de problèmes anciens comme ceux issus de la théorie des systèmes dynamiques initiée par Poincaré. La prévision du temps ou la question de la stabilité du Système solaire relèvent de cette problématique. Mais les mathématiciens se sont alors acheminés vers une nouvelle déconvenue, en constatant l'existence de vastes territoires inaccessibles par le calcul. Une limitation qui ne tient pas à celles des ordinateurs eux-mêmes, mais bien aux mathématiques (fonctions non-intégrables). Il a fallu dès lors renoncer à l'idée que le déterminisme auquel répond un phénomène assure la prédictibilité de son évolution. Les ordinateurs sont aussi intervenus d'une autre manière dans les progrès des mathématiques, en permettant d'automatiser certaines démonstrations. C'est ainsi par exemple que Wofgang Haken et Kenneth Appel ont pu démontrer, en 1976, le théorème des quatres couleurs conjecturé dès 1852 (quatre couleurs seulement suffisent pour colorier n'importe quelle carte sans que deux régions adjacentes aient la même couleur). Cette démonstration a demandé l'étude d'une telle quantité de cas possibles (près de 1500, demandant plus de 1200 heures-machine) qu'aucun être humain n'aurait été capable d'en venir à bout. Paradoxalement ce succès pose de nouveaux problèmes : quel statut donner à un résultat mathématique qu'aucun mathématicien ne peut contrôler parce qu'il ne peut suivre toutes les étapes qui y ont conduit? Jusqu'à quel point peut-on faire confiance aux machines? Heureusement, les mathématiques peuvent encore faire des progrès sans recourir aux ordinateurs, même si c'est parfois au prix d'efforts colossaux. Ainsi, entre 1955 et 1983, il n'a pas fallu moins d'une centaine de mathématiciens pour venir à bout de la classification des groupes finis simples. Un autre accomplissement, peut-être encore plus spectaculaire est dû aux mathématiciens qui se sont attelés, par étapes, à la démonstration du dernier théorème de Fermat. Cette recherche a donné lieu à des travaux d'une extrême complexité. Il a été d'abord montré que la démonstration du théorème de Fermat (qui n'est encore à ce stade qu'une conjecture) devait passer par la démonstration d'une autre conjecture, plus générale, énoncée par Yutaka Taniyama (1927-1958) et Goro Shimura (né en 1930), reformulée dans les années 1960 par André Weil, et aujourd'hui connue sous le nom de théorème de modularité. Une trentaine d'années de recherches plus tard, c'est finalement, Andrew Wiles (né en 1953) qui vient à bout du fameux théorème, en 1995. Sa démonstration remplit une centaine de pages... (D. V. / NLI / P. T. / etc.).
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