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Mathématiques / Regards en arrière] |
L'histoire des mathématiques |
![]() Aperçu |
L'origine
des mathématiques est très
lointaine. Mais pour tout le temps qui précède l'invention
de l'écriture, il semble difficile
d'énoncer autre chose que des généralités,
seulement étayées indirectement par quelques témoignages
archéologiques (successions d'entailles ou de marques qui peuvent
faire penser à un comptage, etc.) ou par les analogies que l'on
peut tirer des études ethnologiques : on savait compter; ici, plusieurs
systèmes de numération ont pu être utilisés
(numération décimale, duodécimale, sexagésimale,
etc.), là, on a pu s'en tenir à l'usage de quatre nombres
seulement (un, deux, trois, « beaucoup »); on devait aussi
connaître quelques principes d'arpentage des champs cultivés,
imposés par le développement de l'agriculture. En tout cas,
il est frappant de constater que l'invention de l'écriture est partout
étroitement liée à des préoccupations mathématiques,
ou du moins comptables. On commence par consigner des nombres, mais très
vite aussi, on en vient à s'interroger sur les rapports qui existent
entre eux. Posés et résolus de manière très
rudimentaires en Mésopotamie
et en Egypte, ces problèmes
dessinent déjà les contours d'une arithmétique, d'une
algèbre, d'une géométrie.
Mésopotamie.
Egypte.
![]()
Les mathématiques antiquesQuant à la traditon mathématique occidentale, il faut aller en chercher l'origine dans la Grèce ancienne, où la discipline se constitue pleinement en tant que science abstraite.Grèce.
« Il y a quatre degrés de la sagesse, l'arithmétique, la musique, la géométrie, la sphérique, rangées 1, 2, 3, 4. » (Pseudo-Pythagore, De Dits.)Dès cette époque (Ve siècle av. J.-C.) le caractère spécial de ces sciences est donc déterminé, et elles sont classées d'après le développement qu'ont alors reçu leurs diverses branches. Chez les Grecs, les sciences mathématiques se sont développées rapidement et ont pris une forme classique bien connue, celle d'un ensemble de propositions isolées, mais rigoureusement démontrées les unes par les autres à partir de définitions ou d'axiomes en petit nombre. L'éveil
des mathématiques grecques.
Pythagore, ou du moins les premiers à se réclamer de lui, font des nombres le principe de chaque chose. L'un des premiers Pythagoriciens (peut-être Hippase de Métaponte), établi la proposition du carré de l'hypoténuse et son école parvient à en tirer quelques conséquences : on montre ainsi l'irrationnalité de la racine carrée de 2 et, plus généralement, on envisage la question des grandeurs incommensurables entre elles. Parmi les premiers Pythagoriciens on trouve aussi Archytas de Tarente, et de son époque date la découverte de la propriété du cercle ou de la sphère d'être maximum parmi les figures de même périmètre ou de même aire. Pour les Pythagoriciens, la musique est une application de l'arithmétique à l'acoustique, et est déduite des lois fondamentales attribuées au maître (théorie des rapports et des progressions). La tradition pythagoricienne se poursuivra longtemps. A l'époque alexandrine, on peut encore citer Nicomaque de Gérase. Anaxagore de CIazomène (vers l'an 460) compose un traité sur la quadrature du cercle. Mais le véritable essor de la géométrie date de Platon (vers l'an 400), dont la partie mathématique de l'oeuvre est encore d'inspiration pythagoricienne. Platon introduit la méthode analytique, la théorie des sections coniques et la doctrine des lieux géométriques. Il installe la question de l'inscription dans une sphère des cinq polyèdres réguliers (les cinq corps platoniciens ou les cinq corps d'Euclide, dira-t-on-plus tard) dans une sphère. Il donne aussi une solution simple et élégante donnée de la duplication du cube. Cette question, que les Anciens appellent le problème de Délos, avait déjà accaparé l'intelligence d'Hippocrate de Chios et d'Archytas. Aristote, disciple de Platon, aborde les questions de l'infini et du continu. Sa logique sera la seule que connaîtront les mathématiciens jusqu'au XIXe siècle. Eudoxe développe la théorie des proportions, Menechme étudie les sections coniques. Suivent-: son frère Dinostrate, Autolycus de Pitane, etc. Les
mathématiques alexandrines.
Après Euclide, on voit briller Archimède, Apollonius, Eratosthène, Nicomède, et quelques autres, qui parviennent à constituer ce que nous dénommons aujourd'hui les mathématiques élémentaires. En trouvant le rapport de la circonférence au diamètre, Archimède donne les premiers exemples d'un problème résolu par approximation. On lui doit encore un Traité des spirales, la proportion de la sphère et du cylindre circonscrit, la cubature des sphéroïdes et des conoïdes et la découverte de la quadrature rigoureuse. La marche suivie par Archimède constitue la méthode d'exhaustion (déjà esquissée par Euclide), où la méhode des limites et le calcul différentiel se trouvent en germe. Les écrits d'Apollonius de Perge (250 ans environ av. J.-C.) sont surtout relatifs à la géométrie de la forme. Le principal semble être Ie Grand traité des coniques. C'est lui, dit-on, qui le premier appliqua à ces courbes les noms de parabole, d'ellipse et d'hyperbole, sous lesquels on les a toujours désignées depuis. On lui attribue aussi la théorie des épicycles. -(Portraits imaginaires).
Parmi les mathématiciens
illustres, successeurs d'Apollonius et Archimède, nous mentionnerons
: Aristarque de Samos; Hipparque,
l'inventeur de la trigonométrie
rectiligne et sphérique; Ménélaüs,
auteur d'un Traité des sphériques, où l'on
trouve la propriété des transversales dans les triangles
rectilignes ou sphériques; Ptolémée
(ca. 85 - ca. 165 ap. J.-C) qui, dans son Almageste Une fois soumis aux
Romains, pour qui la science pure n'a aucun attrait, le monde hellène
garde pour l'essentiel, mais sans l'accroître, le trésor de
connaissances qui a été amassé. Seul se détache,
à cette époque, Diophante (IIIe
s. ?.) auquel on fait remonter ordinairement l'origine de l'algèbre.
L'ouvrage de Diophante n'a trait qu'à une classe particulière
de questions arithmétiques pour la solution desquelles il déploie
une habileté remarquable, et se situe en fait à mi-chemin
entre I'arithmétique et l'algèbre. Le mathématicien
représente l'inconnue d'un problème par l'abréviation
os,
finale du mot grec rithmos (nombre); il n'emploie ni les lettres
de l'alphabet, ni les signes des fonctions, excepté toutefois le
signe de la soustraction, qui est un Psi renversé et un peu
tronqué ( Rome.
La tradition mathématique orientaleLes mathématiques en Chine.La réelle influence des mathématiques chinoises sur les mathématiques indiennes et, partant, sur les mathématiques arabes et occidentales, n'a probablement pas encore été reconnue à sa juste place. Une influence directe des mathématiques chinoises sur les mathématiques grecques n'est peut-être pas à exclure. Quoi qu'il en soit,
il ressort des documents existants (le Yijing, le Zhoubi
Suanjing, le Suàn shù shu et le Jiuzhâng
Suànshù, pour citer les plus anciens)
que les mathématiques chinoises ne diffèrent pas essentiellement
de celles des anciens peuples orientaux en termes de niveau de connaissance.
Les Chinois ont créé leur propre système de numération
et l'usage du boulier remontait chez aux à des temps immémoriaux.
Ils connaissaient le théorème de Pythagore (au moins dans
le cas classique 3, 4, 5), le triangle de pascal, et savaient calculer,
par des formules empiriques approchées, les aires et volumes de
figures simples. Le nombre C'est seulement à partir du Xe siècle, que les livres de mathématiques chinois perdent de leur originalité. Il devient en tout cas de plus en plus en plust difficile de distinguer ce qui appartient aux Chinois de ce qui a pu être importé d'autres traditions : indienne ou arabe. Les
mathématiques en Inde.
Dès le IVe s. av. J.-C, Apâsthamba a composé les Sulvasûtra, un traité destiné à rassembler les connaissances nécessaires pour la construction des temples, et dans lequel on trouve notamment une formulation du théorème de Pythagore. Au Ve s. ap. J-C, Aryabhatta a été l'auteur d'un ouvrage (l'Aryabhâtiyam), dans lequel apparaissent pour la première fois les rapports que l'on appellera plus tard sinus (les Grecs recourraient seulement à la notion de cordes). On y trouve également une table de sinus exprimée en vers, et donc supposée facile à mémoriser... Enfin, Brahmagupta, vers le milieu du VIIe siècle, a été l'auteur d'un traité qui aura bientôt une grande importance chez les Arabes, le Siddhânta. Plus tard, Bascora Acharay (ou Bhâskara), né en 1114, écrira la Lilâvati (du nom de sa fille), dans lequel on verra les quatre premières opérations en entiers et en fractions exécutées couramment, la règle de trois, l'extraction des racines carrées et cubiques, comme nous les faisons aujourd'hui Les
mathématiques arabes.
A partir du règne d'Al-Mammoun (813-834), grâce à l'oeuvre de son bibliothécaire, Abou-'Abdallah el-Khwârizmî, l'héritage mathématique des Grecs commence à être véritablement connu et enrichi des connaissances acquises par les mathématiciens indiens. Il étudie le Siddhanta sanscrit, révise les tables de Ptolémée et écrit sur l'algèbre des traités que le Moyen âge allait traduire en latin. La Composition mathématique de Ptolémée (l'Almageste ![]() Al-Hajjaj traduit vers la même époque les Eléments d'Euclide, et, bientôt, Thâbit ben Qorra(836-901), changeur de monnaies à Harrân l'ancienne Carrhae, célèbre par la défaite de Crassus) venu à la cour des califes, traduit le livre des sections coniques d'Apollonius de Pergé, et écrit des manuels pour l'enseignement; son fils et son petit-fils suivront ses traces. Les traductions se
poursuivent, mais on commence alors à voir apparaître les
premiers travaux originaux. Al-Mahani (mort vers 874), traducteur d'Euclide
et d'Archimède, mit en équations (approche algébrique)
le problème (géométrique) d'Archimède consistant
à diviser une sphère en deux segments spéhriques
de raison donnée.
Les progrès de la trigonométrie doivent beaucoup à Al-Habash, contemporain du précédent, Al-Battâni (Albategnius des Latins) et à Abu l'Wafa. C'est eux qui on porté à six les fonctions circulaires toujours en usage aujourd'hui, et qui on aussi établi les premières relations trigonométriques. Avicenne (980-1037) nous a laissé un livre sur le calcul, dans lequel il traite des opérations mathématiques et de la manière d'en faire la preuve, notamment celle qu'on appelle preuve par neuf. Ibn al-Haitham (Alhazen), mort en 1038 au Caire, par la trisection de l'angle et par les recherches sur les deux moyennes proportionnelles pour la duplication du cube, résout des problèmes insolubles avant lui. Le poète persan 'Omar Khayyâm (XIe siècle) contribue à la réforme du calendrier ordonnée par le sultan Seldjoukide Malak-Châh, surnommé Djelâl-ed-dîn, d'où le nom d'ère djélaléenne; il composa un traité d'algèbre qui renferme une importante étude algébrique et géométrique des équations jusqu'au troisème degré. Vers la même époque, on peut encore mentionner Al Karkhi chez qui se lit l'influence marqué des mathématiques indiennes. Toûsî, né en 1201 à Toûs (Mèchhed, Khorasan persan), astrologue de Houlagou, sauve un grand nombre de manuscrits lors de la prise de Bagdad. Il fait de la trigonométrie une science à part et traduit Euclide. Les mathématiques au Moyen âgeLe rôle joué dans l'histoire des mathématiques par les Médiévaux, qu'ils soient Arabes ou Latins, est principalement celui d'un relais. Ils ont recueilli et transmis les connaissances acquises en Inde, en Grèce ou à Byzance( (où l'on n'étudie plus les livres anciens que comme des curiosités sans grande application en dehors de l'astrologie). Cela permettra aux mathématiques, à partir de la Renaissance, de retrouver leur fil. Des progrès ont été accomplis pendant cette longue période, mais force est de constater qu'ils ont été mineurs : on a souvent moins affaire à des résultats nouveaux qu'à des remaniements de concepts anciens.Dans l'Occident
latin, à la charnière de l'Antiquité
et de Moyen âge, on peut, au mieux,
mentionner Boèce (ca. 480-524), auteur d'une
Arithmétique,
qui n'est qu'une copie, mal digérée d'ailleurs,
de Nicomaque de Gérase. Et on a aussi
sous son nom (mais l'attribution est contestée) un
Ars Geometriae,
contenant notamment une traduction littérale des quatre premiers
livres d'Euclide, mais où les démonstrations
ont été omises. Environ un siècle plus tard, Isidore,
l'évêque wisigoth
de Séville, dans ses Etymologies,
explique que « la géométrie a le caractère de
la multiplication », ce qui la distingue de l'arithmétique
« dont le fondement est l'addition ». C'est dire où
sont tombées les mathématiques à cette époque.
![]() Page de l'Ars geometriae, autrefois attribué à Boèce. Après une longue période d'obscurité, pendant laquelle le comput pascal a été le summum des connaissances désirables, l'enseignement des mathématiques reparaît dans le quadrivium des arts libéraux des universités, suivant la vieille classification pythagoricienne. Roger Bacon déclarait les mathématiques l'instrument le plus puissant pour pénétrer dans les sciences, la science qui précède toutes les autres et nous dispose à les comprendre. Mais bien rares sont encore ceux qui pensent comme lui. Hildebert du Mans, poète d'un grand renom à cette époque, est plus proche de l'état d'esprit du moment, en composant un poème en quinze chants, intitulé le Mathématicien, pour tourner en ridicule l'astronomie et les astronomes. Au XIIe siècle, les Arabes, fondateurs des universités de Grenade et de Cordoue font connaître en Occident les Éléments d'Euclide. Ils ont reçu des chrétiens de Syrie les trésors de la science grecque et indienne : ils les transmettent à l'Europe latine; grâce à des traductions entreprises notamment en Espagne. Hermann le Dalmate fait connaître le planisphère de Ptolémée (1183), Gérard de Crémone traduit l'Almageste (1173). De son côté, Campano, qui vit postérieurement à l'année 1200, commente Euclide, et étudie la théorie des planètes et la quadrature du cercle. Mais c'est surtout
des besoins pratiques du commerce qui se développent, surtout en
Italie, que vient un nouvel élan. Léonard
de Pise, dit Fibonacci, passe pour avoir, dans un
traité sur l'arithmétique (Liber abaci) publié
en 1202, comprenant l'algèbre telle qu'on la connaissait,
enseigné ou plutôt propagé l'usage des chiffres arabes,
qu'il appelle nombre indiens, et dont il indique la valeur relative ou
de position. (Gerbert, vers l'an mil, et un peu
plus tard Adélard de Bath, connaissaient
déjà les chiffres numériques et l'arithmétique
fondée sur le système des Arabes, mais leur introduction
en Occident avait eu un impact très limité). Employé
à la douane de Béjaia (Algérie actuelle), Fibonacci
recueillit tout ce que l'on savait d'arithmétique en Égypte,
en Grèce, en Syrie, en Sicile, et il en composa un traité.
Zéro,
selon lui, dérive du mot arabe Zephirum; mais son plus grand
mérite est d'avoir le premier, parmi les Latins, écrit sur
l'algèbre, et de telle manière que trois siècles de
travaux assidus n'ont pas ajouté la moindre chose à ce qu'il
avait enseigné. Il s'applique à résoudre des problèmes
commerciaux sans faire la moindre allusion aux opérations magiques,
et cela à une époque où elles faisaient délirer
les esprits les plus distingués. Dès
cette époque la science paraît avoir été étudiée
avec quelque assiduité en Italie, où l'on peut citer notamment
Paul
dall'Abaco, habile mathématicien, qui représente, à
l'aide de machines, tous les mouvements des astres.
Le plus ancien livre imprimé sur ce sujet fut composé par le frère mineur Luca Paciuolo ou Lucas de Borgo (1445-1526) et parut en 1470. Il contient un traité assez complet pour son temps sur l'algèbre, mais la science y est encore à peu près dans l'état où l'avait laissée Diophante (qui ne semble d'ailleurs pas connu de l'auteur, celui-ci ayant seulement puisé chez les Arabes). Son application se bornait à des questions assez peu importantes relatives aux nombres, et elle ne pouvait encore que résoudre les équations du 1er et du 2e degré. Le reste de l'Europe va bientôt recommencer à s'intéresser au mathématiques. Mais il y a, dans la période finale du Moyen âge, des esprits curieux plutôt que savants. Nicolas Oresme ébauche la notation des exposants. John Halifax, plus connu sous le nom de Sacrobosco donne, outre son Algorithme, un traité de la sphère. La trigonométrie moderne est fondée au XVe siècle par Regiomontanus. Les mathématiques à la Renaissance (XVe et XVIe siècles)Le nouveau langage mathématique.Puis vient la renaissance des mathématiques, qui suit la prise de Constantinople par les Turcs (1453). Toutefois, l'oeuvre principale du XVIe siècle est la création de l'algèbre sous sa forme actuelle. Cette branche des mathématiques existait dans la tradition occidentale au moins depuis Diophante, et l'on sait qu'on pouvait en trouver déjà les bases chez les Babyloniens, En Egypte, en Inde, etc. Mais, trop arrimée aux nombres, attachée aux cas particuliers, il lui manquait encore les outils qui lui confèreraient toute sa puissance. Elle a acquis ses outils par étapes. Luca Paciuolo commence ainsi par donner des méthodes pour ramener toutes les équations du second degré à trois cas. Viennent ensuite Niccolo Fontana, dit Tartaglia, Cardan et Ferrari qui commencent à s'attaquer au problème général de la résolution des équations du troisième et du quatrième degré. Après eux, Viète est le premier à appliquer l'algèbre à la géométrie, et jette ainsi les fondements de l'analyse moderne. L'algèbre,
un langage en quête de son vocabulaire.
Quelque temps plus tard, Tartaglia (1500-1557), qui enseigne les mathématiques à Venise, a connaissance d'un défi porté, selon la mode du temps, par le mathématicien Fiori (ou Fior); celui-ci, qui possède, dit-il, un procédé de résolution de l'équation du troisième degré (peut-être lui vient-il de Scipion Ferro), engage chez un notaire une certaine somme d'argent, contre la solution de trente questions, c'est-à-dire que celui qui aurait, au bout d'un certain temps (de trente à quarante jours), résolu le plus de questions, serait déclaré vainqueur et gagnerait la somme déposée. En moins de deux heures, Tartaglia résolut les questions proposées, qui toutes se réduisaient à un cas particulier des équations cubiques, dont la formule est : x3 + px= q. Jérôme
Cardan (né à Pavie en 1501,
mort à Rome en 1576) est en train de
composer son Ars marna, sive de regulis algebraicis liber unus (Nuremberg,
1545), lorsqu'il apprend le résultat de cette joute scientifique.
Il arrache à Tartaglia son secret, jurant sur les Evangiles A l'âge de vingt-trois ans, Ferrari, élève de Cardan, résout l'équation du quatrième degré. Ainsi est acquise la résolution algébrique des équations des quatre premiers degrés, les seules que l'on puisse, dans le cas général, résoudre par des extractions de racines, comme devait le démontrer, au XIXe siècle, le mathématicien Abel. L'algèbre n'est encore, toutefois, qu'une collection de recettes isolées, dont chacune a pour but la résolution d'un problème particulier. De fait, Tartaglia et Cardan ne donnent pas des formules de résolution au sens que nous attachons aujourd'hui à ce mot. Les règles de Tartaglia sont mises en trois strophes de neuf vers, consacrées chacune à décrire la suite, des opérations destinées à résoudre chacune des formes d'équation que nous écririons aujourd'hui : x3 = px = q,formes que Tartaglia devait distinguer, parce qu'il ne connaissait que des nombres positifs. -
Au nombre des hommes
qui, vers la même époque, contribuent au perfectionnement
de l'algèbre par l'introduction d'une notation concise et systématique,
on doit citer Stifel (ou Stifelius), et Robert
Recorde. L'ouvrage du premier, intitulé Arithmetica integra,
est publié en 1544. Stifel adopte définitivement les signes
+ et - (plus et moins) déjà introduits par Jean Widmann d'Eger,
pour représenter l'addition et la soustraction,
ainsi que le symbole' L'algèbre
selon Viète.
« On conçoit, dit Michel Chasles dans son Histoire des méthodes géométriques, que cet état restreint et d'imperfection ne constituait pas la science algébrique de nos jours, dont la puissance réside dans ces combinaisons des signes eux-mêmes qui suppléent au raisonnement d'intuition, et conduisent par une voie mystérieuse aux résultats désirés. »En représentant par des lettres toutes les quantités tant connues qu'inconnues et en les soumettant à toutes les opérations que l'on faisait sur les nombres, Viète constitue dans sa forme moderne cette science des symboles qu'est l'algèbre, en même temps langue que mécanisme, et en fait un moyen d'expression nouveau et un nouvel instrument de découverte. Ainsi, en transformant
Ie raisonnement particulier en formule générale,
en loi, il contribue à développer la puissance des méthodes
mathématiques. Il étudie lui-même les équations
algébriques de degré quelconque et il imagine la plupart
des simplifications que subissent, pour être plus tôt résolues,
les égalités algébriques. Il connaît probablement
la formule développant (a+b)n; il
trouve les formules exprimant sin mx et cos mx en fonction de sin x et
cos x et les applique à l'étude de certaines équations
algébriques. Il donne une expression de Simon
Stevin. Adrianus Romanus.
Ajoutons, pour en finir avec les mathématiques
de la Renaissance, que grâce
au progrès extraordinaire des méthodes de calcul algébrique,
Van Roomen, plus connu sous le nom d'Adrianus
Romanus (né à Louvain en
1561, mort à Mayence en 1615), calcula
le nombre
Les XVIIe et XVIIIe sièclesLa création de puissants outils (XVIIe s.).L'arithmétique, l'algèbre et même la vieille géométrie héritée des Grecs, vont encore faire de nouveaux progrès, mais les créations capitales du XVIIe siècle en mathématiques sont la géométrie analytique, due à Descartes et qui permet de traiter des propriétés géométriques d'une figure à l'aide des procédés ordinaires de l'algèbre, et surtout le calcul infinitésimal, préparé par Cavalleri (en transformant la méthode d'exhaustion d'Archimède, il aboutit à sa géométrie des indivisibles), et Fermat et Barrow (méthode des tangentes) et fondée par Newton et Leibniz, et qui va augmenter prodigieusement la puissance des mathématiques pour leur ouvrir des domaines nouveaux, non seulement en mathématiques pures, mais aussi en mécanique et en physique. Les
logarithmes.
John Napier (Néper) décrit sa découverte dans sa Logarithmorum canonis descriptio (Edimbourg, 1614), mais sans exposer les moyens employés pour y parvenir. Il fait simplement appel à des considérations mécaniques, et même les logarithmes dénommés aujourd'hui népériens semblent avoir été imaginés par Speidel. Après la mort de Napier, son fils publie sa Mirifici logarithmorum canonis constructio (Lyon, 1620), qui dévoile les procédés mis en oeuvre par son père. Puis Henry Briggs, a l'idée de prendre 10 comme base du système de logarithmes, et il calcule la première table de logarithmes des nombres de 1 à 1000 avec 14 décimales (1618). Dans son Arithmetica logarithmica (1624), il compléte cet essai en donnant les logarithmes de 1 à 20.000 et de 90.000 à 100.000. En 1628, Vlacq comble la lacune de 20.000 à 90.000 en établissant des tables à 10 décimales qui contient, outre les logarithmes des nombres de 1 à 100.000, les logarithmes des sinus, tangentes et sécantes, calculés de minute en minute pour tous les degrés du quart de cercle (1633). Ce livre a été la source où puiseront, au cours des siècles suivants, ses successeurs : Callet (1783), Lalande (1802), Prony et Schroen, pour ne citer que les plus célèbres. Jusqu'à l'avénément des calculateurs électroniques, dans la seconde moitié du XXe siècle, les logarithmes sont restés le meilleur moyen d'aborder les calculs numériques compliqués. Théorie
des nombres. Fermat.
![]() Fermat. Nouveaux
symboles algébriques.
Descartes
et la géométrie analytique.
L'idée fondamentale de la géométrie cartésienne ou géométrie analytique - la détermination d'un point du plan par ses distances aux deux côtés d'un angle droit -, n'est certes pas nouvelle, puisqu'on fixe depuis longtemps la position d'un point sur la sphère terrestre par ses deux coordonnées géographiques, la longitude et la latitude. Mais Descartes, en établissant, entre les équations de l'algèbre (dont il renouvelle le symbolisme) et les figures de la géométrie, une correspondance, montre l'étonnante fécondité de la démarche. Il en dégage une méthode générale pour traiter par l'algèbre toutes les questions de géométrie et, en même temps, la meilleure classification des courbes; bien plus, la notion de coordonnée, qui réalise cette correspondance, dépasse le domaine de la géométrie pour s'étendre à la mécanique et aux sciences physiques : toute théorie physique est une représentation, une explication algébrique des phénomènes. Ainsi Descartes, transportant les mathématiques dans des régions entièrement nouvelles, considère le premier tous les phénomènes comme de simples conséquences des lois de la mécanique. En dehors des mathématiques, Descartes crée, par sa pensée, le monde extérieur, et sa physique est une sorte de géométrie où l'expérience n'a pas de place. Descartes indique en outre la manière de construire ou de représenter géométriquement les équations des degrés supérieurs. Il donne une règle pour résoudre une équation du quatrième degré un moyen d'une équation cubique et de deux équations du second degré. Enfin il perfectionne les méthodes employées par Cardan, Gérard, Harriot et d'autres mathématiciens pour réduire et traiter les équations. Il introduit notamment la notation des exposants et les principes de leur calcul. Tandis que Descartes découvrrait la géométrie analytique, les méthodes que la géométrie traditionnelle tenait des Grecs ont été aussi complètement renouvelées, par Descartes encore et par Pascal, avec leurs considérations sur les propriétés des projections et des transversales et surtout par Girard Desargues (1593-1662), qui jettent les bases de la géométrie descriptive, qui devra à Monge son entier développement, à la fin du siècle suivant. Desargues, qui comme Monge, à qui il peut être comparé, applique déjà ses découvertes à la pratique et notamment à la perspective et à la coupe des pierres. Le
calcul différentiel et intégral.
Le problème, des quadratures, c'est-à-dire le calcul des surfaces enfermées par une courbe, et celui des volumes avaient été traités, dans des cas simples, par Archimède. Le géomètre syracusain décomposait la surface ou le volume à calculer en tranches minces parallèles (tranches infiniment petites), assimilées à des rectangles ou à des cylindres et dont il calculait la somme. Tous les mathématiciens, depuis Galilée et Kepler (l'introducteur de la notion d'infini mathématique), employèrent les méthodes de sommation d'infiniment petits. Dans sa Géométrie des Indivisibles (1635), Cavalieri (1598-1647) se bornait à les exposer sous forme systématique et ne les appliqua qu'aux exemples les plus simples. Autrement importants vont être les résultats obtenus par Roberval (1602-1675), qui semble avoir trouvé sa méthode de sommation indépendamment de Cavalieri, par Fermat, Torricelli, Descartes, Wallis, et surtout par Pascal qui, par des prodiges d'ingéniosité, porte le problème des quadratures aussi loin qu'il était possible avant l'invention du calcul intégral. Leibniz dira des Lettres de Dettonville (1659), où Pascal a publié les résultats obtenus sur la roulette, qu'elles furent l'origine des idées qui l'ont conduit à la découverte du calcul infinitésimal. Le problème des tangentes, que les géomètres se posent à la même époque, sans en apercevoir d'abord le lien avec le problème des quadratures, était beaucoup plus difficile à résoudre. Dans sa Géométrie, Descartes donne une méthode générale de recherche relativement compliquée; Fermat, ramenant le problème des tangentes au problème des maxima et minima, imagine une solution bien meilleure, dont d'Alembert a dit qu'elle est la première application du calcul différentiel : Roberval et Torricelli trouvent aussi la construction des tangentes par la considération du mouvement des figures. Du problème des quadratures, qui
était une sommation d'infiniment petits, et de la recherche des
tangentes, que Fermat avait ramenée au calcul des rapports d'infiniment
petits, l'esprit philosophique de Leibniz va faire sortir la puissante
synthèse qu'est le calcul infinitésimal. Leibniz s'était
peu occupé de mathématiques jusqu'à l'époque
où son séjour à Paris (1672-1676) lui fait connaître
Huygens
et les travaux des mathématiciens français, entre autres
ceux de Pascal et de Fermat.
Il cherchait depuis longtemps à représenter les opérations
de l'esprit par des symboles abstraits et à créer ainsi une
sorte d'écriture universelle; c'est en essayant de réduire
à l'essentiel les idées et les calculs qui donnaient les
quadratures et les tangentes qu'il aperçoit que les deux problèmes
sont inverses l'un de l'autre, ce qui avait échappé à
ses devanciers; il remplace alors les raisonnements
et les artifices plus ou moins compliqués par un calcul soumis à
des règles précises et créé les notions nouvelles
d'infiniment petits, de dérivées et d'intégrales avec
les méthodes et les notations qui sont encore employées.
L'invention de Leibniz, faite à Paris en 1675, n'a été
publiée qu'en 1684 dans les Acta Eruditorum de Leipzig.
De son côté, Newton, qui s'occupait surtout de mécanique, aboutit au nouveau calcul en considérant les quantités mathématiques comme engendrées par le mouvement. Ainsi apparaissent les notions de variables (fluentes) et de vitesse de variation (fluxions); ainsi se posent les deux problèmes mécaniques correspondant aux problèmes géométriques des tangentes et des quadratures : 1° connaissant à chaque instant l'espace parcouru par un mobile, trouver sa vitesse;La réciprocité est évidente, et la méthode de Newton, évitant en apparence la considération des infiniment petits, paraît plus intuitive. Newton la découvre sans doute dès 1671, par conséquent quelques années avant Leibniz, mais il ne la publie qu'en 1704, à la fin de son traité de l'Optique. Cette circonstance donnera lieu à une discussion qui s'est continuée longtemps avec une grande aigreur, d'une part entre les mathématiciens anglais qui revendiquaient les droits de Newton à l'honneur de la découverte, et de l'autre les mathématiciens de France et d'Allemagne, qui en attribuaient le mérite à Leibniz. (On s'accorde depuis longtemps à reconnaître ces deux mathématiciens comme des inventeurs indépendants). Le calcul infinitésimal a augmenté
prodigieusement le domaine et la puissance des mathématiques en
y introduisant la notion de variations déjà contenue dans
la géométrie de Descartes; il en permet l'application à
l'étude des phénomènes naturels, où le mouvement
occupe le premier rang; des problèmes nouveaux sont dès lors
posés et résolus, non seulement en mathématiques pures,
mais aussi en mécanique, en astronomie, en physique; le calcul infinitésimal
va favoriser le prodigieux développement de la physique mathématique.
Les développements
de l'analyse (XVIIIe s).
L'histoire de l'analyse
mathématique au XVIIIe siècle
est ainsi surtout celle des problèmes de la mécanique générale
et de la mécanique céleste. Lagrange crée la théorie
des fonctions analytiques; Laplace applique
une analyse savante à la mécanique céleste. Les relations
de la science pure et de la science appliquée entraînent le
progrès mutuel des deux parties; la mise en équation des
problèmes de la mécanique conduit aux équations
différentielles dont l'intégration reste pourtant alors
un domaine à peine exploré.
![]() Euler. La
mécanique générale.
Avec d'Alembert, la mécanique se dégage des considérations métaphysiques qui entravaient son développement : partant du principe qui porte son nom, d'Alembert, dans son Traité de dynamique (1743), première synthèse des résultats acquis, expose une méthode générale pour mettre en équation tous les problèmes du mouvement, obtient les équations de l'hydrodynamique et du mouvement des gaz et donne une première forme des équations du mouvement d'un corps solide, à laquelle Euler trouve la forme définitive. Après Maupertuis, qui énonçe le principe de la moindre action, Lagrange réunit sous un même point de vue les découvertes de ses prédécesseurs. Il en montre la liaison et la dépendance réciproque; sa Mécanique analytique (1788), chef-d'oeuvre de clarté, d'élégance et de méthode, achève de constituer la mécanique rationnelle newtonienne. La
mécanique céleste.
La
résolution des équations.
Le XIXe siècleLe XIXe siècle va encore ouvrir de nouveaux débouchés à l'ardeur intellectuelle des mathématiciens; ce sera la théorie des nombres, négligée entre Fermat et Euler; ce sera celle des fonctions en général, en particulier l'étude des fonctions elliptiques (Abel, Weierstrass, Jacobi, Charles Hermite, Bertrand, Picard et Poincaré); ce sera aussi la géométrie moderne, constituée par Chasles, sans oublier les investigations de Legendre, Gauss, Poisson, Sturm, Cauchy, etc., pour ne parler que des domaines sur lesquels les progrès vont être le plus décisifs.L'étude approfondie de la nature
est la source la plus féconde des découvertes mathématiques
jusqu'à Laplace et Fourier; mais, avec Gauss et Cauchy, les mathématiques
se sont orientées vers la pure analyse : pour donner toute sa puissance
à l'instrument mathématique, on est conduit à généraliser
les problèmes particuliers posés par les phénomènes
naturels, et l'on revient aux principes pour reconstruire l'édifice
sur de nouveaux plans élargis : de là sortent les théories
générales des équations algébriques, des fonctions
de variables imaginaires, des équations différentielles.
Dans cette oeuvre, où Gauss aura été
un précurseur, le principal rôle revient à Cauchy,
à qui l'on doit les définitions précises et les méthodes
rigoureuses de l'analyse moderne.
La mécanique rationnelle semble ne plus avoir qu'à perfectionner ses méthodes d'exposition, mais ses applications pratiques présentent une importance extraordinaire, en raison du développement de l'industrie et des emplois de la vapeur et de l'électricité; toutes les branches de la physique sont soumises successivement au calcul et se subordonnent aux mathématiques, tandis que l'astronomie acquiert une précision de plus en plus grande et aborde des problèmes jusqu'alors considérés comme insolubles. Dans le même temps, et ne cessant de s'accentuer tout au long du siècle, une forme de division du travail commence à bien dessiner les contours de deux domaines distincts : celui de l'ingénieur avec les mathématiques appliquées qui gagnent une forme d'autonomie, et celui du mathématicien pur, désormais de plus en plus inquiet de la fragilité des bases théoriques sur lesquelles il a progressé jusqu'alors. L'analyse.
Théorie
des fonctions de variables imaginaires.
Après Cauchy, deux mathématiciens allemands, Riemann (1826-1866) et Weierstrass (1815-1897), achevent de fonder la théorie générale des fonctions : Riemann, avec les méthodes intuitives de la géométrie, en donne une lumineuse interprétation (1857). Wierstrass, par ses méthodes de pure logique, ramène tout à la considération des séries (vers 1870) et fait de l'analyse un prolongement de l'arithmétique. L'intégration
des équations différentielles.
Développements
en séries de Fourier.
Mécanique
rationnelle. Mécanique céleste.
Le seul fait marquant
à enregistrer en mécanique céleste est la découverte
de la planète Neptune En 1880, Henri Poincaré (1854-1912) commence l'étude géométrique des courbes définies par les équations différentielles, qui est le principe de ses Méthodes nouvelles de la mécanique céleste. Si les résultats obtenus sont très importants, le bloc des équations différentielles restera encore pendant plusieurs décennies une forteresse presque intacte. L'algèbre
et domaines connexes.
Après Abel, qui avait démontré l'impossibilité de résoudre par radicaux l'équation générale du cinquième degré, Galois, dans le sillage de Lagrange, Gauss et Vandermonde, renouvelle le problème de la résolution des équations algébriques en montrant qu'à chaque équation correspond un groupe de substitutions où se reflètent ses caractères essentiels. Il n'est peut-être pas, au XIXe siècle, de découverte plus féconde que celle de ce jeune homme qui, se jetant dans la mêlée politique en juillet 1830, va mourir en duel à l'âge de vingt et un ans. La veille de sa mort, il écrit à son ami Auguste Chevallier une sorte de testament scientifique qui se termine par ce regret poignant : «Je n'ai pas le temps! »; il y indique certaines propriétés des intégrales de fonctions algébriques, que Riemann ne devait trouver que vingt-cinq ans plus tard. Les notions introduites par Galois, prolongées par Jordan (Substitutions des équations algébriques, 1870), dépassent le domaine de I'algèbre, et le concept de groupe d'opérations a pris une place importante et sans cesse croissante en mathématiques. Sophus Lie (1838-1899), étudiant les groupes continus contenant une infinité de transformations, crée un instrument dont l'usage va se révéler fécond en géométrie, dans la théorie des fonctions, dans les équations différentielles, et, on le constatera au siècle suivant, jusqu'en physique, où il intervint dans la théorie de la relativité aussi bien que dans la physique des particules. Théorie
des nombres.
Dans sa Théorie des nombres (1830), Legendre (1752-1833) expose non seulement le résultat de ses travaux personnels, mais l'ensemble des résultats obtenus jusqu'à cette époque en arithmétique supérieure. Dans le domaine où
l'algèbre rejoint la théorie des nombres, Hermite
obtient (1873) ce résultat longtemps cherché que le nombre
e,
base des logarithmes naturels, n'est racine d'aucune équation algébrique
à coefficients entiers. En suivant la même marche, Lindemann
démontre la transcendance de La
calcul des probabilités.
La géométrie.
On peut encore signaler les travaux de Hachette, Brianchon, Gergonne, Dandelin, Quetelet; ceux de Gaultier, de Steiner et de Gudermann sur la géométrie de la sphère, déjà cultivée par Lexell, Fuss, Lhuillier et Magnus; la Théorie de la rotation des corps de Poinsot; les études de Cauchy et de Bertrand sur les polyèdres; les recherches de géométrie infinitésimale d'Ossian Bonnet. Citons enfin Mannheim, qui par sa géométrie cinématique (1894), tire de la mécanique rationnelle de nouvelles méthodes pour la détermination des propriétés projectives. Géométrie
projective. Topologie.
En même temps, l'application de l'analyse infinitésimale à la géométrie se poursuivait dans la voie ouverte par Euler et Monge. Ici encore, Gauss apporte (Disquisitiones generales circa superficies curvas, 1827) une conception originale et féconde en caractérisant la topographie sur une surface par une forme quadratique de différentielles (appliquée à l'espace à trois dimensions, cette conception deviendra la base de la relativité générale d'Einstein). On ne peut énumérer ici toutes les acquisitions de la géométrie infinitésimale; le chef de l'école, Gaston Darboux (1842-1917), en a donné un tableau d'ensemble dans ses Leçons sur la théorie générale des surfaces. Les
géométries non-euclidiennes.
Les
fondements de la géométrie.
Chemin faisant de nouveaux questionnements théoriques, essentiellement autour de la logique, des fondements des mathématiques et des problèmes de calculabilité, commencent à se faire jour et à esquisser ce qui sera le programme des mathématiques du XXe siècle : Boole (les lois de la pensée, 1854), Cantor (théorie des ensembles, 1872), Peano (recherches logistiques, 1890), Hilbert (fondements de la géométrie, 1899), etc. Les mathématiques au XXe siècleLa nature des mathématiques (1900-1940).Posée dès la fin du siècle précédent, la question des fondements des mathématiques conduit maintenant à un important effort de formalisation. Il s'agit de réécrire la totalité des connaissances mathématiques sous la forme d'un tout rigoureux et cohérent à partir d'un système d'axiomes de base et de l'application d'un ensemble de règles logiques simples bien définis. L'entreprise culminera avec le grand travail de synthèse mené, à partir de années 1920-1930, par le groupe Nicolas Bourbaki (un pseudonyme collectif), constitué autour de Jean Dieudonné (1906-1992), André Weil (1906-1998), A. Grothendieck, etc., et qui débouchera sur ce qu'on a appelé les «-mathématiques modernes » Parmi les premiers
à aborder de front la question du fondement des mathématiques,
on trouve Gottlob Frege (1848-1925). Au début du XXe
siècle, la théorie des ensembles de Georg Cantor est reconnue
comme le meilleur point de départ (d'autres viendront plus tard,
telle la théorie des catégories proposée dans les
années 1942-1945 par Samuel Eilenberg et Saunders Mac Lane et pouvant
jouer un rôle similaire). C'est donc sur la théorie des ensembles
que Frege s'appuie pour formuler les règles de base
de l'arithmétique. Mais, à peine énoncée, la
promesse d'un système mathématique parfait s'effondre, car
la théorie des ensembles recèle des failles. L'une de ces
incohérences, relevée par le mathématicien et philosophe
Bertrand Russell (1872-1970), et connue sous le nom de paradoxe de Russell,
apparaît lorsqu'on se demande si l'ensemble de tous les ensembles
qui ne s'appartiennent pas à eux-mêmes s'appartient à
lui-même. On ne peut pas répondre sans contradiction à
cette question.
La réécriture par Ernst Zermelo, Abraham Fraenkel et Thoralf Skolem de la théorie des ensembles permet de s'affranchir des paradoxes inhérents à la théorie de Cantor, mais elle ne règle pas tout. En 1931, Kurt Gödel (1906-1978) montre que tout système formel contenant l'arithmétique est incomplet, en ce sens qu'il contient des énoncés indécidables : il est incapable de les démontrer ou de les infirmer (théorème d'incomplétude de Gödel). C'est le cas, par exemple, comme l'on montré Paul Cohen et Gödel lui-même, de l'hypothèse du continu émise par Cantor, qui appartient à la théorie des ensembles, mais qui ne peut se déduire de ses axiomes ni être réfutée grâce à eux). Diverses options s'offrent dès lors aux mathématiciens, qui sont autant d'approches philosophiques de la nature des mathématiques. Quel sont donc le sens et la portée des mathématiques? Parlent-elles la langue du réel ou servent-elles seulement à façonner l'image que nous pouvons en avoir? Questions toujours ouvertes. L'âge des
calculateurs électroniques (après 1940).
Pendant la Seconde
Guerre mondiale, les mathématiciens alliés ont fourni un
effort important afin de décrypter les messages allemands chiffrés
par une machine nommée Enigma. En Angleterre, une équipe,
conduite par Alan Turing (1912-1954), est parvenue à craquer ces
codes et à donner un avantage décisif aux Alliés.
Alan Turing a ainsi été mis sur la voie des premiers calculateurs
programmables, dont il élabore les bases théoriques. John
von Neumann (1903-1957), impliqué dans la mise au point de la bombe
atomique, a été l'un des principaux créateurs de cette
informatique naissante, est aussi l'auteur de la théorie des jeux,
qu'il élabore à partir de 1944. Il s'agit d'un outil mathématique
d'aide à la décision qui va notamment être développé
et utilisé pour répondre aux problématiques de la
Guerre froide (par exemple, la théorie des jeux sert à la
définition du concept de dissuasion nucléaire).
L'avènement de l'âge numérique stimule d'autres recherches et ouvre aussi des territoires nouveaux : théorie de l'information de Claude Shannon (1916-2001), mathématiques discrètes et théorie des graphes, géométrie fractale de Mandelbrot (prolongement d'un chantier ouvert au siècle précédent par Cantor, Jordan, Peano et, plus tard, Hausdorff), etc. La puissance des ordinateurs permet également d'envisager des calculs auparavant hors de portée. On l'applique notamment à la résolution de problèmes anciens comme ceux issus de la théorie des systèmes dynamiques initiée par Poincaré. La prévision du temps ou la question de la stabilité du Système solaire relèvent de cette problématique. Mais les mathématiciens se sont alors acheminés vers une nouvelle déconvenue, en constatant l'existence de vastes territoires inaccessibles par le calcul. Une limitation qui ne tient pas à celles des ordinateurs eux-mêmes, mais bien aux mathématiques (fonctions non-intégrables). Il a fallu dès lors renoncer à l'idée que le déterminisme auquel répond un phénomène assure la prédictibilité de son évolution. Les ordinateurs sont aussi intervenus d'une autre manière dans les progrès des mathématiques, en permettant d'automatiser certaines démonstrations. C'est ainsi par exemple que Wofgang Haken et Kenneth Appel ont pu démontrer, en 1976, le théorème des quatres couleurs conjecturé dès 1852 (quatre couleurs seulement suffisent pour colorier n'importe quelle carte sans que deux régions adjacentes aient la même couleur). Cette démonstration a demandé l'étude d'une telle quantité de cas possibles (près de 1500, demandant plus de 1200 heures-machine) qu'aucun être humain n'aurait été capable d'en venir à bout. Paradoxalement ce succès pose de nouveaux problèmes : quel statut donner à un résultat mathématique qu'aucun mathématicien ne peut contrôler parce qu'il ne peut suivre toutes les étapes qui y ont conduit? Jusqu'à quel point peut-on faire confiance aux machines? Heureusement, les mathématiques peuvent encore faire des progrès sans recourir aux ordinateurs, même si c'est parfois au prix d'efforts colossaux. Ainsi, entre 1955 et 1983, il n'a pas fallu moins d'une centaine de mathématiciens pour venir à bout de la classification des groupes finis simples. Un autre accomplissement, peut-être encore plus spectaculaire est dû aux mathématiciens qui se sont attelés, par étapes, à la démonstration du dernier théorème de Fermat. Cette recherche a donné lieu à des travaux d'une extrême complexité. Il a été d'abord montré que la démonstration du théorème de Fermat (qui n'est encore à ce stade qu'une conjecture) devait passer par la démonstration d'une autre conjecture, plus générale, énoncée par Yutaka Taniyama (1927-1958) et Goro Shimura (né en 1930), reformulée dans les années 1960 par André Weil, et aujourd'hui connue sous le nom de théorème de modularité. Une trentaine d'années de recherches plus tard, c'est finalement, Andrew Wiles (né en 1953) qui vient à bout du fameux théorème, en 1995. Sa démonstration remplit une centaine de pages... (D. V. / NLI / P. T. / etc.).
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