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On
définit communément les mathématiques
comme la science des rapports
des quantités; mais, bien que cette définition,
quand on recherche exactement tout son contenu, soit exacte et suffisante,
les philosophes classiques y ont vu depuis Leibniz
la science des quantités, soit dans le temps,
soit dans l'espace, en considérant avec ce philosophe,
l'espace comme l'ordre des phénomènes
simultanés, et le temps comme l'ordre des phénomènes successifs. En
effet, la science mathématique n'aborde que des questions d'ordre et de
grandeur. Les mathématiques, considérées abstractivement, comprennent,
dit Cournot, un
système
de connaissances scientifiques étroitement
liées les unes aux autres, et fondées sur des notions idéales qui se
trouvent dans tous les esprits. Elles portent
sur des vérités rigoureuses que la raison
est capable de découvrir sans le secours de l'expérience,
et qui , néanmoins peuvent toujours se confirmer par l'expérience dans
les limites d'approximation que comporte celle-ci.
Grâce à ce double
caractère, que nulle autre science ne présente, les mathématiques, ainsi
appuyées sur l'une et l'autre base de la connaissance humaine, s'imposent
irrésistiblement aux esprits les plus pratiques comme aux plus spéculatifs.
Elles justifient le nom qu'elles portent, et qui indique les sciences par
excellence, les sciences éminentes entre toutes les autres, par la rigueur
des théories, l'importance et la sûreté des applications. Les quantités
dans le temps et l'espace peuvent être considérées en elles-mêmes et
dans les phénomènes physiques auxquels elles s'appliquent. De là naît
une première division des mathématiques qui, dans le premier cas, prennent
Ie nom de mathématiques pures, et, dans le second, celui de mathématiques
appliquées.
Toujours selon cette
approche, la loi formelle de quantité appliquée
au temps donne la succession des instants, ou le nombre;
appliquée à l'espace, elle donne la conception
de la conjonction des points, ou de l'étendue.
La nombre et l'étendue donnent donc naissance à deux branches distinctes
des mathématiques pures : la première est l'algorithmie ou la science
des nombres, laquelle se subdivise en arithmétique,
qui a pour objet les nombres considérés en particulier, et en algèbre,
qui a pour objet les nombres considérés en général. La seconde est
la géométrie ou la science de l'étendue.
A ces deux branches se rattachent de nombreux rameaux qui sont autant parties
détachées et spécialisées des mathématiques pures. Tels sont, pour
l'algorithmie, le calcul différentiel,
le calcul intégral, le calcul
des probabilités; et pour la géométrie, la géométrie élémentaire,
la géométrie descriptive, et la géométrie analytique qui unit les deux
branches.
Les mathématiques
appliquées peuvent constituer autant de branches différentes qu'il peut
exister de sciences différentes pour le savoir humain. En conséquence,
c'est d'après la considération des objets auxquels s'appliquent les mathématiques
qu'il faut chercher la base d'une classification pour cette catégorie.
" Parmi
ses objets, dit Montferrier, on peut distinguer ceux qui sont donnés par
la nature ou par l'ensemble des phénomènes physiques, de ceux qui sont
donnés par l'art ou sont les produits de l'action de l'homme."
Les mathématiques appliquées
formeront donc deux catégories distinctes : l'une est désignée depuis
longtemps sous le nom de sciences physico-mathématiques, et Montferrier
propose pour l'autre le terme de sciences pragmatico-mathématiques. La
mécanique, avec toutes ses divisions, appartient à la première, tandis
que l'arpentage, la géodésie, la balistique, la navigation, la gnomonique,
etc., appartiennent è la seconde.
Enfin, il un point
da vue qui n'a d'autre raison d'être que les besoins de l'enseignement,
on divise les mathématiques en mathématiques élémentaires, qui se composent
de l'arithmétique, de l'algèbre et de la géométrie élémentaires,
ainsi que de la trigonométrie; en mathématiques
spéciales, qui comprennent l'algèbre supérieure, la géométrie descriptive,
la géométrie analytique ; et en mathématiques transcendantes, qui renferment
le calcul intégral, le calcul différentiel, etc.
Les méthodes
générales employées dans les sciences mathématiques sont l'analyse
et la synthèse. Mais, en outre, les mathématiciens
désignent encore sous le nom de méthode, certains procédés particuliers,
certains artifices spéciaux, usités pour arriver à la solution de divers
problèmes, ou pour établir certaines vérités mathématiques : c'est
ainsi que l'on dit, méthode des infiniment petits, méthode des limites,
etc.
" Le goût
de l'exactitude, l'impossibilité de se contenter de notions vagues, de
s'attacher à des hypothèses, quelque séduisantes qu'elles soient, le
besoin d'apercevoir clairement la liaison des propositions et la but où
elles tendent sont, a très bien dit un illustre géomètre, Lacroix,
les fruits les plus précieux de l'étude des mathématiques. Elle ne sert
pas seulement à rectifier l'esprit, elle l'étend encore, en multiple
les faces ; elle forme une logique plus exacte, plus rigoureuse, en habituant
pour tout à la précision du calcul."
On a remarqué que,
parmi les grands noms auxquels les sciences mathématiques
doivent leurs progrès les plus considérables, plusieurs se sont également
placés au rang des plus grands métaphysiciens : il nous suffira de citer
Pythagore, Platon,
Descartes,
Pascal
et Leibniz. Celte observation montre, comme le
dit très bien Cournot,
" que les
spéculations du géomètre et celles du philosophe sont seules comparables
pour la généralité, car seules elles relèvent au même degré de la
faculté dominante et régulatrice de l'esprit humain, c.-à -d. de la raison.
"
Toutefois il est une
erreur capitale. Nous voulons parler de la prétention d'appliquer aux
sciences d'observation, sciences éminemment complexes et concrètes, les
méthodes propres aux mathématiques, sciences dont le caractère essentiel
est la simplicité et l'abstraction. Les
données des premières sont toujours des notions a
priori, des conceptions pures de l'intelligence, qui existent indépendamment
de tout objet; celles des secondes sont des notions a posteriori qui nous
sont fournies par l'étude des phénomènes, qui ont besoin d'être interprétées,
et qui ne peuvent être étendues au delà de la sphère des phénomènes
dont elles dérivent. C'est l'oubli ou l'ignorance de ces différences
essentielles qui a valu aux utopies morales et
politiques de notre époque tant de partisans parmi les humains dont l'éducation
professionnelle repose principalement sur l'étude des sciences mathématiques.
(B.).
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David
Ruelle, L'Étrange
Beauté des mathématiques, Odile Jacob, 2011.-
Depuis
l'Antiquité et aujourd'hui encore, les mathématiques sont, à bien des
égards, essentielles pour qui veut comprendre la nature des choses. Est-il
possible de pénétrer le monde mathématique sans études longues et arides?
Oui. Car ce qui importe, ce n'est pas de maîtriser cette science en profondeur,
mais de comprendre comment l'esprit humain, et plus particulièrement le
cerveau du mathématicien, se mesure à la réalité mathématique. Un
livre à la fois impertinent et distrayant, qui offre un voyage au coeur
du monde des mathématiques et donne des aperçus très personnels sur
quelques-uns des penseurs qui l'ont exploré.
Gilles
Godefroy, Mathématiques
mode emploi, Odile Jacob, 2011. - "Toutes
et tous, nous avons découvert les mathématiques à l'école primaire.
Mais notre enfance préférait à l'emploi de ces syllabes intimidantes
l'usage de mots plus proches du quotidien : le calcul, la géométrie.
Saissons-nous
le lien profond qui unit ces deux activités d'allures si différentes
: calculer une surface ou un volume et effectuer des multiplications? Un
peu sans doute. Pourtant, une vie de réflexion ne suffirait pas à épuiser
la richesse des liens qui unissent nombres et grandeurs."
C'est
pourtant ce que se propose de révéler ici Gilles Godefroy dans un ouvrage
qui, tout en retraçant l'histoire de la découverte des propriétés et
des concepts mathématiques des origines aux questions les plus actuelles,
s'efforce de faire mieux comprendre ce qu'elles nous révèlent de la réalité
et comment les hommes ont véritablement appris à penser et à manier
le réel en inventant des outils mathématiques.
Un
regard "différent" sur les mathématiques, où chaque grande avancée
est expliquée à l'aune de ce qu'elle permet de faire et de penser dans
la réalité concrète. (couv.).
Denis
Guedj, Les
mathématiques expliquées à mes filles, Le Seuil, 2008. -
Pour tous les nuls en maths, fraction non négligeable
de la population, une introduction décomplexante à cet univers mystérieux.
De
quoi parlent les mathématiques? Pourquoi semblent-elles faire violence
à la réalité? Pourquoi recourent-elles à tous ces signes? À quoi servent
les nombres? Pourquoi la multiplication est-elle plus facile que la division?
Pourquoi X est-elle une inconnue? Quelle est la différence entre une égalité
et une
équation? Entre l'algèbre
et l'arithmétique? Toutes les questions
qui font ou ont fait trembler les nuls en maths, revisitées par l'un des
meilleurs vulgarisateurs sur ce sujet. Les mathématiques vraiment expliquées
à tout le monde.
Jacques
Bouveresse, Pierre Wagner, Mathématiques
et expérience : L'empirisme logique à l'épreuve (1918-1940),
Odile Jacob, 2008. - Comment les mathématiques,
pure création de l'esprit humain, peuvent-elles s'appliquer au monde
réel
qui nous entoure? Comment les géométries
non euclidiennes, nées de spéculations abstraites,
peuvent-elles décrire l'atome ou l'Univers? Comment
la pure logique du calcul
des probabilités peut-elle servir à établir les lois de la physique
ou les statistiques des assurances?
Ce
sont ces questions qu'affronte dans l'entre-deux guerres l'empirisme
logique, ce grand courant du rationalisme
européen qui suscite aujourd'hui un intérêt nouveau. Ses grandes figures,
Carnap, Schlick. Reichenbach et quelques autres, ont été des penseurs
très différents et profondément originaux. La philosophie
des sciences contemporaine a encore de nombreuses leçons à tirer de leurs
innovations conceptuelles et de leurs débats internes, mais aussi de la
réflexion sur les limites de leur démarche et sur les obstacles qu'ils
ont rencontrés. (couv.).
Amir
D. Aczel, Nicolas
Bourbaki, histoire d'un génie des mathématiques qui n'a jamais existé,
Lattès, 2009. - Le 10 décembre 1934 à midi, dans
un café situé au 63 boulevard Saint-Germain à Paris,
là où aujourd'hui est installé un fast-food, André
Weil, l'un des plus talentueux mathématiciens de cette époque a rassemblé
cinq collègues aussi passionnés que lui. A eux six, ils représentent
les universités de Strasbourg,
Nancy,
Rennes
et Clermont- Ferrand, Ã eux six,
ils viennent de créer le groupe Nicolas Bourbaki dont les publications
vont donner un formidable coup de modernité aux mathématiques et un immense
élan à l'école française.
C'est
à peu près dix ans auparavant que Raoul Husson, élève à l'Ecole Normale
Supérieure, invente le personnage de Nicolas Bourbaki en s'inspirant du
grand Charles Bourbaki qui servit en Crimée,
en Algérie, en Italie
avant de devenir gouverneur militaire de Lyon.
Le premier groupe de cette société secrète est composé outre d'André
Weil, d'Henri Cartan, Claude Chevalley, Jean Delsarte, Jean Dieudonné,
René de Possel. La guerre les séparera. Dans les années quarante le
groupe s'enrichira de l'arrivée de la future médaille Field, Laurent
Schwartz et du génie Alexandre Grothendieck
qui dans les années 1990 partit vivre en ermite dans les forêts pyrénéennes.
Et
aujourd'hui encore, bien que moins rayonnant, le groupe continue à se
réunir avec de nouveaux membres. Bourbaki n'a pas seulement fait progresser
les mathématiques mais a aidé Lévi-Strauss à formaliser le structuralisme
et a même inspiré les membres de l'Oulipo dans leur recherche. Voici
son étonnante et passionnante histoire. (couv.).
Gilles
Dowek, Les
Métamorphoses du calcul. - Socle même
de la méthode mathématique depuis l'Antiquité
grecque, la notion de démonstration s'est
profondément transformée depuis le début des années soixante-dix. Plusieurs
avancées mathématiques importantes, non
toujours connectées les unes aux autres, remettent ainsi progressivement
en cause la prééminence du raisonnement
sur le calcul, pour proposer une vision plus équilibrée, dans laquelle
l'un et l'autre jouent des rôles complémentaires. Cette véritable révolution
nous amène à repenser le dialogue des mathématiques avec les sciences
de la nature. Elle éclaire d'une lumière nouvelle certains concepts
philosophiques, comme ceux de jugement analytique
et synthétique. Elle nous amène aussi à nous interroger sur les liens
entre les mathématiques et l'informatique, et sur la singularité des
mathématiques qui est longtemps restée l'unique science à ne pas utiliser
d'instruments. Enfin, et c'est certainement le plus prometteur, elle nous
laisse entrevoir de nouvelles manières de résoudre des problèmes mathématiques,
qui s'affranchissent de certaines limites arbitraires que la technologie
du passé a imposé à la taille des démonstrations : les mathématiques
sont peut-être en train de partir à la conquête d'espaces jusqu'alors
inaccessibles. (couv.).
Jean-Claude
Beaune, Gérard Chazal, Mathématisation
du sensible (sur l'oeuvre de Daniel Parrochia), Presses universitaires
de Lyon, 2009.
J.-P.
Cléro, Raisons
de la fiction - Les philosophes et les mathématiques, Armand
Colin, 2004. |
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