| Alexis-Claude Clairaut est un mathématicien né à Paris le 7 mai 1713, mort le 17 mai 1765. Il montra dès son enfance une aptitude très grande pour les mathématiques, qu'il étudie sous la direction de son père, qui enseignait cette discipline. A dix ans, il lisait les ouvrages du marquis de L'Hôpital sur les sections coniques et les infiniment petits, c.-à.-d. les traités sur les sujets les plus élevés de la mathématique d'alors, et il n'y trouvait aucune difficulté sérieuse. A douze ans et huit mois, en 1726, il présentait à l'Académie des Sciences un mémoire sur quatre courbes nouvelles (inséré dans le t. IV des Miscellanea Berolinensia), pour lequel, après un examen oral sévère, Fontenelle lui délivra, au nom de l'Académie, un certificat élogieux attestant que ce travail était entièrement son oeuvre personnelle. Les Recherches sur les Courbes à double courbure qu'il écrivit à l'âge de 16 ans lui valurent la faveur d'être nommé par Louis XV membre de l'Académie des Sciences, deux ans avant l'âge réglementaire de 20 ans. Il fut dès lors un des académiciens les plus assidus et les plus féconds; ses nombreux mémoires sur l'algèbre, la mécanique et l'optique, insérés dans le Recueil de l'Académie des sciences et dans le Journal des savants, n'ont cependant jamais été recueillis à part. En 1736, il fut envoyé en Laponie avec Maupertuis pour la mesure d'un degré du méridien terrestre (Voyage en Laponie), qui prouva contre l'opinion de Jacques Cassini l'aplatissement de la Terre vers les pôles. Clairaut prit une part importante aux discussions qui s'élevèrent à ce sujet. Les résultats de ses études particulières en Laponie sont exposés dans son ouvrage Figure de la Terre tirée des lois de l'Hydrostatique (1740). Dans ce livre, où il détermina les conditions générales de l'équilibre d'une masse fluide, et qui est un chef-d'oeuvre de précision, il parvient à trouver la forme de la Terre , dans l'hypothèse de couches variant de densité suivant une loi donnée, et une valeur numérique de son aplatissement, en supposant que notre globe tourne autour de son axe et que ses particules sont soumises à la loi de l'attraction universelle. Les énormes calculs qu'il entreprit à cette occasion absorbèrent tout son temps et l'empêchèrent évidemment de s'immortaliser par quelque théorie capitale comme semblaient le promettre ses premiers travaux. Clairaut joua, en effet, dans un champ encore inexploré, le rôle sacrifié d'un pionnier. Ses successeurs utilisèrent largement ses travaux, mais il ne pouvait lui être donné d'arriver à des résultats définitifs. En tout cas, il ouvrit la série des théoriciens de l'astronomie et comme tel son nom ne peut être oublié, même en regard de ceux de Laplace et de Le Verrier. Vers le milieu de 1747, Clairaut présenta à l'Académie des Sciences un Mémoire sur le problème des trois corps, où le mouvement de la Lune autour de la Terre est étudié, en tenant compte de l'attraction du Soleil. Parmi les résultats qu'il obtint, citons l'explication de l'évection. Fin 1747, Clairaut lut à l'Académie des Sciences un Mémoire sur la Théorie de la Lune dans lequel il déclare que la loi de l'attraction universelle est insuffisante, car elle l'a conduit à trouver, pour le mouvement de l'apogée de la Lune, une vitesse qui n'est que la moitié de celle que donnent les observations. Cette affirmation réveilla les disputes entre les newtoniens et les cartésiens, dont le parti était alors encore très puissant parmi les savants français. Buffon s'étant montré contraire à l'idée d'abandonner la théorie de Newton sans avoir fait des recherches plus approfondies, Clairaut calcula plus de termes de la série relative au mouvement de la Lune et trouva un résultat convenable. En avouant publiquement son erreur, celui-ci mit fin à la joie que les adversaires de Newton s'étaient trop vite empressés de manifester. Ce mémoire, augmenté de Tables de la Lune, fut couronné en 1792 par l'Académie de Saint-Pétersbourg (fondée en 1724 par Pierre-le-Grand). En 1765, Clairaut en publia une seconde édition plus complète et apporta aux Tables du mouvement de notre satellite d'importantes corrections et ces Tables jouirent, pendant près d'un siècle, d'une réputation méritée. En appliquant les méthodes qu'il avait employées pour la théorie de la Lune, il a écrit en 1757 un mémoire sur l'orbite apparente du Soleil, en tenant compte des perturbations produites par la Lune et par les principales planètes. Mais le travail qui donna le plus de renommée à Clairaut fut sa Prédiction du retour de la comète de 1682, déjà annoncée par Halley pour 1759. Il entreprit de préciser la date de ce retour, en tenant compte des attractions de Jupiter et de Saturne,. Grâce à l'aide de plusieurs calculateurs, il fut en mesure d'annoncer, dans la séance de l'Académie des Sciences du 14 novembre 1758, que la comète Halley paraîtrait au commencement de janvier 1759 et passerait à son périhélie vers le 15 avril de la même année. Le degré d'exactitude de cette prédiction, certainement très remarquable pour l'époque, lui attira autant d'éloges que la découverte de Neptune par le calcul devait en assurer à Le Verrier. Cependant sa théorie du mouvement des comètes l'engagea avec D'Alembert dans une dispute assez sérieuse, dont retentit le Journal des savants de 1759 à 1761, et dans laquelle, s'il parut alors triompher aux yeux du public, il semble, pour la postérité, avoir eu le dessous. Clairaut mourut peu après, encore jeune, avant son père, qui, de vingt enfants, ne gardait qu'une soeur à laquelle le roi accorda une pension de 1200 livres. Un frère cadet de Clairaut avait également donné les preuves d'une grande précocité mathématique; âgé de quinze ans à peine, il lisait à l'Académie un Traité des quadratures circulaires et hyperboliques qui a été imprimé. Malheureusement, il fut emporté à cinquante-deux ans par la petite vérole. Célibataire, aimant le monde, recherchant les plaisirs, Clairaut s'était rapidement usé. D'ailleurs, d'un caractère doux et liant, d'une politesse attentive, il était extrêmement recherché. Grandjean de Fouchy nous en a laissé cet aimable portrait : « Il était de taille médiocre, bien fait et d'un maintien agréable; sa douceur et sa modestie étaient peintes sur son visage, son coeur aussi droit et aussi net que son esprit ne lui avait jamais permis le moindre écart; il était l'ami déclaré de la probité et de la vérité, et n'a jamais manqué l'occasion de rendre service dès qu'elle s'est présentée. Il est presque inutile d'ajouter après cela que rien n'était plus égal que sa conduite, et que l'humeur et le caprice lui étaient inconnus; aussi n'a-t-il jamais eu d'ennemis, et personne n'a joui plus tranquillement d'une grande réputation... La douceur et l'aménité de ses moeurs le faisaient désirer de tous ceux qui le connaissaient, et il répondait volontiers à ces avances, mais il s'était imposé la loi de ne jamais souper en ville . » On lui a reproché d'aimer un peu trop la célébrité. Clairaut eut d'illustres disciples, entre autres Mme Du Châtelet et Bailly. (P. Tannery / E. Lebon).
| En bibliothèque. - Les ouvrages de Clairaut sont les suivants : Recherches sur les courbes à double courbure (Paris, 1731, in-4); Recueil de mémoires sur les mouvements des corps célestes (Paris, 1740, in-4); Eléments de géométrie (Paris, 1741 et 1765) (cet ouvrage composé pour Mme du Châtelet était encore classique au milieu du XIXe siècle); Traité de la figure de la Terre, où il est traité de l'équilibre des fluides (Paris, 1743 et 1808); Eléments d'algèbre (Paris, 1746 et 1760, ouvrage refondu en 1797 et 1801 par Theveneau); Théorie de la Lune déduite du seul principe de l'attraction (Paris, 1752 et 4765) (prix de l'Académie de Saint-Pétersbourg); Tables de la Lune, calculées suivant la théorie de la gravitation (Paris, 1754); Théorie du mouvement des comètes, avec l'application de cette théorie à la comète qui a été observée dans les années 1531, 1607, 1682, 1759 (Paris, 1760); Mémoire sur l'orbite apparente du soleil autour de la Terre (Paris, 1761); Recherches sur les comètes des années 1531, 1607, 1682 et 1759 (prix de l'Académie de Saint-Pétersbourg, 1762). | | |