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Les Choiseul
sont une famille illustre de Champagne,
issue des comtes de Langres, a pour chef
Raynard III, comte de Langres et sire de Choiseul, qui épousa en
1182 Alix de Dreux, petite-fille de Louis le Gros.
Elle a formé les branches de Langres, de Clémont, d'Aigremont,
de Beaugré, d'Aillecourt, de Francières, de Praslin, du Plessis,
etc. Elle a produit plusieurs maréchaux : Charles de Choiseul, comte
du Plessis-Praslin (1563-1626), qui servit sous Henri
IV et Louis XIII; César, duc de
Choiseul (1598-1675), qui défit Turenne
à Réthel (1650), alors que celui-ci
commandait l'armée espagnole; Claude, comte de Choiseul-Francières
(1632-1711), qui se distingua au combat de Senef contre les Hollandais
et fut fait maréchal en 1693; un ministre célèbre,
un ambassadeur, etc.
Etienne-François de
Choiseul, comte de Stainville, puis duc de Choiseul, est un homme
d'Etat français, né le 28 juin 1719, mort à Paris
le 8 mai 1785, fils aîné de François-Joseph de Choiseul
(ca. 1700 - 1770). Dès le 4 juillet 1730, Choiseul, qui portait
alors le nom de comte de Stainville, était lieutenant réformé
à la suite du régiment Royal-Allemand de cavalerie. Lieutenant
en second au régiment d'infanterie du roi le 24 février 1739,
il fit, en 1741, la campagne de Bohème,
participa au siège de Prague, après
s'être trouvé avec les défenseurs de la ville contre
les Autrichiens, à la fameuse retraite. Le 21 mai 1743, il fut fait
colonel d'un régiment l'infanterie de son nom et, l'année
suivante, servit sous le prince de Conti en Italie
où il se distingua à la bataille de Coni (septembre 1744).
Nommé colonel du régiment de Navarre le 15 janvier 1745,
il suivit encore Conti à l'armée du Bas-Rhin (1746), puis
aux Pays-Bas (1746) où il assista
aux sièges de Mons et de Charleroi
et à la bataille de Raucoux et où
il fut fait brigadier (4 août 1746). II resta encore à la
même armée en 1747, où il assista à la bataille
de Laufeld et en 1748, où il se trouva au siège de Maastricht.
Nommé gouverneur de la ville et du château de Mirecourt et
du pays des Vosges le 14 mars 1748, il fut maréchal de camp le 10
mai. Après avoir encore reçu la charge de grand bailli du
pays des Vosges le 26 août 1751,
Choiseul fut nommé à l'ambassade
de Rome en novembre 1753.
Il était
spécialement « chargé d'obtenir du pape une lettre
encyclique qui fixât les principes [...]. par rapport à la
conduite que les évêques et les curés doivent tenir
dans l'ordre des sacrements au sujet des opposants à la bulle Unigenitus
» (Mémoires de Bernis). Choiseul s'acquitta avec habileté
de sa mission, fut fait chevalier des ordres du roi le 1er janvier 1756
et revint de Rome le 12 février 1757. En mars de la même armée,
il tut désigné pour l'ambassade de Vienne. D'après
son instruction, datée du 31 juillet, il devait à Vienne
« entretenir l'union des deux cours par la noblesse et la bonne foi
de ses procédés; cultiver l'amitié réciproque
et personnelle du roi et de l'impératrice [...]. Enfin se conduire
extérieurement à Vienne comme si l'union des deux cours devait
être éternelle [...], saisir le milieu qu'il y a entre une
bonne foi aveugle et d'injustes ombrages ».
Il devait, en un mot, veiller a la bonne exécution
du traité du 1er mai 1757 par lequel
l'Autriche aurait cédé à
la France les Pays-Bas en échange de la Silésie
et des Etats de Parme. Une partie des Pays-Bas serait restée à
la France, tandis que l'autre, plus importante, aurait formé un
apanage pour l'infant d'Espagne, don Philippe, duc de Parme et gendre de
Louis XV, avec réversibilité à
l'Autriche, au cas où il n'aurait pas eu d'enfants mâles.
Choiseul arriva à Vienne le 20 août 1757 et eut ses premières
audiences le 24, mais il y resta à peine un an. Fait duc de Choiseul
par érection de la terre de Stainville en novembre 1758, il fut
appelé au département des affaires étrangères
le 3 décembre, créé pair de
France le 10 de la même année et chargé ainsi de diriger
comme ministre la politique de l'alliance autrichienne qu'il avait préconisée
et servie comme ambassadeur.
Avant de résumer les traits essentiels
de ce ministère de douze ans, durant lequel Choiseul fut véritablement,
et non sans gloire, le maître de la France, nous devons énumérer
les nouvelles dignités qui lui furent conférées jusqu'à
son exil du 24 décembre 1770. Après avoir cédé
le ministère des affaires étrangères à son
cousin Choiseul-Praslin le 13 octobre 1761, il le reprit le 5 avril 1766
pour le garder jusqu'à sa disgrâce.
De plus, il fut fait successivement lieutenant
général (17 décembre 1759), gouverneur général
de la Touraine (27 juillet 1760), surintendant
général des courriers, postes et relais de France (28 août
1760), ministre de la guerre (27 janvier 1761), ministre de la marine (13
octobre 1761), chevalier de la Toison d'or (3 janvier 1762) et enfin colonel
général des Suisses et Grisons (24 février 1762).
Au moment où Choiseul succéda à Bernis dans la direction
de la politique extérieure de la France, la situation était
des plus mauvaises. La faiblesse du commandement aussi bien que les lacunes
de l'organisation avaient fait battre les armées françaises
à Rosbach et à Crevelt; les colonies étaient presque
abandonnées, la vaillance habile de Montcalm
et l'opiniâtre courage de Lally-Tollendal
ne pouvaient que retarder la perte du Canada
et de l'Inde.
Choiseul maintint la politique de l'alliance
autrichienne et en resserra les liens dès son entrée au ministère
par le traité du 30 décembre 1758. Puis n'osant pas, ce qui
eût été la vraie politique à suivre, laisser
le soin de la guerre continentale à l'Autriche et à son alliée
la Russie pour tourner contre l'Angleterre
tous les efforts de la France, il essaya,
pour remédier aux inconvénients du système suivi,
de deux moyens. Il tenta d'abord d'attaquer le mal dans sa racine par des
réformes dans les administrations de la marine et de la guerre;
il essaya ensuite de défendre les colonies françaises en
joignant les forces maritimes de l'Espagne
à celles de la France par le Pacte de
famille (15 août 1761).
Les affaires étaient en trop mauvais
état pour que ces mesures fussent suffisantes. Le traité
de Paris (10 février 1763) ruina l'empire colonial de la France,
mais les efforts de Choiseul ne furent pas perdus; on le vit au moment
de la guerre d'Amérique (Histoire
des Etats-Unis). Il les continua du reste pendant la paix. Au moment
de sa chute, la flotte française était reconstituée;
elle comptait soixante-quatre vaisseaux et cinquante frégates à
flot; quant à l'armés elle avait été aussi
l'objet de sérieuses réformes. Par la réunion de la
Lorraine à la France (1766), Choiseul avait recueilli les fruits
de l'habile politique de Chauvelin ; le mérite
de l'annexion de la Corse (1768) doit lui revenir
en entier.
A l'extérieur, Choiseul maintint
l'alliance autrichienne et le Pacte de famille, en même temps qu'en
rétablissant de bonnes relations avec la Hollande et le Portugal,
en soutenant la Suède et la Turquie
contre la Russie, il préparait les éléments de la
ligue des neutres. S'il abandonna la Pologne, on ne saurait lui en faire
un reproche, car le partage de ce pays était dès lors inévitable
et ce ne fut qu'après s'en être convaincu que Choiseul ne
tenta rien pour le sauver. Pour réparer, au moins en partie, la
perte de l'Inde et du Canada, on tenta à la Guyane
et à Sainte-Lucie
un essai de colonisation qui aboutit à un désastre (1763-1764),
mais en revanche, la prospérité des Antilles
françaises, de l'île de France (île
Maurice) et de Bourbon (île de la Réunion) fut considérablement
développée.
A l'intérieur, la politique de Choiseul
fut, en somme, inspirée par l'esprit nouveau. Il laissa reprendre
la publication de l'Encyclopédie
et supprima l'ordre des jésuites (1762);
il usa de son influence en faveur de La Chalotais
(1765-1766). Ce fut cette politique qui causa sa disgrâce. D'après
les uns, il aurait déplu au roi par un mépris ouvertement
témoigné à l'égard de la Dubarry;
d'après les Mémoires du duc des Cars, il aurait songé
à rompre le Pacte de famille et soustrait à la connaissance
de Louis XV des lettres personnelles du roi d'Espagne relatives à
l'affaire des îles Falkland (Malouines). Mais ce ne fut en tout cas
qu'un prétexte, la chute de Choiseul fut le triomphe de l'ancien
parti du dauphin, opposé aux philosophes et qui avait pour chef
le duc d'Aiguillon. Exilé le 24 décembre
1770 dans sa terre de Chanteloup, Choiseul y fut entouré de la plus
grande popularité. Ce fut une mode d'aller le visiter dans son exil,
où il vivait au milieu d'un luxe quasi royal.
«
Dès que Choiseul paraissait, disent les Mémoires déjà
cités du duc des Cars, il avait encore l'air du maître de
la France. »
Cet exil cessa à la mort de Louis
XV (1774) et, un moment même, on crut que Louis
XVI l'appellerait au pouvoir, mais il devait mourir sans en reprendre
possession. D'une laideur spirituelle, d'une intelligence vive et ouverte,
Choiseul a eu des parties d'un véritable homme d'Etat, le sentiment
de la grandeur nationale, l'application à ses devoirs, la fertilité
imaginative dans les conceptions; mais, outre qu'il n'avait ni la profondeur
des vues, ni la ténacité patiente dans l'exécution,
les hommes ont manqué à ses desseins, soit qu'ils fissent
réellement défaut à son époque, soit qu'il
n'ait pas su les deviner et les choisir.
Il avait épousé, le 12 décembre
1750, Louise-Honorine Crozat du Chatel, dont il n'eut pas d'enfant, et
qui fut une des femmes les plus dévouées, une des figures
les plus exquises du XVIIIe siècle.
Son mari avait laissé en mourant des dettes considérables
accrues encore par les nombreux legs de son testament. Elle se retira dans
un couvent avec un seul domestique et réussit par cette sévère
résolution à satisfaire entièrement aux créanciers
et aux légataires de son mari
.Les Mémoires publiés
par Soulavie sous le nom du duc de Choiseul (Paris, 1790, 2 vol. in-8)
ne sont que la reproduction de plusieurs morceaux détachés,
sur des questions diverses, que le célèbre ministre avait
fait imprimer sous ses yeux, à Chanteloup, en 1778, à peu
d'exemplaires. (L. F.).
Choiseul-Gouffier (Marie Gabriel),
ambassadeur à Constantinople,
né en 1752, mort en 1817, occupait une place distinguée parmi
les savants. Dès 1776, il avait fait un voyage en Grèce
et avait recueilli des matériaux précieux pour les sciences
et les arts. Il les consigna dans son Voyage pittoresque en Grèce,
dont deux volumes parurent de son vivant, en 1782 et 1809, et un troisième
après sa mort, en 1824. Il fut admis dès 1776 à l'Académie
des inscriptions et en 1784 à l'Académie
française. Il était ambassadeur à Constantinople
lorsque éclata la Révolution
: il se retira en Russie où il resta
jusqu'en 1802, époque de sa rentrée en France. Sous la Restauration,
il fut ministre d'État et membre du conseil privé. Choiseul
fut le protecteur et l'ami de plusieurs savants, entre autres de l'abbé
Barthélemy et de Delille. On distingue
parmi ses Mémoires une Dissertation sur Homère,
un Mémoire sur l'hippodrome d'Olympie,
et des Recherches sur l'origine du Bosphore
de Thrace.
Il a laissé une précieuse collection d'antiquités,
acquise par le musée du Louvre.
Choiseul (Gabriel, duc de), pair
de France, né en 1762, mort en 1839, était neveu du ministre
et fut élevé par lui. Colonel de dragons en 1791, il coopéra
à la tentative d'évasion de Louis
XVI, fut pour ce fait arrêté à Verdun,
et ne recouvra la liberté que lors de l'acceptation de la constitution
par le roi. Chevalier d'honneur de la reine, il resta auprès d'elle
jusqu'à son incarcération au Temple,
et n'émigra que quand sa tête eut été mise à
prix. Arrêté en 1795 à Calais
à la suite d'un naufrage, il échappa au supplice à
la faveur de la révolution du 18 brumaire, et en fut quitte pour
être déporté. il rentra chez lui en 1801, fut, à
la Restauration, appelé à la chambre des Pairs, s'y posa
en défenseur des institutions constitutionnelles, opina pour un
simple exil dans le procès du maréchal Ney,
défendit en 1820 le général Merlin impliqué
dans une conspiration, se démit, à l'avènement du
ministre Villèle, des fonctions de major
général de la garde nationale, et devint tellement populaire
qu'à la révolution de 1830 son nom fut porté, avec
ceux du maréchal Gérard et La
Fayette, sur la liste du gouvernement provisoire. Dévoué
à la nouvelle monarchie il lui donna un constant appui. Le duc de
Choiseul a laissé des Mémoires : Départ de Louis
XVI le 20 juin 1791, Paris, 1822; Procès des naufragés
de Calais, 1823.
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