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La Condamine

Charles Marie de La Condamine est un savant et voyageur né à Paris le 28 janvier 1701, mort à Paris le 4 février 1774. Fils d'un receveur général des finances, il fit ses études au collège de Louis-le-Grand, s'engagea à dix-sept ans dans la cavalerie et assista au siège de Rosas (1719), où il fit preuve d'une rare intrépidité. La politique pacifique de la Régence ne l ui laissant entrevoir qu'un lent avancement, il quitta bientôt l'état militaire pour l'étude des sciences et entra à l'Académie, en 1730, en qualité d'adjoint chimiste. Mais son esprit n'était pas de ceux qui se renferment dans une spécialité. D'une curiosité ardente, qui le poussait à tout connaître, à tout apprendre, faisant montre en outre de grandes facultés d'assimilation, il s'appliqua, avec une activité presque égale, aux mathématiques, à la physique, à l'histoire naturelle et à la médecine. Son goût pour les voyages n'était pas moindre, et, en 1731, presque inopinément, il s'embarqua sur l'escadre de Duguay-Trouin, qui allait croiser sur les côtes de la Barbarie et du Levant. Il visita Jérusalem, la Troade, Chypre, Constantinople (Istanbul), faillit plus d'une fois payer de sa vie son audace aventureuse et rentra en France avec une multitude de renseignements sur la météorologie, les productions naturelles, les monuments et les moeurs des pays qu'il venait de parcourir.

A Paris, La Condamine trouva l'Académie des sciences occupée de l'envoi de savants au Pérou pour y mesurer la longueur à l'équateur de l'arc d'un degré du méridien. Tout de suite séduit par les attraits de cette lointaine expédition, il se fit, dit Condorcet, astronome pour la circonstance, intrigua tant soit peu auprès du ministre de Maurepas et, malgré ses capacités assez ordinaires comme géomètre, parvint à se faire désigner en même temps que ses collègues Godin et Bouguer et que plusieurs jeunes spécialistes étrangers à l'Académie. (L'histoire de la géodésie). La mission s'embarqua à La Rochelle le 16 mai 1735, traversa l'isthme de Panama et arriva à Guayaquil sans trop d'encombre. La Condamine se sépara alors de ses compagnons pour voir plus de pays, fut abandonné de ses guides, erra seul pendant huit jours sur les flancs déserts des Cordillères et arriva à Quito, but du voyage, en juin 1736. Le terrain choisi pour l'opération était la haute vallée de trois degrés de longueur, perpendiculaire à l'équateur, qui va de Quito à Cuenca. 

Trois années furent consacrées à la mesure de l'arc (1736-39) et une aux observations astronomiques pour la mesure de l'angle (1740). Pendant tout ce temps, la plus fâcheuse mésintelligence ne cessa de régner entre La Condamine et Bouguer. Ce dernier, savant mathématicien, avait conscience de sa supériorité sur son collègue, qui, peu familiarisé au début avec les méthodes employées, ne faisait guère preuve que de zèle et d'infatigable activité. Le tort de Bouguer fut de le lui faire sentir un peu brutalement dans plus d'un cas. Or, au milieu des entraves de toutes sortes mises à l'expédition par le mauvais vouloir de l'administration péruvienne et par l'hostilité des habitants, il avait fallu entamer des négociations, soutenir des procès, faire face à des émeutes, et, dans ces circonstances difficiles, c'était La Condamine qui, par son attitude énergique, par son langage ferme et adroit, avait chaque fois sauvé le succès de l'entreprise et la vie de ses compagnons. On avait aussi manqué d'argent ; il en avait trouvé à Lima et avait dépensé, sans compter, près de 100000 livres sur sa fortune personnelle. Il se considérait donc un peu comme le chef de l'expédition et se croyait quelques titres à la reconnaissance de ses collègues. Aussi souffrait-il difficilement la conduite légèrement dédaigneuse de Bouguer qui, entre autres rebuffades, s'était opposé à ce qu'on mesurât, comme le demandaient La Condamine et Godin, un degré de l'équateur. 
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La Condamine.
La Condamine, d'après Cochin.

Toutes ces querelles et les vexations des autorités retinrent la mission à Quito jusqu'en 1742. Bouguer partit directement; Godin, auquel le vice-roi avait imposé une chaire de mathématiques à Lima, dut demeurer dans cette ville jusqu'en 1751; le chirurgien de l'expédition avait été assassiné à Cuenca, en 1739, à la suite de démêlés avec l'alcade de cette ville; les autres adjoints avaient succombé aux maladies on s'étaient définitivement établis en Amérique. Resté seul, La Condamine ne put résister à la tentation de revenir par la route la plus longue et la plus périlleuse; il traversa le Pérou (septembre 1742 - mai 1743), gagna l'Amazone, suivit sur une longueur de plus de 500 lieues les rives à peu près inexplorées du fleuve, dont il leva la carte, et atteignit Cayenne, après avoir risqué vingt fois sa vie et accompli des traits prodigieux de courage et d'audace. De retour à Paris (1744), où Bouguer l'avait précédé d'une année, il refit le récit de l'expédition, dont son collègue avait déjà rendu compte. 

Pendant longtemps les séances de l'Académie des sciences furent remplies de leurs interminables discussions sur leur part respective de collaboration. Aux récriminations et aux revendications passionnées de Bouguer, La Condamine répondait par des ripostes spirituelles, par des anecdotes plaisantes. il mit ainsi sans efforts les rieurs de son côté et se vit attribuer par l'opinion publique incompétente la gloire presque exclusive de cette expédition à laquelle son nom seul devait demeurer attaché. Les résultats en furent d'ailleurs assez peu concluants pour la science géodésique. Cependant des observations de la direction du fil à plomb faites des deux côtés des Cordillères avaient donné lieu de constater que les montagnes attirent à elles les corps pesants. C'était la découverte du principe de l'attraction générale des masses, repris ensuite et vérifié par Maskelyne.

La Condamine fit encore deux autres voyages : l'un en Italie (1757), au cours duquel il essaya de déduire la longueur exacte du pied romain de la comparaison des hauteurs des principaux monuments de l'Antiquité, et l'autre en Angleterre (1763). Quant à ses travaux personnels, ils furent peu nombreux. En 1733, il imagina un instrument, sans utilité pratique, pour la détermination sur la surface de la Terre de tous les points d'un cercle parallèle à l'équateur (Mémoires  de l'Académie des sciences, 1733-1734). La même année, il indiqua une nouvelle méthode pour l'observation en mer de la déclinaison de l'aiguille aimantée (ibid., 1733-1734). Il proposa d'adopter comme commune mesure universelle la longueur du pendule qui bat la seconde à l'équateur, longueur qu'il avait déterminée à Quito et soigneusement gravée sur une plaque de marbre (ibid., 1747). Enfin, il mena une active et victorieuse campagne en faveur de l'inoculation de la petite vérole, déjà pratiquée dans beaucoup de pays, mais vivement combattue en France; ses premiers écrits sur cette question datent de 1754 et Tenon tenta la première opération en 1755. 

En somme, La Condamine ne fit faire aucun progrès notable aux sciences. Avide de tout savoir, incapable d'une longue application, il effleura tout sans rien approfondir. Il jouit cependant de la plus grande célébrité. Il la dut évidemment à la multiplicité de ses connaissances, à ses lointaines aventures, à la chaleur communicative de sa parole, à son style agréable et simple, quoique un peu négligé et prolixe, à ses relations mondaines, enfin à une volumineuse correspondance avec les savants de tous les pays. 

L'Académie française l'élut membre en 1760, en remplacement de Vauréal. La Société royale de Londres (1748), les académies de Berlin et de Saint-Pétersbourg se l'étaient déjà attaché. Nous avons signalé sa grande curiosité. Elle le rendait souvent importun et touchait parfois à l'indiscrétion, voire à l'inconvenance. On en cite de nombreux traits. Un jour, il est surpris par Mme de Choiseul lisant par-dessus l'épaule de celle-ci une lettre qu'elle écrivait. Une autre fois, le duc de Choiseul le trouve dans son cabinet, occupé à fouiller fiévreusement dans sa correspondance. Au supplice de Damiens, il s'était mêlé aux valets du bourreau, « afin de mieux voir ». Il avait rapporté du Pérou une surdité complète et de son voyage en Angleterre une paralysie presque générale; il soufrait en outre d'une hernie. Il exigea que l'on tentât sur lui une opération très dangereuse, tout récemment imaginée par un jeune chirurgien, en suivit avidement les moindres détails et y succomba au bout de quelques jours. (Léon Sagnet).



En bibliothèque - Outre une douzaine de mémoires insérés dans le Recueil de l'Académie des sciences (années 1734 à 1772) et dans les Philosophical Transactions (année 1749), il a écrit : The Distance of the tropicks (1738, in-8); Relation abrégée d'un voyage fait dans l'intérieur de l'Amérique méridionale (Paris, 1745, in-8); Lettre sur l'émeute populaire de Cuenca (Paris, 1746, in-8); la Figure de la Terre, déterminée par les observations de MM. de La Condamine et Bouguer (Paris, 1749, in-4); Lettre critique sur l'éducation (Paris, 1751, in-12); Mesure des trois premiers degrés du méridien (Paris, 1751, in-4); Histoire des pyramides de Quito (Paris, 1751, in-4); Journal du voyage fait par ordre du roi le l'équateur (Paris, 1751, in-4, et dans les Mém. de l'Acad., années 1751 et 1752); Mémoires sur l'inoculation (1754-58-65); Histoire de l'inoculation de la petite vérole (Avignon, 1773, 2 vol. in-12); le Pain mollet, poème (Paris, 1768, in-12). La Bibliothèque nationale possède en manuscrit le récit de son Voyage au Levant.

La Condamine avait composé sur ses souffrances un couplet qu'il chantait à ses visiteurs l'avant-veille de sa mort. Dans ses dernières années, il était en effet devenu poète et avait publié quelques pièces assez bien tournées dans l'Almanach des Muses et dans le Mercure de France

- La Harpe, Le Voyage des géomètres en Amérique du Sud, édition en ligne.

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