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Pédanius
Dioscoride est un médecin et naturaliste
grec. Il paraît avoir vu le jour à Anazarbe
(Casarea Augusta) en Cilicie ; il écrivait
à l'époque de Néron et de
Vespasien, au Ier
siècle de l'ère commune. Le surnom de Dioscoride,
Pedanius (Pedanios et non Pedakios), était
emprunté à la gens Pedania,
suivant un usage qui a été celui de plusieurs Grecs
de la même époque. Suidas
ajoute qu'il était aussi surnommé Phacas, parce qu'il
avait la figure marquée de taches en forme de lentilles.
On ne sait rien de
la vie de Dioscoride, si ce n'est qu'il suivit quelque temps la carrière
des armes; sans doute comme médecin
dans les armées romaines. Outre l'Asie
Mineure, dont il était originaire, il visita la Grèce,
l'Italie, l'Espagne,
la Germanie et la Gaule,
le plus souvent dans le but d'étudier les substances naturelles.
Il revint à Rome vers la moitié
du premier siècle et publia, son premier ouvrage (le seul
ouvrage de lui que l'on peut considérer comme authentique
: Peri hulês iatrikês, la Matière médicale,
tirée des trois règnes de la nature. Cet ouvrage était
divisé en XXIV livres, dont 5 seulement nous sont parvenus :
le premier traite des plantes aromatiques
et oléagineuses ; le second, des plantes alimentaires et économiques;
le troisième, des sucs obtenus des racines,
des fruits
et des semences; le quatrième a pour sujet l'emploi médical
des fleurs,
des feuilles,
des écorces
et des racines; le cinquième traite des produits de la vigne,
et de quelques métaux.
Pages de la Matière médicale de Dioscoride, dans l'édition publiée à Lyon en 1552 par Jean Ruel. Galien le cite souvent et si Pline, son contemporain, ne le cite pas, quoiqu'il paraisse souvent n'avoir qu'abrégé le texte de Dioscoride, cela tient probablement à ce que tous deux avaient fait leurs emprunts à Cratévas, contemporain d'Hippocrate. Le De Materia medica de Dioscoride paraît même n'être qu'une édition nouvelle de l'ouvrage de Cratévas. L'un des plus anciens manuscrits du De Materia medica, et l'un des plus remarquables, est celui que Busbecq apporta de Constantinople à Vienne, vers le milieu du XVIe siècle. On y trouve, entre les figures des plantes, quelques portraits des plus célèbres médecins de l'Antiquité, notamment celui de Dioscoride. Le texte grec a été imprimé pour la première fois, Venise, 1499, in-fol. L'édition de Francfort, 1898, in-folio, avec une belle version latine de J.-A. Sarrasin, a passé longtemps pour la meilleure; mais Sprengel en a donné une (Leipzig, 1828-29, 2 vol. in-8), corrigée sur le manuscrit et accompagnée d'un commentaire qui doit mériter la préférence sur toutes les autres. Elle forme les tomes XXV et XXVI des Medicor. graecor. opéra. Mathioli s'est acquis une grande réputation par ses Commentaires sur Dioscoride. Le second ouvrage que l'on attribue à Dioscoride, mais dont l'authenticité est contestable, a pour titre : Peri deleterion pharmakon, ou Alexipharmaca. C'est une sorte de commentaire des poèmes de Nicandre. Il est divisé en trois livres : le premier traite des effets des poisons et des moyens de les combattre; le second, de la rage des chiens et des animaux venimeux; le troisième, des moyens d'y porter remède. Enfin, on attribue également à
Dioscoride un traité des Euporistes, ou médicaments
faciles à se procurer; mais il est fort douteux qu'il en soit réellement
l'auteur;
La matière
médicale.
Un autre mérite incontestable de
son travail est de présenter la synonymie des noms vernaculaires
que portaient de son temps les plantes
qu'il décrit, chez les Égyptiens, les Juifs,
les Thraces, les Romains, les Grecs et même
en Inde (La
botanique dans l'Antiquité). Sous ce rapport, le livre de Dioscoride
sert de transition, incomplète à la vérité,
mais néanmoins précieuse, entre la haute Antiquité
et les Temps modernes.
Bien que Dioscoride ait cité plus de plantes que Théophraste, il omet quelques-unes de celles décrites par ce dernier, sous le prétexte qu'elles n'ont aucune propriété médicale, ou qu'elles sont trop connues pour qu'il soit nécessaire de les décrire : tels sont le buis, l'érable, le chêne-liège, le bouleau, le colutea, l'ébène, et plusieurs autres. Sa classification, qui se fonde sur ce que les dogmatiques appelaient les qualités élémentaires, l'oblige souvent à rapprocher dans une même catégorie des médicaments simples des trois règnes et des médicaments composés. Parmi les descriptions qui offrent de l'intérêt, on peut citer celles de la myrrhe, du bdellium, du labdanum, du rhapontic, de la marjolaine, de l'assa foetida, de, la gomme ammoniaque, de la bousserole, de l'opium, de la scille, et plusieurs autres . Pour donner une idée de l'embarras où certaines descriptions, et quelquefois la négligence de Dioscoride, ont jeté les commentateurs, qu'il suffise d'en citer un exemple. L'hyssope, entre autres, lui paraît une plante trop connue pour qu'il soit nécessaire. de la décrire. Il ne faudrait pas croire toutefois qu'il s'agit de l'hyssope de nos jardins, car, en parlant d'une plante qu'il nomme chrysocomé, il dit que sa fleur est en grappe, comme celle de l'hyssope. Ailleurs, il dit de l'origan héracléotique que sa feuille est, comme celle de l'hyssope, disposée en ombelle : or on sait que notre hyssope n'a ni l'un ni l'autre de ces caractères. On lit d'autre part, dans l'Évangile de saint Jean, qu'une éponge imbibée de vinaigre fut placée au bout d'un bâton d'hyssope pour être portée à la bouche de Jésus. Enfin, la Vulgate et l'historien Josèphe prétendent que Salomon connaissait chaque espèce d'arbre, depuis le cèdre jusqu'à l'hyssope; ce qui montre évidemment que l'hyssope des anciens était tout au moins un arbrisseau.Dioscoride décrit un grand nombre d'huiles et de vins composés; il connaissait le sel essentiel de vipères, l'emploi de la corne brûlée contre les maux de dents, l'usage de l'écorce d'orme dans les maladies de la peau, l'emploi de la potasse comme caustique, de l'aloès à l'extérieur dans certains ulcères, du marrube blanc dans la phthisie, de la fougère mâle contre les vers, de l'huile de ricin qu'il n'employait qu'extérieurement; il parle du petit-lait, de la cannelle, de l'asphalte, du pétrole rouge et du sucre (sacchar), ou plutôt du tobaschir qui transsude des noeuds du bambou. Jusqu'au temps des croisades, les Européens ne connurent d'autre sucre que ce suc épaissi du bambou. Les Maures cultivèrent les premiers la canne à sucre au Maghreb, en Grèce et dans l'île de Chypre. Plus tard, elle fut transportée en Sicile, d'où, au XVe siècle, elle fut transportée dans l'île de Madère, à Saint-Thomas et dans la région du golfe de Guinée. Ce n'est qu'au XVIe siècle qu'elle fut transplantée en Amérique.Dioscoride insiste partout sur l'emploi des végétaux indigènes de préférence aux substances exotiques; enfin il est le premier qui ait attiré l'attention sur la sophistication des médicaments. On trouve dans Dioscoride la description de quelques préparations chimiques. Le mode qu'il indique pour obtenir le blanc de plomb est à peu près le même que l'on suivra encore à l'époque moderne; il parle de la calamine, du pompholix, des vitriols, de l'orpiment comme escarotique, et de l'eau de chaux. Il apprend à retirer le mercure du cinabre, en le faisant calciner dans une conque de fer recouverte d'un couvercle, calix, qu'en grec on nommait ambix. C'est très probablement de ce mot grec que les Arabes ont fait ambic et alambic en y ajoutant l'article al. Il ne s'ensuit pas que les Grecs ou les Romains aient connu l'art de la distillation, car Galien n'en parle pas, bien qu'il ait vécu plus d'un siècle après Dioscoride et qu'il ait décrit toutes les opérations de la pharmacie de son époque. Cependant les Grecs connaissaient une sorte d'huile de térébenthine. (Voici comment ils la préparaient : on suspendait de la laine ou une toison au-dessus d'une chaudière dans laquelle on faisait bouillir de la poix. Quand cette laine était chargée des vapeurs qui s'en étaient exhalées, on l'exprimait, et le résultat se nommait pissaeleum, ou picis flos). Cette huile se préparait habituellement dans la ville de Colophon, en Grèce; d'où le.nom de colophane que porte encore le résidu de la distillation de la térébenthine. Dioscoride parle encore de diverses préparations
métalliques usitées en médecine. On employait dans
les emplâtres la litharge, le cadmium, le pompholix, que l'on regardait
comme l'écume de certains métaux. Longtemps avant son époque,
on faisait usage de la fleur ou écaille d'airain, crocus Veneris,
oes ustum, squammae aeris, comme purgatif, et l'on donnait. pour exciter
le vomissement, le melanteria et le chaicitis (sulfate de fer mêlé
d'oxyde rouge qui provenait des mines de cuivre de Cilicie).
Discoride ne connaissait pas l'emploi interne du fer; il le croyait nuisible
aux fonctions utérines. Il pensait que le mercure rongeait et détruisait
les viscères; on ne se servait alors de l'antimoine que pour les
applications extérieures et après l'avoir calciné.
Illustration d'un manucrit arabe montrant un médecin occupé à préparer un médicament. (Bagdad, 1224). Dioscoride est pourtant moins crédule que Théophraste, relativement aux propriétés médicales des plantes; mais ce dernier n'était pas médecin, et s'occupa surtout du règne végétal en botaniste et en philosophe. Dioscoride était même plus empirique que médecin, plus habile aux recherches qu'à l'observation. Son style est obscur, confus, ses assertions peu précises; il néglige les détails de la posologie et de l'administration des médicaments. Toutefois Galien en fait le plus grand éloge, et regarde son livre comme le plus complet et le plus utile que l'on possédât de son temps sur la matière médicale. Dioscoride occupe un rang éminent dans l'histoire de la matière médicale. Son livre fut le seul, en Occident, d'après lequel on étudia pendant quinze siècles cette partie de la science. Au XIXe siècle, chez les Turcs et les Arabes, il était même encore l'oracle de la médecine et de la botanique. Aucun ouvrage scientifique n'a été
copié, imprimé autant de fois, et n'a été l'objet
d'un plus grand nombre de commentaires; sans doute en raison de l'importance
du sujet et de l'obscurité de ses détails. Après Galien,
qui le cite et le copie très souvent, on trouve parmi ses commentateurs
les plus célèbres, aux IVe
et Ve siècles, Oribase
et Aétius, qui rangèrent les objets
qu'il décrit par ordre alphabétique; Paul
d'Égine, au VIIe siècle;
au Xe, Sérapion
le jeune et la plupart des médecins
arabes. A l'époque de la découverte
de l'imprimerie, l'ouvrage de Dioscoride fut imprimé l'un des
premiers, et les éditions s'en multiplièrent à l'infini.
Au XVIe et au XVIIe
siècle, Matthioli de Sienne, Saumaise, G. Bauhin,
S. Champier et une foule d'autres auteurs s'efforcèrent
d'y rechercher les traces de la matière médicale antique,
et appuyèrent sur cette frêle base les fondements de la science
moderne des végétaux. Plus tard, Tournefort
et Sibthorp entreprirent de longs voyages pour retrouver sur les lieux
mêmes les plantes décrites par Dioscoride, et réussirent
difficilement à en déterminer un petit nombre d'une manière
absolue. Le dernier, et peut-être le plus heureux de ses commentateurs,
fut le savant Kurt Sprengel, qui, toutefois, confesse souvent son incertitude
et le mauvais résultat de ses efforts à ce sujet.
(P.-A. Cap / Dr. L. Hn).
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Dioscoride est aussi le nom d'un poète grec de la période alexandrine, auteur d'épigrammes qu'on trouve dans l'Anthologie Palatine. Nous avons de lui trente-neuf morceaux. On croit qu'il vivait au Ier siècle av. J.-C. | ||
Un autre Dioscoride
est un des rares graveurs en pierres fines
dont l'Antiquité ait conservé le nom. Il vivait à
Rome sous Auguste. Ce fut lui qui grava le cachet
impérial avec le portrait d'Auguste. Son nom se lit sur un certain
nombre d'intailles; mais la signature n'est pas toujours authentique.
Ses deux fils, Erophilos et Eutychès, pratiquèrent aussi avec succès à Rome la gravure en pierres fines (Suétone, Auguste, 50; Pline, Histoire naturelle, XXXVII, 9). |
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Enfin, Dioscoride de Samos est un artiste en mosaïques; on a retrouvé à Pompéi une mosaïque signée de son nom et représentant une scène de danses orientales (Museo borbonico, IV 34). |
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