.
-

Auguste
Octave Auguste
Aperçu Octave, le caméléon Constitution d'Auguste Administration intérieure Provinces et guerres
Auguste, C. Julius Caesar Octavianus Augustus, connu d'abord sous le nom d'Octave, premier empereur romain. - Fils de Caius Octavius, mort en 58, préteur en 61, il est né à Rome, près du Palatin, le 23 septembre 63 av. J.-C. (an 691 de Rome), mort à Nole, dans la soixante-seizième année de sa vie, le 19 août 14 ap. J.-C. (an 767 de Rome). Ses premiers noms furent Caius Octavius, Caii filius, Caii Nepos. Il perdit son père à l'âge de quatre ans, fut élevé dans la maison de sa grand-mère Julia, eut pour tuteur G. Toranius. Il plut à Jules César son grand-oncle, qui se chargea de son éducation. Le 18 octobre 48, Octave  prit la robe virile, et il n'avait que 18 ans quand il apprit à Apollonie en Illyrie, où il étudiait l'éloquence, que César avait été assassiné. Il vint à Rome se faire restituer la succession de son père adoptif, dont Antoine s'était emparé, et accepta du sénat la mission de marcher, avec les deux consuls Hirtius et Pansa, contre Antoine qui occupait Modène, et qu'il força à passer les Alpes. Mais, il comprit qu'on ne les mettait aux prises que pour les affaiblir l'un par l'autre. Octave et Antoine s'entendirent pour former, avec Lépide, un célèbre triumvirat (43 av. J.-C.). Ils commencèrent par proscrire impitoyablement tous leurs ennemis (Octave abandonna même Cicéron à la vengeance d'Antoine); puis ils marchèrent contre les restes du parti républicain, et défirent à la bataille de Philippes' Brutus et Cassius qui étaient à la tête de ce parti (42).

Bientôt Octave dépouilla l'incapable Lépide de l'Afrique, et ne lui laissa que le titre de grand pontife. Un nouveau partage du monde romain assigna l'Occident à Octave, et l'Orient à Antoine. Après plusieurs ruptures et après plusieurs raccommodements passagers, dont le dernier eut pour gage le mariage d'Octavie, soeur d'Octave, avec Antoine, la liaison de ce dernier avec Cléopâtre VII, la reine d'Égypte, fut le prétexte pour les deux rivaux de se faire enfin la guerre ouvertement. Octave remporta sur Antoine une victoire décisive près d'Actium (31). Il fit ensuite voile vers l'Égypte, où le général vaincu s'était réfugié avec Cléopâtre, prit Alexandrie, força son ennemi à se donner la mort, et réduisit le pays en province romaine.

En 29, Octave revint à Rome triomphateur de l'Orient, et se proclama imperator (= chef de l'armée). Il reçut du sénat le titre d'Auguste en  27. Il se fit  également donner le pouvoir proconsulaire, l'autorité tribunitienne, le consulat à vie, et rétablit ainsi sous un autre nom le gouvernement monarchique. Parvenu au but de son ambition, il feignit de vouloir renoncer à la puissance souveraine, pour se faire prier de la conserver. De grandes réformes s'accomplirent. L'empereur s'entoura d'une garde, les prétoriens, qui devaient jouer un rôle important dans les révolutions de l'empire; une garde urbaine, commandée par un préfet de ville, fut instituée; les vigiles veillèrent à la sécurité de Rome pendant la nuit et aux incendies; un praefectus annonae approvisionna de blé Rome et l'Italie; un collège de magistrats, sorte de ministère des travaux publics, fut chargé de l'édilité publique, des aqueducs, etc. L'Italie était organisée de même. Les provinces furent l'objet d'une réforme capitale. L'armée devint permanente. Une sorte de budget de l'empire fut établi. Les postes furent instituées pour le service de l'État. Des lois nouvelles favorisèrent le mariage, punirent l'adultère; la religion fut remise en honneur; l'agriculture encouragée. A défaut de génie, Auguste avait l'art de choisir ses collaborateurs. Les principaux furent : Agrippa, M. Valerius Messala, général; Asinius Pollion, Antistius Labéon, etc.

Auguste mena quelques guerres qui étendirent la puissance de Rome sur une grande partie de l'Europe et du Proche-Orient. Il acheva de pacifier l'Espagne; surtout, il eut à lutter contre les Germains. Drusus et Tibère, fils de Livie, épouse d'Auguste, guerroyèrent sur le Rhin et le Danube. Sur le Rhin, Varus subit une des pires déroutes qu'ait éprouvées l'armée romaine. Plus de trois légions furent massacrées. Tibère empêcha les barbares de profiter de la victoire, mais ne put venger Varus. Après s'être fait rendre par les Parthes les aigles enlevées à Crassus, avoir soumis une partie de l'Arabie et avoir reculé jusqu'à l'Elbe la frontière romaine, il ferma le temple de Janus (1 av. J.-C.). 

Rome fut transformée. D'une ville de briques, Auguste s'enorgueillissait d'avoir fait une ville de marbre. Arts et lettres brillaient du plus vif éclat, mais tout le faste était réservé à l'État; Auguste menait la vie la plus simple, sinon la plus réglée. Il vieillit au milieu des deuils et des difficultés de famille. Successivement il perdit tous les siens : Marcellus, Agrippa, Drusus, etc. Auguste, comme Louis XIV, survécut à la génération qui avait fait sa grandeur et qui avait peiné pour lui. Il ne lui resta qu'un petit-fils, enfant d'Agrippa; il l'adopta ainsi que Tibère, à condition que celui-ci adoptât Germanicus, fils de Drusus. C'était établir l'hérédité. Il avait dû exiler pour ses débordements sa fille Julie, le seul enfant qui lui restât de ses trois mariages. A cet exil est lié obscurément l'exil d'Ovide. Les dernières années de sa vie et de son règne furent malheureuses pour Auguste. Aux désastres, à l'arrêt subi par les conquêtes, aux scandales de sa maison, s'ajoutèrent les  murmures du peuple, l'hostilité des sénateurs, le silence des poètes. Mais il voulut travailler jusqu'au bout, et il conserva jusqu'à l'heure finale la plénitude de son intelligence et l'extraordinaire énergie de sa vie.

Ce fut pendant un voyage d'inspection en Campanie qu'il fut atteint par la maladie. Ce fut à Nole qu'il s'alita, dans la modeste demeure où était mort son propre père. Tibère, mandé aussitôt par son père adoptif, reçut, dans une longue et secrète conférence, les suprêmes conseils. Puis, quand il fallut mourir, Auguste se prépara tranquillement à son rôle :

« Il se fit apporter un miroir, arranger la chevelure et réparer le teint. Il reçut ses amis, il leur demanda s'il paraissait avoir bien joué le drame de sa vie, et y ajouta cette finale : « S'il vous a plu, applaudissez. » Puis il congédia son monde, demanda quelques renseignements aux personnes qui arrivaient de Rome sur la maladie de la fille de Drusus. Et tout à coup il mourut dans les bras de Livie, en lui disant : Livia, nostri conjugiimemor vive, ac vale ». (Suétone, § 100).
C'était le 19 août de l'an 14, à trois heures après midi. Auguste avait soixante-seize ans moins trente-cinq jours. On lui rendit des honneurs divins, et l'on crut voir, sur son bûcher, son image s'élever du milieu des flammes pour gagner le ciel. Il fut enterré entre les bords du Tibre et la voie Flaminienne, sous un mausolée dont on peut encore voir les restes. Tibère et Drusus firent son oraison funèbre. 
-
Octave Auguste
Octave Auguste

Cet homme extraordinaire, qui a créé la monarchie romaine à l'intérieur et l'empire romain à l'extérieur, qui a pour ainsi dire posé et fixé la marche de l'histoire pour une portion importante de l'humanité, pendant six siècles, est tout aussi intéressant et étrange dans la vie privée. Il semble bien, malgré les beaux éloges et les touchantes paroles qu'il a su provoquer de la part d'Horace et de Virgile, malgré les phrases à effet et les déclamations sentimentales dont il ne se priva guère, que le fond, chez lui, devait être d'une sécheresse, d'une froideur effrayante; que tout, dans sa vie, dans ses actes, dans ses paroles, devait être pesé, mesuré, calculé : qu'il n'y eut pas, dans toute sa conduite, la moindre part laissée à l'instinct, au sentiment, à l'impulsion du moment, au penchant du coeur. Tout fut calculé et raisonné : Auguste est peut-être, de tous les hommes de l'Antiquité, celui qui a le moins connu ce qui était faiblesse et sentiments de l'honneur. Du reste, cela s'explique quand on songe que, dès l'âge de dix-huit ans, il se montra étonnamment mûr pour le rôle le plus difficile qu'on put imaginer, qu'il triompha dès lors de tous les obstacles et se joua de tous les hommes, qu'à vingt ans il n'avait plus de scrupules et était déjà un des maîtres du monde, et que pendant cinquante ans il appliqua au gouvernement  toutes les ressources d'une intelligence d'élite, d'une volonté de fer, tous les moments de sa vie et toutes les pensées de son âme. 

On a vanté l'excellence de sa conduite et l'austérité de ses moeurs. S'il divorça d'avec Scribonia, sa seconde femme (la première fut Claudia, belle-fille d'Antoine, qu'il abandonna, encore nubile, lorsqu'il se brouilla avec Julia), ce fut, écrivit-il lui-même, à cause de ses mauvaises moeurs (il épousa alors Livie, déjà mère de Tibère et de Drusus, qu'il sépara de son mari Tiberius Néron). Quand il s'aperçut en l'an 6 (Tillemont) des déportements de sa fille Julie (alors mariée, pour la troisième fois, à Tibère), la honte l'obligea à se cacher plusieurs jours; il écrivit une lettre d'excuses au Sénat; il déclara qu'il aurait préféré voir sa fille pendue; il l'exila dans l'île de Pandataria, où elle fut traitée avec la dernière rigueur. Dix ans après, sa petite-fille Julie suivant l'exemple de sa mère, il dut la reléguer elle aussi, et il refusa de reconnaître son enfant; son troisième petit-fils, Agrippa, dut être également exilé (La Gens Julia). Toutes les fois qu'Auguste entendait parler de sa fille et de ses deux petits-enfants, il les nommait ses trois plaies et ses trois cancers, et il supporta plus tristement leur déshonneur que leur mort. Était-ce amour réel ou politique de souverain?

L'homme qui avait fait une loi contre les adultères, ne pouvait-il pas être affligé autrement que comme père du triomphe de l'adultère dans sa propre maison? - De méchants bruits ont couru à la honte d'Auguste : il sut, dit-on, les dissiper promptement :

« Il aimait surtout les vierges et Livie continuait à lui en procurer de toutes parts », dit Suétone
Cela paraît vrai, mais ce qui ne l'est pas moins, toujours au dire du même écrivain, c'est que sa vie afficha toujours une grande chasteté. Explique qui voudra toutes ces contradictions. Comme tous les souverains acharnés au travail, comme César, comme Tibère, Auguste a dû avoir des élancements terribles de débauche, qu'il pouvait satisfaire et qu'il satisfit, mais en veillant avec le plus grand soin à dissimuler une conduite qui allait à l'encontre de ses lois et de sa politique de retour aux vieilles moeurs. 

De la bonté d'âme, il paraît impossible d'en reconnaître la moindre trace chez le meurtrier de Cicéron, et le vainqueur de Pérouse

« Il fut clément, dit Sénèque, mais après le massacre. »
Il pardonna à Cinna, mais quand il jugea la clémence plus utile que la cruauté. Toute douceur chez lui était voulue, toute modération politique et nécessaire. « Il eut toujours horreur du nom de maître  », dit Suétone, mais le nom de maître (dominus) était contraire au principe de sa monarchie. Il fut toujours d'une politesse et d'une courtoisie parfaites envers les sénateurs et les membres du gouvernement. La simplicité de sa vie et de sa maison était proverbiale. 
« Toutes les fois qu'il assistait aux comices pour la création des magistrats, il parcourait les tribus avec ses candidats en faisant les supplications d'usage. Lui-même, il votait dans les tribus, comme un simple citoyen. Lorsqu'il était témoin dans les affaires judiciaires, il souffrait très patiemment qu'on l'interrogeât ou qu'on le réfutât. Jamais il ne recommandait ses fils au peuple romain, sans ajouter : « s'ils le méritent ».
Sa politique en matière littéraire est connue. On sait comme il protégea Horace, Virgile, Tite-Live : il est vrai qu'il trouva dans ces écrivains des instrumenta regni. Poètes et historiens ont été pour Auguste des collaborateurs. Tous leurs écrits tendent à montrer l'avènement du premier empereur comme le couronnement logique et fatidique de l'histoire de Rome, à retrouver dans cette histoire la prédestination divine qui la conduira fatalement à Auguste, marqué du doigt des dieux, dès l'origine de Rome, pour clore le développement de la cité. Vous trouverez ce sentiment à chaque vers, dans les odes d'Horace, dans les oeuvres de Virgile et d'Ovide, qui souvent même se servent des mêmes expressions pour faire l'apothéose d'Auguste, apothéose qui est aussi bien historique que morale.
Hunc saltem everso juvenem succurrere saeclo
Ne prohibele! Satis jampridem sanguine nostro
Laomedoateae luimus perjuria Trojae.
Ainsi pour Virgile, le règne d'Auguste n'est pas seulement le couronnement de l'histoire de Rome, mais même de l'histoire du monde qui commence au siège de Troie pour finir son évolution à la bataille d'Actium.

Du reste, si Auguste protégea toujours la littérature afin de la diriger exactement vers la glorification historique et l'explication philosophique de son règne, il le fit avec une grande habileté, avec une intelligente discrétion, ménageant toujours les susceptibilités d'amour-propre de ceux avec qui il devait compter. Il suffit pour s'en apercevoir de lire l'épître qu'Horace lui adressa. Il ne faudrait pas croire toutefois que les lettres ont joui sous l'empereur Auguste d'une liberté absolue : il y eut toujours une censure théâtrale ( la 10e sat. du 1er livre d'Horace), et, vers la fin de son règne, en présence des scandales qui déshonoraient sa maison et d'un lent réveil des idées républicaines, Auguste se montre juge intraitable même pour les littérateurs. Cassius Severus est exilé; les livres de l'historien Labiénus sont brûlés; Ovide va expier dans un triste exil chez les Sarmates le crime d'« avoir trop vu ».

Auguste lui-même se piquait d'écrire et de chercher. Il composa treize livres de Mémoires, des Exhortations à la philosophie, un poème en vers hexamètres intitulé Sicilia, deux tragédies, Ajaxet Achille, sans parler de ses décrets, de ses édits et de ses constitutions, du résumé des forces de l'empire (breviarium imperii), de l'Index rerum gestarum (monument d'Ancyre), et des papiers que l'on trouva après sa mort. J. A. Fabricius a réuni, en 1727, tous les documents relatifs à l'oeuvre littéraire d'Auguste. Suétone, dans sa Vie d'Auguste (§ 85-89) , nous a rapporté une foule de détails curieux sur les habitudes d'écrire d'Auguste, notamment celle-ci : 

« Loin de suivre exactement les principes et les règles d'orthographe établis par les grammairiens, il paraît avoir été plutôt de l'avis de ceux qui pensent qu'on doit écrire comme on parle. »
Auguste avait une physionomie régulière, froide, mais fort belle. 
« Sa beauté, dit Suétone (§ 79),  traversa les divers degrés de l'âge ( le buste d'Octave jeune au Louvre), en se conservant dans tout son éclat, quoiqu'il négligeât les ressources de l'art [...]. Il avait toujours le visage calme et serein. Auguste avait les yeux vifs et brillants : il voulait même que l'on crût qu'il les tenait de la puissance divine [...]. Son oeil gauche s'affaiblit dans sa vieillesse. Ses dents étaient écartées, petites et inégales, ses cheveux légèrement bouclés et un peu blonds, ses sourcils joints, ses oreilles de moyenne grandeur, son nez aquilin et pointu, son teint entre le brun et le blanc. Il avait la taille courte ( l'Auguste à la cuirasse, du Vatican); mais ses membres étaient si bien faits, si bien proportionnés, qu'on ne pouvait s'apercevoir de son exiguïté qu'auprès d'une personne plus grande. »
Malgré les honneurs officiels qui lui furent rendus après sa mort, le peuple ne fut pas unanime à louer sa mémoire. Les jugements les plus divers furent portés sur lui à Rome. On en fit le meilleur des citoyens et le plus désintéressé des hommes : on en fit aussi un hypocrite consommé, ennemi du bien public. Auguste n'a été ni l'un ni l'autre, ou plutôt à la fois l'un et l'autre. Il a eu un double but dans sa vie, constitution de la monarchie, constitution de l'empire : il y a marché dès le premier jour, fermement, sans hésitation, ne reculant devant aucun moyen, tour à tour vertueux et cruel, désintéressé et avare, hypocrite et droit suivant  l'intérêt de son oeuvre. Cette oeuvre, il l'a parfaitement achevée, établie pour des siècles, Par elle, il a donné à une partie du monde des années de paix et de prospérité. Sans Auguste, nous n'aurions pas eu Marc-Aurèle ou Julien. Julien détestait l'homme, il n'a pu s'empêcher d'admirer l'oeuvre de cet empereur, dont la vision politique, quatre siècles après sa mort, guidait encore la marche du monde romain. (Camille Jullian / NLI / B.).

-

Auguste
Auguste.
.


Dictionnaire biographique
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004 - 2007. - Reproduction interdite.