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Les
Ardéidés sont une famille d'échassiers
que l'on range dans l'ordre des Ciconiiformes. Elle rassemble les
Hérons proprement et leurs proches parents
: les Aigrettes, les Butors,
les Bihoreaux, les Garde-boeufs, etc. Ces Oiseaux
ont le bec long, droit ou très faiblement
recourbé, mais toujours robuste et acéré. Leur cou
est grêle et susceptible de se replier en S, de manière à
ramener la tête entre les épaules. Leurs tarses
sont garnis, en avant, de plaques cornées plus ou moins larges,
et leurs doigts, relativement allongés, sont armés d'ongles
recourbés. Les ailes sont pointues, la seconde
et la troisième rémiges ou,
plus rarement, la troisième et la quatrième, dépassant
toutes les autres, et la queue est formée de dix ou, plus souvent,
de huit rectrices d'égale longueur. La livrée
est de couleur variable suivant les espèces, et se fait remarquer
fréquemment par la présence de longues plumes
effilées sur le derrière de la tête et sur la poitrine,
et de plumes très légères et décomposées
de chaque côté du dos.
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Un
Grand Héron bleu (Ardea herodias). Photo
: Lee Karney.
Les Ardéidés
se rencontrent dans toutes les parties de la Terre,
l'extrême Nord et l'extrême Sud exceptés. Dans la zone
tempérée, ils sont nombreux; mais dans les régions
tropicales, ils constituent la majeure partie de la population ailée
des marais et des cours d'eau.
Ils se nourrissent de petits Mammifères,
de Reptiles, de Batraciens,
de Mollusques, de vers et d'Insectes
aquatiques. Doués d'une patience extraordinaire, ils passent souvent
plusieurs heures à guetter leur proie, dans un état d'immobilité
presque absolue, attendant l'occasion propice pour darder leur bec pointu
sur l'animal qu'ils convoitent. Les uns, et c'est le plus grand nombre,
chassent pendant la journée, tandis que les autres circulent au
milieu des ténèbres et ces derniers, fait digne d'être
noté, se reconnaissent presque toujours à leur livrée
brune ou rousse, marquée de flammèches noires comme le plumage
des oiseaux de nuit.
Classification
La famille des Ardéidés
se divisent en quatre sous-familles, entre lesquelles se distribuent 19
genres, comme le montre le tableau ci-dessous. On notera que la nomenclature
traditionnelle (Hérons, Aigrettes, etc.) ne recouvre pas exactement
les divisions imposées par les classifications contemporaines. Les
différences sont d'ailleurs de peu d'importance, ces Oiseaux formant
un groupe très homogène.
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Ardéinés |
Aigrettes |
Egretta
Ardesiaca (Aigrette ardoisée ou Héron noir); E. caerulea
(A. bleue); E. dimorpha (A. dimorphe); E. eulophotes (A. de Chine); E.
garzetta (Petite A. ou A. garzette); E. gularis (A. à gorge blanche);
E. intermedia (A. ou Héron intermédiaire); E. novaehollandiae
(A. à face blanche); E. picata (A. ou Héron pie); E. rufescens
(A. roussâtre ou A. rouge); E. sacra (A. sacrée ou A. du Pacifique);
E. thula (A. neigeuse); E.tricolor (A. tricolore); E. vinaceigula (A. vineuse). |
Hérons |
Hérons
vrais
Grand
Hérons : Ardea alba (Grande
Aigrette, Héron argenté, H. blanc ou H. noble); A. cinerea
(H. cendré); A. cocoi (H. cocoi); A. goliath (H. goliath);
A. herodias (Grand H. ou Grand H. bleu); A. humbloti (H. de Humblot); A.
insignis (H. impérial ou Héron à ventre blanc); A.
melanocephala (H. mélanocéphale ou H. à tête
noire); A. pacifica (H. à tête blanche ou H. du Pacifique);
A. purpurea (H. pourpré); A. sumatrana (H. typhon, H. à grand
bec ou H. de Sumatra).
Butorides
striatus (H. strié); B. sundevalli (H. des Galapagos); B. virescens
(H. vert).
Pilherodius
pileatus (H. coiffé).
Syrigma
sibilatrix (H. siffleur ou H. flûte-du-soleil)
Crabiers
(ou Hérons des marais)
Ardeola
bacchus (Crabier chinois); A. grayii (C. de Gray ou C. indien); A.
idae (C. blanc ou C. malgache); A. ralloides (C. chevelu); A. rufiventris
(C. à ventre roux); A. speciosa (C. malais ou C. javanais)
Garde-boeufs
Bubulcus
ibis (Héron garde-boeufs); B. coromandus (G.-b. d'Asie)
Bihoreaux
(Hérons nocturnes)
Gorsachius
goisagi (Bihoreau goisagi ou B. japonais); G. leuconotus (B. à dos
blanc); G.magnificus (Bihoreau superbe ou B. à oreilles blanches);
G. melanolophus (B. malais)
Nyctanassaviolacea
(B. violacé ou B. à couronne jaune)
Nycticorax
caledonicus (B. cannelle); N. nycticorax (B. gris ou B. à couronne
noire) |
Tigrisomatinés
(Hérons
tigres
et
apparentés) |
Hérons
tigres (Onorés)
Tigrisoma
fasciatum (Onoré fascié); T. lineatum (O. rayé); T.mexicanum
(O. du Mexique ou Héron à gorge nue).
Tigriornis
leucolopha (O.à huppe blanche)
Agamia
agami (O. agami)
Zonerodius
heliosylus (O. phaéton ou Héron de forêt). |
Cochlearinés |
Savacous |
Cochlearius
cochlearius (Savacou huppé ou Savacou crabier) |
Boturinés |
Butors |
Zebrilus
undulatus (Butor zigzag ou Héron zigzag)
Butors
bruns
Botaurus
poiciloptilus (Butor d'Australie); B. stellaris (B. eurasiatique); B. lentiginosus
(B. américain); B. pinnatus (B. mirasol).
Blongios
Ixobrychus
cinnamomeus (Blongios cannelle); I. eurhythmus (B. de Schrenck); I. exilis
(Petit B.); I. involucris (B. varié ou B. à dos rayé);
I. sinensis (B. de Chine ou B. jaune); Blongios
nains : I. minutus (B. nain) et I. sturmii
(B. de Sturm).
Dupetor
flavicollis (Blongios à cou jaune ou Butor noirs). |
Les Aigrettes.
Les Aigrettes
doivent leur nom aux plumes grêles et allongées qui
chaque année ornent leurs épaules du printemps
à l'automne; ces plumes sont très
recherchées comme parures, pour panaches et aigrette. La Petite
Aigrette, moitié moindre que le Héron, et la Grande
Aigrette, plus grande, sont toutes blanches; on les trouve en Europe.
La Grande Aigrette est aujourd'hui classée dans le genre Ardea,
comme les Hérons vrais; les autres Aigrettes forment le genre Egretta.
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Une
Grande Aigrette (Ardea alba), aujourd'hui classée parmi les
Hérons vrais.
Les Hérons.
Les Hérons
se distribuent dans treize genres, eux-mêmes appartenant à
deux sous-familles : les Ardéinés (où l'on trouve
aussi, comme on l'a dit, la Grande Aigrette) et les Tigrisomatinae (Hérons-Tigres
ou Onorés). Parmi les Ardéinés on peut distinguer
notamment :
Les
Hérons vrais.
Les Hérons vrais (genres Ardea,
Butorides, Pilherodius et Syrigma) ont le
cou très grêle, garni vers le bas de longues plumes pendantes;
la principale espèce est le Héron cendré (Ardea cinerea),
cendré bleuâtre, une huppe noire à l'occiput
(environ 1 mètre de long, de l'extrémité du bec à
celle de la queue). Cet Oiseau d'un aspect chagrin reste des heures entières
au bord de l'eau, immobile, dressé sur un seul pied, le corps presque
droit, le cou replié sur la poitrine. De temps en temps ce grand
amateur de Poisson entre dans l'eau à
mi jambe, la tête baissée, et lance subitement sur sa proie
son bec acéré comme un harpon. Le jour il se tient isolé,
à découvert sur le rivage; la nuit il se retire dans les
bois élevés. Il construit au haut
des grands arbres un nid
ou aire formé de menu bois et y dépose 3 ou 4 oeufs d'un
beau vert de mer, longs de 7 cm. Le Héron change souvent de pays,
mais sans faire de migrations régulières.
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Un
Héron bleu (Ardea herodias) avec un poisson dans son bec.
Photo : Franck Miles.
Les
Crabiers.
Les Crabiers (Hérons des marais)
sont les plus petits des Hérons, ils ont les pieds courts; le Crabrier
de Mahon (A. comata, Gm.) à dos brun roussâtre, ailes, ventre
et queue blancs, long de 0,43 m, est du midi de l'Europe. Ces Oiseaux forment
le genre Ardeola.
Les
Garde-boeufs.
Les Garde-boeufs sont des Hérons
de petite taille et à plumage blanc,
un peu varié de roux. Porcheron a fait le Héron ibis
(anc. Ardu ibis Hasseley) le type du genre Bubulcus. Ce nom de Garde-boeuf,
comme celui de Bubulcus, fait allusion aux moeurs de l'oiseau que l'on
voit en Egypte circulant au milieu des troupeaux
de Buffles ou même perché sur leur dos et les débarrassant
de leurs parasites.
Les
Bihoreaux.
Les Bihoreaux
(Hérons Nocturnes) ont quelques plumes noires implantées
dans l'occiput. Trois genres : Gorsachius, Nyctanassa
et Nycticorax. Le Bihoreau d'Europe (Nycticorax) est un genre dont
le mâle est blanc, avec une calotte et le dos noirs, il a environ
0,54 m.
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Un
Bihoreau gris ou Bihoreau à couronne noire (Nycticorax nycticorax).
Photo : Gary Stolz.
Les Savacous.
Les Savacous ont le bec
plus long que la tête, très large, évasé, à
crête dorsale, arrondi et terminé par un crochet à
son extrémité, à bords tranchants, avec un sillon
profond des narines à la pointe. La mandibule
inférieure est membraneuse dans son milieu. Les ailes
sont amples et dépassent la queue qui est assez courte; les tarses
sont de la longueur du doigt médian, aréolés,
les doigts antérieurs soudés à leur base, le pouce
allongé, portant en entier sur le sol.
L'unique espèce,
le Savacou crabier (Cochlearius cochlearius),
est un Oiseau de la taille d'une Poule, blanc avec le dos gris, le ventre
roux, une calotte noire et une longue huppe chez le mâle. Il habite
les Guyanes et le Brésil, au bord des fleuves,
et se nourrit de Poissons, de Crabes et de Mollusques, qu'il guette en
se tenant perché sur les arbres de la rive, et dont son large bec
lui facilite la capture.
Les Butors.
Les Butors ont
un cri qui rappelle le mugissement du taureau, mais plus intense et plus
perçant (d'où lui vient son nom du latin bos taurus);
c'est au printemps, le matin et le soir, que le Butor fait entendre cinq
ou six fois de suite ce cri terrible et effrayant qui, répété
par les échos des bois, va retentir à plus de 2 kilomètres;
si l'on joint à cela ses habitudes solitaires au milieu des marais
où, caché dans les roseaux, il guette les petits poissons,
les grenouilles et autres petits animaux aquatiques, sa sauvagerie et sa
défiance pour se soustraire à l'oeil de l'humain, le courage
presque brutal qu'il déploie lorsqu'il est attaqué, se défendant
contre les oiseaux de proie, contre les chiens, et même contre les
chasseurs qu'il attaque avec son bec pointu, et qu'il semble toujours viser
aux yeux, on comprendra le sens de l'épithète de butor donnée
à un homme grossier et brutal.
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Un
Butor d'Amérique (Botaurus lentiginosus).
Photo : Sallie Gentry.
Caractères : Ies plumes du cou lâches
et écartées; le plumage ordinairement tacheté ou rayé;
du reste, le bec assez court, aigu, la jambe emplumée, les tarses
gros et robustes.
Le
Butor zigzag.
Le Butor commun, Butor d'Europe ou Butor
Zigzag (Zebrilus undulatus) a environ 0,75 m de long; il est d'un brun
fauve, tacheté et pointillé de noirâtre, le sommet
de la tête noir, de larges moustaches de la même couleur, le
bec et les pieds verdâtres; le fond du plumage est légèrement
varié de jaune ferrugineux, de lignes et de traits noirs en zigzags,
les plumes du cou sont longues et bien fournies, ce qui fait qu'il paraît
beaucoup plus gros qu'il ne l'est réellement; le cri ordinaire du
Butor est beaucoup moins fort et moins retentissant que celui qu'il fait
entendre au printemps et dont nous avons parlé.
Cet Oiseau se tient dans les roseaux, au
bord des marais solitaires, où il passe des jours entiers, levant
de temps en temps sa tête pour voir ce qui se passe autour de lui;
il fait son nid au milieu des roseaux, presque sur l'eau. La femelle y
pond de trois à cinq oeufs, et l'incubation
dure de vingt-quatre à vingt-cinq jours. On le trouve en France,
en Suisse, en Angleterre
et dans tous les pays coupés de marais, où il peut trouver
la solitude.
Les
Blongios.
Les Blongios
sont des Butors de faible taille, avec un bec allongé, des jambes
médiocrement longues, emplumées jusqu'à l'articulation
tibio-tarsienne; des ailes relativement longues, et dont la deuxième
rémige est la plus grande; une queue courte, à pennes
très peu résistantes; un plumage peu abondant, dont la couleur
varie suivant l'âge et le sexe, tels sont les caractères de
ce genre, que représente en Europe le Blongios
nain (Ixobrychus minutus).
Caractères
Les Ardéidés
sont de grands Oiseaux singulièrement
conformés. Ils ont le corps mince, très comprimé latéralement;
le cou long et mince, la tête petite, étroite, aplatie, le
bec plus long que la tête, assez fort, droit, très comprimé,
à arête étroite, à bords buccaux peu rentrants
et tranchants, dentelé à la pointe, recouvert d'une masse
dure, cornée dans toute son étendue, sauf à la région
nasale, des tarses de moyenne hauteur; des doigts long; l'ongle du doigt
médian finement dentelé sur son bord interne; les ailes
longues et larges, obtuses, les deuxième, troisième et quatrième
rémiges étant à peu près égales entre
elles; la queue courte, arrondie, formée de dix à douze pennes;
le plumage mou, lâche, très
abondant, à teintes variées, agréables sans être
très vives; les plumes du haut de la tête, du dos et du haut
de la poitrine souvent très longues, parfois ébarbées.
De chaque côté du corps, au pli de l'aile, sur les côtés
du thorax, et sur les flancs au voisinage du sacrum,
se trouvent deux espaces couverts d'un duvet soyeux ou floconneux, jaune-clair
ou blanc-jaunâtre. Les deux sexes diffèrent
légèrement par la taille. Le plumage des jeunes est un peu
moins beau que celui des adultes.
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Un
Héron bleu en vol. Photo : George Gentry.
Le squelette
est remarquable par la sveltesse des os du cou, des
côtes et des membres posté rieurs;
le crâne par sa forme allongée rappelle
celui du martin-pêcheur; la boîte crânienne est basse,
peu bombée; la crête occipitale saillante , le trou occipital
grand; la cloison inter-orbitaire perforée; l'ethmoïde
petit; l'os lacrymal très grand; l'os carré présente
quatre facettes pour son articulation avec le maxillaire
inférieur. La colonne vertébrale
comprend de seize à dix-neuf vertèbres
cervicales, étroites, allongées; de huit à neuf dorsales,
soudées ensemble, et dont la dernière est soudée aux
vertèbres lombaires; de sept à neuf coccygiennes, petites
et faibles. Sur les huit à neuf paires de côtes, les trois
premières sont des fausses côtes; cinq ou six sont osseuses.
Le sternum est faible, quadrangulaire, très
long; le bréchet est haut, recourbé en arc. Les deux clavicules
se joignent par leur extrémité interne et inférieure;
la fourchette, étroite, peu écartée , offre une longue
apophyse impaire au point de réunion
des deux branches, et dirigée en haut; les omoplates
sont étroites, pointues, un peu recourbées; l'humérus
est plus long que l'omoplate. L'avant-bras est plus long que l'humérus,
et la main plus courte que le même os. Le
bassin est étroit; dans les membres
postérieurs, la jambe forme le segment
le plus long; les articulations métatarsiennes du doigt postérieur
et du doigt antérieur et interne se touchent.
La langue
est très longue, étroite, pointue, à bords tranchants,
molle; le noyau de la langue est cartilagineux, presque aussi long que
la langue elle-même. L'oesophage, dépourvu
de jabot, forme avec le ventricule succenturié
et l'estomac une seule longue poche allongée,
sans divisions bien apparentes à l'intérieur; à côté
de l'estomac, à parois minces, est un estomac accessoire. L'intestin
a de dix à douze fois la longueur du tronc; il y a un seul caecum
petit.
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Un
Héron garde-boeuf. Photo : © Serge
Jodra,, 2018.
Comportement
Les Ardéidés
appartiennent, en Europe, à la catégorie
des oiseaux migrateurs, et la plupart d'entre eux se rendent, à
l'approche de l'hiver, dans les contrées
méridionales, principalement dans le centre et le Nord-Est de l'Afrique;
mais dans les pays chauds, ces Oiseaux sont généralement
sédentaires. On trouve les Ardéidés depuis la côte
jusqu'au haut des montagnes, mais toujours auprès
de l'eau. Quelques espèces semblent préférer la mer;
d'autres les fleuves, d'autres encore les marais; les unes recherchent
les lieux découverts, les autres les forêts
et les fourrés.
Les rassemblements
nombreux qu'ils forment offrent un spectacle curieux, donnent lieu à
bien des observations. Les Ardéidés peuvent prendre les postures
les plus singulières; ils sont assez agiles. Dans leurs allures
se reflètent leurs moeurs. Leur démarche est lente, inquiète;
leur vol n'est pas maladroit, mais uniforme
et mou, et n'est pas à comparer à celui de la Cigognes
ou de l'Ibis. Ils peuvent grimper avec agilité le long des roseaux
et dans les arbres; mais ils le font avec une maladresse
manifeste; ils nagent, mais mal.
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Un
couple de Hérons, en Oregon. Photo : D.
Marshall.
De leurs sens,
la vue est le plus parfait; leur oeil, beau, de
couleur claire, a quelque chose de rusé, et les moeurs des Ardéidés
ne démentent pas l'expression de cet organe. De tous les oiseaux
de marais, ce sont les plus agressifs. Ils vivent
souvent en grandes troupes, sans être pour cela des oiseaux sociables.
Ils craignent les animaux plus forts qu'eux,
et les évitent en prenant la fuite ou en se cachant; tandis qu'ils
se montrent meurtriers, sanguinaires, querelleurs vis-à-vis de plus
faibles qu'eux.
Ils se nourrissent
surtout de Poissons. Les petites espèces
sont principalement insectivores; mais pour tous, grands et petits, toute
proie dont ils peuvent se rendre maîtres est bonne. Ils mangent aussi
de petits Mammifères, de jeunes Oiseaux,
des Reptiles de toute espèce, des Mollusques,
des vers, des Crustacés.
Leurs longs doigts,
leur corps léger, leur permettent de marcher sur la vase la plus
fluide, de fouiller ainsi tous les cours d'eau. Ils surprennent leur proie.
Le cou rentré, la tête reposant sur les épaules, la
mandibule inférieure sur la partie
antérieure du cou, ils pénètrent dans l'eau, s'avancent
lentement et silencieusement, prêtent une oreille attentive et défiante
à tous les bruits qui se produisent; ils inspectent l'eau; puis,
tout à coup, prompts comme l'éclair, leur cou se détend,
s'allonge, et leur bec va frapper une proie.
Parfois un Ardéidé
demeure plusieurs minutes immobile à la même place, plongé,
dirait-on, dans la quiétude la plus complète; il ne semble
pas s'inquiéter de ce qui l'entoure; on le croirait endormi du plus
profond sommeil; mais que quelque proie vienne à se montrer, un
Poisson, un Batracien, un petit Mammifère, un Oiseau , aussitôt
son bec part et va transpercer sa victime. Cette attaque ressemble à
celle des Serpents; elle s'opère avec
la même sûreté, la même promptitude, la même
ruse.
C'est de cette façon
aussi que les Ardéidés se défendent contre leurs ennemis.
Ils cherchent en fuyant à se dérober à leur poursuite;
mais se voient-ils serrés de près, ils se retournent et dirigent
leurs coups furieux contre les yeux du poursuivant : ils sont donc très
dangereux.
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Cinq
jeunes hérons verts sur une branche, en Oregon.
Photo : Roy Lowe.
Les Ardéidés
ne se réunissent pas seulement en troupes à l'époque
des migrations, mais qui, même pendant la saison des nids,
constituent des colonies plus on moins
nombreuses. Ils nichent non seulement avec leurs semblables, mais
encore avec d'autres oiseaux. Leurs nids sont grands; ils sont placés
tantôt au milieu des roseaux, tantôt sur des arbres et construits
avec des herbes, des brindilles ou des rameaux grossièrement entrelacés.
Chaque couvée est de trois à six oeufs,
unicolores, d'un blanc ou d'un bleu verdâtre. La femelle couve seule;
pendant ce temps, le mâle la nourrit. Les jeunes restent au nid jusqu'à
ce qu'ils puissent voler. Après qu'ils ont pris leur essor, les
parents les nourrissent encore pendant quelque temps, puis les abandonnent.
(E. Oustalet / DGS / AE. Brehm).
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Une héronnière
en Hongrie
En Europe, on trouverait
encore çà et là une colonie d'Ardéidés,
une héronnière, et là se trouvent réunies
les espèces les plus variées. C'est un spectacle curieux,
disent tous les auteurs qui en ont été témoins, et
on ne peut mieux faire que de reproduire ici la description que donne Baldamus
d'une héronnière de Hongrie :
« C'est au
commencement de juin; les roseaux ont de six à sept, pieds de haut,
et recouvrent l'eau sombre du marais. Partout où le regard se porte,
il ne rencontre qu'une plaine immense, sans trouver un seul point où
s'arrêter: Mais sur ce fond infini vert et bleu se détachent
des formes superbement variées de blanc, de jaune, de gris et de
noir : les aigrettes, les hérons pourpres, les hérons cendrés,
les bihoreaux, les spatules, les ibis, les cormorans, les sternes, les
mouettes, les oies, les
pélicans. Sur les saules et les peupliers
qui s'élèvent çà et là, nichent les
ardéidés. Une de leurs colonies avait quelque mille pas de
diamètre, et les nids étaient répartis sur cent à
cent cinquante saules; mais plusieurs de ces arbres portaient chacun de
dix à vingt nids. Celui qui a vu une colonie bien nombreuse
de freux, peut se faire une idée d'une héronnière
en Hongrie.
Sur les branches
les plus fortes des saules les plus grands se trouvaient les nids des hérons
cendrés; puis, à côté, souvent bord à
bord, ceux des bihoreaux; des branches plus faibles et plus élevées
supportaient ceux de la garzette et du cormoran nain, tandis que plus bas
étaient les petits nids transparents du blongios. Les bihoreaux
étaient les plus nombreux, puis venaient les garzettes, les hérons
cendrés, et enfin les blongios. Les petits cormorans exceptés,
tous étaient si peu craintifs que, même après plusieurs
semaines de chaste, ils n'avaient pas quitté l'endroit. A chaque
coup de feu, ils s'envolaient, mais pour se percher bientôt après;
souvent même, ils n'abandonnaient pas la place. Restait-on quelques
temps en bateau au-dessous des arbres, tous ces oiseaux commençaient
bientôt leurs manèges, manèges si variés qu'on
ne pouvait se lasser de les contempler.
D'abord, ce sont
les bihoreaux qui descendent du haut de l'arbre à leurs nids; ils
ont à arranger ceci ou cela, à changer la position des oeufs;
ils se retournent de tous les côtés; ils ouvrent largement
leur vaste gorge rouge contre le voisin qui s'approche de trop près,
et font entendre de rauques grincements. Puis viennent les garzettes, au
vol silencieux : l'une apporte dans son bec une brindille sèche,
l'autre saute de branche en branche pour gagner son nid; en même
temps se montrent les beaux crabiers, au plumage roux, au vol léger
comme celui des hiboux; enfin les hérons cendrés, les plus
prudents d'entre eux, apparaissent les derniers. C'est un bruit, un tapage;
ce sont des grincements, des grognements continuels; ce sont des formes
blanches, jaunes, grises, noires, qui tourbillonnent; l'oeil en est ébloui;
l'oreille en est assourdie. Enfin le calme arrive, le bruit diminue. La
plupart des oiseaux sont au repos; les uns courent, les autres montent
la garde près de leur nid; quelques-uns vont et viennent, apportant
de matériaux. Mais, tout à coup, un bihoreau qui s'ennuie
a l'idée de trouver que telle brindille du nid de son voisin serait
mieux dans le sien, et le bruit recommence.
Un nouveau piano
succède; car de silence véritable, il n'y en a pas. Mais
d'où provient ce fortissimo qui s'élève? C'est un
milan, dont l'aire est à cinquante pas
de là, et qui enlève tranquillement, dans chacune de ses
serres, un jeune héron cendré. La mère quitte son
nid; menaçant, grognant, mais elle laisse le ravisseur s'éloigner,
quand d'un seul coup de son bec formidable elle pourrait le mettre à
mort. Quelques bihoreaux poursuivent en criant leur ennemi; mais de nouveaux
cris plus forts les rappellent. Ici une pie, là une corneille ont
profité de leur absence pour enlever quelques oeufs.
Les voisins de l'individu
pillé poussent des clameurs formidables, tandis que d'autres pillards,
mettant à profit le tumulte, se précipitent sur les nids
abandonnés un instant et s'enfuient avec leur proie. Les cris de
vengeance et de douleur retentissent encore, quand on entend un bruissement
: tout se tait aussitôt. C'est le roi des airs, un aigle majestueux
qui plane au-dessus de ce fourré impénétrable. Un
coup de feu retentit sur la rive; toute la colonie, y compris les bihoreaux,
se lève; les hérons se mêlent aux milliers d'oiseaux
qui viennent de quitter la surface de l'eau; épouvantés,
ils tournoient en tous sens, puis se posent de nouveau.
Dans tout le monde
ailé, il n'y a rien de plus mouvementé, de plus agréable
à voir, de plus beau qu'une pareille héronnière. » |
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Grandes
Aigrettes (Ardea alba) en Louisiane. Photo : Steve
Hillebrand.
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