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Les mots bois
et forêt servent à désigner une certaine étendue de terrain
plantée d'arbres; mais, dans le langage ordinaire,
comme dans le langage administratif, on n'applique le nom de forêt qu'Ã
un bois d'une étendue considérable. Pour l'administration, un bois devient
forêt, quand sa superficie excède 5000 hectares.
La répartition géographique des forêts est liée étroitement à la distribution des climats, et particulièrementnt aux conditions de température et d'humidité qu'ils expriment. Car il faut, d'une part, un certain temps à l'arbre pour terminer le cycle de sa végétation, et par là les forêts, colonies d'arbres, sont exclues des régions polaires, où la période de végétation ne peut guère dépasser trois mois et demi; et il lui faut, d'autre part, une quantité considérable et régulière, d'humidité pour assurer sa respiration et la circulation de sa sève; par là encore, les forêts sont exclues des régions à courte saison pluvieuse et à climat ordinairement sec. Les régions forestières par excellence - réduites aujourd'hui par les progrès du déboisement - se trouvent donc en premier lieu dans les régions tempérées des deux hémisphères le plus abondamment et le plus régulièrement arrosées; en Europe, tous les pays atteints par les influences océaniques, et particulièrement le Nord-Est de la France, le plateau schisteux rhénan, où s'étendait jadis la grande forêt de l'Ardenne, les plateaux de l'Allemagne centrale (Forêt-Noire, Franconie, Thuringe), dans la Norvège, la Finlande, la Russie au nord du 55e parallèle et la Sibérie septentrionale. Dans ces forêts apparaissent, selon l'ordre de croissance et de durée des températures de la saison chaude, le pin et le bouleau, le chêne et le hêtre. En Amérique, une zone forestière correspondante existe au Canada et au nord des prairies de l'Ouest du continent nord-américain. Peu nombreuses dans le domaine méditerranéen à climat sec, et reléguées au flanc arrosé des montagnes, les forêts reparaissent, au delà des déserts subtropicaux, alimentées par les régulières et abondantes pluies dites équatoriales. Elles sont composées surtout de laurinées, de guttifères, de palmiers, et encombrées d'une végétation étonnamment luxuriante de lianes' épiphytes. Ce sont les forêts primaires (tropicales et équatoriales), qui couvrent, en Afrique, à peu près toute la surface du bassin congolais (forêt équatoriale ainsi dénommée par deux de ses premiers explorateurs, Stanley et E. Foa), en même temps qu'une longue et étroite bande côtière au nord du golfe de Guinée, et, dans l'Amérique du Sud, le large et humide bassin de l'Amazone et de la Madeira désignées dans la langue du pays sous le nom de selvas. On recontre également des forêts primaires tropicales et équatoriales en Asie du Sud-Est (Indonésie, Péninsule indochinoise). (NLI). Forêts boréales et forêts australes La zone tempérée est surtout caractérisée par les forêts, et elle est développée principalement dans l'hémisphère boréal, dans le nord et le centre de l'Europe et de l'Asie, et dans le nord de l'Amérique du Nord. Dans l'hémisphère austral, l'absence de grands continents, étendus suivant les parallèles, ne laisse constater la présence d'une telle flore qu'à la pointe extrême de l'Amérique du Sud, où elle est surtout caractérisée par des Hêtres (Nothofagus). Le
climat.
Les variations sont d'ailleurs très importantes, aussi bien quand on voyage vers l'est de l'Europe et en Asie que lorsqu'on traverse l'océan Atlantique pour aller dans l'Amérique du Nord. La principale différence qui existe entre l'ouest et l'est de l'Europe, entre le climat de la Bretagne et celui de la Russie du Nord, tient principalement à l'influence de la mer qui se fait fortement sentir dans tout l'ouest de l'Europe, c'est-à -dire dans tous les pays qui sont réchauffés par le Gulf-stream. Ce fait se manifeste par l'avance qui y a lieu dans l'éclosion du printemps. On a dressé des cartes où sont représentées par une teinte uniforme les régions pour lesquelles un phénomène quelconque, par exemple la floraison du Lilas, se produit en même temps. On sait que lorsqu'on se déplace vers le Nord, cette floraison retarde, mais il y a un retard également appréciable quand on se dirige vers l'est de l'Europe. Le retard dans l'éclosion du printemps est, par rapport à Paris, de 13 jours à Bruxelles, de 46 jours à Prague, de 52 jours à Varsovie, de 87 jours à Pulkovo, en Russie. Il est vrai que si, dans ces dernières contrées, la chaleur est lente à venir, une fois qu'elle a commencé, elle progresse avec une très grande rapidité et, vers le milieu de la saison, les fleurs d'été sont fréquemment plus tardives à l'Ouest qu'à l'Est. Le long de l'Atlantique, il règne donc, en Europe occidentale, des températures moins froides pendant l'hiver que dans l'Est; par contre, la sécheresse y est beaucoup moins grande pendant l'été. Ces différences s'exagèrent à mesure que l'on s'avance vers l'est de l'Asie. Si l'on compare maintenant les États-Unis et la France ou l'ouest de l'Europe, on voit que le climat des premiers, malgré des variations, est assez analogue au nôtre, mais les hivers y sont plus rigoureux et les étés plus chauds. A égalité de latitude, il y a uns différence très notable dans l'apparition du printemps. Caractères
généraux de la flore forestière.
Quelles conditions
assignent une limite à cette zone? On pourrait être tenté de penser
que c'est le froid qui est le principal obstacle au développement de la
végétation arborescente dans le Nord. Il ne semble cependant pas qu'il
en soit ainsi, car Verskoïansk, en Sibérie,
point où l'on a observé quelques-unes des températures les plus basses
à la surface du globe (- 64°C) est dans le domaine forestier et non dans
la zone arctique. Le facteur le plus important qui tend à arrêter les
Bouleaux et les Pesses au seuil de la toundra
polaire est surtout le vent. Les tourmentes d'hiver
ont une influence néfaste sur les arbres : elles enlèvent les branches
et les dessèchent. Les froids tardifs du printemps sont aussi à redouter
ils surprennent la végétation au moment de son départ; aussi ontils
comme effet de raccourcir encore la période d'activité utile du végétal,
période déjà très courte normalement dans ces régions. On doit donc
conclure que ce n'est pas la chaleur, en valeur absolue, que réclame l'arbre
pour se maintenir; ce sont des conditions secondaires (dérivant, il est
vrai, de la température) qui sont, en fait, les vraies sources du mal
dans lesquelles il faut chercher les causes de la disparition des arbres.
Une forêt de Conifères en Alaska. Les arbres des
forêts boréales.
Par les îles Aléoutiennes et le détroit de Béring, il s'établit une continuité de la flore de l'Asie et celle de l'Amérique du Nord, mais il y a de grandes différences entre les deux côtes américaine et européenne de l'Atlantique. Le voisinage de la mer modifie aussi souvent la flore; le Pin maritime, par exemple, remplace sur les côtes de France le Pin sylvestre. Le
sous-bois.
Entre les arbres et les arbustes, et s'appuyant sur eux, peuvent se développer quelques lianes, mais elles ne sont pas ici bien nombreuses, telles que le Lierre, lié à la distribution du Hêtre et surtout du Chêne; les Clématites, les Ronces, les Rosiers, le Houblon. Mais jamais cette végétation adventive ne prend un grand développement, sauf dans les forêts japonaises, qui ne sont d'ailleurs rattachées au domaine actuellement étudié que d'une manière un peu détournée, car on les considère comme appartenant à une flore de type méditerranéen. On trouve les Schizandres dans le bassin de l'Amour et les Ménispermes dans l'Amérique du Nord. Dans les forêts
à feuillage caduc, la flore printanière est riche : les Muguets, les
Jacinthes, les Anémones, ornent de leurs fleurs variées le sous-bois.
Pendant l'été, les feuilles des arbres se développent,
et la lumière qui arrive dans le fond des bois s'atténue fortement; il
en résulte qu'il n'y peut croître que des végétaux
dont les exigences lumineuses sont très faibles, comme les Fougères herbacées
Polypode, Aspide, Fougère grand aigle (Pteris), et une série d'Orchidées
saprophytes, comme la Néottie nid d'oiseau, les Épipogons, les Corallorhizes.
Forêt inondée, dans l'Etat de New York (Iroquois National Wildlife Refuge).Photo : USFWS. A l'aide de méthodes photométriques précises, Wiesner a pu déterminer la variation de l'intensité de la lumière à l'ombre de des forêts européennes, à mesure que se développaient les feuilles, et il a pu fixer ainsi quelles plantes pouvaient y réussir, et en suivre l'étiolement progressif à mesure que l'atténuation lumineuse devenait trop forte. Par exemple, pour l'Hépatique trilobée, le pétiole, qui a une longueur de 29 millimètres pour une lumière égale à l'unité, a une longueur de 108 millimètres pour une lumière égale à un sixième. En même temps que le pétiole s'allonge, le limbe diminue, et, à l'obscurité absolue, le pétiole a 174 millimètres et le limbe est presque complètement atrophié. Wiesner a fait des constatations analogues avec le Muguet, avec le Prenanthes purpurea, le Vincetoxicum officinale. Clairières,
prairies, montagnes.
Un autre type de végétation que l'on rencontre dans la flore boréale est celui des hautes montagnes, avec certaines plantes caractéristiques, comme l'Edelweiss. Concentrées sur les grandes chaînes, comme les Alpes, les Pyrénées et les Montagnes Rocheuses, ces espèces se répandent peu à peu, à mesure que l'on va vers le Nord, en Scandinavie, en Sibérie, et en Alaska, dans l'Amérique du Nord. Au-dessous des prairies alpines, on observe la zone subalpine avec les Rhododendrons ferrugineux et hirsute; on retrouve plus bas sur les pentes des montagnes de l'Europe centrale la flore forestière, qui débute par la zone des Conifères. D'autres variations sont à mentionner dans le domaine forestier proprement dit. Quand une rivière traverse une région humide, non seulement les lianes peuvent devenir plus nombreuses, mais les épiphytes peuvent apparaître en petit nombre. Le long de la Trave, en Allemagne, les vieux Saules hébergent une flore adventice formée de plantes à graines légères transportées par le vent (Achillée millefeuille, Laiterons, Épilobes, Rumex), ou à fruits charnus transportés par les oiseaux ou les autres animaux, comme les Fraisiers, les Chèvrefeuilles, etc. C'est là un fait très exceptionnel et très intéressant car, en règle, les épiphytes font presque complètement défaut dans les pays froids. Ils ne sont représentés que par quelques Mousses, Hépatiques et Lichens. Quant aux parasites, nous ne les connaissons que par le Gui et la Cuscute. Adaptation
aux variations saisonnières.
Une forêt de feuillus en région parisienne. Photo : © Serge Jodra, 2011. Si pendant l'hiver le végétal redoute toute cause qui produirait la transpiration, il n'en est pas ainsi pendant l'été, et la délicatesse des feuilles ainsi qu'une série de particularités de leur structure sont bien en harmonie avec ces besoins. Ainsi donc, les arbres à feuilles caduques doivent concilier, pour ainsi dire, deux besoins opposés : transpirer beaucoup pendant l'été, transpirer très peu pendant l'hiver. Les arbres à feuilles persistantes, comme les Houx, les Conifères, ont un problème plus délicat à résoudre, car ils gardent leurs feuilles pendant l'hiver; ils n'échappent à ce danger qu'en épaississant et en durcissant la cuticule, grâce à laquelle ces végétaux diminuent fortement la perte d'eau pendant l'arrêt de la végétation. Cependant, la présence de feuilles, même très étroites, pendant l'hiver, permet l'accumulation des neiges et du verglas, sous le poids desquels les branches peuvent se rompre; danger rendu minimum précisément par l'étroitesse des aiguilles foliaires. Le domaine forestier peut être envahi, non seulement par des espèces polaires dans les parties froides, mais aussi par les plantes de pays plus chauds: c'est la flore adventice; on a signalé, notamment, 11 pour 100 d'espèces localisées surtout dans le domaine méditerranéen. Forêts australes.
Darwin a donné de l'aspect désolé des forêts de la Terre de Feu cette belle description-: « Tout d'abord, c'est à peine si je puis faire quelques pas à cause des cataractes et des nombreux troncs d'arbres tombés qui barrent le passage; mais le lit du torrent s'élargit bientôt, les inondations ayant emporté les bords. J'avance lentement pendant une heure en suivant les rives rugueuses et déchiquetées du torrent, mais la grandeur et la beauté du spectacle compensent bientôt toutes mes fatigues. La sombre profondeur du ravin concorde bien avec les preuves de violence crue Ion remarque de toutes parts. De chaque côté, on voit des masses irrégulières de rochers et des arbres déracinés; d'autres arbres, encore debout, sont pourris jusqu'au coeur et prêts à tomber. Cette masse confuse d'arbres bien portants et d'arbres morts me rappelle les forêts des tropiques, et cependant il y a une profonde différence : dans ces tristes solitudes, que je visite actuellement, la mort, au lieu de la vie, semble régner en souveraine. Le pays entier n'est qu'une énorme masse de rochers sauvages, de collines élevées, de forêts inutiles, le tout enveloppé de brouillards perpétuels et tourmenté de tempêtes incessantes. La terre habitable se compose uniquement des pierres du rivage. »Cette citation est bien propre à faire comprendre quelle impression profonde certains types de la végétation peuvent faire sur l'esprit humain. Les forêts tropicales Le
climat.
Si l'on ne tenait donc compte que de la température, le climat serait très uniforme; les grandes variations viennent de la répartition des pluies. En général, l'eau tombe abondamment chaque jour, et à Java, pendant le mois de janvier, il tombe, en moyenne, 475 millimètres d'eau; il y a donc une époque où les pluies sont très abondantes. Au mois d'août, qui correspond à ce que l'on appelle la mousson sèche, on peut encore récolter 275 millimètres d'eau par mois, ce qui indique qu'il pleut encore beaucoup pendant cette saison, qui s'oppose à la période des pluies. Java (Buitenzorg notamment) est d'ailleurs un des points du globe où il pleut le plus. Dans beaucoup de contrées tropicales, la différence entre la saison humide et la saison sèche est plus accusée. Au Brésil, dans l'État de Minas Gerais par exemple, la période des pluies s'étend d'octobre à mars, surtout de novembre à janvier, et il pleut abondamment de neuf à vingt jours par mois; d'avril jusqu'en septembre, la sécheresse est, au contraire, prédominante. Forêt primaire.
Les
arbres.
L'énumération des Palmiers que l'on rencontre dans la région tropicale est impossible, car il faudrait dénombrer la plus grande partie de cette famille considérable. Mentionnons cependant les types à feuilles en éventail, comme le Rondier en Inde; d'autres à feuilles pennées, comme les Elaeis de Guinée, qui abondent en Afrique, ainsi que le Raphia vinifère. En Asie, on peut citer l'Arec cachou, le Métroxyle de Rumph, qui fournit le sagou. En Amérique, on peut observer le Mauritie vinifère, qui joue un rôle économique important; le Céroxylon andicole, les Oreodoxa, le Lodoicea (ou Cocotier) des Seychelles. Les Vaquois et types
voisins sont également représentés dans toutes les flores des tropiques;
ils ramifient très peu leur tige en fourche : en Asie, c'est le Vaquois
de Java; en Afrique, c'est le Vaquois candélabre. En Amérique, la famille
des Pandanées, à laquelle appartiennent les plantes précédentes, est
remplacée par le Carludovice palmé, qui a tout à fait l'aspect d'un
Palmier, quoique d'une petite famille très distincte, celle des Cyclanthacées.
Les Cycadées ont aussi le port des Palmiers
: Cycas d'Asie, Zamies d'Afrique et des Antilles,
Cératozamies du Mexique. Parmi les Fougères
arborescentes, on peut mentionner les Alsophiles, les Cyathées, etc.
Une forêt pluviale tropicale au Costa Rica, près de Gulfito. Source : The World Factbook. Un point essentiel à noter à l'occasion de ces forêts, c'est l'extrême variété des essences que l'on y observe. Il est très rare de rencontrer des régions où l'on ne voit que des individus appartenant tous à la même espèce comme dans les pays du Nord. Aussi l'inventaire des richesses forestières d'un pays représente-t-il un travail énorme, rendu très compliqué par la difficulté d'atteindre chaque arbre et de se procurer, en temps opportun, des fleurs et des fruits pour sa détermination. Parmi les arbres les plus célèbres des régions chaudes, on peut citer les Arbres à pain et le jacquier, le Kolatier, les Papayers ; les Bananiers sont aussi des types très caractéristiques. Parmi les formes arborescentes les plus répandues, on peut nommer beaucoup de Légumineuses et surtout de Mimosées; en Asie et dans les îles de la Sonde, on rencontre des Albizzies, les Indigotiers, les Casses, les Hématoxyles de Campêche, les Figuiers, etc. Les Liliacées et les Amaryllidées arborescentes sont également célèbres : Dragonniers, Dasylirions, Fourcroyers, Barbacenies, etc. Les arbres peuvent atteindre de très grandes tailles, et les Rasamala ou Altingies que l'on rencontre à Java peuvent atteindre 60 mètres de haut. On conçoit que de pareils colosses, exposés aux tourmentes, aient besoin pour soutenir leur base de ces contreforts que l'on désigne sous le nom de racines-palettes. Les Fromagers ou Eriodendrons présentent aussi des contreforts analogues. Il arrive cependant que parfois les arbres s'étalent; c'est qu'il s'agit alors de ces lutteurs puissants qui écrasent peu à peu tous les concurrents se trouvant dans leur voisinage. Tel est le cas des Figuiers-Banians, notamment du Figuier des pagodes ou du Ficus Benjamina de Java. C'est grâce aux anastomoses de leurs branches, grâce aux mille racines adventives, qui forment autant de troncs nouveaux, que la plante peut s'étendre; elle atteint parfois jusqu'à 500 mètres de tour l'arbre est devenu une forêt. Les
sous-bois.
Les Graminées, que l'on est habitué à considérer comme formées surtout par des herbes dans les pays froids, sont représentées sous les tropiques par des plantes souvent magnifiques, comme les Bambous, qui sont de véritables arbres ayant jusqu'à 30 mètres de haut et plus. Il y a aussi des Graminées herbacées, comme la Canne à sucre. Parmi les familles auxquelles appartiennent les herbes vivaces, on peut citer quelques Composées, Rubiacées, Labiées, Scrofularinées, Euphorbiacées, Lycopodiacées. Les phénomènes phénologiques que manifeste la végétation arborescente sont évidemment en harmonie avec le climat; l'éclosion des bourgeons se produit au moment du retour de la saison des pluies, car sécheresse veut dire repos et arrêt de la végétation; cette éclosion des bourgeons et le développement des jeunes pousses aux feuillages pendants et vivement colorés contribuent à égayer la forêt tropicale. Les feuilles formées sont, en général, grandes et de consistance épaisse, de couleur sombre à l'état adulte, avec la surface supérieure brillante, réfléchissant la lumière. Ces organes ne tombent pas d'une manière régulière et, en général, dans les forêts humides, la plante est toujours verte. Il peut arriver cependant qu'elle se dépouille plus ou moins complètement pendant la saison sèche, et l'intensité de ce dépouillement devient d'autant plus grande que l'on passe à des contrées où la période sèche s'accuse. La floraison présente des variations analogues : par exemple à Java, sur 213 espèces arborescentes, 53 fleurissent toute l'année, 142 pendant la saison sèche, 18 pendant la saison des pluies. En général, c'est donc plutôt pendant la sécheresse que la floraison s'accuse. Les
lianes.
Une plante étiolée (on en donne aisément la preuve en enfermant une plante en germination dans une armoire) s'allonge beaucoup et est incapable de se soutenir, par suite de la faiblesse de ses tissus; aussi retombe-t-elle sur le sol; mais si l'étiolement partiel a lieu dans un sous-bois épais, la plante étiolée ne retombera pas sur la terre, elle s'appuiera sur les branches des arbrisseaux voisins. On peut voir, par exemple, un Pusaetha scandens ramper pendant 25 mètres sur le sol, puis s'appuyer sur les plantes voisines pour grimper. La plante étiolée, n'ayant pas trouvé de support, est restée couchée sur le sol, mais dès qu'un appui a été rencontré, elle a pu acquérir un peu de vigueur pour se redresser vers le haut; à mesure qu'elle s'élève en rencontrant de nouveaux supports, sa vigueur s'accroît et elle tend de plus en plus à se rapprocher de la canopée. Incapable d'abord de se ramifier, parce qu'elle n'en a pas la force, elle se divise au contraire abondamment dès qu'elle a atteint la couronne où elle peut fleurir. Ces lianes se déforment souvent d'une manière étrange en s'élevant sur les arbres : leurs tiges s'aplatissent, deviennent irrégulières à une ou plusieurs ailes; elles se tordent, elles se gondolent d'une façon bizarre, comme dans ces Bauhinia, que l'on appelle souvent des « escaliers de singe ». Une particularité de forme ou de structure, en apparence secondaire, peut assurer à certaines de ces plantes une supériorité incontestée sur leurs congénères. L'étude des Rotangs ou Palmiers grimpants est très instructive à cet égard. On en rencontre de plusieurs catégories, qui ont formé des aiguillons sur différents organes. Dans le Calamus extensus, qui vit dans l'Ancien Monde, c'est la tige qui est métamorphosée en un long fouet pourvu de piquants; dans les Raphiées, qui vivent dans des contrées semblables (Ancien et Nouveau Monde), c'est le pétiole qui est effilé en fouet et armé de pointes acérées. En Amérique, l'évolution des Palmiers vers la vie grimpante a pu s'effectuer dans une autre direction, car les Moréniées s'appuient simplement sur les branches, leurs pétioles orientés vers le bas formant crochet; c'est évidemment là un des premiers stades de I'adaptation. Enfin chez les Bactridées américaines, dont les Desmuncus peuvent nous fournir un exemple, les folioles des feuilles pennées sont raccourcies et orientées vers le bas, à la manière de harpons qui, en s'enfonçant dans les objets voisins, assurent à ces Palmiers une maîtrise incontestable dans l'art de grimper. La puissance de ces espèces pour s'élever dans la forêt est ainsi souvent tout à fait extraordinaire : on les voit s'élancer dans l'air avec leurs puissants fouets crochus qui explorent l'espace enquête de supports et, dès qu'ils en ont trouvé un, l'ascension devient rapide; mais, à mesure que la plante s'élève et grandit, son poids s'accroît et bientôt le tuteur devient incapable de supporter son fardeau : tout s'écroule à la base; nouvel essor vers le haut, suivi plus tard d'une catastrophe semblable. Ces phénomènes d'ascension et de chute peuvent se multiplier tellement que l'on voit parfois de véritables cordages s'enrouler sur le sol, atteignant jusqu'à 200 et 300 mètres de long. La forêt primaire est donc un lieu très propice au développement de la vie grimpante, et c'est dans les régions tropicales que se rencontrent les principaux types de lianes. La famille des Cucurbitacées, par exemple, est presque exclusivement tropicale; elle n'est représentée dans notre pays que par la Bryone dioïque. Il peut y avoir des lianes en dehors des régions chaudes, mais c'est sous les tropiques qu'elles prédominent. En Europe, il y a 170 lianes sur 9400 espèces de végétaux supérieurs; ce qui correspond à 1,8 pont 100 de types grimpants. En Inde, les lianes représentent 8 pour 100 de la végétation phanérogamique. Les lianes des forêts tropicales appartiennent surtout aux familles suivantes : Cucurbitacées, Vitées, Convolvulacées, Légumineuses, Pipéracées, Sapindacées, Mélastomacées. Parmi les Fougères, les Lygodium sont grimpants. En Amérique, il y a beaucoup de Passifiorées, de Malpighiacées, de Smilacées, et, parmi les Orchidées, les Vanilles s'enroulent par leurs racines. Il y a un autre type de végétaux, plus caractéristique encore des régions chaudes que les plantes grimpantes : nous voulons parler des épiphytes. Epiphytes
et parasites.
Parmi les plantes qui réussissent surtout dans ces conditions et qui méritent d'être appelées les « filles de l'air », on peut citer d'abord les Fougères, et ce résultat s'explique aisément, étant donné la ténuité et la légèreté de leurs spores; parmi les Fougères épiphytes les plus remarquables, on peut citer les Trichomanes peltés, dans la partie basse, humide et sombre des forêts, puis les Fougères à terreau : Platycerium, Doradille en forme de nid, Polypode à feuilles de Berce dans la partie moyenne. Un second groupe également important parmi les plantes épiphytes est celui des Orchidées, tant les espèces à terreau de la partie moyenne, que les espèces à pseudo-bulbe de la couronne des arbres. C'est là que se développent toutes les espèces admirables que nous pouvons voir acclimatées dans les serres : les Cattleya, les Laelia, les Oncidies, les Odontoglosses, qui nous frappent par leurs caractères étranges de végétation, par leurs racines aériennes, leurs feuilles épaisses et charnues, leurs tiges à faux bulbes, autant que par la grandeur et la beauté de leurs fleurs. Une autre famille, qui a une place également importante dans les serres d'Europe et qui s'installe sur les arbres, grâce aux aigrettes ou aux ailes de ses graines, est le groupe des Broméliacées. Les feuilles s'y disposent d'ordinaire en rosette, avec la partie inférieure creusée en cornets richement colorés de pourpre où l'eau de pluie s'accumule, de manière à constituer des réservoirs d'humidité pour la plante : c'est là ce qui caractérise les Nidulaires, dont les fleurs petites, mais aux couleurs vives, apparaissent au milieu de ces cornets. Le port de ces Broméliacées est un peu raide; leur feuillage est souvent armé de piquants qui en rendent le maniement redoutable, mais leurs inflorescences sont colorées des plus vives nuances et les font apprécier des horticulteurs et des amateurs : c'est dans ce groupe que se placent les Tillandsies, les Vriesies, les Billbergies, etc. Les Aroïdées contiennent également un grand nombre de représentants adaptés à la vie sur les arbres, tels que les Philodendres, les Anthurium, les Monstères, et le feuillage, si curieusement perforé, de ces derniers, attire l'attention autant que leurs longues racines pendantes, semblables à des cordes atteignant plusieurs mètres de long. A ces quatre groupes végétaux : Fougères, Orchidées, Broméliacées et Aroïdées, appartiennent presque toutes les plantes épiphytes, mais plusieurs autres familles : Liliacées, Gesnéracées, Asclépiadées, etc., en fournissent aussi quelques spécimens. En général, les épiphytes sont de petites plantes, plus ou moins rabougries, par suite de la faible quantité de nourriture qui est mise à leur disposition; mais parfois elles peuvent acquérir de grandes dimensions, comme c'est le cas des Clusies roses, qui sont des arbres qui s'installent sur d'autres arbres, ou comme les Orchidées géantes de Java, les Grammatophylles. Toutes les plantes
que nous venons de mentionner sont simplement posées sur les arbres;
elles peuvent quelquefois les entourer, les encercler, mais jamais elles
n'enfoncent aucun suçoir dans leur écorce. Il n'en est pas de même des
parasites, qui sont légion dans les régions chaudes et qui sont surtout
représentés par des Loranthacées, famille innombrable dont une espèce,
dans les pays froids, est le Gui. C'est tout un monde infiniment varié
de parasites qui s'incruste sur les branches des arbres, qu'ils déforment
et tuméfient d'une manière parfois très étrange, formant ce que l'on
appelle la rose de Palo au Mexique, la rose de
Madère au Guatémala. Parfois, le parasite
s'insinue dans la plante hospitalière sans se trahir au dehors. Nous avons
déjà parlé des Rafflésiacées et des Balanophorées, plantes informes,
décolorées, souvent nauséabondes, dont les dernières jouent dans les
forêts tropicales le rôle des Champignons
dans les bois tempérés.
Végétation tropicale aux environs de Conakry. A. Fromager, B. Bananiers, C. Palmiers à huile, D. Papayers. Types spéciaux
de végétation tropicale.
Au bord de la mer, en Asie et dans toutes les îles de l'Océanie, abonde le Cocotier. A noter aussi la flore des marigots, c'est-à -dire des lieux bas remplis d'eau par les pluies ou par les infiltrations d'un bras de fleuve; elle se compose d'une foule de hautes herbes, parmi lesquelles dominent les Graminées et les Cypéracées. La flore du littoral, ou mangrove, est caractérisée dans les régions tropicales par des plantes très particulières qui frappent tout de suite le voyageur. A mer basse, les Rhizophores ou Palétuviers se montrent comme de grandes araignées végétales, appuyées sur le sol par de nombreuses racines en arceaux. C'est le Rhizophora Mangle, qui est l'avant-garde de la végétation dans la mer. Aux branches de ces plantes pendent des fruits qui atteignent parfois plus de 1 mètre de long. En réalité, il s'agit de graines qui ont germé sur la plante mère et qui ont acquis sur l'arbre, par suite de l'humidité de l'atmosphère où vivent ces plantes, la propriété d'être vivipares. Grâce à cette particularité, la graine qui, d'ordinaire, tombe dans la vase, fréquemment recouverte par la mer, a déjà germé et s'enfonce profondément dans ce sol mouvant ; elle peut donc s'y installer avec une grande promptitude; c'est la raison pour laquelle ces végétaux se maintiennent là où tout autre serait immédiatement balayé par les courants marins. (J. Constantin, F. Faideau).
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