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Jean sans Peur

Jean sans Peur, duc de Bourgogne, né à Dijon le 28 mai 1371, mort à Montereau le 10 septembre 1419. Fils de Philippe le Hardi et de Marguerite de Flandre, il porta d'abord le titre de comte de Nevers et épousa en 1385 Marguerite de Bavière. En 1396, il fut nommé chef de la croisade de Hongrie dans laquelle il sut jouer un beau rôle; fait prisonnier à Nicopolis (septembre), racheté après neuf mois de captivité à Brousse, il rentra triomphalement dans Dijon en février 1398, ayant pris à sa charge la rançon de ses compagnons et sauvé Boucicaut. Il est dès lors populaire. Duc à la mort de son père le 27 avril 1404, comte de Flandre à la mort de sa mère en 1405, il est le rival du duc d'Orléans, Louis, et s'appuie sur l'université et sur le peuple de Paris qui lui sait gré de s'opposer à la levée d'impôts. Il ramène de force à Paris le dauphin que l'on conduisait à Melun (septembre 1405) et, faisant le justicier, publie tout un plan de réformes. Comme il cherche à reprendre Calais, le duc d'Orléans lui fait enjoindre par le roi d'abandonner son entreprise (1406). Le 23 novembre 1407 ce duc, son cousin, auquel il avait trois jours auparavant juré une amitié éternelle, était assassiné par ses ordres. 

Après une absence momentanée, il revient à Paris, est acclamé (mars 1408) et fait prononcer l'apologie de son crime par Jean Petit, puis va porter secours à l'évêque de Liège dont les sujets sont révoltés, et par une sanglante victoire à Othée gagné son surnom de Sans Peur (1408). Le roi lui accorde son pardon et le nomme gouverneur du dauphin (1409). Comte de Flandre, Jean est l'allié naturel des Anglais (La Guerre de Cent Ans). En 1411, pour lutter contre le parti des d'Orléans ou Armagnacs, il installe à Paris des soldats anglais et s'entend aussi avec la corporation devenue politique des bouchers (La Faction des Bourguignons); la guerre civile et la révolution cabochienne commencent; tout-puissant, il ordonne des exécutions sanglantes et conduit Charles VI contre le duc de Berry (1412); mais les Cabochiens se font violents et dans la journée du 22 mai 1413 il ne peut plus les contenir. 

Après que la paix de Pontoise a été signée avec les Armagnacs, il croit devoir quitter Paris (août 1413) et, lorsqu'il revient en armes, le roi marche contre lui. La paix d'Arras n'est acceptée par lui qu'en juillet 1415. Il n'en trame pas moins une conspiration contre la famille royale. Malgré ses dénégations, c'est alors l'allié secret des Anglais avec qui il s'était engagé en 1412 à ne jamais traiter. Le lendemain de la bataille d'Azincourt, à laquelle il n'avait pas pris part, il envoie bien son gantelet à Henri V, mais il a une entrevue avec lui à Calais (1416) et, s'il n'y conclut pas une alliance ouverte, ce n'est que par prudence. 
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Portrait de Jean sans Peur.
Jean sans Peur.

Privé par la mort prématurée du dauphin Jean d'un instrument qu'il espérait faire servir à ses desseins, il a recours aux armes et adresse aux villes un manifeste où il se donne comme le sauveur de la chose publique (25 avril 1417). Pendant l'invasion anglaise, il marche sur Paris qui cette fois lui ferme ses portes et se retire à Montlhéry d'où il publie un autre manifeste. Avec l'aide de la reine Isabeau, il organise un nouveau pouvoir à Chartres, puis, après une tentative infructueuse contre Paris, à Troyes, et se rend encore populaire en supprimant les impôts. La conjuration de Perrinet Le Clerc lui ouvre les portes de Paris (mai 1418); il n'y entre que le 14 juillet; Ia terreur y règne et il se trouve réduit à faire exécuter des chefs du mouvement populaire; comme ses efforts pour faire revenir le dauphin ont échoué, il le calomnie, laisse Rouen se rendre aux Anglais et abandonne Paris menacé (novembre) (La Guerre de Cent Ans).

Alors, sans doute parce qu'il voit Henri V garder pour lui ses conquêtes, et aussi afin d'avoir à sa discrétion le dauphin, comme il a déjà le roi, il se rapproche du prince Charles qui de son côté désire une réconciliation; mais, à cause des exigences du duc, un traité n'est signé à Pouilly près de Melun qu'après de longs pourparlers et deux entrevues (juillet 1419). Il entame néanmoins de nouvelles négociations avec les Anglais, laisse prendre Pontoise, ne porte pas secours à Paris et paraît hésiter beaucoup à se rendre de Troyes à Montereau où il devait avoir une autre entrevue avec le dauphin. Le 10 septembre, sur la pont de Montereau entièrement palissadé où avait été construite une enceinte réservée, une dispute s'élève entre lui et le dauphin qui avaient amené chacun dix hommes d'armes et il tombe frappé sous les coups de chevaliers du prince dont il tentait peut-être de s'emparer.

Possédant peu d'avantages physiques, mais de l'esprit, ambitieux à ce point qu'on l'a soupçonné d'aspirer à la couronne, disposant d'immenses ressources, Jean sans Peur a véritablement été le premier personnage de son temps. ll a recherché partout des alliances; ayant déjà celles de la Savoie et de la Navarre, il s'allie en 1417 avec l'empereur Sigismond et entre en relations avec l'Espagne, le Portugal et l'Écosse. Violent et audacieux à l'occasion, rempli d'impudence, ne reculant, pour être maître absolu, devant aucun moyen, il a cependant toujours suivi une politique tortueuse et défiante. D'un caractère despotique, il s'est attiré en Flandre de grandes difficultés. Dans ses rapports avec les Anglais, il a osé ne réserver tout au plus que les questions relatives aux personnes du roi et du dauphin. Vis-à-vis de la royauté, sa conduite a consisté « en alternatives de soumission intéressée et de révolte hautaine-». Une grande part de responsabilité lui revient dans les tristes événements du règne de Charles VI. (M. Barroux).

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Dictionnaire biographique
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