| Pierre le Cruel, roi de Castille, né à Burgos le 30 août 1334, mort la 26 mars 1369 (L'Espagne médiévale). Il était fils du roi Alphonse XI, qui avait eu aussi, de sa maîtresse, doña Leonor de Guzman, cinq autres fils bâtards : don Enrique, don Fadrique, don Fernando, don Tello et don Juan. Alphonse mort, la reine, doña Maria, obtint du nouveau roi l'emprisonnement de doña Leonor, qui fut tuée peu après. Cette mort accentua l'antagonisme entre les frères, qui devait éclater plus tard. La noblesse, de son côté, toujours inquiète et anarchique, donnait des inquiétudes, qui se signalèrent à l'occasion d'une maladie qui mit en péril la vie du jeune roi. On se divisa en deux factions, tenant l'une pour don Fernando d'Aragon, neveu d'Alphonse XI, et l'autre pour le seigneur de Vizcaya, don Juan Nuñez de Lara. Le roi guérit. Mais les motifs de révoltes ne s'évanouirent pas. Don Pedro dut en étouffer quelques-unes dans le sang des coupables, et les bâtards donnèrent, pour la première fois, des signes de mécontentement, déguisés sous le prétexte de griefs contre le favori du roi don Juan Alfonso d'Alburquerque. En 1353, don Pedro se maria avec doña Blanca de Bourbon, de la famille royale de France, qu'il abandonna, après trois jours, pour rejoindre sa maîtresse, doña Maria de Padilla. Certains nobles, avec les bâtards, se rallièrent aussitôt au roi, croyant ainsi travailler contre le favori, qui avait arrangé le mariage avec doña Blanca. Alburquerque, inquiet, s'enfuit près de la frontière portugaise avec le maître de l'ordre de chevalerie de Calatrava et d'autres. Don Pedro fit tuer quelques nobles et déclara la guerre à Alburquerque, qui répondit en s'alliant deux des bâtards, don Enrique et don Fadrique, et le seigneur don Fernando de Castro, avec l'intention de détrôner le roi, que sa conduite envers doña Blanca rendait odieux. Malgré les remontrances du pape, il tenait en prison la reine, et, en 1354, il se maria avec doña Juana de Castro, faisant déclarer la nullité de son premier mariage par les évêques de Salamanque et d'Avila. Doña Juana fut abandonnée le lendemain des noces. La ville de Tolède, où doña Blanca avait été conduite, se révolta et, à son exemple, d'autres villes indignées de la conduite du roi envers sa femme. Alburquerque mourut peu après, empoisonné par ordre de Pierre, dit-on, et les révoltés, par l'entremise de doña Maria, demandèrent au roi une entrevue à Toro. Pierre tomba dans le piège et fut pris, les nobles se disputèrent les dignités et les fonctions du gouvernement. Mais le roi s'évada; il s'empara de Tolède et de Toro et sacrifia plusieurs des révoltés. Don Fadrique et don Tello furent obligés de se soumettre, et don Enrique se réfugia en France. Peu de temps après éclata la guerre entre le roi de Castille et le roi d'Aragon, Pierre IV, qui étaient, depuis longtemps ennemis acharnés. Le prétexte en fut la capture sur les côtes de Castille de deux navires italiens par une flottille catalane. La guerre eut des alternatives de revers et de succès de 1357 à mai 1361, Peu après mourut la reine doña Blanca, on ne sait comment. La même année mourut à Séville, dans les supplices, le juif Samuel ha Levy (La Diaspora juive), trésorier de Pierre pendant longtemps. On ne connaît pas bien la cause du procès de ce malheureux, dont les richesses furent confisquées par le roi. Pierre commit un nouvel acte de folie meurtrière sur la personne du roi usurpateur de Grenade Abu-Saïd, qui s'était fié à lui. Il le dépouilla de toutes ses richesses et la tua de sa propre main, se vengeant ainsi de l'appui jadis prêté par Abu-Saïd au roi d'Aragon (L'Espagne musulmane). La guerre, contre celui-ci éclata de nouveau peu après, et le bâtard, don Enrique, avec les Castillans exilés en France, vint de nouveau aider l'ennemi de son frère, se présentant, pour la première fois, comme prétendant à la couronne de Castille. Ce fut alors qu'entrèrent en Espagne les compagnies blanches de Bertrand Du Guesclin, comme auxiliaires de don Enrique (Henri de Trastamare). Celui-ci, après la prise de Calahorra, se fit proclamer roi le 16 mars 1366. De nouvelles victoires lui donnèrent la possession de Burgos (où il fut couronné), de Tolède et de Séville. Pierre dut s'enfuir en France, mais il revint avec l'appui de troupes anglaises, dirigées par le prince de Galles. Don Enrique fut vaincu à Najera; mais la cruauté de Pierre envers les prisonniers et les vaincus, et aussi ses lenteurs dans le paiement des troupes auxiliaires décidèrent le prince de Galles à l'abandonner. Don Enrique reparut, et, cette fois, la fortune l'aida. Don Pedro, vaincu à la bataille de Montiel, s'enferma au château de ce nom avec quelques partisans. Il eût des pourparlers avec Du Guesclin pour s'enfuir, mais le chevalier français refusa d'être déloyal à don Enrique. Entraîné par celui-ci, il promit cependant à Pierre son aide, l'attira dans sa tente et s'empara de lui. Une querelle s'engagea aussitôt entre le roi et Enrique, qui en vinrent aux mains. Don Enrique tua son frère. C'était le 23 mars 1369. On attribue ces mots à Du Guesclin : Ni quito ni pongo rey, pero ayudo a mi señor. Ils semblent être pure légende, ainsi que son intervention dans la lutte, que certains historiens attribuent au chevalier Fernan Pérez de Andrade ou au vicomte de Rocaberti. Le cadavre de Pierre fut enterré à Montiel, puis transporté à Puebla de Alcocer et enfin à Santo Domingo et Real, de Madrid (1446). Il laissait trois filles de Maria Padilla et d'autres enfants de diverses maîtresses. D'après le chroniqueur Ayala, Pierre était blanc et blond, haut, assez beau et prononçait le castillan à la façon andalouse. Il est un des personnages de l'histoire d'Espagne sur lequel se sont exercées la légende et la littérature, depuis le poème de Francisco de Castilla (1517), jusqu'au drame de Zorilla, El zapatero y et rey, et les romans de Fernandez y Gonzalez. (R. Altamira). | |