| Philippe III, dit le Hardi est un roi de France (Moyen âge, Capétiens), fils de Louis IX, né le 3 avril 1215, mort le 5 octobre 1285. Roi à vingt-cinq ans, il avait vécu dans l'ombre jusqu'à son avènement, soumis à sa mère (qui lui fit jurer de lui obéir en tout lorsqu'elle serait veuve), soumis à son père, docile à l'excès. Si la statue funéraire de marbre blanc, exécutée de 1299 à 1308, qui est à Saint-Denis, est son portrait, c'était un homme vigoureux, au visage carré, sans barbe, avec un air placide et vulgaire. On sait qu'il était très pieux, peu lettré, toujours prêt à « donner du sien » et qu'il aimait la chasse. Il avait quelques traits de ressemblance avec Louis IX; comme lui, il était sans morgue, prompt à s'irriter et à s'apaiser, pieux, honnête. Mais il n'avait ni clairvoyance, ni énergie; il a été le jouet de son entourage, de ses domestiques, de sa femme, de sa mère, de son oncle. Il donna sa mesure dans l'affaire de son favori, Pierre de La Brosse, qui a été très sommairement racontée. Pierre, chirurgien et valet de chambre de Louis IX, avait pris de bonne heure sur l'esprit du roi futur un ascendant absolu; il était son « compère ». Dès son avènement, Philippe III le combla de faveurs. Mais lorsque Philippe, veuf en premières noces d'Isabelle d'Aragon (morte au retour de la croisade de Tunis) ont épousé Marie de Brabant (août 1274), une cabale de tous ceux qu'avaient froissés la fortune et l'insolence du parvenu et de sa femme se forma autour de la nouvelle reine. Pierre de La Brosse succomba à l'inimitié des grands seigneurs du cercle de la reine Marie qui l'accusèrent d'énormités (empoisonnement du fils aîné du roi, trahison, etc.), suivant la tactique constamment employée, en ce temps-là, contre ceux que l'on voulait perdre. Le roi montra sa faiblesse en abandonnant à regret, mais sans résistance, un homme qu'il avait, on ne sait pourquoi, élevé si haut. Après la chute de Pierre de La Brosse (juin 1278), l'influence à la cour fut disputée par les deux reines la reine mère, Marguerite de Provence, et Marie de Brabant. Les « amis » de la reine Marie, qui formaient son cercle, étaient des grands seigneurs fastueux, qui ressemblent déjà à des personnages de Froissart; Charles d'Anjou, roi de Naples, était leur héros. Marguerite de Provence, au contraire, haïssait les Angevins, qui l'avaient frustrée de sa part légitime dans l'héritage provençal; elle était toute dévouée à le famille de sa soeur, Aliénor, reine d'Angleterre, qui partageait ses griefs et ses rancunes. La première affaire qui sollicita l'attention du gouvernement royal après le retour de Tunis et le couronnement (1271) fut la prise de possession de l'héritage d'Alphonse de Poitiers et de sa femme, décédés sans enfants. Cette opération fut bien conduite: il n'y eut de résistance que de la part du comte de Foix, dont l'attitude permit au roi de faire « dans les parties du Languedoc » une promenade militaire, imposante et sans péril : c'est la petite « guerre de Foix » de 1272. Le nouveau roi d'Angleterre, Edouard Ier, avait des droits sur une partie de l'héritage d'Alphonse, en vertu da traité de 1239 ; après plusieurs années de négociations, malgré des troubles (en Béarn et en Limousin), que ni l'un ni l'autre des deux rois n'essayèrent d'envenimer, le traité d'Amiens (1279) donna satisfaction au roi d'Angleterre, qui reçut l'Agenais; de cette époque date la construction d'un grand nombre de postes fortifiés, élevés le long des nouvelles frontières par les Anglo-Gascons et les Français, dont beaucoup existent encore. Un autre fragment de l'héritage d'Alphonse, le Venaissin, fut cédé par Philippe III à l'Eglise romaine, quoique le pape Grégoire X se fût montré peu favorable à la candidature de Philippe Ill au Saint-Empire romain germanique, secrètement mise en avant par Charles d'Anjou en 1278. Grégoire X, très zélé pour la croisade d'Orient, s'employa, du reste, pendant et après le concile oecuménique de Lyon de 1274, à établir des relations amicales entre le roi de France et Rodolphe de Habsbourg, le nouveau roi des Romains. Mais, du coté des Pyrénées, le gouvernement de Philippe III se trouva entraîné à commettre des fautes, gaspilla les forces capitalisées par Louis IX, subit des humiliations et des désastres de toute espèce. Son attention fut attirée de ce côté par la mort de Henri III de Navarre (juillet 1274) qui ne laissa qu'une fille, sous la tutelle de Blanche d'Artois, sa mère, et par celle de Fernand de La Cerda, fils aîné d'Alphonse X de Castille, époux de Blanche de France, dont les enfants (les infants de La Cerda) furent dépouillés par leur oncle, don Sanche, de leur qualité d'héritiers présomptifs de la couronne de Castille. La cour de France prit en mains la défense des deux veuves Blanche d'Artois, Blanche de France. Blanche d'Artois céda à Philippe III, par le traité d'Orléans, ses droits en Navarre jusqu'à la majorité de sa fille, madame Jeanne, qui fut fiancée à l'un des fils du roi, le futur Philippe le Bel (mai 1275), Blanche de France et les partisans des infants cherchèrent un refuge en France. D'où révoltes en Navarre, qui furent péniblement réprimées (1276), et défi du roi de Castille, qui ne fut pas relevé, car l'armée de Philippe III n'alla pas plus loin, faute de vivres et de préparatifs convenables, que le bourg de Sauveterre, au pied des Pyrénées. En de pareilles circonstances, l'alliance de l'Aragon aurait été très précieuse, car les Aragonais étaient ennemis des Castillans. La cour de France se brouilla néanmoins avec l'Aragon, pour complaire aux Angevins dont l'influence, malgré les efforts de la reine Marguerite, et grâce au cercle de la reine Marie, était devenue prépondérante auprès du roi. L'éventualité de la guerre de Castille cessa, du reste, d'être menaçante, car la Castille fut immobilisée par des querelles entre Alphonse X et don Sanche et par la lutte contre les Mauores. Mais le gouvernement de Philippe III, s'engageant à corps perdu dans une querelle que rien ne le forçait à faire sienne, y substitua, après les Vêpres siciliennes, une guerre, plus difficile encore, contre l'Aragon. Le pape Martin IV, Français de naissance, dont le dévouement aux maisons de France et de Sicile était sans limites, déclara Pierre III, roi d'Aragon, gendre et héritier de Manfred, déchu du royaume d'Aragon, lorsque ce prince, profitant de l'incident des Vêpres, se fut fait couronner roi de Sicile à Palerme. Le plan de Charles d'Anjou était de faire offrir la couronne d'Aragon, désormais considérée comme vacante, mais difficile à prendre, à un fils de France; les Français la prendraient, et l'Italie angevine serait délivrée des Catalans. Après un voyage de Charles d'Anjou en France (1283), l'offre fut faite à Philippe III, de la part de Martin IV, par le cardinal Jean Cholet. Une grande assemblée de prélats et de barons fut tenue à Bourges, en novembre 1283, pour délibérer sur ces propositions; mais l'entourage du roi l'avait déjà décidé à accepter, rompant ainsi avec la tradition de Louis IX qui, jadis, avait refusé pour ses frères les dépouilles de Frédéric II. Une seconde assemblée, tenue à Paris en février 1284, accepta, au grand déplaisir des gens sages, notamment de Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, un des principaux conseillers de Louis IX et de Philippe III. L'année 1284 fut employée aux préparatifs en vue de la conquête de l'Aragon, qui fut tentée en 1285. La guerre d'Aragon, la première que les Capétiens aient entreprise hors des limites naturelles de la France, fut désastreuse. On alla jusqu'à Girone, dont le siège se prolongea du 26 juin au 7 septembre. La retraite fut ordonnée fin septembre, à cause des maladies et des défaites subies par la flotte au service de la France qui assurait le service des renforts et des ravitaillements. Le roi mourut à Perpignan pendant la retraite. En octobre 1285, la garnison française de Girone capitula. Ainsi fut promptement effacée la dernière trace de ce grand effort inutile, qui coûta à la France, non seulement de l'argent et des hommes, mais quelque chose du renom d'équité que Louis IX avait acquis. (Ch.-V. Langlois). | |