|
Bronze,
en grec kalkos, en latin oes, alliage de cuivre et d'étain,
auquel on ajoute souvent d'autres métaux accessoires, fer, zinc,
plomb. Dès les temps anciens, on en fit des instruments de culte
(couteaux, haches, patères, spatules), des tables pour y graver
les actes publics, les lois et les traités, des flambeaux, des candélabres,
des statues, des trépieds, des monnaies
et des médailles, des portes d'édifices, des crampons et
des attaches de bâtiments; les modernes l'ont employé aussi
à la fabrication des canons, des cloches, des cymbales, des timbres
de pendules, des miroirs de télescopes, etc. Le bronze est susceptile
de la trempe, puisque les Égyptiens
et les anciens Grecs en firent des
armes; mais la trempe n'ajoute pas à sa force, elle le rend plus
cassant. Dans les outils et ustensiles, les Anciens
savaient lui donner une blancheur qui le faisait prendre au premier coup
d'oeil pour de l'argent. Le genre de bronze qu'on appelait airain de Corinthe
était le plus estimé. Les bronzes s'oxydent; mais cet oxyde,
d'une belle teinte verte, que les numismates appellent patine, contribue
à leur conservation.
Les Babyloniens
et les Perses connaissaient l'art de
fondre des statues. Le British Museum, à Londres,
possède un spécimen de l'art
égyptien, une tête d'Osiris;
le noyau en bois se trouve encore dans l'intérieur
du métal. Chez les Hébreux, des figures d'anges,
des vases, des candélabres en bronze,
ouvrage, selon la Bible,
de Bézéléel, décorèrent l'Arche d'alliance.
Chez les Grecs, d'après Pausanias,
on ne commença à fondre des statues en bronze que dans la
42e olympiade (546 av. J.-C.) : Léarque
de Rhegium fit pour Sparte
la première statue de bronze qu'ait possédée la Grèce;
c'était un Zeus.
Le mode le plus ancien de travailler le métal paraît avoir
été l'emploi du marteau. Puis, à peu près comme
de nos jours, la statue fut modelée en cire sur une âme durcie
au feu, et là-dessus on étendait une forme en argile, dans
laquelle on ménageait la place des tuyaux par lesquels devait couler
la métal. Égine et Délos,
puis Corinthe, furent renommées pour
la composition de leur bronze; les fondeurs savaient donner aux parties
différentes de la même statue différentes nuances de
couleurs : ainsi, Plutarque mentionne une Jocaste
mourante, dont la figure était d'une pâleur mortelle,
obtenue au moyen un mélange argentifère, et Pline
un Athamas rouge de honte, couleur provenant d'un mélange
de fer.
Callistrate cite des statues de l'Occasion,
de l'Amour et de Bacchus
(les deux dernières de Praxitèle), où le bronze imitait
les couleurs naturelles. On parle aussi d'un bas-relief
représentant la bataille d'Alexandre
et de Porus, oeuvre comparable aux plus belles peintures.
S'il y a de l'exagération dans ces récits, du moins il est
certain que les Anciens obtenaient dans
leurs bronzes des effets de polychromie.
Quelquefois les Grecs mettaient aux
statues de bronze des yeux en marbre blanc, ou des pierres fines pour l'iris,
des ongles en argent aux pieds et aux mains : la belle Victoire de Brescia
a une coiffure en argent. La fonte se faisait par parties, qu'on réunit
d'abord au moyen de clous, ensuite par queue d'aronde. On trouva aussi
l'art de souder les parties à l'aide d'agents chimiques ou mécaniques.
Il n'est pas clairement établi que les Grecs eurent des statues
fondues d'un seul jet. C'est après la mort de Pisistrate
que les Athéniens firent ériger devant le temple, d'Athéna
le premier quadrige de bronze. Parmi les artistes grecs qui exécutuèrent
des ouvrages en bronze, on cite Théodore de Samos, Rhoecos, Phidias,
Polyclète, Myron, Praxitèle et Lysippe. Au rapport de Pline,
il y avait de son temps à Athènes
3000 statues de bronze, autant à Olympie
et à Delphes. Le consul Mummius en
emporta une plus grande quantité de Corinthe,
et en remplit Rome.
Au dire de Pausanias,
l'Italie eut des statues de bronze
longtemps avant la Grèce;
et, en effet, Denys d'Halicarnasse nous dit que
Romulus
fit placer sa statue, couronnée par la Victoire,
sur un char attelé de 4 chevaux, le tout en airain; qu'une statue
de bronze fut érigée à Horatius Coclès, et
une statue équestre à Clélie;
que les biens confisqués de Spurius Cassius
servirent à élever des statues de bronze à Cérès.
De tout temps les Romains eurent recours aux
artistes étrusques ou grecs. Les débris de la statuaire pendant
le règne des empereurs attestent
que, parmi les artistes grecs qui vinrent s'établir à Rome,
il y en eut d'un grand mérite. Le collège des ouvriers en
bronze était la troisième des corporations établies
par Numa Pompilius. Les statues de bronze furent
aussi nombreuses à Rome qu'en Grèce lorsque, dans les premiers
tempsde la république, on prit Vulsinies, on se saisit de 2000 statues;
Scaurus en plaça 3000 dans son théâtre. Il n'y avait
presque pas de cités antiques, de temples, de maisons riches, qui
ne renfermassent des statues de bronze.
Beaucoup de bronzes antiques ont péri.
Ainsi, sous Vespasien, 3000 tables conservées
au Capitole furent détruites par un incendie. Les Turcs,
après la prise de Constantinople
en 1453, détruisirent un nombre considérable de statues.
Quand le pape Urbain VIII enleva du Panthéon
de Rome tous les ouvrages en bronze, moins les deux portes
qu'on y voit encore, leur poids s'éleva à 450 274 livres;
on en fit le baldaquin du maître-autel
de l'église Saint-Pierre, et des canons
pour le château Saint-Ange. Malgré
les pertes causées par le temps ou par la main des humains, les
galeries de quelques-unes des principales villes de l'Europe
(Florence, Rome,
Naples, Paris)
contiennent une très grande quantité de petits bronzes, sans
compter les têtes d'un certain nombre de personnages illustres. Les
grandes statues sont moins communes; on peut citer : le Satyre
endormi, du cabinet d'Herculanum;
les deux Lutteurs, de Portici; la statue équestre colossale
de Marc-Aurèle, sur la place du Capitole,
à Rome; l'Hercule
du Capitole; le Tireur d'épines et la statue de Septime
Sévère, du palais Barberini.
On a cru longtemps que l'art de fondre
le bronze avait été apporté en France
par les Italiens au XVIe
siècle. C'était une erreur : le nombre des ouvrages en cuivre
et en bronze fondus a été considérable au Moyen
âge. On peut citer le tombeau de Charles
le Chauve à Saint-Denis (XIIe
siècle ), ceux de la reine Blanche à Maubuisson,
de Saint-Front à Périgueux,
de deux évêques dans la cathédrale
d'Amiens (XIIIe
siècle), le mausolée de Barbazan élevé en 1432
dans la ville de Saint-Denis, les battants de la grande porte de l'abbaye
de Saint-Denis, une foule de
croix, crucifix, pupitres, encensoirs, reliquaires,
baldaquins d'autels, retables,
pupitres, chandeliers,
etc. II existait à Paris, dès
le XIIIe siècle, une corporation
de fondeurs, mouleurs, lampiers, ciseleurs, dont Étienne Boileau
nous a conservé les règlements. On doit à Donato ou
Donatello, dans la 1re
moitié du XVe siècle, la
plus ancienne statue équestre en bronze qui ait été
fondue chez les modernes. André de Pise et Ghiberti
se rendirent célèbres par leurs bas-reliefs
exécutés en bronze. Les bronzes de la Renaissance
sont remarquables par leur perfection, et l'on en trouve un exemple dans
le buste de François ler,
par Jean Cousin, conservé au Louvre.Benvenuto
Cellini et le Primatice coulèrent
d'un seul jet de grandes statues. On n'a conservé, des bronzes que
Cellini fit en France, que le bas-relief de la Nymphe,
qui est au Louvre.
L'Apollon
du Belvédère et le groupe du Laocoon,
que l'on voit aux Tuileries,
ont été moulés sur les originaux antiques, fondus
par les soins du Primatice. Un des chefs-d'oeuvre
de l'art français au XVIe siècle
fut le monument de Jeanne d'Arc, à
Orléans; il fut fondu par Hector Lescot,
dit Jacquinot, en 1571. Sous Louis XIII, on
exécuta de grands bronzes sur les modèles de Guillain, de
Michel Anguier et autres artistes ; la famille
de Chaligny, fixée en Lorraine,
se distingua, pendant trois générations, par ses travaux
en bronze. Sous Louis XIV, on fabriqua aux Gobelins
les bronzes dorés qui sont au château
de Versailles. Louvois
établit, en 1684, les fonderies de l'Arsenal, sous la direction
des frères Keller : l'un d'eux, Jean Balthazar, y fondit la majeure
partie des vases, des statues
et des groupes qui furent répandus dans les parcs de Versailles,
de Marly, de Saint-Cloud et des Tuileries.
Plus tard, la fonderie fut dirigée par les deux Sauteray et par
Gor. Sous le premier Empire et la Restauration, Crozatier,
Carboneau, Launay, conservèrent à la fonderie française
tout son éclat. Les plus beaux ouvrages fabriqués depuis
la fin du XVIIe siècle ont été
: l'ancienne statue équestre de Louis XIV, sur la place
des Victoires, 1699, ouvrage coulé d'un seul jet; celle de Pierre
le Grand à Saint-Pétersbourg,
1767; la colonne de la place Vendôme, à Paris, 1806; la colonne
de Juillet, sur la place de la Bastille,
1839; les portes de l'église
de la Madeleine, fondues par Eck et Durand 1840; la statue colossale
de la Bavière, à Munich, 1850;
celle de la Sainte Vierge,
au Puy-en-Velay. 1860.
C'est depuis le XVIIIe
siècle à peine que les bronzes ont été adoptés
comme objets d'ornementation, d'ameublement et de luxe. L'invention de
la dorure au mat par Goutherie, vers la fin du règne de Louis
XV, et le goût de l'antique ramené dans les arts par l'école
de David, contribuèrent puissamment à donner la vogue aux
bronzes, et, dans cette industrie. Dans cet art on a, en France, au XIXe
siècle, des fabricants tels que Thomire, Ravrio, Soyé, Galle,
Jannet, Vallet, Cornier, Vittoz, de Labroue, Barbedienne, Denière,
etc. (B.). |
|