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Francesco Primaticcio,
ou, suivant sa propre signature, Primadiccio, dit en France le
Primatice, est un peintre, sculpteur
et architecte italien, né à
Bologne en 1504 ou 1505, mort en France
en 1570. Il étudia sous Innocent d'Imola et sous Barthélemy
Bagnacavallo, et passa en 1526 sous la direction de Jules Romain, qui l'employa
à la décoration du palais du Té à Mantoue.
Le Primatice y exécuta sur les dessins de Jules une double frise
de stuc représentant le Triomphe de l'empereur Sigismond,
qu'on y voit encore. Il travaillait aussi la peinture, et ce double talent
de. peintre et de stucateur le fit appeler en France par François
Ier, qui
pressait la décoration de son château de Fontainebleau.
Cela fut en 1532. Outre Mantoue et Bologne,
Primatice avait visité Modène,
et sans doute aussi Parme, Florence
et Rome, où il est à croire qu'il
étudia les oeuvres de Michel-Ange et
du Corrège.
Le roi de
France l'employa d'abord à décorer de stuc et de peinture
mêlés sa chambre et la chambre de la reine, puis la porte
du château appelée porte Dorée,
et une chambre au-dessus de cette porte. Pendant ce temps, le Rosso, peintre
florentin, qu'il avait trouvé en exercice, exécutait
la galerie dite aujourd'hui de François Ier,
et dont on attribue à tort les stucs au Primatice. La rencontre
de ces deux artistes a donné lieu à plusieurs fables et fait
imaginer entre eux des rivalités violentes, dont le récit
ne repose sur aucune preuve. Au contraire, ils mêlèrent quelquefois
leurs travaux. Le pavillon de Pomone dans les jardins de Fontainebleau,
la galerie Basse sur l'étang, dite plus tard salle du Conseil, et
les décorations qu'on fit en 1540 pour l'arrivée de Charles-Quint
furent l'oeuvre commune de ces deux hommes.
Cette même année 1540, Primatice,
député par le roi en Italie
pour y rechercher des oeuvres d'art, s'arrêta à Rome, où
son compatriote Vignole l'assista dans l'exécution de quelques moules
pris sur plusieurs figures antiques. Tous deux repartirent ensemble pour
la France, où ces moules servirent aussitôt à fondre,
sous leur direction, des bronzes qui sont demeurés
célèbres, et dont cinq subsistent aujourd'hui le Laocoon,
la Vénus de Guide, l'Apollon du Belvédère,
l'Hercule Commode et la Cléopâtre ou Ariane.
Le Rosso était mort durant l'absence du Primatice, qui se trouva
par là le premier des artistes du roi. Il acheva la salle du roi,
son propre ouvrage, et celui du Rosso dans la galerie par l'exécution
de deux sujets peints : une Danaé et une Sémélé.
Puis on le vit, de 1542 à 1545, donner à la fois ses soins
au cabinet du roi, à la chambre en arrière de la porte Dorée,
à la grotte du jardin des Pins et à la chambre d'Alexandre
où logeait la duchesse d'Etampes.
L'amitié de la favorite, jointe
à la faveur du roi, servit notre artiste contre les attaques de
Cellini. Celles-ci se déclarèrent à propos d'une fontaine
qu'on voulait élever dans la cour de Fontainebleau, et dont l'orfèvre
florentin prétendit avoir la commande. Ce fut le Primatice qui l'éleva.
Cellini dans ses Mémoires a entassé plusieurs mensonges
au sujet de ces rivalités, entre autres la fameuse exposition de
son Jupiter dans la galerie de Fontainebleau en concurrence des bronzes
plus haut cités, et qui réellement n'eut jamais lieu. Les
deux ouvrages les plus considérables du Primatice à cette
époque sont l'appartement des bains et la galerie d'Ulysse, de laquelle
les trois quarts furent achevés avant la mort de François
ler, survenue en 1547. Cette galerie eut
150 m de long, et ne comporta pas moins de 161 sujets peints, au milieu
d'arabesques qui répandirent ce genre en France. En 1540, il revit
l'Italie et en rapporta des moules de quelques ouvrages de Michel-Ange.
Henri II lui donna à décorer la
salle de Bal de Fontainebleau, où se trouvent ses plus grands ouvrages.
A cette époque il devint le favori
des Guises qui l'employèrent tour à tour à dresser
les plans du tombeau du duc Claude à Joinville, à décorer
les bâtiments dits de la Grotte, que le cardinal de Lorraine élevait
à Meudon, et plus tard à peindre la chapelle de l'hôtel
de Guise à Paris. Il travailla aussi pour le cardinal de Ferrare,
pour Dinteville, évêque d'Auxerre, pour le comte de Clermont-Tonnerre
à Ancy-le-Franc,
dont on lui attribue l'édifice, et peut-être pour Jean Duthier
à Beauregard. Au lendemain de la mort de Henri II, le Primatice
donna les dessins d'une grande décoration pour l'entrée que
faisait à Chenonceaux la reine mère Catherine de Médicis.
Celle-ci, qui devenait maîtresse du royaume, le nomma directeur des
Bâtiments du roi, siens propres.
Cette charge comportait les fonctions
d'architecte, et ce qui se fit sous sa surintendance doit être regardé
comme son ouvrage en ce genre. Il augmenta le château de Fontainebleau
de l'aile au Sud du Fer à Cheval sur la cour du Cheval Blanc, et,
sur la cour de la Fontaine, de celle que l'on nomme de la Belle Cheminée.
Outre quelques ouvrages de moindre importance, on lui dut encore une galerie
et un pavillon dit de le Chancellerie à Saint-Germain,
et enfin les plans de la magnifique sépulture des Valois
à Saint-Denis, qui ne fut élevée
qu'après sa mort, de sorte que ses dessins ne furent peut-être
pas suivis. En même temps que les maçons des maisons royales,
il dirigea depuis 1560, dans l'atelier du Grand-Nesle, les sculpteurs qui
travaillaient aux monuments des choeurs de Henri II et de François
Il, et au célèbre tombeau du premier. Ces divers ouvrages,
conservés au Louvre et à Saint-Denis,
sont du dessin du Primatice.
Il mourut en 1570, après quarante
ans passés à la cour de France, durant lesquels il exerça
sur les beaux-arts une espèce de dictature, que seule l'influence
de Philibert de l'Orme, et les exemples
laissés par le Rosso partagèrent. Son style propre a prévalu
dans ce qu'on a nommé, par une appellation confuse et parfois inexacte,
école de Fontainebleau. Il s'étendit aux moindres objets
et jusqu'aux émailleurs, aux tapissiers et aux brodeurs. Le Primatice
est l'auteur authentique des émaux de
Saint-Père de Chartres attribués
à Rochetel, et on doit regarder comme faite sur ses dessins la tenture
des Dieux arabesques tissée à Fontainebleau, et dont les
Gobelins et le Musée des Tissus de Lyon gardent les débris,
ainsi qu'un corporalier du musée
de Cluny. Il fut aussi un exemple aux graveurs, parmi lesquels, le
maître au monogramme L. D., auteur d'un grand nombre de pièces
d'après lui, doit passer pour son plus brillant élève.
En peinture Niccolo
dell' Abbate, en sculpture Germain Pilon ont
reproduit exactement son style. Ses principaux aides à Fontainebleau
ont été, avec le premier : Lucas Penni, Fantuzzi, dit Fantose,
J.-B. Bagnacavallo, Miniato, Virgile Baron, Caccianemici, dit Cachenemis,
Ruggieri, dit Roger de Rogery, et les Français Badouin, Casmoy,
Musnier et Rochetel; à l'atelier de Nesle, outre Germain Pilon,
Laurent Renaudin, Jérôme della Robbia, Dominique Florentin,
Ponce, et les Français Rousscl et Leroux, dit Picard.
Les oeuvres du Primatice sont en grande
partie détruites, et celles que l'on conserve sont si fort restaurées,
qu'on n'y peut plus guère juger de ses mérites en tant que
peintre. Il faut faire exception pour la chambre des Muses au château
d'Ancy-le-Franc, mais on n'a pas de preuves positives qu'elle soit de lui.
Des dessins admirables conservés en grand nombre, des stucs, et
quelques ouvrages de bronze et de marbre demeurent seuls pour perpétuer
sa gloire et le souvenir d'un talent fait de science et d'adresse, d'un
grand sentiment poétique, d'une douceur et d'un goût exquis,
gâtés, à vrai dire, par la manière, mais que
ne cessa jamais de soutenir et de renouveler l'étude incessamment
reprise de la nature. (L. Dimier). |
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