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Maubuisson |
Maubuisson est un quartier de la commune de Saint-Ouen-l'Aumône (département du Val-d'Oise), où se trouvent les ruines (monument historique) d'une abbaye' cistercienne de filles, fondée en 1236 par la reine Blanche de Castille, pour des religieuses de l'ordre de Cîteaux, d'abord à Aulnay et transférée à Maubuisson en 1243. Elle s'était primitivement appelée Notre-Dame-la-Royale. Trois quarts de siècle après sa fondation, cette abbaye, refuge de filles nobles, résidence princière, en même temps que nécropole royale, fut illustrée par l'audacieuse galanterie d'une petite-fille de saint Louis, la reine Marguerite de Bourgogne, et de ses deux belles-soeurs, Blanche et Jeanne, qui en avaient fait leur séjour de prédilection, et un peu plus tard par Angélique d'Estrées (V. ci-dessous), soeur de la belle Gabrielle, favorite de Henri IV. A son apogée, la communauté comptera cent vingt personnes. Corps de bâtiment de l'abbaye de Maubuisson. © Serge Jodra. Entrée en décadence dans le deuxième quart du XVIIIe siècle, elle sera dissoute à la Révolution. Le domaine de Maubuisson devient un hôpital militaire dès 1793, puis il est exploité en carrière de pierres, en filature et en ferme. Une oeuvre de protection de l'Enfance s'installe en 1928 dans l'ancien logis des hôtes, demeuré propriété privée. Restaurée, une partie du reste du site (la grange à dîmes, le chapitre, le parloir, la salle des religieuses et les anciennes latrines), est ouverte au public depuis 1987. L'église, qui fut détruite à l'époque de la Révolution, contenait le tombeau de Gabrielle d'Estrées. Il n'en subsiste que quelques piliers et un pan de mur. Par contre les bâtiments claustraux du XIIIe siècle existent encore en partie. En dehors du monastère se trouvent les vestiges du manoir de Saint-Louis ou la reine Blanche de Bourgogne, convaincue d'adultère et répudiée par Charles IV, termina ses jours. Plusieurs escaliers donnent accès à des caves, à d'anciennes carrières, à une chapelle souterraine et à une galerie, lieu de sépulture des religieuses. Parmi les autres vestiges, il faut signaler une belle grange du XIIIe siècle, une tourelle à pans et de petites tours du XIVe siècle. Mme Angélique ne fit rien pour astreindre ses nonnes aux rigidités de la règle de Cîteaux, inusitées d'ailleurs dans toutes les maisons de l'ordre, à cette époque. Le couvent, doté pour cent religieuses, finit par n'en plus compter que vingt-deux, la plupart engagées contre leur gré et empressées à se dédommager de cette contrainte elles attiraient dans le monastère la compagnie du dehors, jouaient la comédie et donnaient des collations dans des cabinets pratiqués séparément dans le jardin. Souvent, après vêpres et complies, qu'on disait toujours de bonne heure, la prieure menait toute la communauté se promener le long des étangs, sur le grand chemin de Paris. L'arrière de la grange à dîmes de l'abbaye de Maubuisson. © Serge Jodra. Les religieux de Saint Martin de Pontoise venaient les y rejoindre, et on dansait ensemble sur l'herbe. Ces choses n'avaient rien de fort extraordinaire en ce temps-là; on les retouve sous des formes un peu plus discrètes, en maint couvent, au XVIe et au XVIIe siècle elles constituent le prologue de presque tous les récits qui racontent les réformes tentées pour y mettre fin. Malheureusement Henri IV mourut, et le souvenir des bontés de Gabrielle n'était pas un titre à la bienveillance de Louis XIII et de sa mère. La cour se prit donc à s'émouvoir de ce qu'elle appelait les scandales de Maubuisson; en 1617, le jeune roi donna ordre à l'abbé général de Cîteaux d'en prendre connaissance et d'y pourvoir par les remèdes nécessaires. L'abbé, qui était médiocrement zélé pour les réformes, chercha à traiter l'affaire en douceur; il envoya à Maubuisson quelques-uns de ses religieux pour engager l'abbesse à mettre de l'ordre dans son couvent et dans sa propre conduite. Celle-ci les fit enfermer et les tint quelques jours sans manger, pour les faire goûter aux austérités qu'ils réclamaient; puis elle les renvoya, peu disposés à revenir, et elle reprit la vie ordinaire, promettant toutefois une réforme, qui se laissa attendre. Pressé par de nouvelles dénonciations et de nouvelles injonctions, l'abbé général députa à Maubuisson un nouveau commissaire; l'abbesse fit emprisonner le commissaire et sa suite, dans une des tours du couvent, les réduisant au pain et à l'eau et leur faisant administrer les étrivières tous les matins. Au bout de quatre jours les malheureux trouvèrent le moyen de se sauver par une fenêtre. L'abbé général dut se résigner enfin à l'emploi de la force, il demanda et obtint de la cour une commission pour enlever l'abbesse de Maubuisson et l'enfermer aux Filles pénitentes de Paris. Cette commission fut exécutée le 3 février 1618 par le prévost de l'Isle et ses archers; et la mère Angélique Arnauld fut chargée de réformer le couvent. En septembre 1619 Mme d'Estrées, que nous appellerons désormais ainsi pour la distinguer de la mère Angélique Arnaud, réussit à s'échapper de la maison où elle avait été récluse et se rendit à Maubuisson. Avec l'aide du comte de Sanzé, son beau-frère, et de quelques gentilshommes préféraient pour voisines des nonnes dirigées par elle à des nonnes réformées par la mère Angélique, soutenue d'ailleurs par la connivence des anciennes religieuses, dont la plupart lui étaient restées attachées, et d'un père bernardin, leur confesseur, elle expulsa la mère Angélique, non sans prise de corps avec elle. Celle-ci se réfugia à Pontoise, avec les nonnes de son parti, en une procession qui est restée célèbre dans les annales de Port-Royal. La famille Arnauld intervint alors; elle obtint de la Chambre des vacations un arrêt pour remettre en place la mère Angélique. Sur un ordre de la cour, le chevalier du guet se transporta à Maubuisson, avec 200 archers. Mme d'Estrées avait cherché et trouvé un asile chez les jésuites de Pontoise; mais finalement elle fut réintégrée aux Filles pénitentes et de là transférée au Chatelet; elle mourut une quinzaine d'années plus tard, dans une petite maison de faubourg, fort misérable, quoique l'abbaye lui servit une rente de 1200 livres; mais elle plaida toute sa vie pour rentrer à Maubuisson. ( E.-H. Vollet). |
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