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Délos est une petite île grecque, située au centre de l'archipel des Cyclades, entre les îles de Mykonos et Scyra, à côté de l'île de Rheneia; cette dernière est souvent confondue avec la vraie Délos sous le même nom. Actuellement, Délos s'appelle Mikri Dhili et Rheneia Megali Dhili, c.-à-d. la grande et la petite. Dans le détroit de 600 m qui sépare les deux îles sont deux rochers dont l'un est probablement l'ancien îlot d'Hécate. Délos est la plus petite des Cyclades, mais c'est aussi la plus importante. Aussi loin que nous puissions remonter dans le passé des Grecs et des riverains de la mer Egée, nous voyons que Délos réunissait le double caractère de sanctuaire religieux et d'entrepôt commercial de ces parages. C'est une petite île rocheuse de 5 km de long, 1200 m de large, d'une superficie d'environ 3 km²; le sol est granitique et escarpé; au centre culmine le mont Kynthos, Cynthus, ou Cynthe (106 m). Les Anciens signalent une source et un ruisseau du nom d'Inôpos dont ils comparent les crues à celles du Nil, rapprochant les deux phénomènes et supposant même une communication entre l'Inopôs et le Nil; on suppose que ce ruisseau est celui qui coule du mont Cynthus au port de Furni, le seul cours d'eau actuel de l'île. L'étang sacré dont parlent souvent les anciens auteurs et qui fournissait l'eau au temple d'Apollon où le dieu rendait des oracles célèbres, doit être placé au Nord de l'île, à l'Est de l'ancien port. Le mont Kynthos et l'étang sacré, à Délos. Histoire de Délos. « La religion d'Apollon, dit-il, a profondément modifié le caractère et les habitudes des peuples. C'est elle qui a arraché les hommes à la sombre domination des puissances de la nature, qui a fait du culte un devoir de relèvement moral; elle a institué des expiations pour les consciences coupables, des oracles pour les esprits perplexes. Les bienfaits de cette religion imposaient le devoir et inspiraient le désir de la propager en Occident. Les prêtres de Délos savaient que les premiers statuts de leur culte leur étaient venus de Lycie. Délos était, à cause de son excellente rade et de sa situation au milieu de l'Archipel, une station des plus importantes pour le commerce, comme pour la propagande religieuse. C'est à Délos que sortit de terre, à côté du palmier et de l'olivier, le premier laurier sacré; c'est delà que les barques des missionnaires cinglèrent à travers les îles vers le continent européen et là où elles abordaient, là s'allumait le flambeau d'une doctrine plus pure et d'une civilisation qui depuis longtemps déjà brillait sur la Grèce d'Orient. » (Curtius, Hist. gr., trad. Bouché-Leclercq, t. I, p. 99)L'hypothèse brillamment développée par Curtius a été contestée par Otfried Müller, qui a soutenu, au contraire, que le culte apollinien était dans l'île comme ailleurs d'origine dorienne et y avait été apporté par les Doriens dans leur expédition vers la Crète. Ceci n'est plus admis par personne, car Délos a été avant tout une île ionienne. Les auteurs anciens donnent à l'île un grand nombre de noms ou de surnoms, dont la plupart se réfèrent à la mythologie : Asteria, Pelasgia, Ortygia, Chlamydia, Lagia, Cynthus, Pyrpile. Pindare dit qu'Asteria est le nom divin de l'île que les mortels appellent Délos, l'étoile de la sombre terre; le nom d'Ortygie viendrait de ce que Latone (Léto) s'y réfugia sous la forme d'une caille (ortyx). L'histoire de l'île de Délos se confond avec celle du temple d'Apollon qui s'y élevait. La ville était groupée au Nord, autour du sanctuaire où se montraient l'étang sacré, le palmier au pied duquel Léto avait mis au monde ses enfants divins. La ville était ouverte, car nul Hellène n'eût osé l'attaquer et s'exposer à la colère du dieu. La grande fête religieuse quinquennale dont nous reparlerons plus loin, semble avoir été une fête nationale ionienne, Délos étant peut-être l'ancien centre d'une confédération religieuse ou amphictionie des Cyclades et des rivages de la mer Egée. La légende des Hyperboréens atteste d'anciens rapports avec les peuples septentrionaux. L'hymne homérique à Apollon Délien, dont on place la composition vers le VIe siècle, nous a transmis les mythes de Délos et la description des fêtes célébrées en l'honneur du dieu. Non seulement les Athéniens ont toujours manifesté leur respect pour ce culte, mais les grands tyrans ioniens Pisistrate et Polycrate de Samos ont contribué à accroître sa splendeur. Après la ruine de Corinthe, au temps de la conquête romaine, la prospérité de l'île ne fit d'abord que s'accroître; elle hérita du commerce de la ville de l'isthme. La sécurité assurée à cet entrepôt par la sainteté du lieu, les avantages de la situation, les qualités du mouillage, firent de Délos le port le plus riche de la mer Egée. Le commerce des esclaves s'y concentra au point qu'on en vendit jusqu'à dix mille en un jour. Le bronze de Délos fut renommé. L'île était demeurée possession athénienne, les Romains lui confirmèrent ce caractère. Sa fortune fut brusquement détruite en l'an 87 av. J.-C.; Ménophane, lieutenant de Mithridate, la mit à feu et à sang, pilla le temple, détruisit la ville avec les trésors d'art qui y étaient accumulés, vendit les habitants. Délos ne se releva jamais et, au temps de Pausanias, elle était déserte. Monuments. En 1873, Lebègue commença; il étudia le sommet du Cynthus, y découvrit un vieux sanctuaire et deux temples après lui la Société archéologique d'Athènes trouva sur les pentes les temples de Sérapis, lsis, Anubis. En 1877, Homolle changea la direction des fouilles et, avec un sens très fin, sut en tirer un tout autre parti. Délos avait été un sanctuaire et un entrepôt commercial. II résolut de reconstituer le plan de la ville de commerce et du temple d'Apollon, centre réel de la vie délienne. Aucune description d'un ancien auteur ne pouvait guider les recherches. Cependant, dès la première année, Homolle retrouva le soubassement du temple; de 1877 à 1880 il le déblaya, y revenant encore en 1885 et 1888, tandis que d'autres membres de l'Ecole d'Athènes achevaient l'exploration de l'île. A l'aide de 1500 inscriptions successivement déterrées, on a pu reconstituer l'histoire de Délos, connaître l'administration d'un des plus grands temples antiques, savoir comment ces habiles prêtres-banquiers géraient la fortune du dieu. Il nous est aisé aujourd'hui de nous rendre compte de l'aspect qu'offrait aux pèlerins et aux négociants la ville sacrée située au Nord-Ouest de l'île. Voici la description qu'en donne Diehl dans ses Excursions archéologiques : « Supposons que, comme le voyageur antique, nous entrions à Délos aux jours lointains de sa prospérité. En face de nous s'étend un grand mur qui domine la mer, une sorte de terrasse ménagée en avant du temple, et qui du côté de l'Ouest limite le temenos (enclos sacré du temple). Sur la droite perpendiculaire au port et au rivage, un mur de granit, presque entièrement détruit aujourd'hui, s'en va dans la direction de l'Est; derrière le sanctuaire s'élève un autre mur tout semblable, bâti en pierres d'un bel appareil, et parfaitement conservé; à gauche enfin, c.-à-d. sur le côté septentrional du péribole (enceinte du temple), s'étendaient une série de portiques dont le mur de fond servait à limiter le temenos. Au Nord et au Sud du péribole, tout le long du rivage, était bâti le quartier marchand, avec ses magasins, ses docks, les bureaux de ses grandes compagnies commerciales, et, plus haut que le sanctuaire, au flanc de la montagne, s'élevaient jusqu'au sommet du Cynthus, une succession d'édifices, d'habitations, de temples, dont les blanches murailles dépassaient les grands arbres du bois sacré. Tel était à l'arrivée l'aspect général de Délos. On débarquait à ce qu'il semble vers la gauche, à la limite même des deux villes, sur une grande place rectangulaire richement décorée; des statues, des exèdres, un portique en faisaient l'ornement. Fermée à l'Est par les constructions sacrées, elle s'ouvrait largement à gauche dans la direction du quartier marchand. Trois rues en partaient : l'une au Nord vers l'agora, l'autre à l'Est qui, le long des murs du temple, conduisait aux portes septentrionales du sanctuaire, grand portique monumental ouvert sur la ville marchande; une troisième voie enfin s'en allait vers le Sud et menait à une entrée secondaire du péribole ouverte en arrière de la terrasse, tout auprès de l'édifice appelé la Maison de tuf à cause des matériaux dont il était construit. Sur toutes les faces de l'enceinte, des portes étaient ménagées, dont les unes menaient aux parties supérieures de la plaine, les autres au quartier des marchands; mais l'entrée principale s'ouvrait du côté méridional du temenos, à droite du port et des quais où débarquaient les pèlerins. »C'est de ce côté que les Athéniens avaient élevé les Propylées; de là partait la voie sacrée, bordée de statues, qui menait au temple; en avant de celui-ci se développait une vaste esplanade garnie des oeuvres d'art offertes à Apollon et des stèles sur lesquelles étaient gravés les actes mémorables. Le temple était petit, en marbre de Paros, semblable au Thaseion d'Athènes; l'édifice actuel date du IVe siècle av. J.-C. A côté étaient les temples de Léto, d'Aphrodite, des trésors, des salles de festin, et, tout autour du temenos, des portiques ou l'on abritait les pèlerins; le plus beau était le portique des Cornes, avec ses triglyphes ornés de têtes de taureaux, construit par le roi de Syrie, Antiochus Epiphane. En face du temple était l'étroit couloir des Taureaux, ou se dansait la ronde du geranos, danse sacrée. Artémis, la soeur d'Apollon, avait ses sanctuaires auprès de ceux de son frère; l'ancien qui s'appelait le temple des Sept Statues, et le nouveau; on signale encore un autel de Zeus Polieus, les temenos de Dionysos, la chapelle d'Asclépios (Esculape), le tombeau des vierges hyperboréennes, etc. - Le théâtre de Délos. Ci-dessous : plan ce ce monument. Les fouilles poursuivies à Délos ont non seulement rendu la topographie de la cité apollonienne, mais permis de reconstituer sa vie, grâce aux inscriptions retrouvées. Ces inscriptions sont du VIIe siècle au Ier siècle ap. J.-C. Le plus grand nombre est relatif à la période du IIIe siècle et du IIe, de 315 à 166, quand Délos fut autonome. Elles nous donnent le tableau exact de ce que fut cette cité commerciale un moment si prospère. Surtout nous avons pu étudier dans le détail l'administration d'un grand temple antique. Cette série de documents est unique : sur cette seule matière les inscriptions fournissent un volumineux dossier comprenant plus de 600 fragments qui représentent plus de 150 pièces différentes; et parmi ces pièces il n'est pas rare d'en trouver qui ont 300, 400 ou 500 lignes. Ces documents sont relatifs ou bien aux comptes des richesses du temple, ou bien à l'inventaire des offrandes qu'il renferme. C'est qu'un dieu est « avant tout un grand propriétaire »; son temple est à la fois une banque, un garde-meuble et un musée. L'affaire fondamentale à Délos est la gestion des biens d'Apollon. Elle est confiée à quatre hiéropes annuels. Les fouilles de Homolle et le travail très complet qu'il a publié nous donnent une idée de cette intendance sacrée, des revenus du dieu; la location des maisons et des biens ruraux rapportait peu; mais le prêt des capitaux était plus lucratif; les revenus annuels étaient de 27,000 drachmes, les dépenses de 21,000, soit un excédent de 6000 drachmes; l'encaisse était d'environ 60,000 drachmes. En somme, ces chiffres n'ont rien d'extraordinaire et étonnent plutôt par leur faiblesse. La valeur des ex-voto était plus considérable. Beaucoup étaient évidemment des oeuvres d'art remarquables, comme l'Apollon colossal consacré par les Naxiens, la statue d'Iphicartidès, plusieurs statues d'Artémis. On n'a d'ailleurs retrouvé à Délos aucune oeuvre de premier ordre; les plus dignes d'attention sont les statues qui ornaient les frontons du temple d'Apollon. Le colosse d'Apollon des Naxiens. Fêtes d'Apollon Délien. Les fêtes sont décrites dans l'hymne homérique à Apollon Délien. Des théories sacrées débarquent dans l'île leurs ambassadeurs et leurs prêtres, célèbrent les sacrifices; puis viennent les jeux, concours de gymnastique et de musique, dont les vainqueurs reçoivent les palmes du palmier de Léto; on se livre ensuite aux danses et aux chants où les jeunes Déliennes, jouant le rôle de nymphes, compagnes de Léto et de ses enfants, dansent en s'accompagnant de castagnettes, imitent le dialecte de tous les pays, chantent les louanges des trois divinités; les principales danses sont celles des grues et des flagellés. Durant ces fêtes et ces exercices, se tenait sur le rivage une foire qui bénéficiait de la protection du dieu. Plan du quartier du sanctuaire d'Apollon, à Délos. Nous ne sommes pas renseignés sur la date et la périodicité de ces premières fêtes, elles tombèrent en désuétude quand se disloqua l'association ionienne; les théories ne vinrent plus à la même époque ; celle d'Athènes en mai (thargelion), celles de Cos et Carystos en septembre, de Siphnos en octobre; les Ioniens d'Asie négligeaient Délos. En 426, les Athéniens décidèrent la réorganisation de ces fêtes; en leur qualité d'amphictions, ils en prirent la direction, purifièrent l'île, firent le procès à ses habitants qu'ils dépossédèrent. Les Delia furent dès lors une fête purement athénienne. Elle était célébrée tous les quatre ans, la même année que les Pythies de Delphes, les 6 et 7 Thargelion, à l'anniversaire présumé de la naissance d'Apollon et d'Artémis. Dans les intervalles, à chaque anniversaire, avaient lieu de petites fêtes. Pour la principale, l'organisation se faisait à Athènes où l'on formait la théorie, armait le vaisseau, achetait les victimes, recrutait les choeurs, les ambassadeurs ou théores et les choristes étaient une centaine; on immolait au moins cent boeufs; le navire sacré était une petite galère à trente rameurs que l'on disait être le navire de Thésée qui avait porté le héros en Crète. On partait à la fin du mois munychien, mettant en moyenne quatre jours pour faire la traversée. Une fois arrivé, on célébrait successivement la naissance d'Apollon, la lendemain celle d'Artémis. L'île de Délos vue depuis l'espace. |
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