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Charles-Quint |
Aperçu | De 1500 à 1530 | De 1530 à 1558 |
Charles-Quint, né à Gand le 24 février 1500, était le fils aîné de Philippe le Beau, archiduc d'Autriche, et de Jeanne, fille de Ferdinand et d'Isabelle, les rois catholiques. Sa mère, par suite de la mort de ses frères et soeur, vit ses droits à la couronne de Castille reconnus par les Cortès de ce pays, et Charles-Quint, dès ses plus jeunes années, eut des droits sur l'Espagne, l'Autriche et la dignité impériale. Son père, Philippe le Beau, vint à mourir (25 septembre 1506) après avoir administré peu de mois la Castille, et sa mère, Jeanne, qui avait déjà donné des signes d'aliénation, devint entièrement folle; ce fut le père de celle-ci, Ferdinand, qui administra la Castille au nom de Jeanne et du jeune Charles. Cependant, celui-ci était élevé aux Pays-Bas, dont la mort de son père l'avait fait héritier, par les soins de ses tantes, Marguerite d'Autriche et Marguerite d'York; il avait pour gouverneur Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, et pour précepteur Adrien d'Utrecht. Il montrait alors peu de disposition pour l'étude et ne se plaisait qu'aux exercices militaires; ce n'est que peu à peu que G. de Chièvres, parvint à l'intéresser un peu à l'histoire et aux choses du gouvernement : il le menait au conseil, lui enseignait la politique, lui donnait l'habitude de la gravité et de la dissimulation : le jeune prince ne montrait en somme aucune qualité brillante et personne n'eût porté sur lui un pronostic avantageux. Le 23 janvier 1516, Ferdinand mourait; par son testament, il laissait ses vastes Etats, Castille, Aragon, Navarre, Naples, Sicile, Amérique, à sa fille Jeanne et à ses enfants, nommant gouverneur général au nom de Jeanne, le jeune Charles. Celui-ci s'empressa de prendre le titre de roi d'Espagne et envoya Adrien d'Utrecht pour gouverner la Castille. Son envoyé n'eut qu'un vain titre, car Jiménez garda le pouvoir. Les Espagnols étaient d'ailleurs mécontents que Charles eût pris le titre de roi, sa mère étant vivante et légitime héritière de la Castille; dans ce pays, on le reconnut à grand-peine comme roi, conjointement avec sa mère, et ce ne fut que grâce à l'influence de jiménez; en Aragon, on ne lui donna que le titre de prince, attendant pour le reconnaître comme roi sa venue en Espagne. Des révoltes des seigneurs et des villes, des intrigues de cour, le remplacement d'Adrien d'Utrecht par La Chaux et Amerstorff, une courte guerre en Navarre, l'insuccès de Diego de Véra devant Alger, les prévarications des conseillers flamands, tous ces faits remarquables de l'histoire de l'Espagne en 1516, pendant la première année du règne de Charles-Quint, se trouveront racontés plus amplement à l'article Jiménez de Cisneros. Les embarras dans lesquels se voyait Charles pour occuper ses nouveaux Etats le déterminèrent à signer avec le roi de France le traité de Noyon, par lequel il promettait à la maison d'Albret la restitution de la Navarre ou une compensation (août 1516), puis il s'occupa des préparatifs de son voyage en Espagne; les Flamands, qui ne voulaient pas le laisser partir, le retinrent presque de force pendant une année et ce n'est que le 15 septembre 1517 qu'il débarqua à Villaviciosa. Il montra vis-à-vis de Jiménez, qui avait joué un rôle si important en Castille, la plus noire ingratitude et le vit mourir sans lui donner un regret. Après une entrée solennelle à Valladolid, il dut se décider à convoquer les Cortès du royaume; en effet, bien qu'il prit le titre de roi, on ne lui avait pas encore solennellement reconnu cette qualité; on ne lui avait pas prêté le serment habituel, de même que lui n'avait pas juré de garder les fueros. Les conseillers flamands auraient bien voulu éviter cette formalité, mais les Castillans y tenaient beaucoup, et le roi convoqua les Cortès à Valladolid pour le mois de janvier 1518. Les séances furent, à ce qu'il semble, assez agitées; les procureurs des villes firent une opposition très vive au roi, le forcèrent à promettre de ne donner aucune charge à des étrangers, exigèrent que dans les actes le nom de la reine Jeanne fût mis le premier et stipulèrent que si elle venait à recouvrer la raison, elle deviendrait seule maîtresse de la couronne, Charles ne prenant que le titre de prince. On voit que la Castille était déjà en lutte presque ouverte contre son roi; il était peu aimé parce qu'il était estranjero et parlait mal le castillan; on haïssait ces Flamands qu'il avait amenés avec lui et qu'il comblait de faveurs : un Flamand, Sauvage, était chancelier de Castille; un Flamand, Guillaume de Croy, était archevêque de Tolède, primat du royaume; de telles choses ne s'étaient jamais vues. En Aragon, à Saragosse, où les Cortès se réunirent en avril 1518. Charles trouva la même hostilité, les mêmes résistances; il n'obtint qu'avec peine qu'on le reconnût, de la même manière qu'en Castille, et qu'on lui votât un faible subside; à Barcelone, en février 1519, où il voulait se faire reconnaître comme souverain de la Catalogne, il n'y parvint qu'au moyen d'intrigues et ne reçut qu'un subside quasi dérisoire; en même temps, plusieurs villes des trois royaumes d'Espagne lui envoyaient des députations pour se plaindre des faveurs prodiguées à des étrangers, de l'exportation du numéraire vers la Flandre, de l'aggravation des impôts; dans les provinces de Valence et de Murcie, il y avait de graves désordres. Sur ces entrefaites, l'empereur Maximilien vint à mourir (janvier 1520) et Charles fut un des compétiteurs à la couronne impériale; il avait de nombreux concurrents, parmi lesquels le plus redoutable était le roi de France. Pendant plusieurs mois, l'Allemagne fut le théâtre de maintes intrigues, et, jusqu'à la réunion de la diète de Francfort, personne ne pouvait prévoir si le roi de France ou le roi d'Espagne allaient ajouter à leurs puissants Etats la dignité impériale. Charles, pour lutter contre son rival, avait besoin d'argent; il en demanda aux Cortès de Castille et les convoqua à Santiago, en Galice; cette convocation hors de la Castille était un fait sans précédent; sans doute le roi espérait avoir les députés davantage dans la main; Valladolid se souleva, Tolède, Toro, Madrid, Cordoue protestèrent. Les députés des Cortès se laissèrent gagner par les intrigues ou les menaces, accordèrent, à une voix de majorité, la translation des sessions à La Corogne, puis votèrent les subsides demandés; le roi s'embarqua le lendemain, 20 mai, pour l'Allemagne; mais il laissait l'Espagne en feu, agitée par la révolte que l'on appelle des Comuneros. Charles vers 1516, par B. van Orley. Charles-Quint, qui prévoyait de rudes guerres et de graves embarras pour l'avenir, voulait capter l'alliance du roi d'Angleterre; aussi s'arrêta-t-il à Douvres et alla-t-il surprendre Henri VIII par une visite tout amicale; il gagna également le cardinal Wolsey, le favori du roi, qu'il savait bien disposé en faveur de François Ier, en lui promettant la tiare pontificale, lorsqu'elle deviendrait vacante. Il séduisit si bien le monarque anglais que celui-ci, malgré l'entrevue du camp du Drap-d'Or avec François Ier, demeura dans le fond fidèle à l'alliance de Charles et alla lui rendre visite à Gravelines (juin 1520). Le 4 juillet, la diète proclama le roi d'Espagne empereur sous le nom de Charles V ou Charles-Quint. Celui-ci se trouvait être, à vingt ans, maître de la plus grande partie de l'Europe et de vastes domaines en Amérique et en Afrique; on comprend qu'il ait pu rêver la monarchie universelle, et que, d'autre part, François ler, menacé sur toutes ses frontières, au Nord, à l'Est, au Sud, ait voulu combattre dès le début et arrêter l'expansion de cette puissance. Ce fut François Ier qui en prit l'initiative, par le moyen de Robert de la Mark, duc de Bouillon, qui se plaignait d'un déni de justice de l'empereur, et qui, ayant trouvé protection près du roi de France, n'hésita pas à faire porter un défi à Charles-Quint, au milieu de la diète solennelle de Worms, et entra aussitôt sur les terres de l'Empire (mais 1521). Peu après, Henri d'Albret, à qui Charles n'avait pas tenu la promesse qu'il lui avait faite d'une compensation pour la Navarre, envahit ce pays avec une armée française et s'en empara facilement, mais d'ailleurs le perdit presque aussitôt, parce que les Castillans se levèrent en masse pour chasser les Français de ce royaume qu'ils considéraient comme la « clef de l'Espagne ». Charles-Quint était très heureux de ces attaques, quoiqu'il feignit de ne pas vouloir la guerre; ses troupes s'emparèrent de Mouzon, d'Ardres, de Saint-Amand, de Mortagne, tandis que François Ier réunissait des troupes pour repousser l'invasion qu'il avait à redouter sur toutes ses frontières. Charles-Quint en même temps s'alliait avec le pape Léon X, « qui promettait selon ses craintes et agissait selon ses intérêts » et que François Ier croyait à tort s'être attaché. Le pape et l'empereur s'engagèrent à chasser les Français du Milanais, par un traité secret (8 avril 1521); des négociations pour la paix, sous les auspices de Henri VIII et de Wolsey, tenues à Calais, furent marquées par une insigne partialité pour Charles-Quint, et la guerre, quoique non encore déclarée, éclata à la fois au nord et en Italie. La conduite de Charles-Quint vis-à-vis de son rival prisonnier varia beaucoup; dans les premiers jours qu'il en reçut la nouvelle, il ne fit éclater qu'une joie modérée, écrivit à Louise de Savoie une lettre rassurante et parut disposé à user avec mesure de la victoire. Plus tard, il tint conseil sur la conduite à tenir vis-à-vis du roi; l'évêque d'Osma proposa qu'on lui rendit la liberté, moyennant qu'il promettrait de ne plus faire la guerre; le duc d'Albe voulait qu'on lui imposât les conditions les plus avantageuses qu'on pourrait obtenir. L'empereur, suivant ce dernier conseil, fit faire à François Ier des propositions qui n'allaient à rien moins qu'à démembrer la moitié de la France au profit de l'Angleterre et de l'Empire; le prisonnier répondit avec noblesse qu'il aimerait mieux mourir. Transporté à Madrid, il ne reçut jamais la visite de son vainqueur, tomba gravement malade et on désespéra de sa vie; le 28 septembre, l'empereur se décida à lui accorder une entrevue qu'il avait plusieurs fois sollicitée. Des négociations aussi furent entreprises par la duchesse d'Alençon, Marguerite, qui avait rejoint son frère. En même temps, l'Europe commençait à s'effrayer de la puissance de Charles-Quint, et Louise de Savoie avait su retourner contre l'empereur la ligue que celui-ci avait formée jadis; il dut céder un peu de ses prétentions; mais il resta intraitable en ce qui concernait la Bourgogne; en même temps, il montrait une vive amitié au traître Bourbon, ce en quoi les Espagnols ne le jugeaient pas favorablement. François Ier, après un essai d'abdication, désespéré de sa longue et dure captivité, signa le douloureux traité de Madrid (14 janvier 1526). Il était peu probable qu'un tel traité pût être exécuté; François Ier, n'avait pas eu un instant la pensée de tenir ses promesses, et avait protesté par écrit contre la violence qui lui était faite; rendu à la liberté, il ne songea qu'à revoir ses enfants qu'il avait donnés en otages, sans céder la Bourgogne. En Italie, les généraux impériaux Lannoy, Bourbon, Pescaire n'étaient pas d'accord; le chancelier Moron crut même pouvoir entraîner Pescaire à abandonner l'empereur, pour affranchir l'Italie du joug des Espagnols, qu'on regardait comme des sauvages et qu'on détestait. Le pape, le duc de Milan, Venise, signèrent contre l'empereur avec François Ier, le traité de Cognac, 22 mai 1526, et formèrent ce qu'on appelle la Sainte Ligue ou Ligue Clémentine. L'Italie, qui croyait combattre pour sa liberté, devait être le théâtre de la guerre ; l'empereur y renforça ses troupes, tandis que François Ier demeurait dans l'inaction, et les Impériaux dévastèrent le Milanais; l'ambassadeur espagnol à Rome, le duc de Sesa et le général Ugo de Monade déterminèrent une conspiration contre le pape, qui dut se réfugier au château Saint-Ange. Les troupes de Ugo de Moncade saccagèrent le Vatican, Saint-Pierre, les maisons des cardinaux amis du pape, et leur général ne se retira que quand le pape eut promis amnistie aux conspirateurs, et de garder la paix pendant quatre mois avec l'empereur (décembre 1526). Une plus grave humiliation était réservée au pontife; Bourbon qui commandait les troupes impériales en Lombardie et venait de recevoir d'Allemagne d'importants renforts, conduits par Frondsberg, n'avait pas de quoi payer ses troupes; il les mena sur les terres de l'Eglise et leur donna Rome pour butin; la ville fut horriblement saccagée, le pontife gardé prisonnier au château Saint-Ange et obligé de promettre une énorme rançon (février-mai 1527). L'empereur, par les troupes de qui étaient commises ces horreurs, feignit cependant d'y être étranger; il faisait faire des processions solennelles pour demander à Dieu la liberté du pape, il faisait prendre le deuil à sa cour comme s'il eût été attristé par cet événement, il écrivait au pontife des lettres touchantes et se disculpait aux yeux de l'Europe, alors qu'il est certain que Moncade et Bourbon n'avaient pu agir que par ses ordres ou avec son consentement, alors qu'il eût pu d'un mot faire cesser la captivité du pontife; on reconnaît bien là le père de Philippe II. L'Europe ne fut pas dupe; la haine qu'on portait à Charles-Quint s'accrut; Henri VIII d'Angleterre fit alliance avec François Ier, au traité de Cambrai (août 1527), pour la délivrance du pape et le rachat des fils du roi de France. Une armée française, conduite par Lautrec, s'établit dans le Milanais, et en chassa les Impériaux; mais on ne poursuivit pas ces avantages et le pape n'eut d'autre moyen de sortir de la prison où on le tenait que de prendre un déguisement et de s'enfuir de nuit, à Orvieto, au camp des alliés. Charles-Quint vers 1530, par C. Amberger. Le roi de France, qui cherchait à obtenir avant tout le rachat de ses fils, négociait avec Charles-Quint, mais le trouvait intraitable; à quelques paroles dures dites à son envoyé au sujet de son manque de foi, il répondit par un cartel à l'empereur qu'il défiait en combat singulier; l'empereur parut d'abord accepter ce moyen de vider leur querelle, mais ensuite son conseil prononça qu'il avait assez prouvé son envie de combattre et que c'était son adversaire qui avait différé et rendu impossible le duel. Une campagne de Lautrec sur Naples, pendant ces négociations, ne fut pas heureuse; une autre de Saint-Pol en Lombardie ne le fut pas davantage. L'empereur, grâce à ses généraux, l'emportait encore une fois; il avait aussi l'art d'enlever Doria à l'alliance française et de s'attacher le puissant amiral avec ses vingt galères. Le pape, qui voyait l'insuccès de ses alliés, les abandonna pour traiter avec l'empereur (traité de Barcelone, 20 juin 1529) ; les autres belligérants, que la guerre avait ruinés, posèrent aussi les armes, et Marguerite d'Autriche et Louise de Savoie négocièrent la paix de Cambrai ou des Dames (5 août 1529); l'empereur accordait à François Ier la liberté de ses fils, moyennant 2 millions d'écus d'or, et renonçait à ses prétentions sur la Bourgogne; le roi de France, d'autre part, abandonnait ses droits de suzeraineté sur la Flandre et l'Artois et ses prétentions sur Milan, Naples, Gênes et autres villes d'Italie. On voit que l'empereur s'était montré relativement modéré; c'est que lui aussi, plus même peut-être que les autres belligérants, avait un absolu besoin de la paix. Ses ressources en argent étaient entièrement épuisées, et ce n'est pas un des moins curieux spectacles de l'histoire que celui de cet empereur si puissant, maître de tant d'Etats, et toujours besogneux. Il ne pouvait payer ni ses soldats, ni ses fonctionnaires, et n'avait jamais à sa disposition que de maigres sommes; il vivait d'emprunts et d'expédients. De plus, le royaume d'Espagne était loin d'être tranquille : après la révolte des Comuneros avaient éclaté celles des Maures de Grenade, de Valence, d'Aragon, qui avaient exigé un grand déploiement de forces. Les Cortès, à qui Charles-Quint était obligé de demander de l'argent, ne le votaient qu'avec difficulté. Aux Cortès de Valladolid, en 1527, les députés dirent respectueusement, mais fermement au monarque qu'ils mettaient leurs personnes et leurs biens à son service, mais qu'ils ne pouvaient lui accorder le subside parce que le peuple n'était pas en état de le payer. Les Cortès du royaume d'Aragon, réunies à Monzon en 1528, ne votèrent le subside qu'à titre extraordinaire et en même temps demandèrent des réformes importantes dans l'administration et la législation. La situation de l'Allemagne, depuis que l'empereur en était parti, après la diète de Worms, en 1521, était singulièrement troublée. Luther, condamné par l'édit impérial de Worms (mai 1521), avait vécu caché à la Wartburg, et ses écrits avaient révolutionné le pays. Les diètes de Nuremberg en 1523 et 1524 n'avaient pu arrêter les progrès de sa doctrine. Le décret de la diète provisionale de Worms (1529), qui ordonnait une action vigoureuse contre la Réforme, avait soulevé de nombreuses protestations, et les Protestants étaient déjà nombreux et puissants quand Charles-Quint put enfin venir en Allemagne. (E. Cat). Sculpture en albâtre de Charles-Quint, au cabinet des Antiques, à Vienne. Dessin de Féart. |
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