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Philippe II

Philippe II. - Roi d'Espagne, né en 1527, était fils de Charles-Quint. Duc de Milan dès 1540, il devint, par l'abdication de son père, d'abord roi de Naples et de Sicile (1554), peu de mois après souverain des Pays-Bas (1555)  et enfin roi d'Espagne (1556). En effet, le fils auquel Charles-Quint laissa l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et les colonies d'Amérique n'était pas un demi-étranger naturalisé, mais un véritable Espagnol, né en Espagne. Charles-Quint, qui espéra un moment pouvoir lui céder son empire tout entier, l'avait fait venir de bonne heure en Flandre et en Allemagne, où partout lui furent faites des réceptions magnifiques; mais, sans être de moeurs austères, il n'aimait pas les longs repas et les beuveries et il déplut par sa froideur et son air taciturne. Il était petit, blond, pâle, il avait la physionomie triste et sévère; rien d'attirant en lui. Charles-Quint, vrai Flamand, gros mangeur, avait aimé la vie large et somptueuse; Philippe II se plut à s'environner de silence, à s'isoler de ses sujets par une étiquette rigide. 

Dans les premières années de son règne, Philippe continua la guerre avec la France : il remporta en 1557 la victoire de Saint-Quentin, mais il ne sut pas profiler de son succès, et conclut en 1559 la paix de Cateau-Cambrésis, qui fut suivie de son mariage avec Élisabeth de France, fille de Henri II. Ayant voulu introduire l'Inquisition aux Pays-Bas, il excita dans ces provinces une violente révolte et, après une guerre désastreuse, il les perdit définitivement en 1581. En 1588, une tempête détruisit l'Invincible Armada, qu'il avait armée contre la reine d'Angleterre- Élisabeth. Après avoir longtemps entretenu en France la guerre civile, dans l'espoir de s'emparer du trône en y portant sa fille Isabelle, il se vit contraint de signer avec Henri IV la paix de Vervins, en 1598. Il mourut cette même année. Les pertes qu'il eut à supporter dans ses États du Nord avaient été compensées par l'acquisition du Portugal, dont il s'était emparé à la mort du cardinal roi Henri, malgré la France et malgré les Portugais eux-mêmes (1580). 

Philippe II avait dès 1554 épousé Marie, reine d'Angleterre, mais sans avoir aucune autorité sur les Anglais. Ardent défenseur de la foi catholique, Philippe Il lutta pendant tout son règne contre les progrès de la Réforme. Il la poursuivit partout : chez les Anglais, qui, à son instigation, furent sévèrement réprimés par la reine Marie; dans les Pays-Bas, où ses rigueurs excitèrent la révolte; en France, où il soutint la Ligue et les Guises; en Espagne, où il protégea puissamment l'Inquisition et d'où ses rigueurs firent fuir les Maures. 
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Philippe II d'Espagne.
Philippe II d'Espagne.
Tableau de Titien, musée du Prado (Madrid).

Philippe II ne fut pas comme son père un souverain nomade, changeant sans cesse de pays, de capitale et de langue; il fixa au contraire sa résidence en Espagne et s'enferma dans son lugubre palais de l'Escurial qu'il avait fait construire, non loin de Madrid, dans une solitude de la Sierra de Guadarrama, un véritable désert. II n'en sortit guère, vivant là au milieu d'un froid cérémonial, entouré de ses ministres, tous espagnols, se défiant de tous et voyant tout lui-même, dépouillant en personne sa correspondance, se condamnant à un labeur énorme, mais usant le meilleur de son activité à des besognes mesquines de paperasserie. Il eut la passion de l'absolutisme et il prétendit diriger de son palais les affaires de son immense empire. 

Ayant une très haute idée de son devoir, Philippe II pesait et mûrissait ses décisions avec tant de conscience qu'elles arrivaient souvent trop tard; il n'en montrait pas moins une obstination inflexible dans l'exécution. Sans être méchant, il était capable de cruauté froide et implacable. Enfermé dans la religiosité la plus obtuse, il apporta dans la lutte contre l'hérésie une passion plus âpre encore et un fanatisme plus étroit que son père. Mais il fut aussi passionné pour la grandeur de l'Espagne que pour le triomphe de la foi catholique; c'est par l'Espagne et à son profit, pour assurer sa domination sur le monde, qu'il rêva d'opérer la restauration du catholicisme. Aussi était-il l'idole des Espagnols, "qui auraient craint d'offenser Dieu lui-même en transgressant ses ordres". Il incarne pour eux l'idéal de la royauté, et ce règne, sous lequel l'Espagne fit trembler le monde, est resté à leurs yeux, en dépit des désastres par lesquels il se termina, le grand règne.

Sous ce règne, les colonies espagnoles de l'Amérique et des Indes rapportèrent immensément d'or et d'argent, mais Philippe II consuma follement toutes ces richesses dans de vains projets de monarchie universelle, et à sa mort le trésor était vide et obéré. Ce prince sombre, soupçonneux et cruel n'épargna pas même sa famille; on lui imputa la mort d'un de ses fils, don Carlos. Cependant il protégea les lettres et les arts : l'Escurial, on l'a dit, lui doit sa fondation; c'est lui qui fit de Madrid la capitale des Espagnes (1561). Il eut d'habiles généraux auxquels il dut quelques succès, entre autres don Juan d'Autriche, le vainqueur de Lépante (Le siècle de Soliman), le duc d'Albe, le duc de Parme (Alexandre Farnèse) et le duc de Savoie (Emmanuel Philibert). Il y a peu de princes dont on ait dit plus de bien et plus de mal. Les Catholiques l'ont peint comme un second Salomon; les Protestants comme un autre Tibère.

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