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L'histoire du Portugal
Des origines à la fondation du royaume.
Dans l'Antiquité, la région actuellement appelée Portugal était composée en partie par la Lusitanie des Romains, avait eu des relations de commerce avec les Phéniciens, les Grecs et les Carthaginois avant de subir la domination romaine, en 140 av. J.- C. Les habitants, d'origine celtique (Celtici, Lusitani, Gallaeci), opposèrent aux Romains une longue résistance, illustrée par l'héroïsme de Viriathe. Pendant cinq siècles et demi, la Lusitanie fit partie de l'empire romain. En 409, elle fut occupée par les Alains, et plus tard par les Suèves. Ces derniers y fondèrent, dans la Galice, un royaume qui fut détruit  par les Wisigoths (467-585). Conquis en 712 par les Arabes, qui rattachèrent le pays à l'empire des Califes, il allait leur être enlevé peu à peu par les souverains de Léon et de Castille. Les rois chrétiens des Asturies, qui avaient poussé leurs conquêtes au sud des montagnes, commencèrent par chasser les Maures de la Galice et occupèrent Lisbonne en 953. Puis Henri de Bourgogne, petit-fils de Robert Ier, duc de Bourgogne, fut fait, en 1094 ou 1095, en récompense de ses services contre les Arabes, comte du pays situé entre les embouchures du Douro (Duero) et du Minho par Alphonse VI, roi de Léon et de Castille, qui lui donna en mariage Térèsa, sa fille naturelle. Il fixa sa résidence à Porto (Portus Cale), d'où le pays prit le nom de Portugal, au témoignage de Camoens, Lusiades, cant. VI
... Real cidade dondeteve
Origem (como he lama) o nome eterno
De Portugal.
Alphonse Henriquez, fils de Henri de Bourgogne, succéda à son père sous la tutelle de sa mère en 1112, comme comte de Portugal. Il remporta, en 1139, sur les Maures, une grande victoire, et fut proclamé roi par ses soldats sur le champ de bataille. Les cortès de la nation, assemblées à Lamego en 1143, confirmèrent cette élection, qui fut sanctionnée par le pape. Le Portugal forma dès lors un royaume indépendant, auquel Alphonse III donna, par la conquête des Algarves sur les musulmans, l'étendue qu'il a conservée. Le roi Denys créa la marine portugaise. La mort du roi Ferdinand, en 1383, fut suivie de grands troubles pour la succession à la couronne, à laquelle prétendaient Jean Ier, roi de Castille, mari de Béatrix, fille de Ferdinand et de Léonore Tellez, Jean, fils du roi Pierre Ier et d'Inez de Castro, et dom Jean, fils naturel de Pierre Ier, et grand maître de l'ordre d'Avis. Ce dernier fut élu par les cortès assemblées à Coimbra en 1383, et gagna contre le roi de Castille la bataille d'Aljubarrota, qui lui assura le trône.

Expansion coloniale et déclin.
Jean Ier fit la conquête de Ceuta en Afrique, et les Portugais, sous son règne, ouvrirent aux nations de l'Europe la carrière des découvertes maritimes. Les navigateurs portugais, sous la savante et habile direction de l'infant dom Henri, découvrirent Madère en 1420, doublèrent les premiers le cap Bojador en 1434. explorèrent toute la côte occidentale d'Afrique (La découverte de l'Afrique), et y fondèrent des établissements. Alphonse V reçut le titre d'Africain par ses conquêtes en Afrique, où il s'empara de Tanger en 1471. Sous l'énergique Jean Il. Bartolomeo Diaz s'avança jusqu'au cap de Bonne-Espérance, que Vasco da Gama franchit en 1497, lorsqu'il fraya à la navigation européenne, sous le règne d'Emmanuel le Fortuné, une nouvelle route maritime vers l'Inde. Pendant ce même règne, qui est l'époque la plus brillante de l'histoire du Portugal, Albuquerque donna Goa pour capitale à I'empire portugais qu'il fonda  en Inde, et Alvarès Cabral découvrit le Brésil en 1500 (La découverte de l'Amérique). Le Portugal était alors la puissante nation maritime dont Camoens a immortalisé la grandeur dans les chants patriotiques de son épopée des Lusiades. (Les Grandes découvertes).
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La Tour de Belem, construite près de Lisbonne au dévut du XVIe siècle pour célébrer 
les voyages de découverte de Vasco de Gama. Source : The World factbook.

De la malheureuse issue de l'expédition du roi Sébastien au Maroc, en 1578, date la décadence du Portugal. Ce jeune prince tomba victime de son ardeur chevaleresque sur le champ de bataille d'Alcaçar-Quivir, et eut pour successeur son grand-oncle, le cardinal Henri. Après la mort de ce vieillard, en 1580, plusieurs prétendants firent valoir leurs droits au trône du Portugal. Antoine, fils naturel de l'infant dom Louis, deuxième fils du roi Emmanuel, se fit proclamer roi à Lisbonne; mais Philippe Il, roi d'Espagne, réclama la couronne, comme fils d'Elisabeth, fille aînée d'Emmanuel, et fit marcher le duc d'Albe contre Antoine, qui fut défait à Alcantara. Antoine tenta vainement, dans deux expéditions organisées, la première par la France, et la seconde par l'Angleterre, de rentrer par mer au Portugal, et mourut à Paris en 1595. Philippe II, maître du Portugal, en 1580, s'en fit reconnaître roi par les cortès, à Thomar, en 1581.

Nouveaux départs.
Devenu une province de l'Espagne sous Philippe II, Philippe III et Philippe IV, le Portugal fut dépouillé de ses colonies par les Hollandais, et perdit sa puissance maritime. Les rigueurs du comte de Olivarez, ministre de Philippe IV, provoquèrent l'explosion du mécontentement national. Un soulèvement, habilement dirigé par un gentilhomme portugais, Pinto Ribeiro, renversa la domination espagnole, et Jean, duc de Bragance, dont la maison descendait d'Alphonse, fils naturel de Jean Ier, fut proclamé roi du Portugal en 1640. Un traité mit fin, en 1668, à la guerre qui durait depuis 26 ans entre l'Espagne et le Portugal, et assura l'indépendance de la couronne portugaise. Le Brésil fut restitué au Portugal par un autre traité conclu avec les Hollandais en 1669. Mais un traité, négocié en 1703 par John Methuen, ambassadeur d'Angleterre, livra le commerce portugais aux Anglais (Le Portugal au XVIIIe siècle). Plongé dans les voluptés, le roi Joseph abandonna pendant 27 ans le gouvernement du royaume à son ministre Pombal, promoteur d'une politique énergique et éclairée, mais qui se heurta au clergé (notamment avec l'expulsion des jésuites en 1759) et à la noblesse. Jean VI, qui succéda à sa mère, Marie lre, en 1810, gouvernait le royaume comme régent, à cause de la maladie mentale de cette princesse, lorsque Napoléon Ier lui enjoignit, en 1807, de rompre toutes les relations du Portugal avec l'Angleterre. Une flotte anglaise bloquait en même temps le port de Lisbonne. Jean établit une régence pour administrer le pays, et se réfugia au Brésil avec sa famille. 

Les Portugais, avec le secours d'une armée anglaise, forcèrent les Français en 1808 à évacuer le Portugal, qu'ils avaient envahi. Le pays resta entièrement livré à l'influence anglaise. La révolution qui éclata en Espagne en 1820 fut imitée par le Portugal, et lorsque Jean VI y revint, en 1821, il fut obligé d'accepter la constitution que les cortès venaient de voter. Mais il l'abolit en 1824. Il fut contraint, en 1825, de reconnaître l'indépendance du Brésil, qui s'était constitué en empire en 1822. Dom Pedro, fils aîné de Jean VI et devenu son successeur en 1826, donna une charte, carta de ley, au Portugal et abdiqua en faveur de sa fille, doña Maria. II nomma son frère dom Miguel régent du royaume et le fiança à sa fille. Mais ce prince abolit, en 1828, la charte donnée par son frère, et assembla les anciennes cortès, qui le proclamèrent roi légitime, à l'exclusion de sa nièce. 

Dom Pedro, forcé par une révolution de quitter le Brésil, revint au Portugal en 1832, s'empara de Porto, entra à Lisbonne en 1855, et, soutenu par la politique anglaise, replaça sa fille sur le trône, d'où il renversa dom Miguel. Mais le parti des innovations révolutionnaires, sur lequel s'était appuyé dom Pedro pour atteindre son but, imposa une nouvelle constitution à doña Maria en septembre 1838, à la place de la charte de 1826. Cette charte fut rétablit en 1842. Elle a été révisée par les cortès en 1852

De 1850 à la fin de la monarchie.
A la mort de doña Maria (1853), le trône passait à Pierre (Pedro) V, après une libérale régence du prince Ferdinand de Saxe-Cobourg, puis à Louis Ier (1861), auquel a succédé enfin Carlos Ier. Pendant ces trois derniers règnes, le Portugal n'a cessé de poursuivre, à l'intérieur, une série de prudentes réformes économiques : établissement d'un cadastre,  abolition de l'esclavage dans les colonies, vente des biens du clergé, élargissement de liberté de la presse, acquisition de la totalité de la presqu'île de Macao, achèvement  du réseau des chemins de fer, etc., enfin et surtout l'amélioration des services et du régime financier.

Premières difficultés coloniales
Dès son avènement, en 1889, le roi Carlos Ier se trouva aux prises, en Afrique, avec les prétentions de l'Angleterre. Le Portugal rêvait de relier ses possessions africaines de l'Ouest à celles de l'Est, Angola à Mozambique, mais l'Angleterre, qui projetait de créer entre l'Égypteet le Cap une série de stations, n'entendait pas voir sa route coupée et elle réclama tout le pays des Makololos, où opérait alors le major portugais Serpa Pinto. Le 11 janvier 1890, le gouvernement anglais adressa un ultimatum au gouvernement portugais, le sommant d'évacuer le territoire en litige. Le ministère dut plier devant la force, mais des troubles éclatèrent et le président du conseil, Luciano de Castro, dut se retirer.

Son successeur, Serpa Pimentel, chef des conservateurs libéraux, proposa à lord Salisbury de recourir à un arbitrage, mais celui-ci refusa. Une convention du 20 août 1890, qui reproduisait, à peu de chose près, les contenues dans l'ultimatum du 11 janvier, ne fut pas ratifié par les chambres portugaises; elle amena en outre la chute du ministère. Le général de Abreu de Souza, qui devint président du conseil, en octobre 1890, poursuivit les négociations qui aboutirent au traité du 11 juin 1891. Les possessions du Portugal se trouvaient coupées, mais une partie du territoire contesté fut laissé au Portugal, et en même temps la navigation du Zambèze et du Chiré était proclamés libre.

Le traité approuvé, le gouvernement eut à songer aux difficultés financières, qui devenaient de plus en plus pressantes. Le général de Souza, désespérant d'en venir à bout, se retira et fit place à un cabinet Dias Ferreira. Mais les économies ne suffirent pas et un décret du 13 juin 1892 réduisit d'office à un tiers l'intérêt de la dette extérieure. C'était une faillite véritable. Les gouvernements étrangers protestèrent au nom de leurs nationaux. L'établissement du monopole de l'alcool au profit d'un syndicat de personnalités puissantes détermina une crise : le roi ayant refusé la dissolution des Cortès, Diaz Ferreira se retira et fut remplacé, le 23, février 1893, par Hintze Ribeiro, qui réalisa quelques économies et présenta un plan de réformes, mais les difficultés financières persistantes nécessitèrent, au mois de décembre, un remaniement ministériel, par suite duquel le président du conseil prit le portefeuille des finances. Il ajourna, puis finit par dissoudre les Cortès, qui étaient hostiles à ses projets. Il obtint des élections favorables au gouvernement, en 1894, puis, de nouveau en 1895, après une révision de la loi électorale. Cependant Hintze Ribeiro voyait la majorité lui échapper dans la Chambre des pairs. Il demanda au roi la création d'un certain nombre de pairs inamovibles; le roi ayant refusé, le cabinet donna sa démission le 5 février 1897. Il fit place à un cabinet libéral, présidé par Luciano de Castro. Cependant, la situation financière du pays avait fait surgir des difficultés avec la France au sujet des travaux du port de Lisbonne, où se trouvaient engagés les intérêts d'une maison française. Le gouvernement français eut aussi à protester contre un édit du 5 janvier 1894, qui réglait la liquidation des compagnies de chemins de fer portugaises dans des conditions préjudiciables aux actionnaires français.

Au point de vue colonial, le Portugal dut s'imposer des sacrifices assez considérables pour étouffer une insurrection très sérieuse, qui éclata, en 1895, parmi les Cafres du district de Lourenzo-Marquez (auj. Maputo), dans la colonie africaine de Mozambique. Guidée par un chef entreprenant, Gungunhana, la rébellion tint tête pendant longtemps aux forces portugaises; le gouverneur de la colonie, Mousinho d'Albuquerque, obtint cependant la soumission de Gungunhana. qui fut envoyé prisonnier à Lisbonne.

La formation du cabinet Luciano de Castro amena, comme conséquence, un renouvellement des Cortès, qui furent dissoutes aussitôt après la formation du nouveau gouvernement, qui se mit sérieusement à l'oeuvre pour apporter un peu d'ordre dans les finances, et ne chercha pas à dissimuler leur mauvais état. Les élections, le 2 mai 1897, donnèrent la majorité au gouvernement progressiste. En 1898, fut votée la conversion de la dette extérieure; le Portugal ne faisait plus honneur qu'au tiers de sa dette. Les fêtes du quatrième centenaire de Vasco de Gama firent oublier quelque temps la détresse financière.

La situation se compliqua par les divisions du parti progressiste qui amenèrent le ministère à donner sa démission le 15 août; il fut reconstitué par Luciano de Castro avec d'autres personnalités. De vains efforts furent encore faits en 1899 pour combler le déficit du budget. En juin 1900, éclata une crise ministérielle, provoquée, plutôt par des questions personnelles que par des questions d'ordre politique. Le ministère libéral donna sa démission et fut remplacé par un cabinet conservateur, de nouveau présidé par Hintze Ribeiro.

Un événement important se produisit dans la politique extérieure du Portugal. Depuis longtemps elle était fondée sur une alliance avec l'Angleterre, mais ce lien s'était relâché, et, en 1895, cette puissance avait traité le Portugal presque en ennemi. La venue d'une escadre anglaise dans le Tage, en décembre 1900, fut l'occasion de discours, qui témoignèrent que le pacte ancien était renoué. En août 1901, une modification fut apportée par décret sous réserve de l'approbation des Cortès, à la loi électorale. Elle consistait dans la substitution du scrutin de liste au scrutin uninominal et dans l'introduction d'une représentation proportionnelle des minorités. Le but de ces mesures, concertées entre le président du conseil et le chef du parti progressiste, Luciano de Castro, était d'empêcher la formation d'un troisième parti sous la direction de João Franco, qui s'était séparé du parti régénérateur ou conservateur. Les élections générales, au mois d'octobre, assurèrent encore une forte majorité au ministère.

Un remaniement du cabinet eut lieu en février 1903, mais sans qu'il cessât d'être présidé par Hintze Ribeiro. Il eut à réprimer à Coimbra de graves désordres, à la suite du refus des habitants de payer l'impôt municipal. En mars 1904, le ministre des finances, Texeira de Souza, se retira devant l'impopularité et l'agitation provoquée par ses projets de nouveaux impôts; il fut remplacé par Rodrigo Alfonso Pequito, député de Lisbonne. Le ministère tout entier démissionna le 18 octobre, à la suite du refus du roi d'ajourner la Chambre, ainsi qu'il l'avait demandé.

Nouveau ministère Luciano de Castro.
A son tour, ce fut le chef des progressistes, Luciano de Castro, qui fut chargé de constituer un cabinet. Mais, dès le mois de décembre, la Chambre dut être dissoute, le cabinet progressiste ne pouvant gouverner avec une assemblée composée, en majeure partie, d'adversaires politiques. Les élections générales, en février 1905, donnèrent une majorité ministérielle, mais le ministère fut contraint de donner sa démission en décembre, n'ayant pu trouver une majorité pour résoudre la question du renouvellement du contrat de monopole des tabacs. Le ministère fut reconstitué sous la même présidence avec le concours de nouveaux éléments, nais il dut bientôt céder la place au cabinet régénérateur de João Franco. Enfin, ce dernier ministère se retira lui-même en mai 1906, et fit procéder à de nouvelles élections.

Ces élections, qui ont eu lieu au mois d'août 1906, ont donné, comme il est d'usage, la majorité au cabinet au pouvoir. Mais celui-ci paraît disposer d'une majorité plus solide que les gouvernements précédents, soutenu qu'il est par une fraction notable du parti conservateur, dont Luciano Castro est le chef. La solution de l'affaire du monopole des tabacs. la réforme de la comptabilité publique à laquelle est véritablement lié, pense-t-on alors, l'avenir financier du Portugal, tels sont les principaux points du programme que le ministère João Franco proposa aux Cortès, le 29 septembre 1906. Ce sera un échec, et le gouvernement dictatorial de João Franco ne fit que précipiter la chute du régime. Le roi Carlos Ier meurt dans un attentat le 1er février 1908, et Manuel II, qui n'a que 16 ans monte alors sur le trône. Mais le 5 octobre 1910, la république est proclamée sans qu'aucune vraie résistance ne lui soit opposée. Le roi Manuel II s'exile en Grande-Bretagne.

Le XXe siècle.
Cette première république aux aspirations démocratiques, et dans laquelle domine l'influence du PRP (Parti républicain portugais) de Afonso Costa, lance une grande politique de réformes. Une constitution est promulguée en 1911, qui instaure un régime parlementaire à deux chambres, et prévoit notamment la séparation de l'Église et de l'État. Mais le pays, à l'exception de la bourgeoisie urbaine, d'ailleurs elle même assez divisée, dont le nouveau régime a adopté plus ou moins les valeurs, reste très archaïque dans ses mentalités, et même dans ses pratiques politiques. Il s'ensuit de nombreux troubles et une forte instabilité des gouvernements qui se succèdent à un rythme accéléré. En 1915, un coup de force, ouvre une période de dictatures (notamment celle du Général Pimenta de Castro de janvier à mai 1915, puis celle Sidónio Pais, de décembre 1917 au 14 décembre 1918, date de son assassinat). En 1916, le Portugal, d'abord neutre, s'engage dans la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés, ou plus exactement aux côtés de son ancien protecteur, la Grande-Bretagne. L'effort de guerre ne fait cependant qu'accroître les difficultés économiques intérieures et les désordres. La monarchie avait même été proclamée au Nord du pays en janvier  1919. Après quelques combats contre les monarchistes, le régime Parlementaire, de nouveau dominé par le PRP, sera cependant rétabli le mois suivant, mais sans obtenir plus de succès que précédemment. Plusieurs coups d'État sans lendemain ont encore lieu, jusqu'à celui du 28 mai 1926, mené par le général Gomes da Costa et qui va instaurer une dictature militaire dont l'homme fort pendant quatre décennies sera un universitaire, Antonio Oliveira de Salazar.

L'Estado novo de Salazar.
Le coup d'État de Gomes da Costa a débouché deux ans plus tard, en 1928, par l'installation d'Oscar Carmona à la tête de l'État, comme président. Il occupera se poste jusqu'en 1951. Au début de ce mandat, Salazar n'est que ministre des finances. Mais en 1932, il devient président du Conseil, et ainsi dépositaire de l'essentiel des pouvoirs. Il fait adopter l'année suivante une nouvelle constitution, fondatrice de ce qu'il appellera l'Estado Novo ( = le Nouvel Etat). Ce sera au total, un régime de caractère fasciste, comparable par son idéologie nationaliste et ses méthodes répressives à ceux que mettront en place Mussolini en Italie et Franco en Espagne. L'Église retrouve ses privilèges, en même temps que le catholicisme redevient religion d'État. Tous les partis (à l'exception de celui de Salazar) sont interdits. Une police politique, la PIDE (Police internationale de défense de l'État) se charge d'étouffer dans le sang les oppositions, qui ne manqueront pas dès les premières années du régime.

Malgré la méfiance que lui inspire le général Franco, en Espagne, la communauté d'idées et de valeurs qu'ils partagnent conduit Salazar à soutenir celui-ci pendant la guerre civile qui déchire l'Espagne entre 1936 et 1939. Le Portugal salazariste renonce en revanche à rallier Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale, et tout en affichant une position neutre, finit, à l'approche de la défaite de l'Axe, par accorder à la Grande-Bretagne une aide modeste, contre la garantie de pouvoir conserver son empire colonial. En 1949, le Portugal tente de s'ancrer encore davantage dans le camp occidental en adhérant à l'OTAN. Mais l'après guerre est aussi l'époque de la décolonisation, concédée de gré et le plus souvent de force par les autres puissances européennes, mais à laquelle le Portugal reste obstinément rétive. Une obstination qui va déboucher sur l'isolement international de la dictature salazariste, dès les années 1960, puis sur sa chute en 1974.

Des guerres coloniales à la révolution des oeillets.
Les nouvelles difficultés coloniales du Portugal commencent en Inde, indépendante du Royaume-Uni depuis 1947, et qui souhaite à partir de 1953 récupérer les enclaves portugaises de Goa, Diu et Damao. Le refus du Portugal conduisent à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays deux ans plus tard, puis à l'invasion par les troupes indiennes, 17 décembre 1961, des trois territoires. Cette même année, une rébellion se déclare en Angola sous l'impulsion de plusieurs mouvements indépendantistes, dont le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPlA). Le soulèvement dégénère rapidement en une guerre d'autant plus féroce que la découverte de  gisements pétrolifères en septembre 1967 en démultiplie les enjeux. Au Mozambique, il n'y avait pas de pétrole, mais un scénario très similaire se jouait depuis 1964, à l'initiative du Front de libération du Mozambique (FRELIMO) d'Eduardo Mondiale, et des mouvements indépendantistes agitaient à la même époque la Guinée-Bissau (L'Histoire du Golfe de Guinée) et Sao Tomé-et-Principe.

Le Portugal, chaque jour un peu plus mis à l'écart par ses voisins occidentaux, ne peut plus compter que sur un empire colonial en voie d'éclatement. Aussi d'immenses ressources employées à ses guerres qui appauvrissent chaque jour un peu plus le pays. Une partie de la population doit émigrer pour tenter d'échapper à la famine. Salazar, frappé par la maladie, doit se retirer en 1968 (il mourra en 1970), pour céder la place à Marcelo Caetano, qui par un léger dépoussiérage du régime (la PIDE est renommée DGS ou Direction générale de la sécurité, et des choses de ce genre), laisse croire à une évolution du régime. Même sans Salazar, c'est encore la dictature salazariste. C'est dans l'Armée, la mieux placée pour constater l'impasse dans laquelle se trouve le Portugal outre-mer, que la contestation va d'abord s'exprimer. Elle est timide chez les officiers généraux, mais existe néanmoins, le général António Spínola, commandant en chef en Guinée-Bissau, et le général Costa Gomes, son homologue en Angola, sont rappelés en métropole en janvier 1974 et démis de leurs fonctions. Les positions des officiers de grades intermédiaires (lieutenants, capitaines et commandants), sont plus radicales.

Le 25 avril 1974 un peu après minuit, le Mouvement des forces armées (MFA), dirigé par Otelo Saraiva de Carvalho, lance une offensive coordonnée dans tout le pays pour s'emparer de plusieurs bâtiments stratégiques. Les chars entrent dans Lisbonne, où la population offre des fleurs aux soldats insurgés, d'où le nom de «-Révolution des oeillets », donné à ce soulèvement. Lors du siège de la DGS, des coups de feu sont tirés par les assiégés, faisant cinq victimes. Ce seront les seuls morts de ce coup d'État qui marque la fin de l'ère salazariste. Caetano, réfugié dans une caserne de gendarmerie, accepte après de courtes négociations de renoncer à ses fonctions et, avant de s'exiler au Brésil, de remettre le pouvoir au général Spinola, que les événements n'enthousiasment guère, mais qui a le soutien des insurgés. Une junte de salut national est formée le lendemain; la démocratisation (tenue prochaine d'élections libres, libération des prisonniers politiques, retour des exilés politiques, etc.), la décolonisation et le développement sont promis à cette occasion.

Le Portugal en Europe.
Le Portugal va connaître encore bien des soubresauts et des tumultes jusqu'en 1976, sur fond de décolonisation accélérée (à l'exception de Macao, restituée à la Chine en 1999, et du Timor oriental, annexé par l'Indonésie, et indépendant seulement en 2002, toutes les colonies acquièrent leur indépendance) et de collectivisation massive (suivie par la suite d'une reprivatisation) et de velléités de coups de force. Une démocratie parlementaire apaisée s'est installée ensuite. En 1976, les élections législatives portent à la tête du gouvernement un socialiste, Mário Soares, rentré d'exil quelques jours après la Révolution des oeillets. Plusieurs coalitions gouvernementales se succèdent dans les années qui suivent. En 1986, le Portugal, qui avait si longtemps tourné le dos à l'Europe, a été admis au sein de la Communauté économique européenne (devenue depuis l'Union Européenne), tandis qu'une alternance régulière entre coalitions de droite ou de centre-droit (1986-1995 et 2002-2005) et de gauche (1995-2002, et depuis 2005), et une modernisation enfin effective de l'économie, donnent au Portugal l'image d'un pays d'Europe parmi les autres.

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