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Les
plaines qu'arrose la Vistule furent envahies au VIe
siècle de J.-C. par les Lechites,
peuple
slave, divisé en plusieurs tribus. Celle des Polanes ou Slaves
de la plaine s'établit sur les bords de la Wartha, et celle des
Mazoviens
ou Masures vers le milieu du cours de la Vistule. Les Polanes ayant acquis
la prépondérance sur les autres tribus, leur nom prévalut,
et devint celui du pays, qui s'appela Pologne. Lech, à qui les Polonais
font remonter la fondation de leur Etat,
est un personnage fabuleux. Les temps dont l'histoire devient plus assurée
commencent pour la Pologne en 842,
lorsqu'un simple paysan, Piast, en fut élu souverain. Il eut pour
successeur son fils Ziemovit, et Mieczyslas, arrière-petit-fils
de Ziemovit, qui était païen, comme tous les Polonais, embrassa
le christianisme
vers 965.
La population le suivit ensuite dans cette conversion, à laquelle
coopéra aussi le zèle de saint Adalbert,
archevêque de Prague.
Boleslas
Ier,
dit Chrobry, c. à-d. vaillant, ou le Grand, affranchit
la Pologne de la suzeraineté de l'empereur d'Allemagne ,
prit le titre de roi, et fut reconnu par l'empereur Othon III. Il fonda
des églises et des couvents, donna à son peuple une organisation
militaire, et fit de la Pologne le boulevard de la chrétienté
à son extrémité orientale. Mais il eut un faible successeur
dans son fils Mieczyslas II, dont le règne fut suivi d'une anarchie.
Casimir
Ier
rétablit l'ordre. Boleslas II termina
par des excès une vie consacrée d'abord à pacifier
la Hongrie
et la Bohème et à conquérir la Russie
Rouge. Il força le pape à l'excommunier et à interdire
le titre de roi aux souverains de la Pologne.
Vladislas Hermann,
frère de Boleslas Il, fut gouverné
par son favori Sieciech, et laissa à sa mort, en 1102,
la Pologne livrée à la guerre civile par le partage que s'en
firent ses deux fils. Mais Boleslas III la
réunit tout entière sous son autorité en 1107,
et continua le règne des princes qui agrandirent la Pologne par
leurs conquêtes. A sa mort, en 1139,
commence, avec le partage qu'il fit de ses Etats entre ses quatre fils,
la période de division de la Léchie, nom général
du pays, en plusieurs duchés, au nombre desquels était celui
de Pologne. A la faveur des dissensions des princes, l'aristocratie substitua
sa puissance à celle du souverain, durant cette période de
1139
à
1333.
Vladislas II voulut dépouiller ses frères de leurs apanages,
et fut renversé par eux. Boleslas IV
céda, en 1158,
au fils de son frère, Vladislas II, la Silésie ,
qui demeura séparée de la Pologne. Sous Casimir
II, le Juste, frère cadet de Vladislas II et de Boleslas IV,
les évêques et les hauts fonctionnaires, c.-à-d. les
palatins
et les
castellans, constituèrent un sénat qui partagea
le pouvoir avec le prince. Leszek le Blanc, fils aîné de Casimir,
demeura maître du duché de Pologne, quoique la possession
lui en fût opiniâtrement disputée par son oncle Mieczyslas
III, et ensuite par Vladislas aux jambes grêles, fils de cet oncle,
et la souveraineté passa ainsi de la branche aînée
à une branche cadette de la maison de Piast. Il fut assassiné
en 1227.
Son fils, Boleslas
V, le Chaste, s'enfuit devant l'invasion des Mongols ,
qui fondirent sur la Pologne en 1240.
Leszek le Noir, petit-fils de Conrad, deuxième fils de Casimir
II, laissa tomber la Pologne dans l'anarchie, et ne sut pas la défendre
contre une nouvelle irruption des Mongols en 1287.
Après sa mort, en 1289,
plusieurs prétendants se disputèrent le duché jusqu'en
1295,
où Przemislas, dernier rejeton de la branche de Mieczyslas III fut
proclamé et couronné roi. Il fut assassiné en 1296,
et eut pour successeur Vladislas Lokiétek, qui fut déposé
en 1300
et remplacé par Venceslas, roi de Bohème. Mais il fut rétabli
en 1304,
réunit toute la Pologne sous son autorité, fut sacré
roi en 1520,
et prépara la grandeur de son pays. Il tint en 1331
une diète générale, où il appela pour la première
fois la noblesse à délibérer, avec les sénateurs,
sur les affaires du pays. Ce fut le premier acheminement vers la république
nobiliaire, qui devint plus tard la constitution du pays.
Avec Casimir
III, qui fut le législateur de son peuple, commença en
1353
l'époque florissante de la Pologne, qui dura jusqu'à la fin
du XVIe
siècle, et avec lui aussi s'éteignit
en 1370
la dynastie de Piast, qui régnait depuis 528 ans. Hedwige, fille
de Louis Ier d'Anjou ,
neveu de Casimir III, qui l'avait désigné pour son successeur,
parvint, après un interrègne de deux ans, au trône
de Pologne en 1384,
et y plaça avec elle Jagellon, grand-prince de Lituanie, qu'elle
épousa, après qu'il eut reçu le baptême, en
1386.
C'est au commencement
du XVe
siècle, au moment même où,
dans tout le reste de l'Europe, se constituent les monarchies absolutistes,
que la constitution polonaise commence au contraire à prendre cette
forme anarchique qui la distinguera jusqu'au bout, et qui sera une des
principales causes de la disparition politique de l'Etat polonais au XIXe
siècle. En 1413,
au moment où s'effectue la réunion définitive de la
Lituanie et de la Pologne, il est décidé que les affaires
communes aux deux pays devront être réglées par l'assentiment
commun des Polonais et des Lituaniens, dans des diètes communes.
Les nobles des deux pays, divisés par la langue et les intérêts,
parviennent, en fait, rarement, à se mettre d'accord. Les privilèges
des villes, en grande partie de nationalité et de tendances allemandes ,
les immunités des grands seigneurs s'accroissent sans cesse.
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Costumes
Polonais aux XIVe et XVIe siècles.
Sous le règne
d'Alexandre ler, les Diètes provinciales
s'ajoutèrent à la Diète centrale, possédant
chacune une autonomie relative; et le roi ne peut introduire dans la constitution
aucun changement sans leur aval; il ne peut même pas changer ses
fonctionnaires, qu'il nomme à vie. Aussi, malgré les succès
que la Pologne remporte dans sa lutte contre les hussites, contre les chevaliers
Porte-Glaive ( Les Chevaliers Teutoniques ),
sous le règne de Casimir Jagellon, qui oblige l'ordre à lui
prêter hommage, malgré l'union momentanée, sur la tête
de Vladislas, fils de Casimir, des trois couronnes de Bohème, Hongrie
et Pologne, le pays perdait chaque jour un peu de sa consistance.
Sigismond
Ier
resserra sans doute le lien qui attachait la Lituanie à la Pologne,
et réunit la Mazovie
à la couronne. Sigismond-Auguste,
son fils, acquit la Livonie ,
étendit sa suzeraineté sur la Courlande ,
et consomma, en 1569,
la réunion de la Lituanie et de la Pologne. Avec lui finit, en 1572,
la dynastie des Jagellons, et, dans l'interrègne qui suivit sa mort,
la noblesse donna définitivement à la Pologne la constitution
qui en fit une république aristocratique, avec une royauté
élective, dépouillée de toute autorité exécutive.
Henri
de Valois, élu roi en 1573
et couronné en 1574,
jura le premier les pacta conventa, que la république imposait
à ses souverains; mais il quitta au bout de quelques jours la Pologne
pour monter sur le trône de France .
Il fut remplacé par un Hongrois ,
Etienne
Bathori,qui dicta la paix aux Russes
en 1583,
et donna une organisation militaire aux Cosaques,
qui étaient soumis à la suzeraineté polonaise depuis
le règne de Sigismond Ier.
Il voulait s'en faire un rempart contre les Russes et les Mongols .
Il fut le premier restaurateur du catholicisme
en Pologne, mais ne put cependant arriver à constituer en Pologne
une véritable administration régulière.
Les trois rois de
la famille des Vasa, malgré d'heureuses interventions en Russie ,
furent paralysés bientôt par leurs luttes contre la maison
de Suède, leur parente; d'autre part, du côté de l'Est,
le soulèvement de Minine et de Poarski, en donnant le trône
moscovite à la famille des Romanov, arrêta les progrès
des Polonais en Russie. En 1618,
Sigismond -Vasa commit une erreur lourde de conséquences en cédant
la Prusse
ducale à l'électeur de Brandebourg et en contribuant ainsi
à préparer la puissance future de la Prusse, que le traité
de Westphalie, mettant fin à la guerre
de Trente Ans, augmenta encore, tandis que la
Suède elle-même prit pied de tous côtés sur le
littoral de la Baltique.
A partir de ce moment,
commença la décadence de la Pologne : sans finances régulières,
sans dynastie nationale, sans armée permanente, sans frontières
naturelles, sans pouvoir central, l'autorité même des Diètes
se trouvant intérieurement énervée par l'application
du principe du liberum veto, qui permetait à un seul des
membres de contrecarrer, par son unique opposition, la volonté de
tous les autres, et par la nécessité imposée à
la Diète centrale d'en référer dans tous les cas aux
Diètes provinciales. Chose plus grave, l'agglomération des
territoires qui constituait l'Etat polonais commença à se
dissocier. Le traité de Polausv (1634),
conclu par Sigismond VII avec les Russes ,
assura à la Pologne la possession de la Livonie .
Mais, peu de temps après, attaquée, simultanément
par les Russes, unis aux Cosaques, et par Gustave-Adolphe, roi de Suède,
la Pologne perdit, sous Jean-Casimir, sa suzeraineté
sur la Prusse
ducale par le traité de Wehlau en 1657,
la Livonie par le traité d'Oliva en 1660,
et Smolensk
et l'Ukraine par le traité d'Andrussof
en 1667.
C'est aussi sous
le règne de Jean-Casimir que s'introduisit, à la diète
de 1652,
l'usage du veto, qui, prononcé par un seul membre de l'assemblée,
en annulait toutes les opérations et en entraînait la dissolution.
A la vue de cette évolution de la Pologne, effet de sa constitution,
Jean-Casimir, avant d'abdiquer en 1668,
prédit que cet Etat serait inévitablement démembré
par ses puissants voisins. Sous son successeur Michel Wisnioviecki, du
sang des Jagellons, les Turcs
envahirent la Pologne, qui, par le traité de Buczacz en 1672,
s'engagea à leur payer un tribut.
Le règne de
Jean Sobieski (1674-1695)
jettera seul un peu d'éclat sur cette nation qui se mourrait. Il
annula le traité de Buczacz par la victoire de Choczim ,
en 1673,.
C'est à la tête de l'armée polonaise qu'il vint délivrer
Vienne assiégée par les Turcs ;
mais ni la royauté, ni la nation polonaise elle-même n'en
retirèrent le moindre profit. Sobieski fut obligé de céder
en 1686Kiev
et la Podolie .
Ensuite, la lutte entre deux compétiteurs au trône, Frédéric-Auguste
II, appuyé par le tsar Pierre Ier
( La Russie au XVIIIe
siècle ),
et Stasnislas Leszczynski, soutenu par Charles
XII, roi de Suède, accéléra la ruine de la Pologne.
-
Armoiries
de la Pologne
au
XVIIe siècle.
De France ,
où plusieurs Polonais avaient suivi le roi Stanislas en Lorraine,
des idées d'ordre monarchique, un peu mélangées de
l'esprit des Lumières, s'infiltrèrent en Pologne, et y furent
propagées par les princes Michel et Auguste Czartoryiski.
Mais la Russie ,
sur laquelle ils comptaient s'appuyer , convoitait la Pologne, et, comme
elle s'en disait l'alliée, elle y fit entrer ses troupes, à
la mort du roi Frédéric-Auguste
III, pour y perpétuer l'anarchie, sous le prétexte de
garantir aux Polonais leurs libertés. La diète, devenue l'instrument
de la politique russe et prussienne ,
élut roi, en 1764,
Stanislas-Auguste Poniatowski, ancien favori de la tsarine Catherine
Il. Les princes Czartoryski, ses oncles, engagèrent en vain
la diète à étendre le pouvoir royal et à limiter
les effets du veto. Catherine s'y opposa, et s'entendit avec Frédéric
II, roi de Prusse, le principal auteur de la ruine de la Pologne, pour
attiser, au profit de leurs vues, les oppositions religieuses introduites
en Pologne à l'occasion de la Réforme.
La Russie
et la Prusse
se déclarèrent les protectrices des dissidents polonais.
La Confédération de Bar ,
faiblement secourue par la France
et par la guerre que la Turquie
fit à la Russie, prit les armes en 1768
pour la défense de la religion catholique et de la patrie. Mais
l'inébranlable courage de son chef, Casimir Pulavski, et l'habileté
d'Adam Krasinski, évêque de Kaminiec, qui en avait conçu
le plan, ne purent l'empêcher de succomber dans une lutte inégale,
et le démembrement de la Pologne commença en 1772
par un premier partage, qui donna à la Russie la région entre
la Dvina, le Dniepr et le Droutz, à l'Autriche
la Galicie
et la Lodomérie ,
et à la Prusse la Prusse royale. Voyant la Russie en guerre avec
la Suède et la Turquie, la Pologne mutilée se donna le 3
mai 1791
une constitution qui renversait le gouvernement aristocratique, supprimait
l'anarchique veto et rendait le trône héréditaire dans
la maison de Saxe, à la mort de Stanislas-Auguste. Mais la Russie
appuya la confédération de Targovice, formée pour
le maintien de l'ancienne constitution, et à laquelle le roi adhéra.
-
La
Constitution du 3 mai 1791, par Jan Matejko (1891).
Catherine et Frédéric-Guillaume
II, roi de Prusse ,
profitèrent de ces dissensions pour amoindrir encore la Pologne,
par un deuxième démembrement en 1793.
La Russie
s'empara de la moitié de la Lituanie et de la Volynie
et la Prusse de la Grande-Pologne. Les Polonais tentèrent en 1791,
sous le commandement de Kosciuszko, un dernier
effort pour sauver l'indépendance de leur pays; mais ils furent
écrasés par le nombre de leurs ennemis, Russes et Prussiens.
Le roi Stanislas-Auguste abdiqua, et un troisième partage répartit
en 1795
le reste de la Pologne entre la Russie, l'Autriche
et la Prusse. La Pologne fut rayée de la carte européenne.
Une constitution, qui subordonnait une royauté élective depuis
1573,
et un sénat impuissant aux décisions tumultueuses d'une diète
formée de nonces élus par le suffrage universel de la noblesse,
l'action de la diète paralysée elle-même par le liberum
veto, les fréquentes insurrections aristocratiques manifestées
par un Rokosz, l'indiscipline des palatins, des starostes et des castellans,
l'absence de gouvernement enfin avait frayé les voies à cette
situation. Napoléon Ier,
pour qui les Polonais avaient prodigué leur sang sur les champs
de bataille, approuvait en 1809,
suivant les propres paroles de son ministre des affaires étrangères,
« que les noms de Pologne et de Polonais disparussent de l'histoire.
»
Par le traité
de Tilsit
en 1807,
Napoléon
avait érigé en duché de Varsovie
la partie de la Pologne dont la Prusse
s'était emparée, à l'exception de Dantzig et du district
de Bialystok, qui passèrent à la Russie .
II donna cet Etat, qui fut augmenté en 1809
de la Nouvelle-Galicie ,
à Frédéric-Auguste III, récemment créé
roi de Saxe, qui avait refusé le trône de Pologne en 1791.
Le Congrès de Vienne,
où Louis XVIII avait fait dire, sans
succès, par le prince de Talleyrand, qu'il regardait la question
de la Pologne comme la plus européenne, supprima en 1815
le duché de Varsovie, dont la majeure partie fut réunie à
la Russie sous le nom de royaume de Pologne. Dantzig, Thorn, Culm et le
duché de Posen furent attribués à la Prusse, et la
ville de Cracovie
forma une république indépendante. L'empereur
Alexandre
Ier
octroya au nouveau royaume de Pologne, en 1815,
une constitution et une représentation nationale, composée
de deux Chambres avec un vice-roi. Mais il annula bientôt cette constitution,
et accorda un pouvoir discrétionnaire à son frère,
le grand-duc Constantin, commandant de l'armée polonaise.
La Pologne essaya
une nouvelle fois, en 1830
et 1831,
de reconquérir son indépendance dans une lutte héroïque
contre la Russie ,
à la tête de laquelle se signalèrent Chlopicki, le
prince Adam Czartoryiski, le prince Michel
Radzivill, Dvernicki, Dembinski et le généralissime Skrzyneclci.
Mais, battus à Ostrolenka en mai 1831,
les Polonais furent écrasés par la supériorité
numérique de leurs oppresseurs. La constitution donnée par
Alexandre
Ier
fut remplacée en 1832
par un statut organique, et la Pologne fut gouvernée, au nom du
tsar, par un lieutenant. La politique de russification de l'empereur Nicolas
tendit à extirper le catholicisme du sol de la Pologne. Son successeur
s'est montré d'abord moins persécuteur. Les Polonais, de
leur côté, à la voix et à l'exemple élu
comte André Zamoïski, fondateur de l'association appelée
Société
agricole, se retranchèrent dans une attitude passive, et n'opposèrent
plus d'autre résistance au despotisme étranger que la manifestation
du deuil et de la prière. Mais l'autorité russe réprima
par la force des armes et par la violence deux démonstrations pacifiques,
qui eurent lieu à Varsovie le 25 février 1861,
jour anniversaire de la victoire des Polonais à Grochow en 1851,
et le 27 février suivant.
La Société
agricole fut supprimée en avril. L'irritation réciproque
alla dès lors chaque jour croissant, et la Pologne fut mise deux
fois en état de siège pendant l'année 1861.
Le comte Zamoïski, qui avait porté jusqu'à l'héroïsme
la pratique de la modération et de la légalité, fut
envoyé à Saint-Pétersbourg pour y rendre compte de
sa conduite. Un rescrit de l'autorité russe, dont l'auteur fut un
Polonais traître, le marquis Wielopolski, chef de l'administration
civile du royaume de Pologne, prescrivit, sous le nom de recrutement, la
déportation en masse de la partie masculine de la population du
pays. Mise à exécution par la force armée en janvier
1863,
nuitamment et avec des circonstances brutales, cette mesure suscita une
indignation générale. Les Polonais s'étaient résignés
jusqu'alors à l'interdiction de la prière et du deuil; mais
ils ne purent se voir enlever, par un guet-apens nocturne, la fleur de
leur jeunesse, sans se laisser aller au désespoir. Poussés
à la révolte par la Russie
elle-même, ils coururent encore une fois aux armes contre le despotisme
qu'ils subissaient. Le peuple des villes et des campagnes prit part avec
la noblesse à ce soulèvement, sous la direction d'un comité,
puis gouvernement national, qui a constamment trouvé une soumission
absolue à son impulsion, et qui a dû et su demeurer occulte
pour échapper aux recherches de la police russe.
Les Polonais donnèrent
à l'Europe
une démonstration de leur répulsion pour l'esprit révolutionnaire
en refusant le concours de Mieroslawski , qui était venu s'associer,
en février 1865,
à leur levée de boucliers. Langiewicz, proclamé dictateur
par le gouvernement national, fut obligé, après plusieurs
combats malheureux, de se réfugier en Galicie
sur le territoire autrichien. Le gouvernement national reprit alors la
direction du mouvement. A la vue des sympathies qui s'exprimaient un peu
partout en Europe pour la cause de la Pologne, le gouvernement russe annonça
qu'une amnistie serait accordée à tous les insurgés
qui mettraient bas les armes; mais le gouvernement national déclara
que la Pologne ne devait avoir aucune confiance dans les promesses de la
Russie .
Le grand-duc Constantin, qui avait été nommé lieutenant
du royaume de Pologne en 1862
et commandant général de toutes les troupes en 1863,
vit sa modération taxée de faiblesse, et quitta Varsovie
au mois de septembre. Il fut remplacé par le général
Berg, qui fut chargé d'inaugurer un nouveau système de rigueurs,
mission dont il s'acquitta en Pologne avec la même atrocité
que le général Mourawiev en Lituanie. Pour atteindre le but
de la politique russe, la confiscation des biens, l'emprisonnement des
personnes de toutes les conditions, l'exil et les fusillades furent les
moyens employés par le général Berg.
-
Faucheurs
polonais et porte-étendard
pendant
l'insurrection de 1863.
L'intervention diplomatique
de la France ,
de l'Autriche
et de l'Angleterre ,
au lieu d'arrêter la lutte, ne fit que l'envenimer, suivant les propres
paroles prononcées par l'empereur Napoléon
III en novembre 1863,
dans son discours d'ouverture de la session législative, en proposant
« de soumettre la cause polonaise à un tribunal européen
». Mais la divergence de vues et le défaut d'entente entre
les grandes puissances de l'Europe ,
tourmentée par la crainte de la Révolution, rendirent impraticable
la réunion d'un congrès, proposée par l'empereur des
Français. L'insurrection dite des Faucheurs s'éteignit
en 1864,
n'ayant abouti qu'à susciter une répression plus dure et
une politique de russification plus active.
Il faut attendre
l'invasion de la Pologne par les troupes allemandes
et autrichiennes
en 1914,
pour assister au réveil d'un mouvement organisé contre l'occupations
russe. Ce furent les Légions polonaises, dirigées
par Jozef Pilsudski,
qui durent aussi se confronter aux puissances centrales lorsqu'elles entamèrent,
en novembre 1916,
la mise en place d'un Royaume de Pologne sur les territoires repris
à la Russie .
Pilsudski fut arrêté par les Allemands en juillet 1917,
puis libéré le 10 novembre 1918.
Le jour même il proclama l'indépendance de la Pologne, à
Varsovie.
Le 28 juin 1919,
le Traité de Versailles reconnut
cette indépendance, mais le tracé de la frontière
orientale de la Pologne resta discuté, à cause de la complexe
répartition des minorités et des ambitions de la Pologne,
qui souhaitait retrouver l'extension qu'elle avait connu au moment de sa
plus grande puissance. Dès l'année précédente,
des combats avaient commencé avec l'URSS
à ce sujet. Ils ne se terminèrent qu'en octobre 1920,
après la bataille de varsovie au cours de laquelle les Polonais
parvinrent à repousser les troupes soviétiques. Le 18 mars
1921,
le Traité de Riga
permit finalement de fixer des frontières plutôt favorables
à la Pologne, qui prit possession d'une partie de la Biélorussie.
La paix revenue,
Jozef Pilsudski, le héros de
l'indépendance, quitta la tête de l'État et annonça
vouloir se retirer de la vie politique. Narutowicz, un socialiste, fut
élu le 9 décembre 1922,
président de la République, mais assassiné par des
nationalistes une semaine plus tard. La période d'incertitude politique
dans laquelle entra ainsi la Pologne dura jusqu'en mai 1926.
Appuyé par l'armée, Pilsudski organisa un coup d'État
et imposa une dictature. L'opposition fut réduite au silence, ses
dirigeants envoyés dans un camp de concentration. Pilsudski
réussit à redresser relativement l'économie, notamment
grâce à l'aide financière qu'il obtint des États-Unis .
Mais la crise des années 1930
mit fin à ce redressement. En 1932,
il signa un pacte de non agression avec l'URSS ,
et un autre, en 1934,
avec l'Allemagne nazie. Malgré une nouvelle constitution adoptée
peu avant la disparition du dictateur (le 12 mai 1935),
le régime militaire qu'il avait instauré persista. Il connut
seulement un intermède, avec la présidence de Moscicki,
troublée
par de graves conflits sociaux. le général Skladkowski et
le maréchal Rydz Smigly dirigèrent la Pologne à partir
de 1936.
Nationalistes fanatiques, ils se reconnaissaient des intérêts
communs avec le régime hitlérien. Ce fut la Tchécoslovaquie
qui en fit les frais. Lorsque l'Allemagne
occupa les Sudètes en 1938,
la Pologne lança une attaque et prit Teschen en Silésie .
La connivence de
l'Allemagne
et de la Pologne avait ses limites. Le 1er
septembre 1939,
Hitler lança ses troupes contre la Pologne. Une offensive qui fut
à l'origine de l'entrée dans la Guerre du Royaume-Uni ,
et qui incita l'URSS
à répliquer le 17 septembre en occupant la partie orientale
du pays. Le 29, Varsovie devait capituler : le territoire polonais se retrouva
une nouvelle fois partagé entre l'Allemagne et la Russie. Les Polonais
furent les victimes des exactions des soviétiques (massacre de Katym,
notamment), puis de l'oppression des Nazis. Après avoir fini par
occuper la totalité du territoire polonais, ceux-ci la dirigèrent
principalement contre les Juifs
(à peu près de 10 % de la population du pays). Dès
1941,
ils avaient établi en Pologne leurs premiers camps d'extermination
(Auschwitz-Birkenau, Treblinka,
Sobibor, Majdanek). En 1943, le ghetto
de Varsovie se souleva pour empêcher sa population d'être déportée
vers ses camps. Après quatre semaines de résistance, il tomba
et fut brûlé par les Nazis. 50 000 Juifs furent capturés.
Un gouvernement provisoire polonais fut formé à Londres;
une autre, pro-soviétique, se forma quelques mois plus tard à
Lublin, après qu'en août
1944,
la résistance polonaise eut réussi à reprendre le
contrôle de Varsovie. Cette résistance s'y maintint jusqu'en
octobre. Et ce fut seulement en janvier 1945,
que l'Armée rouge put définitivement chasser les troupes
allemandes de la capitale, qui abandonnèrent complètement
la Pologne en mars. A la fin de la guerre, six millions de Polonais étaient
morts, dont trois millions de Juifs.
Lors de la conférence de Potsdam
(août 1945) les frontières
de la Pologne rendue à son indépendance furent redéfinies
par les Alliés, qui adoptèrent pour la frontière orientale
la ligne Curzon, déjà proposée à l'issue
du Traité de Versailles, par lord Curzon. La Pologne perdit ainsi
une partie de ses terres agricoles (180 000 km²) au détriment
de l'URSS ,
mais reçut en compensation, à l'Ouest, au-delà de
la ligne Oder-Neisse, des territoires industriels pris à l'Allemagne
(100 000 km²), en particulier la région de Dantzig,
qui devint Gdansk. Cette translation vers l'Ouest de plus de 200 km du
centre de gravité de la Pologne, allait être accompagnée
de transferts de populations afin d'en finir avec les problèmes
des nationalités.
Occupée par les troupes soviétiques
et reconnue par les autres Alliés comme étant placée
dans la zone d'influence soviétique, la Pologne de l'après-guerre
connut une période marquée par les affrontements violents
entre communistes et anti-communistes. Puis elle devint une démocratie
populaire en 1947. Le pays se soviétisa
au cours des années qui suivirent, mais sans éteindre, au
sein même du Parti communiste, les oppositions
entre les partisans d'un alignement strict sur l'URSS ,
quitte à imposer une dictature, et ceux qui envisageaient une ligne
plus souple. Les premiers s'imposèrent. Bierut devint chef de l'État,
et fut secondé par le maréchal Rokossowski. Ils imposèrent
un régime calqué sur le modèle adopté par les
bolcheviks en Russie ,
dans les premières années de la révolution soviétique.
La soviétisation se poursuivit avec la promulgation, en juillet
1952
d'une nouvelle constitution qui supprimait la présidence de
la république et confiait la direction du pays à un Conseil
d'État, analogue au Soviet suprême établi à
Moscou.
En 1955,
l'alliance militaire des pays du bloc soviétique fut signée
à Varsovie (Pacte de Varsovie)..
Après la mort
de Staline en 1953,
le pays commença à être gagné par un espoir
d'ouverture. Un espoir qui s'exprima notamment, en juin 1956,
à Poznan, lors d'un soulèvement d'ouvriers et d'étudiants.
Une cinquantaine de personnes furent tuées dans les émeutes.
Après la mort de Bierut en mars 1956,
on crut de nouveau à des perspectives d'ouverture. Cette fois, le
gouvernement, dirigé par Wladislaw Gomulka, une ancien responsable
communiste, limogé huit ans plus tôt par les staliniens, y
semblait disposé. Après l'écrasement, début
novembre, par les troupes du Pacte de Varsovie du soulèvement de
Budapest
(Hongrie ),
Gomulka parvint ainsi à convaincre Moscou
de laisser s'opérer quelques réformes en Pologne, sans intervenir.
Le maréchal Rokossowski et les généraux soviétiques
en place en Pologne furent renvoyés. L'Église, à laquelle
on avait reproché jusque-là l'attitude trop complaisante
envers les Nazis pendant l'occupation, cessa d'être persécutée.
La doctrine économique marxiste fut aménagée dans
le sens d'une "voie polonaise du socialisme".
L'assouplissement relatif du régime
n'éteignit pas toutes les contestations. En mars 1968,
éclata ainsi une révolte des étudiants, et en décembre
1970,
Gomulka
fut confronté à des émeutes ouvrières à
Gdansk et dans d'autres villes du littoral (Gdynia, Szczecin) après
l'augmentation des prix de la nourriture. Des centaines de manifestants
furent tuées par la police, et Gomulka, devenu trop impopulaire
fut remplacé par Edward Gierek à la tête du Parti communiste.
Celui-ci réussi à obtenir des Occidentaux une aide économique
qui permit une amélioration de la situation intérieure, mais
l'agitation ouvrière persista, et fut réprimée violemment
en 1976
(manifestation d'Ursus et de Radom). Une autre hausse des prix, en juillet
1980,
provoqua une grève générale, qui se propagea à
partir des chantiers navals de Gdansk, où le leader ouvrier Lech
Walesa réussit à constituer un syndicat, et, le 31 août,
à le faire accepter légalement par le gouvernement. Il s'agissait
du syndicat Solidarité (Solidarnosc). Soutenu par les États-Unis ,
via la CIA, qui apporta une aide financière, et par l'Église,
qui se trouvait en position de force depuis l'élection pape polonais
en 1978
(l'ancien archevêque de Cracovie ,
Karol Wojtyla, devenu pape sous le nom de Jean-Paul II), rejoint aussi
par des membres du Parti communiste, le syndicat eut 500 jours d'existence
légale et rassembla plus de dix millions d'adhérents. Moscou
finit par réagir et donna son feu vert pour que soit donné
un coup d'arrêt au mouvement qui entraînait la Pologne. Le
13 décembre 1981,
la loi martiale fut imposée par le général Wojciech
Jaruzelski. Walesa et de nombreux autres syndicalistes furent emprisonnés.
L'activité clandestine de Solidarité se poursuivit.
Entre février
et avril 1989,
le Communistes se résolurent à des négociations avec
les représentants du Syndicat et avec ceux de l'Église, qui
débouchèrent sur l'organisation d'élections libres.
Celles-ci consacrèrent la victoire de Solidarité et la fin
du régime communiste. En 1990,
Lech Walesa devint président de la république, et la Pologne
amorça son évolution vers l'économie
de marché. Le retour sans heurt des communistes au pouvoir lors
des élections de 1993, puis
la victoire d'un ancien communiste, Aleksander Kwasniewski, qui devança
Lech Walesa à la présidentielle de 1995,
furent les signes d'une démocratie qui fonctionnait normalement,
et non pas ceux d'un retour en arrière. En 1997,
une nouvelle constitution fut adoptée par le Parlement, et de nouvelles
élections générales furent gagnées cette fois
par un ancien de Solidarité, Jerzy Buzek, qui forma un gouvernement
de coalition. La Pologne rejoignit, en 1999,
l'OTAN. Un nouveau gouvernement de coalition se forma en octobre 2001,
réunissant des représentants du Parti des paysans et de l'Alliance
démocratique de gauche (SLD). Leszek Miller (SLD) en fut le premier
ministre. En mai 2004, la Pologne entra
dans l'Union européenne. En septembre 2005,
la gauche perdit le pouvoir, au profit des ultra-conservateurs du Parti
de la loi et la justice, dont émana, le mois suivant, aussi le vainqueur
de la présidentielle, Lech Kaczynski. Associé, en mai
2006,
avec le Parti de l'auto-défense et la Ligne des familles polonaises,
le Parti de la loi et la justice, parvint à former, en juillet,
un nouveau gouvernement, dirigé par Jaroslaw Kaczynski, le frère
jumeau du chef de l'État. |
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