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Tolède'
(Toledo, Toletum)
est une ville d'Espagne
(Castille ),
chef-lieu de province, à 65 km au Sud-Sud-Ouest de Madrid,
à 60 m au-dessus de la rive droite du Tage, qui l'enserre à
l'Est, au Sud et à l'Ouest; altitude : 548 m; population:
76 000 habitants.
Bien que tout à fait déchue
de son antique splendeur, Tolède a grand air; perchée sur
une éminence de granites et de gneiss rouges, entourée de
ses antiques remparts datant des Wisigoths
et des Maures, dominée
par son Alcazar ou forteresse, elle produit
une forte impression sur le touriste.
Cette impression est encore accrue pour
celui qui passe le Tage sur un des deux admirables ponts de San Martin
en aval ou d'Alcantara en amont (que double un pont plus récent).
L'intérieur de la ville est des plus intéressants; c'est
un véritable entassement de vieilles et hautes maisons qui, avec
leurs rares fenêtres grillées
et aux portes massives, bardées de fer,
« tiennent à la fois du couvent, de la prison, de la forteresse
et aussi du harem » (Théophile
Gautier); elles ne sont pas couvertes de terrasses, mais de toits,
car la neige est fréquente; les sculptures
y étaient très nombreuses et très riches, mais ont
été recouvertes d'une couche de stuc blanc sous laquelle
elles disparaissent.
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Vue
générale de Tolède. A droite, l'Alcazar.
Source : The World Factbook.
Les rues sont étroites et tortueuses.
En les parcourant, on peut y découvrir de beaux monuments, à
commencer par la cathédrale, chef-d'oeuvre de l'architecture
gothique :
La
cathédrale de Tolède.
Parmi ces édifices, la cathédrale,
construite à partir de 1227, est d'une richesse éblouissante.
Cette église, primatiale de l'Espagne ,
a été commencée par ordre de Ferdinand
III, sur l'emplacement d'un autre édifice que les Arabes,
pendant leur séjour dans la ville, avaient converti en mosquée.
Le plan est dû à l'architecte Pedro Perez, qui présida
aux travaux pendant près de 50 ans. La dédicace n'eut lieu
qu'en 1492. Le monument est en style
gothique le plus pur, variant parfois de caractère en raison
des époques.
La grande façade
occidentale présente trois portes garnies
de statuettes et d'ornements délicatement sculptés; l'arc
de celle du milieu est divisé en deux plus petits, et surmonté
d'une Cène .
Deux énormes piliers en forme de tours, partagés symétriquement
en étages et ornés de 20 statues, s'élèvent
entre ces portes. Des deux tours d'angle, l'une est restée inachevée,
et a été couverte d'un dôme octogonal par Georges Teotocopuli.
L'autre, dont l'effet est très beau, a été terminée
en 1535, et atteint une élévation de 90 m. Elle est partagée
en trois grands corps : le 1er, de forme
carrée, monté sur une base massive, est décoré
de colonnettes et d'arcs gothiques, d'azulejos
ou faïences vernies, et couronné
par un balcon à jour; le 2e,
en retrait sur le 1er, est octogonal, flanqué
à ses angles d'élégantes pyramides rattachées
à la tour par des arcs-boutants,
et présente sur chaque face une fenêtre
ogivale double, terminée en fleurons;
le 3e est une flèche octogonale
à la base, arrondie au sommet, cerclée de trois couronnes
d'épines, et finissant par une série de globes et une croix
de fer.
La façade méridionale de
l'église a deux portes l'une, dite
Porte des lions, précédée d'un parvis fermé
dont la grille est soutenue par 6 colonnes
surmontées de lions, forme une belle voussure
où les statuettes et les dais ont été
semés à profusion; l'autre, reconstruite en 1800, est d'ordre
ionique, et fait un contraste malheureux avec le reste de l'édifice.
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La
façade de la cathédrale de Tolède.
La façade du Nord est encaissée
entre les hautes murailles d'un cloître
étonnant et quelques vieilles maisons particulières.
L'intérieur de la cathédrale
de Tolède est à 5 nefs, séparées
par 88 piliers, chacun de 16 colonnes groupées.
Il a 113 m de longueur, 57 de largeur, 45 de hauteur à la nef centrale,
et est éclairé par 150 fenêtres ornées de vitraux
de couleur. De riches chapelles sont pratiquées
tout autour de l'édifice.
La Grande chapelle, dont la grille, haute
de 9 m, large de 12, et surmontée d'un Christ colossal, a été
exécutée par Francisco de Villalpando, contient un riche
retable en bois
de mélèze, un entassement bizarre de volutes, de consoles,
de balustres, de chapiteaux,
de nuages et de rayons solaires qu'on nomme le transparent, et les tombeaux
d'Alphonse VII, de Sanche le Désiré, de Sanche le Brave,
etc. La chapelle mozarabe
renferme une belle mosaïque représentant la Conception, et
des fresques gothiques où l'on a figuré
des combats entre les Tolédans et les Maures. Dans la Chapelle des
Rois nouveaux, reposent Henri II, Jean
II, Henri III, et les reines leurs femmes.
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Tolède
au XVIe siècle.
On remarque encore le tombeau du connétable
Alvaro de Luna dans la chapelle
Saint-Jacques, celui du cardinal Carillo de Albornoz
dans la chapelle Saint-Ildefonse, et, dans la chapelle du Sagrario, un
riche monument de bronze et de marbre,
appelé l'Ochavo en raison de sa forme octogonale, et où
l'on a renfermé un grand nombre de reliques .
Le choeur attire l'attention par ses trois
rangs de stalles, sculptées au XVIe
siècle par Philippe de Bourgogne et Berruguete;
il a aussi d'énormes pupitres de bronze, et deux orgues de dimensions
colossales. A la sacristie, dont la voûte
a été peinte par Luca Giordano,
est attenante une salle où l'on conserve, entre autres trésors,
une custodia en argent doré de 3 m de hauteur, un manteau
de la Vierge
tout couvert de pierreries, plusieurs statues
en argent massif, une urne contenant les ossements des rois goths
Receswinde et Wamba, etc.
Les
autres monuments.
Parmi les autres
monuments, on peut citer :
L'Alcazar,
palais construit sur une hauteur sous Charles-Quint
sur les ruines d'un palais arabe. Covarrubias, puis Herrera, à qui
l'on doit la façade Sud, ont travaillé à sa construction.
En 1936, les Républicains assiégèrent pendant 68 jours
les Franquistes qui s'y étaient retranchés. L'édifice
dû être presque tout entier reconstruit après la bataille
qui avait laissé un monceau de ruines.
L'Alcazar
de Tolède.
La Porte-du-Soleil, magnifique reste de
fortifications arabes. Reconstruite au XIVe
siècle, elle est ornée de bas-reliefs.
L'Hôpital (auj. Musée) Santa
Cruz , élégant édifice commencé au XIVe
siècle, et terminé sous la reine Isabelle par Covarrubias
à qui lon doit la façade de style plateresque.
L'Hôpital San Juan, fondé
par le cardinal Tavera, et présentant dans sa belle église
le tombeau de son fondateur. Il fut commencé par Bustamente en 1541
et terminé les Vergara et Gonzalez de Lara.
Après plusieurs modifications, il a été transformé
en collège.
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Tombeau
du cardinal Tavera.
Le monastère
de San Juan de los Reyes, qui détonne par la somptuosité
de l'église qu'il renferme, au milieu des maisons modestes qui l'entourent.
Ce sont les Rois catholique qui le firent construire, après la victoire
de Toro sur le Portugal.
Les deux anciennes synagogues, dont les
noms sont ceux qu'on leur donna après les avoir transformées
en lieux de culte chrétiens : Synagogue du Transito, construite
au XIVe siècle et transformée
en église en 1492; Synagogue de Sainte-Marie-la-Blanche, où
les fidèles furent massacrés en 1392, par des fanatiques
chrétiens excités à la haine par Saint Vincent Ferrier.
Elle fut elle aussi transformée en église après avoir
été donnée aux chevaliers de Calatrava, en 1405.
Et aussi : le palais archiépiscopal;
les Casas del Ayuntamiento ou Hôtel-de-ville; le Palais des comtes
de Fuensalida; l'église Saint-Jacques des Faubourgs, l'église
Saint-Thomas; l'église Saint-Romain, qui renferme un musée
wisigothique, etc.
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Le Greco
à Tolède
Plusieurs
édifices de Tolède abritent des tableaux du Greco,
qui y vécut de 1757 à 1614, et y réalisa l'essentiel
de son oeuvre. La sacristie de la cathédrale en renferme beaucoup.
On peut voir les Funérailles du comte d'Orgaz à l'église
saint-Thomas; et le Baptême du Christ, ainsi plusieurs autres
tableaux, dont la Sainte-Famille, à l'Hôpital de San
Juan de Tavera. Le musée Santa-Cruz possède une vingtaine
de toiles du peintre. Il existe, enfin un musée du Greco, installé
dans une maison du XVIe siècle restaurée, où l'on
a reconstitué l'atelier de l'artiste. |
Tolède possède en outre quelques
ruines romaines
: un aqueduc, un cirque dont les vestiges
se trouvent dans un jardin public, etc. A quelque distance hors ville,
on peut encore voir les ruines d'une naumachie
et de bains. C'est à à peu près tout ce qui
reste du Toletum romain.
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Tolède
et le Tage, sur d'ancienne photographies.
L'histoire
de Tolède.
Tolède est une ville très
ancienne et dont le rôle dans l'histoire d'Espagne
a été des plus grands. Les surnoms que les habitants lui
ont donnés sont emphatiques : «-Ciudad
Imperial », « mère des villes », « couronne
de l'Espagne et lumière du monde-»
(Juan de Padilla).
On croit cette ville est d'origine phénicienne.
Devenue la capitale des Carpetani, elle fut conquise au IIe
siècle par les Romains, qui lui donnèrent
le titre de colonie ( L'Espagne antique )
: c'est là qu'ils réunissaient l'or des mines de l'Espagne.
Elle fut sous leur domination le «-centre
des diverses routes de la péninsule, la place d'armes principale,
le trésor général »; à partir de 554,
elle fut la capitale des rois wisigoths;
elle obtint le siège primatial, dix-huit conciles s'y réunirent;
pendant deux cents ans, elle fut, en somme, la capitale politique et religieuse,
la citadelle de l'Espagne.
Prise par les Maures
rapidement après la bataille de Guadalete, Tolède fut, après
le démembrement du califat de Cordoue,
le centre d'un royaume musulman, de 1031 à 1085; quand elle eut
été reprise par Alphonse
VI de Castille
et de Léon ,
elle redevint la capitale de la Castille. L'industrie y était alors
très florissante, surtout celles de la soie et des armes. L'établissement
de l'Inquisition, au XVe
siècle, et l'expulsion des Juifs
(dont le nombre avait atteint les 12000 au XIIe
siècle) et des Maures après la prise de Grenade
par les Rois catholiques amenèrent
peu à peu la déchéance de la ville.
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Marques
des grands armuriers de Tolède : 1. Lope Aguado (1560); 2. Domingo
de Aguirre (1560); 3. Hortuno de Aguirre (1570); 4. Sebastian Hernandez
(1570); 5. Sebastian Ruiz (1570); 6. Juan Martinez (1550); 7. Pedro de
Belmonte (1580); 8. Alonso de Sahagun (1570). |
La participation de Tolède à
la révolte des Comuneros décida, dit-on, Charles-Quint
à l'abandonner et à s'établir à Madrid,
en 1560. Elle ne garda que la primauté spirituelle et fut le centre
de l'Inquisition. Au temps de sa puissance, sous les Arabes
et dans les premiers temps de sa reprise par les Espagnols, elle eut, dit
la tradition, jusqu'à 200.000 habitants,
dix fois plus qu'au début du XXe
siècle; ses écoles étaient réputées,
ses ouvriers célèbres. On estimait, en 1610, à 86.000
le nombre des ouvriers tisserands.
Même à ce point de vue, Tolède
a beaucoup perdu de son importance passée, son université
a été supprimée en 1845, l'industrie est presque tout
à fait morte; les manufactures d'armes blanches ont été
remplacées par une manufacture d'Etat ou de Charles III, sur un
canal dérivé du Tage, avant de disparaître complètement.
La ville n'aurait plus été qu'un important dépôt
de denrées agricoles, de fruits et surtout d'abricots, si elle n'avait
retrouvé au cours des dernières décennies une nouvelle
vitalité, grâce au développement du tourisme.
Il s'est tenu à Tolède, au
temps de la domination des Wisigoths,
17 conciles, la plupart remarquables sous le
rapport politique. A Tolède sont nés Saint Ildefonse, Aben-Ezra,
Aboul-Kassem, Luis de La Cerda, Aloïse Sigée, Garcilaso
de la Vega, etc. (B. / GE).
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Bernard
Brigouleix, Michèle Gayral, Le
roman de Tolède, Editions du Rocher, 2007.
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Campée
sur son site unique, Tolède a été un prodigieux laboratoire
de la coexistence des religions, des ethnies, des langues et des cultures.
Ce qui s'y est construit durant des siècles entre juifs,
chrétiens et musulmans, au coeur de ce Moyen
Âge pourtant ressenti comme une période d'intolérance
féroce, interpelle rudement notre actualité.
C'était
déjà une grande ville au temps des Ibères,
puis des Romains. Promue capitale des Wisigoths,
avant de devenir une cité majeure de l'al-Andalus
des Maures, elle joua ensuite un rôle essentiel dans la reconquête
chrétienne, et devint une métropole culturelle dont les
illustres fantômes - ceux du Greco, de Cervantès,
de Lope de Vega, mais aussi des grands médecins,
astronomes, traducteurs et mathématiciens qui les avaient précédés
- hantent encore les ruelles tortueuses. Sans parler des adeptes de la
magie noire qui y prospérèrent dans l'ombre des vrais savants...
Mais les conflits modernes n'ont pas non plus épargné Tolède,
de l'invasion napoléonienne à
la terrible guerre civile de 1936, dont
l'un des épisodes les plus dramatiques eut pour théâtre
son célèbre Alcazar.
Une
enquête minutieuse et vivante pour décrypter, à travers
d'innombrables anecdotes, ce mystérieux et bouillonnant passé
tolédan, qui questionne obstinément notre présent.
(couv.). |
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