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Utrecht

Utrecht est une ville des Pays-Bas, chef-lieu de la province de ce nom, sur le vieux Rhin, à 55 kilomètres de La Haye et à 36 d'Amsterdam; 270 000 habitants (2007). L'indépendance des Provinces-Unies, y fut proclamée par les États généraux de 1579; le traité de 1713, qui termina la guerre de la Succession d'Espagne et fut la base de la fortune de la maison de Savoie, y fut signé (ci-dessous). Lieu de naissance du latiniste Drakenborch, du pape Adrien VI, des peintres Poelenburg, Both, Hondekoeter et Honthorst.
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Utrecht.
Une ancienne vue d'Utrecht.

La ville de forme quadrangulaire était autrefois entourée d'un fossé et de murailles, qui ont disparu pour faire place à de jolies promenades bordées d'eau courante. Les maisons sont construites, surtout en briques; les rues sont assez larges et plusieurs d'entre elles sont coupées par des canaux profondément encaissés, que traversent des ponts fixes et au bord desquels sont établis des magasins, au-dessous
des quais.

Les principales curiosités d'Utrecht sont  : 

La cathédrale de Saint-Martin, qui a été construite de 1254 à 1267. C'était une vaste basilique en forme de croix; une tempête en ayant fait écrouler la nef le 1er août 1674, cette nef ne fut pas rebâtie, et la tour se trouve aujourd'hui séparée du transept et du choeur par une grande place. On voit dans la cathédrale les tombeaux des évêques Gui de Hainaut (mort en 1347) et Georges d'Egmond (mort en 1559) et celui de l'amiral van Gent (mort en 1672). La tour, carrée et à trois étages, dont le dernier octogone est à jour; a 103 m de hauteur; il renferme un carillon de 42 cloches, la plus grande pèse 8000 kilogrammes.

L'hôtel de ville; l'hôtel de la Monnaie; le château royal, dit hôtel Van Lov; l'université, fondée en 1636 et qui a fait de la cité un haut lieu du protestantisme orthodoxe en Hollande; l'école vétérinaire; la maison ou Adrien Florent (Adrien VI) naquit; le quartier des Jansénistes, avec le Béguinage pour centre; le Mail ou Maliebaan, avec ses six rangées de tilleuls; cette promenade est longue de près de 2 kilomètres. 

Le musée archiépiscopal présente une grande importance pour l'histoire de l'art religieux dans les Pays-Bas. Il y a aussi un musée dit Kunstliefde, contenant des tableaux curieux de la vieille école d'Utrecht  (catalogue par de Vries et Bredius). Le musée d'antiquités est également très remarquable (catalogue par Müller). 

Les environs de la ville présentent des sites fort agréables, des terres fertiles, traversées par les bras du Rhin et des canaux, et transformées presque partout en jardins.

Histoire de la ville.
Utrecht est une des plus anciennes villes des Pays-Bas, le Trajectum ad Rhenum des Romains, puis le Wiltabourg ou Wiltenberg des Frisons et des Francs. Elle était une des places principales des Frisons lorsque le roi franc Dagobert s'en empara vers 630. Il fortifia la ville et y construisit une église. Au VIIe siècle, la contrée fut évangélisée par saint Willibrord qui commença la construction d'une basilique dédiée à saint Martin. Un évêché y fut établi et s'enrichit rapidement par des donations royales. Les empereurs y séjournèrent fréquemment.

En 1076, les grands vassaux s'y réunirent autour de Henri IV et mirent Grégoire VII au ban de l'empire, tandis que l'évêque Guillaume de Gueldre lançait contre lui l'excommunication. Utrecht était alors le centre de la vie religieuse dans, les Pays-Bas du Nord, et ses écoles avaient acquis une grande réputation. Frédéric Barberousse s'y arrêta trois fois en 1156, en 1158 et en 1165. Le Moyen âge fut marqué par des luttes nombreuses et cruelles entre les évêques d'Utrecht et les comtes de Hollande et de Gueldre. Philippe le Bon parvint à établir son fils bâtard, David de Bourgogne, dans la seigneurie épiscopale, mais la guerre civile ne tarda pas à éclater et se prolongea pendant des années. Maximilien d'Autriche s'empara d'Utrecht en 1483, et Charles V le réunit définitivement à ses États.

La Réforme y fut prêchée publiquement en 1566, malgré les sévères édits de l'empereur, et les iconoclastes y commirent de terribles dévastations. C'est à Utrecht que fut conclue le 23 janvier 1579 la fameuse Union des provinces résolues à briser le joug espagnol. La ville suivit les destinées de la nouvelle République des Provinces-Unies et fit partie de l'éphémère royaume français de Hollande sous Louis Bonaparte. Annexée à la France en 1810, rendue à la maison d'Orange en 1814, elle est restée sans interruption depuis lors au royaume des Pays-Bas

C'est à Utrecht, on l'a dit, que fut signé, le 14 avril 1713, le traité mettant fin à la guerre de la succession d'Espagne. Il fut complété par ceux de Radstadt et de Bade :

Traités d'Utrecht, de Radstadt et de Bade. 
On désigne sous ce nom l'ensemble de conventions diplomatiques qui terminèrent, en 1713 et 1714, et après une lutte de dix ans, la guerre de la succession d'Espagne.
Les précédents et les causes. Louis XIV avait en vain cherché la paix dès que la fortune parut l'abandonner. Après les revers de 1704 et de 1706, il avait inutilement fait proposer au grand pensionnaire de Hollande, Heinsius, le partage de la, monarchie espagnole entre Philippe V et l'archiduc Charles, prétendant de la coalition. Après la défaite d'Oudenarde (1708), il entama à La Haye (1709) des négociations que dirigea Torcy et accepta la renonciation totale à la monarchie espagnole, la reconnaissance de la reine Anne en Angleterre, la cession aux Hollandais de places destinées à former une barrière contre la France; on lui demanda en outre l'abandon de Strasbourg, Brisach et Landau, le démantèlement des places d'Alsace, et son concours pour déposséder Philippe V. Louis XIV rejeta ces humiliants préliminaires. mais la même année, la défaite de Malplaquet amena de nouveaux sacrifices de sa part et de nouvelles exigences de la part de ses adversaires. Les conférences qui s'ouvrirent à Gertruydenberg (1710) et dans lesquelles le représentèrent le maréchal d'Huxelles et le cardinal de Polignac soumirent son orgueil à des épreuves plus cruelles encore que les préliminaires de La Haye. On lui demanda, cette fois, qu'il renonçât à l'Alsace et qu'il restituât toutes les conquêtes qu'il avait faites dans les Pays-Bas depuis la paix. Louis XIV se révolta devant ces exigences; le désespoir le contraignit à la résistance et la guerre recommença. Elle ne se serait terminée que par l'anéantissement de la France si quatre événements en partie imprévus n'étaient venus faciliter la paix : 

1° En Espagne, Philippe V, précédemment chassé de sa capitale par l'archiduc Charles et réfugié en Navarre, reprit l'avantage, et son général Vendôme écrasa les Anglais de Stanhope à Brihuega, les Allemands de Stahrenberg à Villaviciosa (décembre 1710). Il devint un roi national pour ses sujets, un roi de fait pour ses ennemis. 

2° En Angleterre, le parti whig (Tories et Whigs) avait été, depuis 1688, maintenu au pouvoir par la nécessite de défendre chez lui la nouvelle dynastie et en Europe le parti protestant. Sa mission une fois finie, il tomba avec Godolphin, son ministre, et Marlborough, son général, à la suite d'une révolution qui prit la forme d'un caprice de cour (1710). Le premier, acte des ministres tories, Oxford et Bolingbroke, fut d'envoyer à Versailles un négociateur officieux, l'abbé Gaultier, demander à Torcy d'entamer des négociations de paix séparées. 

« C'était, dit ce dernier, demander à un malade, attaqué d'une longue et dangereuse maladie, s'il veut guérir »
3° Le 17 avril 1711, l'empereur Joseph Ier mourut, laissant ses domaines héréditaires et la perspective de la couronne impériale à son frère, l'archiduc Charles, qui se prétendait déjà héritier légitime de toute la monarchie espagnole. C'était là pour l'équilibre européen une menace bien plus redoutable que celle qu'on avait cru voir dans l'avènement d'un prince français, non roi de France, au trône d'Espagne.

 4° Enfin, au moment où les négociations étaient déjà commencées, Villars remporta l'éclatante victoire de Denain, qui rendit les coalisés plus accommodants.

Les traités et leurs stipulations. Les préliminaires de Londres, signés le 8 octobre 1711, furent le traité séparé de la France et de l'Angleterre. Ils servirent de base aux négociations d'Utrecht, ouvertes en février 1712, et dans lesquelles Louis XIV fut représenté, comme à Gertruydenberg, par Huxelles et Polignac, assistés d'un habile commerçant de Rouen, Ménager. Le 11 avril 1713, l'Angleterre, la Hollande, le Portugal, la Prusse et le duc de Savoie, signèrent leurs traités avec la France. L'Espagne signa le 10 juillet 1713 son traité avec l'Angleterre, le 13 août avec le duc de Savoie. L'empereur Charles VI, qui avait continué la guerre, fut réduit à la même extrémité l'année suivante (traité de Rastadt, 6 mars 1714) ainsi que le corps germanique (traité de Bade, 7 septembre).

Ces traités établirent d'abord, comme l'une des règles fondamentales du droit européen, la séparation perpétuelle des deux monarchies de France et d'Espagne et sanctionnèrent d'importants déplacements de territoires. L'Espagne perdait les Pays-Bas, le royaume de Naples, les ports de Toscane et le duché de Milan, réservés à l'empereur; la Sardaigne, accordée à l'électeur de Bavière en dédommagement de ses propres États; la Sicile, donnée au duc de Savoie. L'Angleterre acquit de l'Espagne Gibraltar, Minorque, et l'asiento ou privilège d'introduire les esclaves noirs dans les colonies; de la France la baie d'Hudson, l'Acadie, Terre-Neuve (L'histoire du Canada), l'île de Saint-Christophe,  la liberté de commerce, le comblement de Dunkerque, la reconnaissance de la succession protestante et le renvoi du prétendant. La Hollande obtint la fameuse barrière qu'elle avait si ardemment recherchée et pour laquelle Louis XIV céda, avec la liberté de commerce, Menin, Tournai, Furnes, le fort de Knocke, Loo, Dixmude, Ypres et leurs dépendances. L'empereur s'enrichit des dépouilles de l'Espagne et reçut (à Rastadt) la Sardaigne en échange de la Bavière, qu'il restitua à l'électeur. Le roi de Prusse, qui affichait des prétentions exagérées, n'obtint de l'Espagne qu'une partie de la Haute Gueldre, s'établit dans la principauté de Neuchâtel et Valengin, et se fit, dans un article séparé, reconnaître par Louis XIV et Philippe V tous les honneurs attachés à la dignité royale. Le duc de Savoie fut immédiatement investi de la royauté de Sicile et garda, comme limites du côté de la France, les sommets des Alpes, ce qui lui donna les forts d'Exilles et de Fenestrelles et la vallée de Pragelas.

L'exécution et les conséquences des traités. Les traités furent mis immédiatement à exécution et purent être considérés comme en vigueur, quand Dunkerque eut été démantelé et les places de la barrière occupées (1715). Toutefois, ils laissèrent encore en suspens quelques points litigieux de la succession d'Espagne qui rallumèrent la guerre entre le roi catholique et l'empereur, et ne furent résolus que par les traités de Vienne, en 1731 et en 1738

Les traités d'Utrecht, comme auparavant les traités de Westphalie, sont restés pendant un demi-siècle la charte politique et territoriale de l'Europe; aussi convient-il d'en marquer nettement les conséquences. On a exagéré le dommage direct qu'ils causaient à la France; celle-ci perdait sans doute sa prépondérance en Europe, mais elle gardait toutes les frontières, tous les éléments de puissance et de considération extérieure acquis pendant le siècle précédent. Sa faiblesse résidait plutôt dans les progrès de ses rivaux. L'Angleterre s'élevait au premier rang, ayant fait accepter par les puissances son rôle de gardienne de l'équilibre continental, et fondé sa domination maritime en s'ouvrant toutes les mers. Elle profitait de tout ce que perdait la Hollande, qui désormais n'aura plus d'une grande puissance que le nom. L'Autriche semblait être devenue prépondérante sur terre, puisqu'elle avait assujetti plusieurs princes d'Allemagne; mais elle trouvait un contrepoids dans deux royautés nouvelles : au Nord, le roi de Prusse qui ralliera les États protestants; au Sud, le roi de Sicile et bientôt de Sardaigne, qui avait obtenu de nouveaux avantages par de nouvelles palinodies. En voyant grandir sur ses flancs ce petit État, la France, elle aussi, payait faute qu'elle avait commise en traitant séparément avec lui (1696). Par contre, l'Espagne, cette ancienne moitié des forces autrichiennes, transformée d'adversaire en annexe, était désormais engagée dans les intérêts de la France et intéressée à combattre les derniers héritiers de la maison de Habsbourg pour leur reprendre une partie des avantages de Rastadt; de plus, elle sortait de la guerre régénérée. Le système politique qu'inauguraient les traités d'Utrecht devait régir l'Europe jusqu'en 1789 et se retrouver même en partie dans les traités de 1815. (E. H. / Albert Pingaud).

Carte del l'Europe en 1715.
Carte politique de l'Europe après les traités de 1715.
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Dictionnaire Villes et monuments
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