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Caton ou Cato (M. Porcius), surnommé l'Ancien ou le Censeur. - Outre ces deux surnoms caractéristiques sous lesquels il est connu des modernes, après l'avoir été des anciens (Priscus, Horace, Odes, III, XXI, 11; Superior, Valère Maxime, III, II, 16; Censorius, Pline, H. nat., préf.; Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XIll, XIX, 6, etc.; Censor, Pline, H. nat., VIII, LI, 78), Caton reçut aussi, dans l'Antiquité, le nom d'Orator (Justin., XXXIII, 2; A. Gelle, N. Att., XVII, 21), et celui de Sapiens (Cicéron, De Amic., 8). Il naquit en 234 av. J.-C. (520) à Tusculum (aujourd'hui Frascati), municipe du Latium, et mourut en 149 (605), à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. Valère Maxime (VIII, VIII, 1) lui fait à tort dépasser quatre-vingt-six ans; c'est à tort aussi que Tite Live (XXXIX, 40) et Plutarque (Cat. maj.,15) prolongent sa vie jusqu'à quatre-vingt-dix ans. Sa famille, d'origine plébéienne, n'avait jamais avant lui exercé de magistratures; elle avait cependant un certain éclat local, en particulier une réputation de bravoure (Plut., Cat. maj., 1; Elien., Var. hist., XII, 6) dont Caton n'était pas peu fier. Elle n'était pas très riche; Caton, orphelin de bonne heure, n'avait hérité de son père qu'une petite propriété dans le pays des Sabins, tout près de Tusculum. C'est là qu'il passa son enfance, ayant sous les yeux la chaumière et les sept arpents de Curius Dentatus, entendant raconter la vie et les exploits de ce héros de simplicité et de désintéressement qu'il devait prendre pour modèle (Plut., Cat. maj., 2). En 217 (537), à l'âge de dix-sept ans, pendant la deuxième guerre Punique, il commença sa carrière militaire (Plut., 1; Pline, H. N., préf.); en 214 (540), il faisait partie de l'armée conduite par Fabius Maximus Cunctator, et il y remplissait peut-être les fonctions de tribun ( Drumann, Röm. Gesch., V, p. 99; Corn. Nép., Cat., 1; Aur. Vict..47; Plut.,3); il attira alors l'attention de son général qui l'admit dans son intimité. Au siège de Tarente en 209 (545), on retrouve Caton aux côtés de Fabius; deux ans plus tard, il accompagne le consul CI. Nero, envoyé contre les Carthaginois, et ne contribue pas peu à la victoire du Métaure (ou de Séna), dans laquelle Hasdrubal fut vaincu et tué (Corn. Nép., Cat. 1; T. Liv., XXVII, 46; Polybe, XI, 1). Pendant les loisirs que lui laissait la guerre, Caton se retirait chez lui et là, prêchant à tous le travail, il donnait l'exemple, partageant les fatigues de ses esclaves, l'hiver, couvert d'une simple tunique, l'été, nu sous le plus brillant soleil; ou bien il allait dans les villes voisines prêter aux plaideurs le secours de son éloquence. C'est alors qu'un de ses nobles et riches voisins, L. Valerius Flaccus, témoin de ses talents et de ses rudes vertus, l'engagea à venir tenter à Rome la carrière des honneurs; il fit plus, il lui ouvrit sa maison et lui prêta son bienveillant appui. Bientôt Caton, grâce à son protecteur et à ses propres succès au Forum, fut en mesure de briguer utilement les charges publiques. Élu questeur en 205 (549), il accompagna, l'année suivante, Scipion l'Africain en Sicile; ce serait alors, s'il en faut croire Plutarque (Cat. maj., 3), que Caton aurait donné le premier témoignage public de son austérité scrupuleuse; indigné du luxe déployé par P. Scipion et de ses dépenses exagérées, il aurait fait des représentations auxquelles Scipion aurait hautainement répondu : « qu'il n'avait à rendre compte que de ses victoires, et non de quelques sesterces; qu'au surplus il n'avait pas besoin d'un questeur si exact ».Sur ce, Caton serait revenu à Rome, ayant conçu cette haine dont il poursuivit Scipion jusqu'au tombeau; Tite-Live (XXXIX, 25) ne parle pas de cette anecdote. Édile en 199 (555), il restaura les jeux Plébéiens; l'année suivante, il obtint la préture avec la province de Sardaigne d'où, à son retour, il ramena le poète Ennius. Caton se signala, dans le gouvernement de cette province, par sa sévérité et son désintéressement; il bannit de l'île tous les usuriers, et refusa l'argent que ses administrés voulaient, suivant l'usage, lui offrir pour frais de représentation. Sa sévérité ne lui nuisit pas auprès du peuple, et à l'âge de trente-neuf ans, en 195 (559), il était, quoique homo novus (Cic., Mur., 8; Plut., Cat. m., 1) élu consul; il avait pour collègue son ancien protecteur, son ami L. Valerius Flaccus. Le début de son consulat fut marqué par l'abrogation de la loi Oppia contre le luxe; Caton défendit énergiquement, éloquemment le maintien de cette loi (T. Liv., XXXIV, 2 et s.), ce fut en vain; le luxe et les femmes eurent gain de cause. Bientôt il partit pour l'Espagne Citérieure dont la révolte effrayait le Sénat; dans cette guerre, que T. Live a racontée (T. Liv., XXXIV, 8-22), et dont Plutarque a donné le récit anecdotique (Plut., Cat. m., 40). Caton y fit preuve d'un génie militaire remarquable et de qualités administratives tout à fait supérieures. Le Sénat, en l'honneur de cette heureuse campagne, décréta un triduum d'actions de grâces (T. Liv., XXXIV, 21). Ce ne fut pas la seule récompense de Caton : le vainqueur, à son retour, dans le courant de l'année 194 (560), reçut les honneurs du triomphe; la cérémonie fut magnifique et, dans la répartition du butin à ses soldats, Caton se montra plus généreux que ne le faisaient prévoir ses principes bien connus d'économie parcimonieuse (T. Liv., XXXIV, 46). Ce retour semble avoir été hâté par une manoeuvre du vieil ennemi de Caton, Scipion l'Africain, mais les récits différent (Corn. Nép., 2; Plut., Cat. maj., 11) et il y a peut-être une erreur au fond de chacun d'eux. Quoi qu'il en soit, Caton accusé, à ce qu'on peut conjecturer, à propos de l'expédition d'Espagne, se défendit vigoureusement et avec succès. Trois ans plus tard, pour protester, dit Mommsen (Hist. Rom., IV, 89), contre les dédaigneuses allures de la mode nouvelle, il reprit du service comme légat ou tribun légionnaire (T. Liv., XXXVI, 17) sous les ordres de Manius Acilius Glabrio, chargé de la guerre contre Antiochus; il contribua largement, en cette qualité, au succès de la bataille des Thermopyles, 191 (563), et fut chargé d'apporter en personne au Sénat la nouvelle d'une si éclatante victoire. C'est là vraisemblablement le dernier acte de la carrière militaire de Caton; il alla, il est vrai, en 189 (565) en Étolie, mais il semble y avoir rempli une mission plus civile que militaire. Dès lors, il déploya toute son activité et son énergie au Sénat, au Forum, dans les tribunaux. Dès sa première arrivée à Rome, Caton s'était posé en réformateur, en représentant des anciennes moeurs, de l'opposition des classes moyennes contre la noblesse hellénisante et cosmopolite; il avait depuis sa questure manifesté ses opinions par des paroles et par des actes; à partir de 191 (563), ses discours ont encore plus de verdeur et de violence; ses actes sont plus énergiques, les uns et les autres n'ont tous qu'un même but, la résistance à la décadence des moeurs. En 190 (564), il s'oppose avec succès à la demande de triomphe faite par Q. Minucius Thermus; l'année suivante il brigue la censure qui lui permettrait de réaliser les réformes qu'il rêve, il échoue, mais il fait échouer son ancien général Acilius Glabrio, en l'accusant d'avoir détourné les deniers publics. Cet échec ne l'émeut pas; il poursuit ses accusations; il essaie en 187 (567), d'empêcher M. Fulvius Nobilioz d'obtenir les honneurs du triomphe, lui reprochant d'avoir emmené avec lui en Étolie le poète Ennius, d'avoir énervé la discipline militaire en prodiguant les couronnes à ses soldats sous des prétextes frivoles (A. Gell., N. att., V, 6); mais son éloquence ne convainc pas le peuple. Cette même année, les tribuns Petilius, à l'instigation de Caton, intentèrent une accusation de péculat à L. Scipion et un peu plus tard, le tribun Névius, toujours à l'instigation de Caton, accusait Scipion l'Africain d'avoir vendu la paix au roi de Syrie. En 184 (570), Caton brigue de nouveau la censure ou plutôt la réclame et exige pour collègue L. Valerius Flaccus. « La ville a besoin d'être épurée, disait-il, et ce n'est pas le médecin le plus doux, mais le plus dur qu'il lui faut. »Élu, il agit comme il avait promis de le faire : il raya sept membres du Sénat, parmi eux un consulaire, le frère de Flamininus et un candidat au consulat, Manilius; il enleva son cheval à L. Scipion, ainsi qu'à L. Veturius; il dégrada L. Nasica (ou Porcius Laeca) pour une plaisanterie (Cic., De Or., Il, 64). Il essaya de rétablir les finances en affermant les impôts à très haut prix, et les travaux publics au rabais; il voulut refréner le luxe; il comprit dans le cens des citoyens les bijoux, les voitures, les parures des femmes et les jeunes esclaves achetés depuis le dernier lustre, pour une valeur décuple du prix qu'ils avaient coûté, et il les frappa d'un impôt de trois as par mille. Il défendit avec fermeté l'intérêt général; il fit rechercher et supprimer les nombreuses prises d'eau qui appauvrissaient les fontaines publiques, au profit de quelques riches particuliers; il obligea tous ceux qui avaient des maisons en saillie sur la voie publique à les démolir dans l'espace de trente jours; il fit paver les abreuvoirs, nettoyer et construire des égouts, percer un chemin à travers la montagne de Formies, et construire la Basilique Porcia, le premier monument de ce genre élevé à Rome. Le peuple, reconnaissant, lui éleva une statue dont l'inscription rendait témoignage des efforts tentés par Caton pour mettre obstacle à la décadence des moeurs. A l'expiration de sa censure, Caton ne considéra pas son rôle comme terminé : il ne cessa de combattre l'ambition, l'avidité, le luxe, tantôt par des accusations particulières, tantôt en soutenant des lois destinées à arrêter la corruption morale, la loi Orchia en 181 (573), la loi Voconia en 169 (585) et d'autres. C'est toujours dirigé par l'intérêt général qu'il prend la défense des Espagnols, 171 (583), des Rhodiens, 168 (586) et que, en revanche, au retour de sa mission à Carthage, 157 (597), il réclame, avec une persistance acharnée, la destruction de l'antique rivale de Rome; c'est par crainte de voir ses compatriotes subir, plus encore qu'ils ne l'avaient subie, l'influence de la Grèce et de l'Orient qu'il soutient le sénatus-consulte défendant à Eumène d'entrer à Rome, 166 (588), et qu'il demande le départ de l'ambassade athénienne conduite par Carnéade, 155 (599). Dans cette lutte, Caton ne se démentit jamais et ne faiblit jamais; quelques mois, ou quelques jours avant sa mort, il accusait encore Servius Sulpicius Galba, que ses enfants, et son argent aussi sans doute, sauvèrent d'une condamnation méritée, 149 (605). Si d'ailleurs Caton avait souvent et vigoureusement poursuivi ses adversaires politiques, il n'avait pas été moins vigoureusement attaqué, ni moins souvent: il fut accusé quarante-quatre fois, et à l'âge de quatre-vingt et un ans, en 153 (601), il avait encore à se défendre d'une accusation capitale, mais il fut souvent heureux dans ses accusations, et ses accusateurs au contraire ne purent rien contre lui : il ne fut condamné qu'une fois, et à une amende de deux talents (Plut., Cat. m., 10). Cette lutte contre les moeurs avait duré soixante ans; elle fut énergique, elle fut soutenue sans défaillance; malheureusement elle fut inutile, la pente sur laquelle était entraîné le peuple romain était trop rapide pour pouvoir être jamais remontée. La guerre et la politique n'absorbèrent pas toute l'activité de Caton: ce défenseur des vieilles moeurs romaines, qui méprisait ou affectait de mépriser les lettres et les littérateurs, fut un écrivain fécond et, à proprement parler, le premier prosateur latin. Malheureusement, nous n'avons qu'une bien faible partie de ses ouvrages. Le seul qui nous ait été conservé intégralement est un traité ayant pour titre : De Re rustica, et contenant des instructions sur l'économie agricole d'une propriété sise près de Casinum et de Venatrum. Le texte que nous en possédons semble avoir été modernisé ( H. Keil, Observationes criticae in Catonis et Varronis de Re rustica libros; Halle, 1849), il a été publié plusieurs fois, entre autres par Gessner (Scriptores rei rusticoe; Biponti,1787, 88), Schneider (Scriptores rei rusticae; Leipzig, 17941797), et par H. Keil (M. Porci Catonis de agricultura liber; Leipzig, 1882); il a été traduit par Saboureux (Anciens ouvrages latins relatifs à l'agriculture; Paris, 1771-1775). La conservation de ce traité ne compense pas, il s'en faut, la perte des autres ouvrages de Caton, elle ne fera jamais oublier la disparition des Origines, cette première histoire romaine, en prose latine, que Caton commença pour son fils, à ce que dit Plutarque (Cat. maj., 20), et à laquelle il travailla jusqu'aux derniers jours de sa vie. Cette histoire comprenait en sept livres toute l'histoire de Rome depuis les origines jusqu'aux événements contemporains des dernières années de l'auteur; l'histoire des autres peuples de l'Italie s'y retrouvait aussi retracée avec une ampleur bien différente de la sécheresse des annalistes. Suivant Th. Bergk (Progr., Halle, 1865), les trois premiers livres auraient paru séparément en 174 (582). Les fragments de cette oeuvre remarquable ont été recueillis par plusieurs éditeurs, par Krause (Vitae et Fragmenta veterum historicorum Roman.; Berlin, 1833), par H. Jordan (Catonis praoter librum de re rustica quae extant; Leipzig, 1860, pp. XIX-LXI, et 3-30), par H. Peter (Historicorum Romanorum Fragmenta; Leipzig, 1883, pp. 40-67). La perte des discours de Caton n'est pas moins fâcheuse : le terrible censeur en avait prononcé un nombre considérable; Cicéron (Brut., 17) en connaissait cent vingt, et nous, nous en connaissons encore plus de quatre-vingts par des fragments de plus ou moins d'étendue. Le plus ancien de ces discours, dont la date soit certaine, est de 195 (559), le plus récent est de l'année même de la mort de l'orateur. Le recueil de ces discours, publié par Caton lui-même, se conserva relativement assez longtemps; au IVe siècle ap. J.-C., Servius et Marius Victorinus le connaissent encore. Les fragments, qui ont survécu, ont été réunis par H. Meyer (Oratorum Romanorum Fragmenta; Paris, 1837, pp. 111-201), et avec plus de critique, par H. Jordan (Op. I., pp. LXI-XCVIII, et 33-74), ils justifient l'appréciation d'Aulu-Gelle (N. att., VI, III, 53) : ea omnia distinctius numerosiusque fortassean dici potuerint, fortius ac vividius, potuisse dici non videntur.Indépendamment de ces ouvrages, Caton avait écrit et publié, pour l'instruction de son fils, une espèce d'encyclopédie où il traitait de l'agriculture, de la médecine, de l'éloquence, de l'art militaire et du droit. Cet ouvrage avait probablement pour titre : Praecepta ad filium (Nonius, ad v. mediastrinos); il est aussi mentionné sous des indications générales ou spéciales, qui ont fait croire parfois à l'existence de plusieurs traités distincts; c'est ainsi que Jordan (Op. l.) pense que les traités sur l'art militaire et le droit ne faisaient pas partie des Praecepta ad filium ( O. Jahn, Ueber römische Encyclopädien, dans les Berichte d. Soechs. Ges. Wissensch., 1850, t. II, pp. 263-272; H. Jordan, Op. l., p. 99 et s.); Lersch, Zeitschf. f. d. Atterthumsw., 1844, pp. 445 et s.). Il faut encore citer : le Carmen de moribus, recueil de maximes morales, qu'on a tour à tour considéré comme écrit en prose, en vers saturniens, sotadiques ou septénaires trochaïques ( Ritschl., Poes. Cat. Spicilegium; Bonn, 1854; E. Kärcher, Philologus, VIII, pp. 727 et s.; A. Fleckeisen, Catonianae poesis reliquiae; Leipzig, 1854); des lettres à son fils (Cic., De off., I, xi, 10; Plut., Cat. maj. 20, Quoest. Rom., 39); un recueil désigné sous le titre d'apophtegmata (en grec) (Cic., De off., I, XXIX, 104; Plut., Cat. maj., 2), et des Mots (dicta) de Caton, réunis sans doute après sa mort ( Jordan, Op. l., pp. 97-111; CVI et s.). On lui a faussement attribué, d'après un passage de Macrobe (Sat., III, 6), et de Nonius (Assa voce) un livre sur l'éducation des enfants : cette erreur a été amenée sans doute par une confusion avec l'ouvrage de Varron intitulé Cato sive de liberis educandis. Soldat, homme d'État, avocat,. écrivain, spéculateur, Caton trouvait encore le temps de remplir ses devoirs de père de famille. Marié deux fois, d'abord avec une patricienne pauvre, Licinia, puis, à quatre-vingts ans, avec Salonia, la fille d'un de ses clients, il avait eu deux fils, un de chaque mariage, et il s'était appliqué à être un bon mari, ce qui valait mieux, disait-il, que d'être un bon sénateur, et aussi à être un bon père; on a vu qu'il avait composé des ouvrages destinés à son fils aîné, il avait fait plus, il lui avait montré lui-même tout ce que les Romains d'alors devaient savoir, la lecture, l'écriture, le droit national; l'éducation de ce fils a été, peut-être, une de ses meilleures oeuvres. Il se montrait d'ailleurs chez lui tel qu'il était en public, sévère pour sa femme, pour ses enfants, et surtout pour ses esclaves, économe et frugal. Cependant sur la fin de sa vie, s'il faut en croire Plutarque, il se départit un peu, trop même, des vertus qu'il avait prêchées, qu'il avait pratiquées (Plut., Cat. maj., 20 et s.). Il négligea l'agriculture pour la spéculation et pour l'usure maritime, lui qui avait chassé les usuriers de Sardaigne; lui l'homme sobre et frugal, il se laissa entraîner aux plaisirs de la table, si bien qu'Horace (Od., III, XXI, 40), et bien d'autres après lui, ont pu reprocher à l'austère censeur "d'avoir trop souvent ranimé sa vertu par la chaleur du vin". Mais ce sont là des taches qui ne sauraient ternir une vie d'ailleurs si bien remplie et si belle. Caton n'en reste pas moins, aux yeux de la postérité, ce qu'il fut aux yeux de ses contemporains, le vrai type du citoyen romain. Il incarna en lui l'esprit d'action et la droiture des vieux républicains; dans cette invasion du cosmopolitisme, il fut le représentant de la patrie romaine, le défenseur des traditions qui avaient fait Rome grande et forte; il mérita qu'un poète (Anthol., I, 572, 3), enthousiaste des vertus de son compatriote, le mit au-dessus de tous les sages de la Grèce, et s'écriât : Malim unum Catonein quam trecentos Socratas. (S. D.).
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Cato (Marcus Porcius Licinianus), jurisconsulte romain, mort en l'an 153 av. J.-C., fils aîné de Caton le Censeur. Pomponius (Loi 2, § 38, Dig., De orig. juris, I, tit. II), nous rapporte qu'il écrivit des ouvrages de droit : cujus et libri exsant; s'il faut en croire Aulu-Gelle (Nuits Attiques, XIII,19), il serait l'auteur d'un traité De juris disciplina. On lui doit vraisemblablement la fameuse règle estonienne. (P. N.)
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Cato (Dionysius ?), poète latin, auteur présumé d'un recueil de quatre livres de sentences morales, exprimées chacune en deux vers hexamètres. Un manuscrit de Paris, 2659 (IXe siècle), intitule cet ouvrage Liber Catonis philosophi; un manuscrit vu par Scaliger portait pour titre : Dionysii Catonis disticha de moribus. Ces maximes soutint nombre de 174; les trois derniers livres ont chacun un prologue. Elles ont été écrites par un auteur païen, probablement au IIIe ou IVe siècle. Le recueil entier est précédé de 56 préceptes en prose, qui paraissent être de mains différentes; les premiers semblent d'inspiration purement antique (foro pare; pugna pro patria,etc.) ou destinés aux écoliers (trocho lude, aleam fuge, litteras disce); les autres accusent une origine chrétienne (minime judica, alienum noli concupiscere). Cet ouvrage, pris souvent pour le Carmen de moribus ad filium de Caton le censeur, a exercé une grande influence pendant tout le Moyen âge, c'était un des classiques en usage dans les écoles sous ce titre : le Catho ou le Cathonet; il a été souvent paraphrasé en prose ou en vers, et souvent traduit. Un recueil de 88 sentences en un seul hexamètre et 3 en distiques a été publié d'après un manuscrit du Xe siècle environ, dans l'Anthologie de Riese (t. II). En 1759, il en parut une édition en cinq langues. Il avait été publié en vers italiens en 1475 par Cartellucio di Campania; en anglais par William Caxton, en 1483; au XVIe siècle il fut mis en français par Everard; J. Macé et Pierre Grosnet l'amplifièrent sous le titre de : Mots et Sentences dorées du maistre de Saigesse Caton; F. Hubert le mit en quatrains, et ils eurent de la vogue sous cette nouvelle forme.
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Cato (Valerius). - Poète et grammairien latin, né vers 90 av. J. -C. Suétone nous apprend (Gramm, p. 109, éd. Reifferscheid) qu'on le disait affranchi d'un certain Bursenus, que lui-même se prétendait de naissance libre et avait été dépouillé de son patrimoine du temps de Sylla. Il instruisit un grand nombre d'hommes distingués, surtout parmi ceux qui voulaient cultiver la poésie; il écrivit différents ouvrages de grammaire, un livre appelé Indignatio (on ne sait s'il était en prose ou en vers); un poème intitulé Lydia, un autre qui s'appelait Diana. Valerius Cato était fort prisé d'Helvius Cinna, de Bibaculus qui l'appelait unicum magistrum, summum grammaticum, optimum poetam. On connaît aussi ces vers qui l'appelaient la Sirène latine : Cato grammaticus, latine Siren,Il est nommé comme défenseur de Lucilius, dans les vers qui servent d'introduction à la satire dixième du livre I d'Horace. Ovide le cite parmi les autorités par lesquelles il justifie la poésie érotique : Et leve Cornifiei parque Catonis opus (Tr. II, 436).J. Scaliger attribua à tort à Valerius Cato le poème pseudo-virgilien intitulé Dirae et qui réellement comprend deux pièces : Dirae et Lydia. Catulle y est visiblement imité, et les allusions historiques qu'il contient se rapportent à l'an 41 av. J.-C. (A. W.).
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Cato (M. Porcius, Caton d'Utique), né en 95, mort le 8 avril 46 av. J.-C. Arrière-petit-fils de Caton l'ancien; son père étant mort de bonne heure, il fut recueilli par son oncle C. Porcius, qu'il perdit aussi peu de temps après. Il fit ses premières armes contre Spartacus, en 72, puis en Macédoine. Il revint ensuite à Rome où il se livra à l'étude de l'éloquence et de la philosophie. Questeur en 65, il fut élu tribun en 62, il réfuta le discours de J. César, dans l'affaire des complices de Catilina et obtint leur condamnation à mort. On connaît le discours que Salluste lui prête; on y remarque plusieurs traits qui paraissent convenir à un homme plus âgé, puisqu'il n'avait que trente-deux ans. A cette occasion, Salluste, comparant les deux adversaires, trace ce glorieux portrait de Caton : Il pratiquait la modération, la décence, et surtout l'austérité. Il luttait non d'opulence avec les riches ou d'intrigue avec les politiques, mais de courage avec les plus fermes, de retenue avec les plus modérés, de désintéressement avec les plus intègres, aimant mieux être un homme de bien qu'en avoir l'apparence. Il s'était, par son attitude, attiré l'inimitié de César qui comprit quels obstacles il trouverait dans les vertus d'un tel citoyen. Il s'opposa également, mais sans succès, à Pompée que son opposition au contraire poussa à se rapprocher davantage encore de César (Cicéron, Pro Murena, 14).Aussi, lorsque celui-ci fut sur le point de partir pour la Gaule, eut-il soin de faire donner à Caton, par l'entremise de P. Clodius, une mission à Chypre (Plut., Cat. min., 35). De retour, Il défendit Milon avec Cicéron, combattit intimement les candidatures de César et de Pompée au consulat, et ne put lui-même arriver à la préture (Plut., Cat., 42); il ne l'obtint qu'en 54. Il resta à Rome, s'appliqua passionnément à combattre la corruption et le désordre; après la condamnation de Milon, à laquelle il s'opposa sans succès, il demanda le consulat, mais ne put arriver, parce qu'il dédaigna d'employer les moyens ordinairement en usage pour gagner les électeurs. Lorsqu'éclata la guerre civile, Caton s'enfuit de Rome à l'approche de J. César; se rendit en Sicile auprès de Pompée; de là à Rhodes, parce que son esprit républicain créait des difficultés dans le camp aristocratique de Pompée (Plut., Cat. min., 54; Sén., Ep., 404). Il conseillait de temporiser, mais on ne l'écouta point : après le combat de Dyrrachium, il resta dans la place avec une garnison; quand Pompée eut été vaincu à Pharsale, il se mit à sa recherche et, après sa mort, se rendit à Cyrine, puis à Utique, où il résolut de se défendre. Mais la défaite de Thapsus découragea les siens qui parlèrent de se rendre. Il donna à tous ceux qui le désiraient les moyens de partir, et, après avoir lu le Phédon de Platon, et dormi paisiblement jusqu'au milieu de la nuit, il se perça de son épée. Il tomba en entraînant une table. On accourut, on lui donna des soins, mais il enleva l'appareil mis sur la plaie et mourut à la suite de l'hémorragie. Il n'avait pas voulu survivre à la république, dont il portait le deuil depuis le commencement de la guerre civile. La mort de Caton d'Utique, par Lethière. Sa vie et sa mort furent également nobles et d'accord avec les maximes de la philosophie stoïcienne, qu'il avait adoptée. Nous ne possédons de lui aucun écrit, sauf une lettre adressée à Cicéron (Ad. Fam., XV, 5). Il s'excuse, non sans une certaine coquetterie, d'écrire, contre son habitude, une aussi longue lettre. En réalité, celle-ci n'a qu'une vingtaine de lignes. Ses contemporains rendirent justice à la fermeté, à l'élévation de son caractère et à l'intégrité de sa vie. Nous avons cité plus haut l'éloge que fait de lui Salluste (Cat., 54); on sait dans quels termes en parle Cicéron, même lorsqu'il l'a pour adversaire (Pro Mur., 28). Le grand orateur composa l'éloge du grand citoyen, et donna à cet écrit le titre de Caton; César y répondit par l'Anti-Caton, Brutuspar contre, trouvant insuffisant le traité de Cicéron, traita le même sujet, et Lucain, plus tard, lui consacra les beaux vers bien connus de sa Pharsale. (A. Waltz).
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