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On donne le nom de donjon à la tour principale d'un château, au Moyen âge. Le donjon, qui commandait toutes les défenses du château, était séparé des autres constructions, indépendant de l'enceinte, avec une issue particulière sur la campagne. « Le donjon était au château, dit Viollet-le-Duc, ce que celui-ci était à la ville. »Jusqu'au XIe siècle, les châteaux consistaient en une grande tour en pierre ou en bois, le donjon, élevée sur une motte, entourée d'une ou plusieurs enceintes et de fossés. On pénétrait dans le donjon par une porte percée au premier étage et à laquelle aboutissait un pont en bois jeté sur le fossé. Plusieurs châteaux sont figurés sur la célèbre Tapisserie de Bayeux, de la fin du XIe siècle; ils sont édifiés sur une motte; on y accède par des chemins en bois avec traverses empêchant les chevaux de glisser; le donjon est entouré d'un mur crénelé, ce qu'on appelle la chemise; ce donjon est carré, percé de fenêtres à l'étage supérieur, se terminant soit en plate-forme crénelée, soit en dôme. Le plus ancien donjon en pierre, encore debout, est celui de Langeais (Indre-et-Loire), dont la construction paraît remonter à la fin du Xe siècle. Il est carré construit en petit appareil; des fenêtres, en plein cintre sont percées à la partie supérieure; l'amortissement du donjon est détruit; à l'intérieur, il était divisé en plusieurs étages par des planchers dont des corbeaux indiquent encore l'emplacement. Tous les autres donjons du XIe siècle sont aussi sur plan rectangulaire, mais construits en grand ou moyen appareil. Les dates sont difficiles à fixer avec certitude, en l'absence de tout motif d'ornementation. On attribue au XIe siècle le donjon du château d'Arques, près de Dieppe, qui a subi de profonds remaniements. Il avait trois étages; le troisième est détruit, mais un dessin de 1708 nous a conservé l'aspect. La fig. 1 représente la restitution du donjon d'Arques par Viollet le-Duc. Citons encore, comme donjons de l'époque romane, c.-à-d. des XIe et XIIe siècles, ceux de Loches, Montrichard, Beaugency, Chambois, Domfront, Falaise, Broue, Pons, Nogent le-Rotrou, Montbazon, etc. Dans les donjons romans, on multipliait les détours intérieurs, les escaliers interrompus; mais, lorsqu'on eut reconnu que ces obstacles nuisaient autant aux assiégés qu'aux assiégeants; on y renonça et l'on chercha à améliorer la forme de la tour et les défenses extérieures. Le plan rectangulaire fut abandonné au cours du XIIe, siècle. A Gisors, le donjon était hexagonal, avec une tourelle également hexagonale; à Provins, la forme carrée fut conservée, mais les angles sont flanqués de tours rondes; à Houdan, le donjon était de forme circulaire, cantonné de tours rondes. Le plan du donjon d'Étampes, construit entre 1150 et 1170, est très remarquable : il a l'aspect d'un quatre-feuilles. L'étage supérieur était percé de créneaux, ainsi que l'indique une estampe gravée par Chastillon, et devait être garni de hourds de bois en temps de siège; quelques-uns de ces hourds sont figurés ici (fig. 2), d'après Viollet-le-Duc, sur le côté droit de la tour. L'entrée de ces donjons n'était jamais au rez-de-chaussée, mais au premier étage, ou bien entre le premier et le second étage; on y accédait par un pont volant jeté de la chemise à la porte; les escaliers étaient pratiqués dans l'épaisseur des murs; la chemise était en pierre. Les défenses extérieures prirent plus d'importance; le donjon ne fut plus la seule tour du château; il fut protégé par une enceinte avec courtine flanquée de tours. Le donjon n'était jamais au centre de cette enceinte, mais contre l'enceinte, au point le plus inaccessible. « Sur un promontoire que forment dans un endroit de difficile accès les rives du grand fleuve de la Seine, est bâti un château d'un aspect effrayant et qu'on nomme La Roche-Guyon; invisible à sa surface, il est creusé dans une roche élevée; la main habile de celui qui le construisit a coupé, sur le penchant de la montagne, et à l'aide d'une étroite et chétive ouverture, le rocher même, et formé sous terre une habitation d'une très vaste étendue. »
Ce donjon était protégé par une double chemise. La construction du donjon de Château-Gaillard, aux Andelys, est exceptionnelle. Les mâchicoulis, au lieu de porter sur des corbeaux, reposent sur des contreforts. La chemise, irrégulière, est flanquée d'une série de tourelles qui se touchent. Les donjons ronds sont les plus fréquents à partir de la fin du XIIe siècle. On peut citer le donjon du Louvre, construit par Philippe-Auguste, détruit, mais dont l'emplacement est marqué actuellement sur le pavage de la cour de Louvre, et encore le donjon de Châteaudun. Au XIIIe siècle, les donjons sont ronds, sauf dans le midi et l'est de la France, où l'on continue de les construire sur plan rectangulaire. Le donjon de Coucy, élevé entre 1223 et 1230, peut être considéré comme un type de donjon du XIIIe siècle, Nous en donnons ici, d'après Viollet-Ie-Duc, la coupe intérieure (fig. 4). La partie haute se terminait par une plate-forme, autour de laquelle on dressait des hourds en bois en cas de siège. Mazarin voulut le faire détruire; l'ingénieur ne réussit qu'à faire sauter les voûtes. Fig. 4. - Coupe intérieure du donjon du château de Coucy. A partir du XIVe siècle, la forme carrée reprit faveur. Le donjon de Vincennes, construit par Charles V, était un bâtiment carré, flanqué de quatre tours. A Pierrefonds, le donjon est également carré. Le château de Pierrefonds, restauré par Viollet-le-Duc, avait été construit par Louis d'Orléans, comme aussi les châteaux de La Ferté-Millon et de Villers-Cotterets, dans lesquels les architectes avaient su allier les dispositions défensives aux agréments d'une habitation seigneuriale. Le donjon n'avait plus au XVe siècle qu'une importance secondaire au point de vue de la défense du château; il resta toutefois l'emblème de la puissance seigneuriale. Le gros pavillon qu'on remarque souvent au centre des châteaux du XVIe siècle est un souvenir du donjon du Moyen âge. (M. Prou). |
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