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La Renaissance
L'histoire politique
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Les jalons de l'histoire politique

La chute de Constantinople et ses conséquence.
Constantinople prise et l'empire Byzantin détruit, les succès de Mehmet  II sont rapides : il reste maître de l'Albanie après la mort de Scander-Beg, possesseur de la Morée et de l'Eubée, il laisse à peine quelques îles aux Vénitiens; ses armées courent sur le Danube, dans le Frioul, et occupent Otrante, la clef de l'Italie (D'Osman à Bayézid II). La terreur des Occidentaux inspire bien des projets de croisade qui avortent, et des. tentatives de réconciliation entre les États divisés de la péninsule qui ne mettront pas trêve à leurs rivalités. Heureusement pour les Européens, après Mehmet, les séditions des janissaires et l'ambition jalouse d'un frère du nouveau sultan ralentissent les progrès des Ottomans.

L'Italie donne asile aux fugitifs de Constantinople. Les Grecs enseignent leur langue aux Italiens, apportent les riches monuments de leur antique littérature et dirigent les premiers efforts que l'on fait alors pour étudier et imiter ces grands modèles. Mais les beaux-arts ne rendent pas les mœurs publiques meilleures et plus douces; il n'y eut jamais plus de perfidies, de trahisons, de meurtres et d'atroces débauches. Le règne de Ferdinand d'Aragon, fils naturel d'Alphonse, qui l'emporte sur un nouveau prétendant de la maison d'Anjou, est un fléau pour l'Italie méridionale.Jean Galéas-Marie Sforza ne sait être qu'un tyran et meurt assassiné dans une église. Les Pazzi et le pape Sixte IV trament une conjuration contre les Médicis : Julien est massacré dans une église; son frère Laurent, seulement blessé, est obligé de soutenir la guerre contre le pape qui ne se trouve pas assez vengé. Alexandre VI épouvante le monde par l'audace encore inouïe de ses crimes. Ludovic le More Sforza, qui appelle les Français en Italie, a recours au poison pour succéder plus tôt à son neveu, le duc de Milan.

L'Allemagne aura longtemps un empereur universellement méprisé pour son ineptie, son avarice et sa mauvaise foi; il vit heureux dans l'opprobre, vaincu bien des fois par ses voisins de la Hongrie et de la Bohème, qui pénètrent jusqu'à Vienne. Le mariage de son fils Maximilien avec l'héritière des vastes états de Bourgogne et des Pays-Bas, accroît l'influence de sa maison; mais il néglige d'assurer la paix publique de l'empire. A l'est de l'Allemagne, la Pologne fleurit sous les princes Jagellon et tient tête à l'Ordre teutonique; les Russes, avec Ivan III, secouent le joug des Tartares (Le Monde turco-mongol) et s'européanisent. La Suède remplace le roi par un administrateur élu qui, malgré les trahisons du clergé, défend l'indépendance contre les Danois.

En Castille, le règne de Henri IV n'est qu'un long cours de troubles, de conspirations et de discordes : sa soeur Isabelle se fait déclarer héritière présomptive du trône, dont elle se montre digne. Isabelle et son mari, Ferdinand, qui est l'héritier et bientôt le possesseur de l'Aragon, dépouillent les Maures du royaume de Grenade, débris de la puissance musulmane fondée depuis huit siècles, répriment la noblesse, font des hermandads ou fraternités des villes un appui pour la royauté, et livrent les Juifs au tribunal sanglant des inquisiteurs.

C'est d'Isabelle que le Génois Christophe Colomb, préoccupé de la pensée de trouver une route vers les Indes à l'ouest de l'océan Atlantique, comme les Portugais en cherchaient une en naviguant à l'est sur les côtes africaines, obtient, non sans peine, les moyens de découvrir et de donner à l'Espagne un nouveau monde. Il touche terre aux Antilles, en 1492, quelques mois après de la prise de Grenade à laquelle il a d'ailleurs participé, quand les Portugais n'osaient encore franchir le cap des Tourmentes. Le cap des Tourmentes devient le cap de Bonne-Espérance pour Vasco de Gama qui, s'avançant hardiment à l'est, va le premier aux Indes orientales en tournant l'Afrique. Ce voyage change le commerce de l'ancien monde. Alexandrie en avait été le centre sous les Ptolémées, sous les Romains et sous les Arabes; cette ville était l'entrepôt de l'Europe et des Indes Venise, au XVe siècle, tirait presque seule d'Alexandrie les denrées de l'Orient et du midi, et par cette industrie s'enrichissait aux dépens de l'Europe. L'expédition de Vasco de Gama détourne le cours de ces richesses : une bulle pontificale, après le premier voyage de Colomb, a partagé les Indes orientales et occidentales entre les Portugais et les Espagnols. Un Portugais, Alvarès de Cabral, touche, sans l'avoir cherchée, la côte du Brésil, et le Florentin Americo Vespucci sera le plagiaire presque inconnu de Christophe Colomb.

La France et l'Angleterre laissent près d'un siècle d'avance aux Espagnols et aux Portugais dans les terres nouvelles. Sous le nom de rose blanche et de rose rouge, les factions d'York et de Lancastre déchirent la Grande-Bretagne : les batailles et les échafauds appauvrissent le sang de la noblesse; la royauté se retrouve plus forte sur ces ruines, après la chute du dernier roi de la rose blanche, le sanguinaire Glocester, Richard III. Henri VII Tudor, de la maison de Lancastre; se maintient par sa prudence et sa bravoure sur le trône où la victoire et le parlement l'ont appelé; son avarice et sa dureté n'empêchent pas les Anglais de le compter au nombre de leurs plus habiles rois. En France, sous Louis XI, la lutte est, dès le début, engagée entre le pouvoir monarchique et la noblesse. Ce prince préfère les négociations à la guerre : il aime mieux tromper que vaincre; pourvu qu'il atteigne son but, que les moyens soient injustes ou horribles, il les sait concilier avec une dévotion superstitieuse et avec le titre de roi très chrétien, qu'il a porté le premier. L'orgueil des seigneurs reçoit des leçons terribles; on doit à sa fourberie et à sa froide cruauté l'affaiblissement et presque l'extinction de la tyrannie féodale. Charles le Téméraire, déjà vaincu par l'astuce du roi, est brisé par l'audace des Suisses, les alliés de Louis. La puissance royale prévaut enfin, et le bien-être des masses, le véritable biens public, n'est pas oublié. La royauté traverse une phase difficile pendant la jeunesse de Charles VIII : Anne de Beaujeu, la régente, se montre digne de son père, et triomphe de la noblesse par les armes autant que par les intrigues.

Le jeune Charles VIII jette inconsidérément la France dans des guerres de conquête. Enlever les Deux Siciles et par suite Constantinople, ce n'est pas un rêve trop ambitieux pour un admirateur passionné de César et de Charlemagne : cependant il est heureux, après avoir célébré à Naples de faciles triomphes par des fêtes magnifiques, de s'ouvrir, par la victoire brillante de Fornoue, un retour vers ses États. Venise a noué la première ligue européenne contre la France. Le dominicain Jérôme Savonarole, qui a appelé les Français au nom de Dieu pour punir les crimes de l'Italie; qui a, par ses prédications, entraîné les Florentins à chasser les  Médicis, est à la fin sacrifié à la haine d'Alexandre VI et périt dans les flammes. Louis XII cède au même entraînement que Charles VIII : l'amitié indigne des Borgia; l'occupation rapide de Milan ne lui donnent pas une force réelle en face de Ferdinand le Catholique et de Maximilien. La question italienne sera le noeud de la politique des Etats de I'Occident qui se constituent sous ces trois grands princes.

Le XVIe siècle.
Le caractère de la plupart des révolutions qui ont agité ce siècle est déterminé par les entreprises de Luther et de Calvin et par la propagation de leurs doctrines. Sur presque tous les trônes s'élèvent des souverains célèbres par leurs vertus, par leurs talents ou par leurs passions énergiques. L'ambition, l'ardeur de prosélytisme et la cupidité inondent de sang l'un et l'autre hémisphère. On peut distinguer trois périodes : 1 ° jusqu'à l'asservissement de l'Italie à la maison d'Autriche, 1530; 2° jusqu'à la clôture du concile de Trente, 1563; 3° jusqu'à la fin du siècle.

1500-1530.
Louis XII ouvre ce siècle entre Alexandre Borgia et Ferdinand le Catholique, entre Henri VII Tudor et Maximilien d'Autriche. Ses guerres en Italie pour conquérir Milan et Naples ou pour affaiblir les Vénitiens ne tournent qu'au profit de l'Espagne et du saint-siège; il porte dans les négociations plus de franchise que d'habileté. La chevalerie française, heureuse d'abord contre les Vénitiens, est impuissante contre une coalition générale formée par la cour de Rome : Jules II, entreprenant et intrépide, a écrasé César Borgia; la marche d'Ancône, le duché d'Urbin, Pérouse, Bologne, tant de domaines qui n'étaient que de nom sujets de l'Église, une fois soumis, servent au pape pour affaiblir Venise, chasser les Français et rétablir les Médicis à Florence. Vainqueur de la France par les armes de ses alliés, il ne peut faire fléchir le parlement de Paris, gardien jaloux de la pragmatique sanction qu'avait abandonnée le roi Louis XI , bien secondé par son ministre, le cardinal d'Amboise, mais que conservent comme une égide de liberté les grands corps de l'État. 

La royauté, tempérée en France par les états généraux, est maintenant sans contrôle en Angleterre : le parlement est habitué depuis l'avénement des Tudors à la plus abjecte docilité.

Les alliances des maisons d'Espagne et d'Autriche, les perfidies triomphantes de Ferdinand le Catholique, servi par des généraux comme le grand capitaine Gonzalve de Cordoue, préparent la puissance de Charles-Quint, qui est petit-fils de Maximilien, par son père Philippe le Beau, et petit-fils d'Isabelle et de Ferdinand le Catholique, par sa mère Jeanne la Folle. Il réunit à tous les domaines de la maison d'Autriche les royaumes de Castille et d'Aragon, même la Navarre, qu'un décret de Jules II et une armée d'Aragonais avaient enlevée à Jean d'Albret l'allié de la France, Naples, tout l'héritage de Charles le Téméraire, c'est-à-dire la Bourgogne, les Pays-Bas et la Franche-Comté, enfin les contrées découvertes et conquises en Amérique. Les électeurs d'Allemagne ajoutent à tant de couronnes celle de l'empire, et il acquerra encore la Lombardie.

A la mort de Maximilien, François Ier, successeur de Louis XII, tient l'Europe en trop grande admiration par les coups qu'il a portés aux Suisses à Marignan et par la conquête rapide du Milanais, il est entré trop audacieusement dans les voies du despotisme par la vente des charges de judicature, par l'accroissement des impôts, par la substitution du fameux concordat à la pragmatique sanction, pour que les électeurs d'Allemagne ne donnent pas sur lui la préférence à un jeune prince qui paraît disposé à se laisser gouverner et que ses vastes domaines allemands intéressent à la défense de l'empire contre les Turcs.

L'habilité politique de Charles-Quint se révèle lorsqu'il renoue la coalition contre François ler qui va perdre le Milanais. Cependant la durée du règne, l'éclat et la solidité des actions de l'empereur n'ont pas prévalu sur la gloire de son rival et sur celle de Léon X. Ce pape, qui passe huit ans seulement sur le trône, a laissé son nom à son siècle : il doit en grande partie cet honneur aux gens de lettres et aux artistes qu'il a encouragés. Ce n'était pas que Rome fût mieux gouvernée. A cause de la dépense qu'exigeait la construction de l'église de Saint-Pierre, Léon X se décida à re courir au commerce des indulgences : un moine allemand, Luther, s'élève contre ce négoce; c'est le prélude d'une vaste révolution dans la chrétienté : des réformes faites à temps auraient peut-être prévenu les hérésies et les schismes de ce siècle, et sauvé à la fois la puissance du pape et les dogmes de la détection d'une partie de l'Europe.

L'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre, au milieu de la rivalité de François ler et de Charles-Quint, sont le théâtre d'ardentes controverses religieuses et de luttes politiques. Charles-Quint, le plus ferme appui de la catholicité, après la journée de Pavie qui met à sa merci le roi de France, est en guerre avec le chef de l'Église. Clément VII arme l'Italie pour la cause de l'indépendance: Mais Rome est saccagée par une armée allemande, en partie luthérienne, qu'anime encore la mort de son chef, un transfuge de France, le connétable de Bourbon. Le pape, prisonnier au château Saint-Ange, n'en sort que pour livrer aux impériaux plusieurs. de ses places : il sacre de sa main le dominateur de l'Italie, qui fera subir un an de siège à la ville de Florence pour qu'Alexandre de Médicis devienne le premier duc de cette cité. Charles-Quint, le destructeur des libertés italiennes, que n'a pas su défendre François ler, se croit alors assez fort pour rejeter la confession d'Augsbourg des protestants luthériens.

Il n'y a de danger pour lui que sur le Danube, avec l'avancée des Turcs de Soliman. Moins cruel et aussi heureux que son père Sélim, ce sultan qui avait soumis l'Arménie, défait les Perses, détruit l'empire des soudans d'Égypte et la puissance des Mamelouks, Soliman vient d'ouvrir un long règne par la prise de Rhodes, dont les héroïques défenseurs (les Hospitaliers) seront transportés par Charles-Quint sur le rocher stérile de Malte, en sentinelle dans la Méditerranée. Maître du bassin oriental de cette mer, Soliman a voulu l'être de la vallée du Danube. Il a vaincu les Hongrois et pénétré jusqu'à Vienne où l'Allemagne l'arrête. Le frère de Charles-Quint, Ferdinand, a hérité par la mort de Louis II, roi de Hongrie, d'un royaume à reconquérir: ainsi sont complétées les possessions autrichiennes.

Le Nord de l'Europe est tout bouleversé : après avoir joui de l'administration bienfaisante du roi Jean, qu'acceptèrent même les Suédois, le Danemark a trouvé dans Christian Il, beau-frère de Charles V, un tyran odieux aux nobles et même au peuple, dont il se dit le vengeur. Les excès de Christian amènent l'indépendance de la Suède, que Gustave Vasa détache du Danemark mais qu'il entraîne pour toujours dans le luthéranisme.

En Angleterre, la passion de Henri VIII pour Anne Boleyn le décide à rompre son mariage avec Catherine d'Aragon et à vaincre les obstacles qu'oppose au divorce la cour de Rome : une scission éclatante est prochaine. 
 

1530-1563.
La lutte religieuse devient plus vive et tourne en persécutions sanglantes et en guerre civile dans presque tous les États de l'Europe. Le Danemark et la Suède se préservent presque seuls des maux violents qu'entraîne à sa suite un brusque changement de religion, parce que la révolution qui renverse les dogmes catholiques et dépouille les églises, vient non du peuple ou du clergé réformateur, mais d'un roi guerrier et d'une noblesse toute-puissante Gustave Vasa ne trouve pas beaucoup d'obstacles à tourner ou à rompre; les seigneurs danois, qui font roi Frédéric de Holstein à la place de l'impitoyable Christian II, l'aident à établir le luthéranisme : la nouvelle doctrine pousse des racines profondes dans les deux pays. En Angleterre, l'esprit de servitude rend la nation malgré elle complice de Henri VIII, qui aime mieux se séparer de l'Église romaine que de renoncer à sa passion pour Anne de Boleyn : le schisme est à peine consommé que la femme, cause de tant de scandales, périt par l'ordre du roi sur l'échafaud. Ce terrible époux, qui doit en dix ans célébrer encore quatre mariages, poursuit avec la même tyrannie les partisans du pape et ceux de Luther : d'innombrables victimes expient par le sang leurs opinions religieuses sous ce  monarque, qui ne veut d'innovation que pour s'attribuer les biens des monastères et la puissance du clergé. La noblesse et le peuple de l'Allemagne  prennent goût aux applications politiques des doctrines luthériennes : la sécularisation des biens ecclésiastiques à leur profit est comme le dernier mot de la réforme pour les seigneurs; l'avènement à la liberté et à la richesse est promis aux masses populaires par des prédicateurs égarés ou criminels : la secte des anabaptistes, dont on n'entrevoit les principes qu'au milieu des crimes les plus atroces, arme contre elle les luthériens et les catholiques.

La double contagion de l'hérésie et du zèle persécuteur gagne la France, que les moeurs peu sévères de François Ier et la frivolité même de sa cour auraient dû en préserver : la politique a autant de part que la religion aux actes de rigueur ordonnés par le roi. François Ier et Charles-Quint se font la guerre avec moins d'ardeur; les derniers traités laissent intactes les provinces de France. Aux portes des Alpes, le duché de Savoie; en Italie, Gênes, relevée par les Doria, et Venise, qui est assez forte pour lutter contre les Turcs, ont encore une existence indépendante.

Après 1545, le massacre des Vaudois au nom de François Ier; l'ouverture du dernier concile général, à Trente, où le plus ferme disciple de l'Espagnol Ignace de Loyola représente la société nouvelle des jésuites, si dévouée à la défense du dogme et au service des intérêts pontificaux; l'intérim, espèce de transaction imposée par Charles-Quint, vainqueur des protestants, et mal reçue des deux partis; enfin l'établissement du luthéranisme en Angleterre sous Edouard VI : tous ces faits ouvrent des perspectives nouvelles de persécutions, de discussions ardentes et de guerres civiles. La puissance toujours croissante de Charles-Quint ramène dans la lice le fils de François Ier, Henri II , allié à la fois des protestants d'Allemagne, qui se sont de nouveau armés contre l'empereur, et du pape Paul IV, qui voudrait chasser les Autrichiens de l'Italie. La communauté de foi décide le mariage de Marie Tudor avec le fils de Charles V, que l'abdication volontaire de l'empereur, vaincu par Guise et Maurice de Saxe, laisse maître de l'Espagne, de Naples, de Milan, des Pays-Bas et des possessions du nouveau monde. Le frère de Charles, Ferdinand, joint la couronne impériale aux États héréditaires d'Allemagne, à la Bohème et à la Hongrie.

Les généraux de Philippe II sont vainqueurs des troupes de Henri Il à Saint-Quentin. Le roi de France, comme le roi d'Espagne et comme Marie la reine d'Angleterre, punit de mort l'hérésie : sa fin prématurée laisse le gouvernement à Catherine de Médicis et aux Guise, oncles de Marie Stuart qui a épousé le jeune roi François II. Les prétentions rivales des seigneurs catholiques et protestants, pendant la minorité de Charles IX, arment les partis pour la guerre civile que n'arrête pas le colloque de Poissy. L'Europe est alors partagée en deux camps prêts à se jeter l'un sur l'autre : les protestants dominent en Écosse où le presbytérianisme a pris naissance au milieu des scènes les plus violentes qui menacent déjà d'emporter le trône des Stuarts; en Angleterre, où Élisabeth règle le dogme et le culte en souveraine, comme les affaires politiques; dans les pays bataves qui ont adopté le calvinisme de Strasbourg et de Genève; en Allemagne, où s'observent en ennemis au lieu de s'unir en frères, les calvinistes et les luthériens. Le saint-siège parvient à faire accepter aux princes catholiques les derniers décrets du concile de Trente, qui condamnent sans transaction les doctrines de Luther, de Calvin et de Zwingli.

Pour la lutte qui va s'engager, Philippe Il, le chef du parti catholique, a les ressources nouvelles tirées du nouveau monde. Le Mexique, enlevé rapidement par Hernan Cortez; le Pérou, occupé et dévasté par Francisco Pizarro, malgré la résistance des Indiens, surtout dans ce dernier pays, les guerres civiles et la cupidité barbare des conquérants, versent sur l'Europe des quantités énormes de numéraire. Quant aux Portugais, ils étaient trop peu nombreux pour pouvoir exploiter avec avantage et garder longtemps leurs colonies des Indes orientales : les succès d'Albuquerque ont été continués, mais sa bonne et libérale administration n'a pas d'imitateurs. Aux deux Indes, la cupidité et le zèle religieux font persécuter les malheureux indigènes : Bartholomeo de Las Casas a osé dénoncer ces brigandages à Charles-Quint et accuser son siècle et sa nation devant la postérité. Mais lorsque, dans une pensée d'humanité, il proposa d'associer des Noirs africains aux travaux des Indiens, il ne fait qu'ouvrir à l'Europe une nouvelle voie d'iniquités : celle de la traite des escalves. Le voyage de Magellan autour du monde a appris quelles mers immenses il restait encore à explorer et à asservir après les découvertes des Portugais et des Espagnols.

1563-1600. 
Depuis Charles-Quint et Soliman, les deux empires d'Allemagne et d'Istanbul s'affaiblissent sensiblement : l'un, parce qu'il est impossible de faire vivre d'accord les catholiques et protestants ; l'autre, à cause du gouvernement corrompu, perfide et sanguinaire du sérail (L'empire Ottoman), à cause des séditions des janissaires et de la guerre éternelle contre les Perses schismatiques. La glorieuse mais stérile journée de Lépante (Le siècle de Soliman) appartient à Venise, au Saint-siège, à l'Espagne, non à l'empire.

Sans les dissensions religieuses qui embrasent le monde, il est probable que l'immense étendue des États de Philippe II, dans l'un et l'autre hémisphère, la force qu'acquiert l'Angleterre sous Élisabeth I, celle qu'ont rendue les Jagellons aux Polonais et Gustave Vasa à la Suède, auraient amené quelque grande révolution dans 
le système européen. Philippe II, qui veut faire triompher partout le concile de Trente et l'Inquisition, pousse par ses excès mêmes les provinces belges, où domine la religion catholique, à réagir contre les proscriptions et les supplices. L'insurrection devient formidable chez les Bataves, peuple marin et marchand, plus enclin à se séparer de l'Église et de l'Espagne contre laquelle ils obtiennent l'assistance des Anglais et des Allemands. Avant que leur chef, le prince de Nassau Guillaume d'Orange, périsse sous les coups d'un fanatique, la république des sept Provinces-Unies, que les provinces belges ne suivent pas dans leur résistance, est fondée. Philippe II a cependant ajouté à ses immenses ressources le Portugal avec ses colonies, et il espère un moment y joindre aussi l'Angleterre. Il travaille d'abord à restaurer un parti catholique dans ce pays et à empêcher les protestants de dominer en France, tandis qu'Élisabeth soutient les protestants de France, d'Écosse et des Pays-Bas les actes de Marie Stuart avaient déjà subi une cruelle expiation par la longue captivité de cette malheureuse reine. 

L'anarchie de la France donne plus beau jeu aux intrigues de Philippe Il : la guerre religieuse n'y est interrompue que par des pacifications éphémères. Le caractère tolérant et libéral du chancelier de L'Hôpital ne peut réconcilier les ambitions et les consciences; l'aristocratie d'abord et bientôt les villes voient ici, comme en Allemagne, dans les Pays-Bas et en Écosse, les avantages que l'insurrection au nom de la foi donne contre la royauté. Les seigneurs du parti catholique tendent au même but, en se couvrant du nom du roi, surtout après les abominables massacres de la Saint-Barthélemy. La Ligue, dont tous les membres s'engagent à procéder contre l'hérésie par la voie de la justice et des armes, obéit moins à Henri III, chef nominal, qu'au puissant duc de Guise, qui ne voit plus qu'une barrière entre lui et le trône, quand la mort du duc d'Anjou, frère et héritier du roi , laisse pour unique prétendant à.la couronne le roi protestant de Navarre.

L'Espagne, qui perd les pays bataves, essaye d'acquérir la France : Henri de Navarre, excommunié par Sixte-Quint, a contre lui à la fois Henri III, son parent, qui est poussé par les chefs de la Ligue, les ligueurs et Philippe II. L'exécution de Marie Stuart, ordonnée par Élisabeth, distrait encore Philippe II, qui veut venger la reine catholique; la fureur des éléments, plus que l'habileté des marins anglais, ruine la flotte prétendue invincible des Espagnols. En France, la guerre des trois Henri, Henri III, Henri de Navarre , Henri de Guise le Balafré, aboutit, moins à cause des défaites de l'armée royale qu'à cause des succès et de l'orgueil du chef des ligueurs, à l'assassinat du duc de Guise par l'ordre du roi, et à l'alliance tardive de Henri III avec le véritable défenseur de la nationalité française, le roi de Navarre. Un fanatique tue Henri III par religion, comme celui-ci, par politique, avait fait tuer le duc de Guise : le véritable péril de la France, sorte d'agonie qui met le corps social bien près de sa fin, dure quatre ans, alors que les consciences peuvent hésiter à se déclarer pour un roi hérétique qui cependant se montre déjà le plus habile et le plus fort.

La vénalité trop flagrante des états généraux de 1593, que la Satire ménippée acheva de perdre dans l'opinion publique; la déclaration patriotique du parlement de Paris, qui exclut du trône, sans la nommer, la fille de Philippe II; la conversion de Henri IV, que Clément VIII a la sagesse d'absoudre un an après son entrée dans Paris, ne laissent plus en présence du véritable roi de France que des factieux, les ligueurs; des étrangers, les Espagnols. Le courage de Henri IV, l'élan national, les conseils et la sage économie de Sully suffisent à compléter la victoire; elle coûte des millions abandonnés à des Français qui veulent se vendre et non se donner au roi, mais pas une province n'est cédée à l'étranger. En même temps l'édit de Nantes garantit la liberté des consciences et l'égalité des droits civils aux protestants qui gardent même des pouvoirs politiques indépendants.

Le spectacle de la liberté hollandaise, de la prospérité continue de l'Angleterre, de la prospérité renaissante de la France est un tourment pour les derniers jours de Philippe Il, auquel survivent Élisabeth I et Henri IV. Il avait interdit aux Hollandais les ports du Portugal où ils venaient chercher les produits des Indes orientales. les Hollandais, aux dépens du Portugal, visitent et vont coloniser les côtes et les îles de l'océan Indien, depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu'à la Chine; Cornelis Houtman, leur plus célèbre navigateur, fonde la première compagnie des Indes pour concentrer les forces et diriger les exploitations des particuliers. Les Anglais commencent à se montrer en maîtres dans les mers de l'Amérique; Drake entreprend le tour du monde, et sur son chemin rançonne les établissements espagnols.

A l'est de l'Europe, deux États sont agités par des dissensions. Celles de la Pologne vont devenir éternelles : le trône est électif depuis l'extinction de la maison de Jagellon; le roi, élu par la noblesse, quelle que soit son origine, Français, Transylvain ou Suédois, sera l'esclave d'une diète toujours orageuse : la guerre avec les Russes entretient l'esprit militaire, mais ne fortifie pas la puissance des Polonais. La Russie perd à la fin du siècle son dernier roi de la maison de Rurik : quelques années de discorde la livreront à l'influence de la Suède, qui est maîtresse des provinces baltiques, et de la Pologne qui l'enveloppe par le sud-ouest. (A19).

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