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L'histoire de la médecine
La médecine au XVIIIe siècle
Le XVIIIe siècle est une époque de contrastes et de luttes : contrastes dans les régimes politiques, dans la littérature, dans la philosophie, dans les théories médicales, etc. La philosophie, dont l'influence continue à se faire sentir sur le développement de la médecine, est sensualiste-idéaliste avec Condillac, idéaliste avec Leibniz, matérialiste avec l'Encyclopédie. C'est dans ce siècle que Lamettrie publie son Homme-machine, d'Holbach son Système de la nature, et que Leibniz, à la fois mathématicien et philosophe et de plus très versé dans les sciences naturelles et la médecine, crée cet admirable système qui, par l'introduction des idées de continuité, d'évolution et d'analogie universelles, donna une orientation toute nouvelle à la pensée humaine, principalement dans le domaine scientifique. Mal comprise par ses élèves et dénaturée par eux, surtout par Wolf, la philosophie de Leibniz est devenue la base du système de Kant, à l'insu de ce philosophe, qui, souvent croyant contredire Leibniz, ne contredisait que le scolastique Wolf et ne faisait que retrouver et rétablir sa véritable doctrine. 
« Quoique diffuse et secrète, dit Boirac, l'influence exercée sur la science et la philosophie contemporaine par les idées leibniziennes, n'en est pas moins profonde, et c'est elle qui les pousse de plus en plus à chercher dans la vie intérieure et psychique des choses l'explication fondamentale du mécanisme universel. »
Cette influence se traduisit de bonne heure en médecine par le mécanico-dynamisme de Frédéric Hoffmann, puis par l'animisme de Stahl et, en passant par l'irritabilité hallérienne, par le vitalisme de l'école de Montpellier, elle ne devint réellement féconde pour les sciences naturelles en général qu'au XIXe siècle, après la disparition des idées cartésiennes. La fin du siècle, très disposée au mysticisme, fit bon accueil au mesmérisme, et vit naître l'homéopathie.

La chimie, en progressant, devait également influer sur la médecine; elle fit la premier pas avec Stahl, qui l'arracha à l'empirisme en donnant sa véritable expression à la théorie du phlogistique imaginée par Becker; mais cette tentative synthétique, si remarquable qu'elle soit, n'exerça qu'une médiocre influence sur l'art de guérir, d'autant plus que la théorie animique du même auteur ne faisait aucune place à la chimie. Ce n'est qu'après la découverte de l'oxygène et les travaux de Lavoisier, de Priestley et de Scheele que la chimie contracta d'étroites relations avec la physiologie et la médecine. Les découvertes de Galvani et de Volta retentirent également sur la médecine, en particulier sur la physiologie.

Au XVIIIe siècle, la science médicale ne progresse pas également dans les différents pays. La médecine italienne est encore florissante, mais des signes de décadence se manifestent dès la seconde moitié du siècle. En Angleterre, la médecine conserve sa splendeur. La France garde une prééminence en chirurgie et en obstétrique, mais perd du terrain dans toutes les branches vers le dernier tiers du siècle, et cela par suite d'un défaut inhérent aux Français et qui leur a été si souvent fatal : l'erreur de croire qu'ils peuvent se suffire à eux-même et n'ont pas besoin de s'enquérir de ce qui se passe à l'étranger.

Quoi qu'il en soit, pendant la première moitié du siècle, le centre de gravité, principalement en ce qui concerne l'enseignement, est en Hollande; Leyde est alors la plus célèbre faculté de l'Europe; elle ne commence à décliner qu'après la mort du grand Boerhaave, dont les deux principaux élèves, Haller et Van Swieten, vont transporter son prestige le premier à Göttingen, le second à Vienne. Dans les universités allemandes, l'enseignement est très précaire, et au dehors c'est le règne du charlatanisme, du reboutage, de la polypharmacie surtout profitable aux apothicaires; la fondation de l'université de Göttingen en 1737 améliore l'état des choses; elle devient la première de l'Allemagne sous Haller, de même que quelque temps après Vienne devient la première de l'Autriche. Mais la dépréciation de la profession médicale persiste encore assez longtemps pour qu'en Prusse on songe en 1798 à fonder un examen spécial, le « Staatsexamen », destiné à fournir une catégorie de praticiens dont la valeur soit incontestable.

L'anatomie, surtout l'anatomie microscopique, ainsi que la physiologie, font des progrès rapides. Parmi les anatomistes, citons en Italie : Valsalva (1666-1723), Santorini (1681-1737), Morgagni (1682-1771), Colugno (1736-1822), etc.; en France : Winslow (1669-1760), Senac (1693-1770), Portal (1742-1832), Dodart (1634-1707), Ferrein (1693-1769), etc.; en Hollande : Albinus (1697-1770), Camper (1722-1789), Sandifort (1740-1819); en Angleterre : Cheselden (1688-1752), Douglas (1675-1742), A. Monro (1697-1767) et son fils (1732-1817), et surtout W. Hunter (1718-1783) et J. Hunter (1728-1793); en Allemagne : Heister (1683-1758), Weitbrecht (1702-1743), J.-F. Meckel (1724-1774), Lieberkuhn (1711-1765), J.-G. Walter (1734-1848), Loder (1753-1832), enfin S.-T. von Soemmerring (1755-1830), dont plusieurs appartiennent également au XIXe siècle.

Le physiologiste le plus célèbre de cette époque est Haller (1708-1777), le fondateur de la doctrine de l'irritabilité; nommons encore Spallanzani (1729-1799), F. Fontana (1730-1805), Fr. Quesnay (1694-1774), Hales (1677-1761), C.-G. Ludwig (1709-1773). L'embryologie progressa avec C.-F. Wolff (1735-1794).

La chirurgie est brillamment représentée en France par Maréchal et par F. Gigot de La Peyronie (1678-1747), les fondateurs de l'Académie de chirurgie, par l'éminent J.-L. Petit (1674-1750), puis par Garengeot (1688-1759), Le Dran (1685-1770), Antoine Louis (1723-1792), Desault (1744-1795), Chopant (1743-1795), etc. En Angleterre, les chirurgiens les plus célèbres sont les deux frères Hunter, P. Pott (1733-1788), A. Monro et B. Bell; en Allemagne, L. Heister, A.-G. Richter (1742-1812), Rau (1658-1719), etc.; en Italie, A. Nannoni (1715-1790) et son fils (1749-1812), Pallucci (1716-1797), Valsalva, Flajani (1741-1808), etc.

L'obstétrique est cultivée en France par des hommes remarquables tels que Levret (1703-1780), Puzos, A.-F. Petit, Deleurye, Solayrès de Renhac, Baudelocque, etc., auxquels on peut ajouter Fried, de Strasbourg; en Allemagne par Reederer, Heister, Stein, J.-F. Meckel, etc.; en Angleterre par Palfyn, W. Hunter, Smellie, etc.; dans les Pays-Bas, par R. Van Roonhuyze, Van Doeveren, L. Van Leeuwen, etc. ; au Danemark, par Saxtorph (1740-1800).

Les systèmes au XVIIIe siècle

Dans la première moitié du XVIIIe siècle, les systèmes prédominants sont l'iatromécanisme avec Hoffmann et Boerhaave, l'animisme avec Stahl; dans la seconde moitié, c'est surtout l'irritabilité avec l'illustre Haller, le stimulisme avec Brown, Girtanner, etc, le vitalisme avec Bordeu et Barthez.

Iatromécanisme.
Au siècle précédent et même au début du XVIIIe, Baglivi fut le représentant le plus pur de la doctrine; celui-ci et Sydenham rendirent possible l'avènement d'hommes tels que Boerhaave et Hoffmann.

Boerhaave, de Leyde (1668-1738), admirateur d'Hippocrate et d'Arétée chez les anciens, de Sydenham parmi les modernes, est un hippocratique décidé en ce qui concerne la pratique médicale, mais travaille en outre, avec conviction, à fonder la science médicale sur l'anatomie et la physiologie. Il pose en règle que tout le savoir du médecin a pour point de départ l'observation sensible, que les mouvements de la machine humaine obéissent aux mêmes lois qui régissent les autres phénomènes de la nature, mais que les phénomènes psychiques échappent aux méthodes physiques, au même titre que les causes premières et les finales. Plus solidiste qu'humoriste en pathologie, il attribue la plupart des maladies à la contraction ou au relâchement des fibres; viennent ensuite les effets des mouvements trop lents ou trop rapides des humeurs, dépendant de leur degré de fluidité ou de viscosité, sans compter leurs qualités chimiques; de sorte que les obstructions, les inflammations, les stases, etc., jouent un grand rôle dans la pathologie de Boerhaave, avec les désordres du fluide ou des esprits nerveux qui sont les agents des fonctions nerveuses et de leur influence sur l'organisme. Malgré les imperfections de son système, Boerhaave fut certainement le plus génial dés iatrophysiciens, et son grand savoir, uni à la noblesse de son caractère et à ses vertus, en avait fait l'homme le plus célèbre de l'Europe.

A côté de Boerhaave se place Frédéric Hoffmann, de Halle (1660-1742), dont la réputation égala presque celle de son rival. Son oeuvre fut considérable, et ses ouvrages les plus importants sont : Medicina rationalis systematico (1718-1740, 9 vol.) et Medicina consultatoria (1721-1739, 12 vol.). L'iatromécanisme de Hoffmann est plus élevé que celui de ses prédécesseurs; pour lui, la vie ne repose pas seulement sur des facteurs matériels, mais aussi sur des facteurs dynamiques. L'élément du corps, c'est la « fibre», dont la propriété fondamentale est le « ton », c.-à-d. la faculté de se contracter et de se dilater, qu'elle reçoit du « fluide nerveux » qui n'est lui-même qu'une portion de l'éther répandu dans la nature entière. Dès lors la pathologie se fonde sur les anomalies du « ton », en d'autres termes sur le strictum et le taxum des anciens, avec cette différence qu'ici ces états sont dus à des accumulations ou à des déviations du fluide nerveux. C'est en somme une pathologie solidiste. En philosophie, Hoffmann fut partisan de Leibniz dont le système était le mieux en rapport avec ses tendances religieuses et scientifiques. Parmi les élèves les plus célèbres de Hoffmann, on cite J.-H. Schulze, professeur à Altorf et à Halle, E.-A. Nikolai, professeur à Halle et à Iéna, etc. 

Animisme.
La doctrine de l'animisme a eu pour fondateur Georges-Ernest Stahl (1660-1734), professeur à Halle, l'un des plus grands chimistes de son époque. Elle prit naissance comme une réaction contre les applications exagérées des sciences physiques, mais à son tour dépassa le but. Stahl fut frappé tout d'abord de la différence qui sépare les organismes ou la matière vivante des corps bruts; il admira ce consensus, cette harmonie de toutes les fonctions, se coordonnant vers un même but, et à côté des facteurs physico-chimiques qui interviennent chercha le facteur d'ordre supérieur qui régit les fonctions et pensa le trouver dans l'âme chez l'humain et également dans un principe immatériel chez les animaux. Mais comment l'âme peut-elle présider à des phénomènes plastiques et à des mouvements dont elle n'a pas conscience? C'est que l'âme, selon Stahl, possède à la fois des facultés supérieures, avec conscience et raisonnement (logismos) et des facultés inférieures, où il y a intuition sourde, instinct, sagesse sans raisonnement (logos). Ainsi, c'est par sa force végétative que l'âme préside aux fonctions nutritives; c'est là en réalité de l'animo-vitalisme. Stahl flotte plus ou moins entre l'animisme et l'animo-vitalisme : l'âme agirait parfois avec réflexion dans les actes vitaux; mais le plus souvent, pour lui, son activité n'est là qu'une sagesse instinctive. En somme, pour Stahl, l'âme raisonnable est en même temps le principe de la vie; ainsi formulée, la doctrine de Stahl devient l'animisme pur, tel qu'il a été professé au XIXe siècle par Tissot, Bouillies, Franck, Ravaisson, de Rémusat, etc. Mais on peut dire que le vitalisme émane également de Stahl, nous verrons plus loin pourquoi. La doctrine médicale de Stahl peut se résumer en quelques lignes. L'âme veille sur l'organisme dont elle a la charge, lui envoie des armes telles que la fièvre, les hémorragies spontanées, etc., pour combattre la maladie; c'est l'équivalent de la nature médicatrice des Anciens, d'où une thérapeutique exclusivement expectante; cependant son expectation est active; le médecin suit la marche de la nature, l'aide, la redresse, etc. L'ouvrage fondamental de Stahl est son Theoria medica vera..., publié pour la première fois en 1707.

L'influence de Stahl sur le développement des théories médicales modernes fut considérable, mais elle ne se fit pas sentir immédiatement; l'action de Boerhaave et de Hoffmann était alors prédominante. Parmi les partisans les plus connus de Stahl, mentionnons : J.-S. Carl, d'Oehringen (1675-1757), et J. Juncker (1679-1759), professeur à Halle, puis J.-A. Unzer, de Halle (1727-1799), qui cependant entama le stahlianisme par sa théorie des « mouvements réflexes »; E. Platner (1744-1818), professeur à Leipzig, un adversaire de Kant, et qui supposait l'âme liée à un « esprit nerveux » répandu dans le corps tout entier; Abraham Kaauw-Boerhaave réintroduit entre l'âme et le corps le médiateur que Stahl excluait et l'assimile à l'enormon d'Hippocrate; ce qui fait le principal mérite de ce médecin, c'est qu'il admet déjà des nerfs de la sensibilité et du mouvement. L'adepte le plus franc de Stahl fut François Boissier de Sauvages (1706-1767), professeur à Montpellier, l'auteur de la fameuse Nosologia methodica, publiée en 1760, dans laquelle il mit à exécution les idées de classification de Sydenham, en prenant pour type la classification artificielle des plantes de Linné. Les ennemis les plus déterminés de l'animisme furent Leibniz et Fr. Hoffmann.

Irritabilité.
Les propriétés des tissus vivants furent longtemps méconnues; l'enormon d'Hippocrate, l'archée de Paracelse, les esprits vitaux de Descartes, le fluide nerveux des iatrophysiciens, la force vitale des modernes, etc., détournèrent de tout temps l'attention de ce sujet, qui fut cependant effleuré par Aristote, par Galien et par la scolastique. Glisson, le premier, admet dans toutes les parties des animaux trois facultés inhérentes, la perceptive, l'appétitive, la motrice. La perceptivité se montre avec ou sans conscience. Les parties vivantes, ou du moins leur dernier élément, la fibre, sous l'influence des impressions, des stimulations, se contractent et se dilatent successivement, en d'autres termes réagissent en vertu de l'irritabilité. C'est Jean de Gorter (1689-1762), disciple de Boerhaave, qui reprit les idées de Glisson et admit chez tous les êtres vivants, même chez les végétaux, une force motrice vitale, inhérente à toutes leurs parties, indépendante et de l'âme et du système nerveux, cause de tout mouvement et des fonctions du métabolisme, forcé que les stimulants mettent en jeu. Mais c'est à Albert de Haller, de Berne (1708-1777), Ie plus grand physiologiste de son siècle, qu'est due la détermination des lois de l'irritabilité et de ses rapports avec les autres forces de l'organisme. Haller distingue l'irritabilité de l'élasticité qui est une simple propriété physique et de la sensibilité que Glisson avait confondue avec elle. Malheureusement il la confond, à son tour, avec la contractilité de la fibre musculaire. Gaubius, d'Heidelberg (1705-1780), de même que Gonthier, de Breslau, et Tissot, de Lausanne, transporte l'irritabilité dans la pathologie et se lance dans de nouvelles hypothèses. Dans ses Institutions pathologicae (1758), il traite des maladies des solides, des liquides, de l'esprit, et s'efforce de concilier l'animisme, l'irritabilité, le mécanisme, la chimiatrie, le galénisme.

Cullen (1712-1780), le créateur du système appelé neuropathologie, relève de Haller, mais aussi de Hoffmann; son système n'est autre chose que le nervoso-dynamisme de celui-ci uni à l'idée d'excitabilité de celui-là. Solidiste, il rapporte toutes les maladies internes à des affections contre nature du génie nerveux. Ses adeptes et successeurs les plus célèbres furent : Gregory, comme lui professeur à Edimbourg; Macbride (1726-1778), professeur à Dublin; puis Musgrave, Thaër et surtout Schaeffer, de Ratisbonne (1753-1826).

Stimulisme.
John Brown (1735-1788), élève de Cullen, dont il fut ensuite l'adversaire acharné, transforma l'irritabilité de Haller en incitabilité et fonda le stimulisme. Plusieurs circonstances se réunirent pour procurer au brownisme une vogue étendue, quoique éphémère. Ce système séduisait par sa simplicité même : la vie est le résultat de l'incitation entretenue par un stimulus perpétuel; l'équilibre entre l'incitation et les stimulants constitue la santé, le déséquilibre la maladie. Croyant à la plus grande fréquence des maladies asthéniques, Brown fut conduit à user immodérément de la médication stimulante. Mais l'ensemble de la doctrine, paraissait si satisfaisant, que des hommes tels que Pierre Frank et Kant ne furent pas éloignés de l'accepter. D'ailleurs, les idées révolutionnaires de la fin du siècle et la « sensibilité » qui avait envahi la littérature ne furent pas étrangères au succès du brownisme.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas en Angleterre que le stimulisme fit fortune, bien qu'il eût des adhérents comme Jones et Lynch. Le premier auteur qui le fit connaître sur le continent fut C. Girtanner (1760-1800). Dès 1793, le célèbre médecin américain Rush (1745-1813) prit fait et cause pour lui. Mais c'est en Italie et en Allemagne qu'il eut le plus de vogue, auprès d'hommes tels que Moscati, Locatelli, Rasori, Joseph Frank, d'une part; Weikard, Markus, Roeschlaub (1768-1835) de l'autre. Mais en Italie il fit tout à coup volte-face, avec Rasori et Tomasini, son élève, qui arrivèrent à la persuasion que la plupart des maladies sont sthéniques et que, à l'inverse de la médication stimulante, il fallait, au contraire, employer la médication contre-stimulante (saignées, évacuations spoliatrices, tartre stibié à haute dose, etc.). D'où vient cette divergence énorme? « Derrière l'exagération commune à Brown et à Rasori, dit Barbillion, il y a cette vérité capitale et essentiellement clinique que l'on doit ne pas soigner à Edimbourg comme on soigne à Rome, que d'une façon générale la médication excitante convient aux pays du Nord comme la médication débilitante s'applique aux pays méridionaux. » Mais, bien entendu, cette proposition ne peut elle-même avoir la prétention à une absolue généralité. Nous n'insisterons pas davantage sur le contre-stimulisme qui appartient d'ailleurs plutôt au commencement du XIXe siècle.

Théories chimiques et galvaniques.
Les découvertes faites en physique et en chimie, celles surtout du galvanisme et de l'oxygène, devaient réagir sur la médecine. Les iatrophysiciens et les iatrochimistes s'en emparèrent, tout en subissant l'influence des doctrines régnantes, de l'irritabilité et de l'animisme. Il en résulta un profond désarroi dans les doctrines, et comme réaction la tentative d'introduire un principe d'unité, la « force vitale ».

Mais, avant tout, signalons le système de C.-L. Hoffmann (1721-1807), qui créa une sorte de pathologie humorale, mélangée de solidisme, dans laquelle les acides et les alcalis jouent un grand rôle; ce n'est qu'une tentative de conciliation entre la chimiatrie et la doctrine hallérienne. Ce système eut beaucoup moins de succès que les théories fondées sur la découverte de l'oxygène; ce gaz joua d'ailleurs un grand rôle dans la thérapeutique entre les mains de Beddoes, de Bristol (1754-1808); de L. Jurine (1751-1819), de l'auteur d'un mémoire célèbre sur le croup; de L. Odier (1748-1847), de Genève, comme le précédent ; du chimiste Fourcroy, dont l'élève, J. Rollo, publia un ouvrage remarquable sur le diabète (1797); de B.-T. Baumès (1756-1828), de P. J. de Ferro, de Vienne (1753-1809), qui a excellemment écrit sur la peste, etc.

Le règne du galvanisme, pour brillant qu'il fut, a été encore plus éphémère. A. Galvani, de Bologne (1737-1798), reconnut en 1794 que l'organisme produit de l'électricité et en mit la source dans le cerveau, fondant toute sa physiologie et toute sa pathologie sur cette donnée. Après A. de Humboldt, P.-W. Ritter, de Munich, et Reinhold déclarèrent le galvanisme la force primordiale de la nature.

Vitalisme.
Stahl avait été assez ondoyant entre l'animisme pur et l'animo-vitalisme. L'intelligence intuitive qui joue un si grand rôle dans son système, a été transformée par l'école de Montpellier en « principe vital ». Th. de Bordeu (1722-1776), qui appartenait à cette école, admettait que chaque partie de l'organisme avait sa vie spéciale; ce fut la base de l'anatomie générale de Bichat et de la théorie cellulaire moderne. Son élève Barthez (1734-1806) alla plus loin et réunit toutes ces propriétés vitales, toutes ces forces, en une seule entité, le principe vital. pour lui, l'organisme est gouverné à la fois par l'âme et par le principe vital; ce dernier communique à tous les éléments de l'organisme la sensibilité et la motilité, en mène temps qu'une« force de situation fixe », c.-à-d. la faculté de conserver sa forme originelle ou de la rétablir si elle est modifiée. La maladie n'est plus alors qu'un effort de la nature en vue de la guérison. Sa doctrine des éléments morbides fut développée surtout par Bérard, qu'on retrouve au siècle suivant. Reconnaissons, pour être juste, que Barthez n'envisageait son principe vital que comme une hypothèse. Ses élèves ont été moins réservés : Guilaume de Grimaud (1750-1799), professeur à Paris, a singulièrement compliqué son système; citons encore : L. Dumas (1765-1813). qui lui succéda à Montpellier; Richerand, P. Pinel, Chaussier, Lordat, Chauffard, etc., qui appartiennent au XIXe siècle, En Allemagne, nous mentionnerons Blumenbach, Reil (1759-1843); en Angleterre, Erasme Darwin (1734-1802), le grand-père de Charles Darwin.
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Médecins pendant la peste de 1720, à Marseille.

Médecine, pratique et clinique

En Italie, Malpighi avait fait école, et Valsalva (1662-1783), professeur à Bologne, maintint le grand renom de la médecine italienne au XVIIIe siècle; on peut en dire autant de Lancisi, de Rome (1654-1720), dont les travaux sur les maladies de l'encéphale, ont fait date; d'I.-F. Albertini (1662-1738), professeur à Bologne; de G.-B. Borsieri (Bursierus) de Kanilfeld (1725-1785), professeur à Pavie. La médecine française ne fait que médiocre figure à côté de ces grands noms. Nous n'avons guère à nommer que Sauvages, puis Senac (1693-1770) et Lieutaud (1703-1780, surtout connus par leurs travaux d'anatomie pathologique, enfin Astruc (1684-1766). La Société royale de médecine fondée en 1776, supprimée ensuite par la Révolution, jouit cependant d'une grande réputation par la valeur et la variété de ses travaux.

Les médecins anglais, tout en étant encore iatromécaniciens, suivent en clinique les préceptes de Sydenham. Citons : A. Pitcairn et son élève G. Cheyne (1671-1743), J. Keill (1673-1719), Nicolas et Bryan Robinson, qui ont introduit dans la physiologie du système nerveux la théorie vibratoire de l'éther due aux physiciens; W. Cockburn, qui, en 1696; publia un important ouvrage sur le scorbut. Mais le praticien anglais le plus important de la première moitié du XVIIIe siècle est certainement Richard Mead (1673-1754), un éclectique. J. Freind (1675-1728), surtout connu par ses travaux sur l'histoire de la médecine, fut un iatrophysicien décidé. J. Pringle (1707-1782), compagnon d'étude de Haller, est célèbre par un remarquable traité sur les maladies des armées. Parmi les autres médecins remarquables de cette époque, mentionnons encore : C. Wintringham (1710-1794), qui étudia particulièrement la force de résistance des artères et des veines; J. Haxham (1694-1768), épidémiologiste distingué; J. Fothergill (1712-1780 ou 1801?), renommé pour son ouvrage sur la diphtérie et son travail sur la névralgie du trijumeau, quelquefois appelée « maladie de Fothergill »; W. Heberden (1719-1801), dont on a admiré les travaux sur l'angine de poitrine et certaines formes de rhumatisme chronique.

En Allemagne, le mouvement de rénovation partit, comme nous l'avons dit, de deux élèves de Boerhaave, Haller, qui fonda l'école de Göttingen, et Van Swieten qui appela à l'existence l'école de Vienne.

Parmi les principaux noms qui se rattachent à l'école de Göttingen, nous relevons : P.-G. Werlhof, de Helmstaedt (1699-1767), l'ami de Haller et l'auteur d'un ouvrage célèbre sur les fièvres intermittentes et d'un autre sur l'antiquité de la variole; J.-G. Zimmermann (1728-1795), élève de Haller, dont les ouvrages « sur la solitude » et « sur l'expérience » ont joui d'une réputation supérieure à leur mérite; L.-B. Lentin (1736-1804), E. Wichmann (1740-1801), P.-G. Hensler (1733-1805), l'un des fondateurs de la pathologie historique, et J.-A. Tissot (1728-1797), de Lausanne, l'ami le plus intime de Haller, éminent épidémiographe et auteur d'ouvrages populaires tels que : Avis au peuple sur sa santé; - Avis aux gens de lettres sur leur santé, etc.

L'école de Vienne compta dans son sein des hommes tels que Van Swieten (1700-1772), de Leyde, qui inaugura à Vienne l'enseignement clinique et publia ses fameux commentaires sur les aphorismes de Boerhaave; il est encore bien connu par sa méthode de traitement de la syphilis par le sublimé (liqueur de Van Swieten); puis A. de Haèn (1704-1775 ), autre clinicien remarquable; A. Stoerck (1731-1803), surtout organisateur et thérapeute; le célèbre Maximilien Stoll (1742-1788), élève et successeur de A. de Haèn, auteur de remarquables travaux d'épidémiologie; enfin J.-P. Frank (1745-1821), qui établit sur de nouvelles bases la police sanitaire. Parmi les autres médecins allemands, surtout de la deuxième moitié du siècle, mentionnons encore : B.-L. Trailes (1708-1797), pharmacologue distingué; Marius Herz (1747-1803); S.-G. von Vogel (1750-1837); enfin, parmi les Scandinaves : Nils Rosen de Rosenstein (1706-1773), professeur à Upsala, un des rénovateurs de la médecine; J.-C. Tode (1736-1806), professeur à Copenhague, connu par ses travaux sur les maladies vénériennes.

De grands progrès signalent le XVIIIe siècle dans le domaine de la médecine pratique. C'est tout d'abord l'anatomie pathologique qui, entre les mains de l'illustre Morgagni (1682-1771), professeur à Padoue, subit une transformation telle qu'on peut le considérer comme son véritable créateur. Son ouvrage, De Sedibus et causis morborum per anatomen indagatis (Venise, 1761 et nombr. édit.), sera encore consulté un siècle plus tard. Après lui nous devons citer, en Italie, B. Monteggia (1762-1805), professeur de chirurgie à Milan, et les deux cliniciens Lancisi et Albertini. En France, Senac et Lieutaud; en Hollande Sandifort et Bonn, contribuèrent puissamment aux progrès de l'anatomie pathologique. En Allemagne, Fr. Hoffmann, Haller, Fr. Meckel, Reederer et Wagler, etc., s'intéressèrent également à cette branche importante des connaissances médicales.

Un autre important progrès, c'est le perfectionnement du diagnostic des maladies du coeur et des gros vaisseaux, sur l'influence de Lancisi, d'Albertini et de Senac; et la découverte de la percussion en 1761 par J.-L. Auenbrugger de Graz (1722-1809), assez bien accueillie par Haller, Ludwig, Stoll, négligée par P. Frank, Reil et Horn, enfin appelée à une nouvelle existence en quelque sorte, presque un demi-siècle plus tard, par Corvisart.

Enfin, la thérapeutique ne s'enrichit guère pendant le XVIIIe siècle; signalons cependant l'introduction de l'usage interne du plomb par Goulard, celle de la ciguë, de l'aconit, du datura, du colchique, etc., par Stoerck. L'hydrothérapie progressa considérablement, grâce à J. Floyer (1649-1734), S. Hahn (1664-1742) et ses deux fils, Schwentner et J. Currie (1756-1805). Fr. Hoffmann fit beaucoup pour l'usage des eaux minérales.

C'est à la fin du XVIIIe siècle que l'immortel E. Jenner (1747-1823) fit la découverte de la vaccine (1796). La vaccine venait remplacer avantageusement l'inoculation variolique qui présentait des dangers sérieux. (Dr L. Hahn).

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