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L'Antiquité > le Croissant fertile > la Mésopotamie
Histoire de la Mésopotamie
La société assyro-babylonienne
Institutions, vie quotidienne, culture

Le gouvernement

Le véritable roi des cités et des peuples, c'est le dieu, et les chefs, à l'origine, se proclament seulement ses vicaires; c'est ainsi qu'on peut traduire le titre de patesi que portent les premiers souverains de Babylonie et d'Assyrie; plus tard, à l'époque des rois d'Ur, les patesi ne furent plus que des sortes de préfets recevant leur autorité du roi. Vicaires des dieux, les rois ont été choisis par la divinité, et les souverains ne manquent pas de faire allusion à ce choix sans lequel leur pouvoir ne serait qu'usurpé. Sargon II, qui règne sur l'Assyro-Babylonie, se proclame le « pasteur légitime qu'ont choisi Assur et Marduk »; ce choix peut avoir été décidé bien avant la naissance du roi, de sorte qu'il apparaît prévu par le Destin. Mais si le roi est choisi par les dieux, cet appel lui crée des devoirs. Puisque les créatures relèvent des dieux, il est juste que le représentant du pouvoir suprême se substitue à eux pour faire respecter sur terre l'ordre sans quoi rien ne pourrait subsister, et puisque les dieux ont créé l'humanité pour en recevoir un culte, ce sera la première fonction du roi d'organiser les cérémonies, de réparer les temples et d'en fonder de nouveaux. 

Asarhaddon rappelle que les dieux l'ont choisi pour rétablir l'ordre; Nabuchodonosor II proclame que Marduk l'a appelé pour « fonder les villes et rénover les sanctuaires ». Par suite, le roi sera le premier des prêtres; il présidera aux grands sacrifices, fera le simulacre de les offrir; il sera soumis à un rituel de purification particulier à sa personne, mais aussi rigoureux que pour le reste de la caste sacerdotale; à certains jours il ne devra pas sortir et il lui faudra observer un régime alimentaire spécial. Ces rapports étroits avec la divinité eurent une conséquence toute naturelle, les rois finissent par se considérer comme dieux eux-mêmes; certes cette prétention est moins vive qu'en Egypte; jamais le souverain n'oubliera de s'humilier devant les dieux, mais le déterminatif divin précède le nom de certains d'entre eux, par exemple de Naram Sin qui se qualifie de dieu d'Agadé et qui porte sur les bas-reliefs la coiffure à cornes des divinités; des noms propres tels que « Hammurabi est dieu », sont volontiers portés dans le peuple. C'est d'ailleurs des dieux que les rois reçoivent les insignes matériels du pouvoir; il paraît bien que, parmi les cérémonies d'intronisation, « la saisie des mains de Bêl » consistant, pour le monarque, à prendre entre ses mains celles de la statue du dieu, était une véritable transmission de ce pouvoir.

Puisque le roi est choisi par les dieux, la royauté n'est pas forcément successorale; bien entendu, en pratique, les souverains tachèrent toujours de confisquer ce choix divin au profit de leur famille; mais nous voyons l'armée et la cour élever des usurpateurs à la puissance suprême, considérant que la voix populaire est celle de dieu; ceux-ci légitiment ensuite leur pouvoir par les cérémonies habituelles; par conséquence les souverains sont absolus comme pourrait l'être la divinité. Ils vivent dans leurs palais et dans leurs jardins immenses, au milieu de leurs familiers. Ceux-ci sont légion; soit le patesi de la ville d'Umma, la rivale de Lagash; du temps des rois d'Ur, nous avons une tablette qui mentionne des distributions de vivres aux personnes de son entourage et nous y retrouvons ce mélange oriental de dignitaires et de menu peuple que l'on remarque encore aujourd'hui chez les petits chefs asiatiques. La liste mentionne, outre le patesi qui émarge pour la part du lion, les Anciens, le gouverneur de la ville, des surveillants des champs et des canaux, des portiers, hommes de peine, vachers, préposés aux vêtements, puis tout un personnel religieux : devins, prêtres des onc-tions, incantateurs, prostituées sacrées, servantes de temple, et pour terminer des chanteurs et des charmeurs de serpents. Tous ces gens sont nourris par le patesi et entretenus sur les revenus qu'il perçoit au titre civil et au titre religieux. Lors de l'hégémonie assyrienne, la différence est grande. En face du roi, se dresse le grand vizir, premier ministre et chef des affaires civiles. 

L'armée, qui est pour les Assyriens une institution atteignant un développement qu'elle n'a jamais connu en Babylonie, est sous les ordres du Tartan, le généralissime-ministre de la guerre. Puis viennent des chambellans chargés, les uns d'éventer le roi avec le chasse-mouches, d'autres de tenir son sceptre, ses armes, son parasol; on compte des huissiers porte-verges, des officiers de bouche, des écuyers; autour d'eux sont les gardes du corps et les chapelains, si l'on peut dire, de la maison du roi. La foule des petits serviteurs confondue avec le maître aux anciens âges, reléguée dans les communs, nous échappe maintenant; mais, d'après les découvertes de Khorsabad, on voit que le palais est une ville à laquelle sont attachés des représentants des divers corps de métiers. Lorsque le roi ne monte pas a cheval ou ne prend pas place dans son char d'apparat, il se promène sur un petit char léger, sorte de fauteuil roulant traîné à bras d'homme. Autour de lui se tiennent ses familiers, les grands possesseurs du sol qui constituent, comme au Moyen-Âge, une féodalité terrienne. Ces familiers ont voix au chapitre lorsque le maître, bien disposé, daigne les consulter; nous les voyons banqueter aux frais du roi, sur les bas-reliefs du palais de Khorsabad. Plus un État est puissant, plus son armée se développe.

L'armée assyro-babylonienne

Aux environs de l'an 3000, nous connaissons par la Stèle des Vautours l'armée sumérienne. Le vêtement est rudimentaire, mais l'armement déjà perfectionné; comme armes défensives : un long et large bouclier, un casque épousant la forme de la tête et garni d'une ébauche de couvre-nuque et de garde-joues; comme armes offensives, une courte épée, la masse d'armes formée d'une tige à boule terminale, la longue lance, la hache et une sorte d'instrument sinueux dans lequel certains ont voulu voir un boomerang; il semble plutôt qu'il s'agisse d'une sorte de lame convexe fixée au bout d'un long manche; cette arme était à la fois tranchante et contondante, à la manière des tranchets des modernes; sa forme s'est affinée par la suite et elle est devenue la harpé des Grecs; le musée du Louvre possède plusieurs de ces armes de bronze, qui étaient en même temps de véritables insignes d'autorité.

A ce moment, le cheval n'est pas connu en Mésopotamie; sans doute le char qu'on aperçoit encore sur la Stèle des Vautours, sans son attelage, était-il tiré par des ânes. Il ne s'agirait pas là d'un véritable char de combat, mais de parade, d'où le patesi descendra au moment de la bataille; celle-ci se livre par chocs succesifs. Avec les Sémites d'Agadé (Akkad), l'armement s'enrichit de l'arc dont les flèches de grande taille sont portées dans un carquois terminé par un gland allongé; c'est peut-être cette supériorité dans l'offensive qui donna l'avantage aux Sémites sur l'infanterie lourde et peu mobile des Sumériens.

Dès Hammurabi le service militaire était réglementé par les lois. Les soldats (tsabe ou ummanate) ne semblent pas astreints à un service régulier, à part les gardes du corps; ils sont mobilisés par le roi lorsqu'il a besoin de leur concours, selon un plan prépare a l'avance, auquel devaient surtout répondre les esclaves et ceux que l'on appelait les mushkenu, petites gens intermédiaires aux esclaves et aux patriciens. Selon sa capacité, une terre fournissait tant de soldats; à l'époque assyrienne, l'unité militaire était l'archer accompagné d'un piquier et d'un porte-bouclier. La dispense du service militaire était accordée à certaines terres ou cités. L'entretien de l'armée, avant l'époque assyrienne, était assuré par une taxe spéciale, payée par les terres. L'armée était divisée en compagnie de mille, cent, cinquante et dix hommes, ainsi qu'il ressort de l'appellation des chefs d'unité. Au-dessus d'eux tous était le Tartan, qui souvent dirigeait l'expédition à la place du roi; à la fin de la monarchie assyrienne, il y eut deux Tartan. C'est à ce moment que l'armée atteignit son plus grand développement ; il semble qu'il y eut alors un noyau d'armée de métier constitué par la garde permanente du roi, qu'il appelle ses « vaillants ».

Les troupes se divisaient en infanterie, charrerie, puis cavalerie. Les bas-reliefs nous montrent une évolution assez sensible du costume militaire sous les différents Sargonides; à la longue robe se substitue peu à peu un costume court tel que celui porté jadis par les soldats des rois d'Agadé.

L'infanterie se composait d'archers, chacun d'eux étant doublé d'un porte-bouclier; ces troupes se déplaçaient facilement pour harceler l'ennemi; d'autres soldats vêtus de la cotte de mailles ou d'un justaucorps sur lequel étaient fixées des lames de métal, comme notre brigantine du Moyen-Âge, et coiffés du casque, étaient armés de l'épieu ou de l'épée; enfin les sapeurs revêtus seulement d'armes défensives, creusaient les tranchées ou, par des chemins souterrains essayaient de pénétrer dans les villes assiégées. Des troupes auxiliaires, étrangères pour la plupart. étaient armées de frondes. A ce moment (VIIe siècle av. J.-C.), le soldat assyrien recouvert de son armure et chaussé de hautes bottines lacées est très proche du type du futur hoplite grec.

La charrerie, conséquence de l'introduction du cheval en Asie antérieure, reçut en Assyrie un très grand développement; déjà, dans la seconde moitié du IIe millénaire, la Syrie avait vu se mesurer les chars du Pharaon et ceux du roi des Hittites. Les Assyriens, dont les contacts avec la civilisation hittite furent si profonds, portèrent tous leurs soins au perfectionnement de cette arme. Les chars étaient traînés par deux ou trois chevaux; ils étaient montés par un conducteur, un combattant, un ou deux porte-bouclier. L'archer, armé d'un arc de haute taille, lançait de longues flèches à mesure qu'il se rapprochait des ennemis; le carquois était fixé à l'avant du char. Les boucliers des archers de char étaient ronds, comme ceux des gens de pied; le haut bouclier, formé d'un treillis de roseau à sommet recourbé en arrière en auvent, était employé par les archers à pied attaquant de loin.

Jusqu'aux derniers Sargonides, les rois d'Assyrie ne mentionnent qu'accidentellement leur cavalerie; c'était une infanterie montée descendant de cheval pour combattre plutôt qu'une vraie cavalerie. Sous les Sargonides nous voyons alors l'emploi de vraies charges de cavalerie; à ce moment, tout semble orienté vers une plus grande mobilité des troupes. Les cavaliers montent sans étrier, mais avec un tapis de selle renforcé d'une peau d'animal.

La guerre.
En même temps, l'art des sièges faisait de grands progrès; les bas-reliefs nous montrent des forteresses assez semblables aux châteaux du Moyen-âge; assiégeants et assiégés échangent des volées de flèches, pendant que les sapeurs creusent des tunnels pour déboucher dans la ville, et que des béliers recouverts d'un caparaçon viennent battre en brèche la muraille; pour en détourner les effets, les assiégés lancent des torches enflammées sur les machines ou s'efforcent de saisir avec un noeud coulant la poutre qui bat les murs. Les assiégeants construisent de véritables chaussées en pierre pour favoriser l'approche des machines de guerre.

La ville prise, c'est le pillage suivi d'incendie; quelquefois la ville est rasée; la population est réduite en esclavage; hommes, femmes et enfants, en colonnes serrées, sont déportés au loin pour fonder de nouvelles villes, ou pour remplacer d'autres peuplades châtiées de même façon. Les reines et princesses sont destinées au harem royal; les chefs, les notables, sont réservés au supplice; les rois et les princes demeurent prisonniers leur vie durant, ou ils sont mutilés, yeux crevés, langue coupée; un bas-relief de Khorsabad nous montre Sargon faisant écorcher vif Iaoubidi de Hamath; un autre, de Kuyundjick, au British Museum, représente Assurbanipal banquetant dans ses jardins; bien en vue, suspendue à un arbre près de la table royale, se balance la tête du roi d'Elam vaincu. Les pratiques assyriennes étaientt particulièrement cruelles; cette férocité terrorisait les populations asservies. Lorsque la défaite les contraignait à se retirer, les Assyriens brûlaient les villages, détruisaient les récoltes, coupaient les arbres fruitiers; les bas-reliefs décrivent ces scènes d'horreur avec complaisance; elles font partie de l'étalage de la puissance assyrienne.

Le roi d'Assyrie nourrit dans son palais « comme des petits chiens » les fils des princes qu'il a dépossédés; il les élève dans le spectacle et dans la crainte de sa puissance. Il a ainsi sous la main une pépinière toute prête de souverains, avec laquelle il pourvoira les trônes dès qu'il lui plaira d'en changer les possesseurs. Lorsqu'un peuple est vaincu, il devient tributaire du royaume; s'il s'est soumis d'assez bonne grâce, il conserve son souverain, sinon le roi d'Assyrie lui en impose un de son choix et le pays devient protectorat. C'est dans les cas extremes, lorsque l'hostilité se montre irréductible, que l'Assyrie déporte les habitants. Comme l'armée assyrienne était toujours bien trop faible pour contrôler efficacement de si grands territoires, les garnisons d'occupation étaient toujours insuffisantes; sitôt parti le gros de l'armée, la révolte éclatait, et tout était à recommencer.

La marine.
Les Assyro-Babyloniens ne touchaient à la mer que sur le Golfe Persique; un système de canaux très développé rendait ces fleuves navigables et créait des relations entre les différentes parties de l'empire; c'est ce qui explique que les Mésopotamiens aient pu avoir une marine; nous réunirons ici ce qui a trait à la marine de guerre et à celle de commerce; la première se composait de navires à plusieurs rangs de rameurs, sans voiles, terminés à l'avant par un éperon horizontal placé assez bas; les soldats qui formaient l'équipage combattant plaçaient leurs boucliers ronds le long des bastingages pour en accroître la protection. Un tel type de navire est l'ancêtre de la galère; d'ailleurs, des ouvriers et matelots phéniciens étaient employés par les Assyro-Babyloniens; nous voyons de tels bateaux sur un bas relief représentant la flotte de Sennachérib sur les eaux du Golfe Persique. Pour le débarquement et le transport du matériel, les Assyriens se servaient de grandes barques à extrémités relevées, à proue terminée en tête d'animal, comme en employaient les marins phéniciens; nous en voyons des exemplaires sur un bas-relief du temps de Sargon, conservé aujourd'hui au musée du Louvre.

La marine marchande se servait, outre ces barques, de deux sortes de bateaux particuliers à la Mésopotamie : les couffes et les kéleks. Les couffes sont de grands paniers ronds en roseaux, à fond plat, rendus imperméables par le bitume; les habitants du Chatt-el-Arab les ont employés jusqu'à l'époque contemporaine. Ces paniers n'ayant pas de gouvernail, c'est avec la rame qu'on donne la direction et qu'on évite de tourner en progressant. Les kéleks sont des radeaux de bois léger, supportés par quantité d'outres gonflées qui sont attachées sous le radeau et augmentent ainsi sa capacité de flottement. Nous les voyons, dès l'Antiquité, servir au transport des pierres; il y a peu les Irakiens descendaient le Tigre et l'Euphrate sur de telles embarcations; arrivés à destination, ils livraient leurs marchandises, démolissaient le radeau dont ils vendaient sur place le bois, si rare dans le Sud, et dégonflaient les outres; il en chargaient des ânes et remontaient vers leur point de départ par la route des caravanes. Les soldats assyriens se trouvaient fréquemment en présence de cours d'eau qu'il fallait traverser; la difficulté était résolue de la manière suivante; ils gonflaient des outres sur lesquelles ils s'appuyaient pendant qu'ils nageaient; les bas-reliefs représentent souvent des passages de rivière par ce procède.

Les impôts

Quelle est, au point de vue administratif et sous le rapport des impôts, la situation de la Mésopotamie? Il convient de distinguer entre les hautes époques et le temps de la puissance assyrienne. Les Babyloniens et les Assyriens n'ont pas connu la monnaie; c'est en nature ou en travail qu'ils acquittaient leurs impôts. A l'origine, il semble qu'il y ait confusion entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux; par les tablettes de comptabilité, nous voyons sous la dynastie d'Ur les grands entrepôts des temples centraliser les offrandes volontaires et les contributions régulières; bien entendu, elles consistent en grain, bétail, etc. Mais il semble que le pouvoir central a le droit de faire sortir ces réserves de leur dépôt, car si nous avons le registre des entrées, nous connaissons aussi celui des sorties, c'est-à-dire des dépenses pour tel ou tel service. En plus, les documents nous apprennent que certaines corvées en nature sont appliquées aux terres outre l'obligation du service militaire; une terre est grevée d'une servitude de tant de jours de travail destinés à la réfection des quais, au dragage des canaux, à l'édification de monuments publics, fabrication des briques, etc.

Les patesi, sous la dynastie d'Ur, sont de simples intermédiaires; ils fournissent au pouvoir central une contribution régulière, et une tablette de cette époque établit le
roulement des contributions de différentes villes. A l'époque kassite, nous voyons par les kudurru, véritables titres de propriété, de quelles servitudes sont grevés les octrois de terrains. Enfin, sous la monarchie assyrienne, les redevances s'effectuent en métal, dont l'usage, dans les transactions, fait déjà pressentir la monnaie. Ainsi, sous Sennachérib, le tribut de Karkemish, ville hittite sur l'Euphrate, est de 100 talents; celui de Megiddo en Palestine de 10 talents; la contribution de Ninive, la capitale, était de 30 talents; celle du district d'Assur de 20; la contribution totale de l'Assyrie s'élevant à 274 talents; en somme tous ces impôts, réels et non personnels, reposaient sur la parfaite division cadastrale du pays.

Le droit

Pour nous rendre compte des institutions des Assyro-Babyloniens, le mieux est de suivre, article par article, le Code des Lois promulgué par Hammurabi, en le complétant par les dispositions législatives d'époque plus récente.

Le code d'Hammurabi.
Lorsque, au début du deuxième millénaire, Hammurabi fit rédiger le Code qui porte son nom, il ne fut pas, à vrai dire, un novateur; ses prédécesseurs avaient déjà, eux aussi, promulgué des lois. De l'époque sumérienne nous avons conservé plusieurs tablettes rapportant certains articles de lois qui nous permettent de comparer les deux législations, C'est ainsi que nous remarquons parfois plus d'équité dans certaines lois sémitiques; par exemple, la loi sumérienne prévoit, pour celui qui louera un champ et ne le cultivera pas par sa faute, une amende fixe à payer au propriétaire; la loi sémitique établit cette amende d'après ce qu'aura rapporté le champ voisin. Par contre, la loi sémitique se montre toujours inexorable et beaucoup moins accessible à la pitié que la loi sumérienne.

La société est divisée en trois classes : amêlu, mushkênu, ardu, assez analogues à celles qu'a connues le Moyen Âge avec les nobles, les bourgeois et les serfs, chacune de ces classes ayant des obligations et des droits spéciaux. Au point de vue pratique, pas d'autre différence entre l'amêlu et le mushkênu qu'une inégalité dans la valeur intrinsèque de l'individu, pour ainsi dire; un dommage causé à un mushkênu est moins taxe que le même dommage causé à un amêlu; le mushkênu est donc moins, mais il est libre; l'ardu, c'est-à-dire l'esclave, est un bien dont on dispose et sur qui tombent les plus dures obligations; on le désigne pour la corvée, pour le service militaire; on le met en gage, on le vend; par contre on lui doit une certaine protection, puisqu'il n'a pas son libre arbitre. 

La constitution de la famille est soigneusement réglementée. Pour qu'il y ait mariage, il faut un contrat, car par lui se prouvera la légitimité des fils lors de l'héritage. Le mariage est précède d'un don fait aux parents de la femme, par le fiancé, symbole de l'ancien prix d'achat; les familles des deux conjoints doivent donner leur consentement à l'union. La fiancée est mise par sa famille en possession d'un trousseau comprenant bijoux, étoffes, et même une part des biens de famille. Le mariage se fait devant les officiers ministériels ou les prêtres; la polygamie n'était pas interdite, surtout aux basses époques. Outre la femme ou les femmes légitimes, il y avait la concubine, prise par le mari lorsqu'il n'avait pas d'enfant de sa femme, et qui avait presque les mêmes droits que l'épouse.

Si elle était choisie parmi les esclaves de la maison, elle profitait de quelques prérogatives par sa nouvelle situation, mais n'atteignait jamais à celle d'une femme légitime; on pouvait épouser à la fois les deux soeurs. Le divorce était autorise; la femme divorcée et ses enfants gardaient leurs droits à l'héritage; le mari lui donnait une compensation pécuniaire, une mine d'argent s'il était amêlu, un tiers s'il était mushkênu. La femme pouvait réclamer le divorce si son mari désertait le domicile conjugal ou la négligeait. Lorsque la femme obtenait le divorce sans faute de sa part, elle avait le droit de se remarier; le fait qu'elle fût atteinte d'une maladie chronique n'était pas un cas de divorce.

A la mort du mari, la femme pouvait ou rester dans la maison du défunt et y vivre, entretenue pour une part par les enfants, ou bien quitter le domicile et se remarier, ceci de sa propre autorité et sans retomber sous celle de sa famille, à condition que ses enfants fussent en âge de se passer d'elle.

L'adoption était prévue et entourée de formalités légales qui mettaient l'adopté au même rang dans la famille que les autres enfants. Il était loisible au père ou à la mère de renier ses enfants adoptifs ou non; dans ce cas, les parents leur devaient une compensation pécuniaire. Par contre, si les enfants reniaient leurs parents, ils encouraient de véritables pénalités, surtout s'il s'agissait du père. Celui-ci est le chef incontesté des siens et jouit d'une situation privilégiée.

Le droit de propriété est examiné par le Code, sous ses divers aspects; la propriété se transmet par héritage à tous les enfants, même adoptifs, ceux-ci étant moins avantagés que les autres. Les ventes, les partages sont faits par officier ministériel et devant témoins. Comme de nos jours, les actes spécifient la nature des terrains, les limites, les charges dont ils sont grevés. Nous avons de même des actes d'association commerciale, des prêts d'argent, de grain, de bétail, dont l'intérêt est fixé ; nous connaissons des baux de terrains, de maisons, de bétail, de barques et même d'esclaves. 

En un mot, tout le mécanisme de la vie moderne est déjà représenté; ce que le Code ne prévoyait que dans ses grandes lignes, nous le trouvons développé dans les multiples documents d'affaires qui nous sont parvenus et qui prouvent l'existence d'une jurisprudence pour les menus actes de la vie de société. Nous démêlons les diverses juridictions auxquelles pouvaient recourir les Assyro-Babyloniens, juridictions susceptibles de recours, dont le plus haut était le tribunal du roi. Les juges environnés d'assesseurs et assistés de greffiers rendaient leurs sentences devant témoins.

La preuve par serment était admise; souvent cette preuve s'administrait à la porte d'un temple devant un emblème divin par lequel on jurait. Peu à peu, les moeurs s'adoucirent, mais, aux hautes époques, la loi connaît le « jugement de Dieu » et la peine du talion. Le premier est l'épreuve, par le dieu-fleuve, c'est-à-dire par l'eau; selon que l'inculpé lié et mis à l'eau flotte ou non, il est innocent ou coupable.

La peine du talion subsiste au profit des amêlu qui, victimes d'un dommage, peuvent infliger le même à l'individu qui l'a cause. Le plus souvent, la loi introduit la disposition du rachat; c'est le principe de la réparation du dommage par une amende. Un bras cassé, un oeil crevé valent tant; lorsque le dommage résulte d'une négligence professionnelle, il doit être réparé; un médecin ou un vétérinaire maladroits, un architecte ou un constructeur de bateaux malhabiles sont responsables.

Malgré ces dispositions éminemment prévoyantes et empreintes d'un esprit de justice, la sensiblerie est ignorée de la société assyro-babylonienne, et les châtiments de ce qui est qualifié crime sont sévères. La peine de mort est prévue pour le calomniateur et le sorcier, le faux témoin en matière criminelle, le voleur et le receleur, le ravisseur d'enfant d'amelu, et pour celui qui aura cache un esclave fugitif. Peine de mort, en général, contre les adultères et les incestueux, mais toujours avec cette restriction que le mari ou le père pourra être moins frappé que la femme.

Le code d'Hammurabi et le code sumérien.
Quelques exemples empruntés au Code Sumérien (CS) et au Code d'Hammurabi (CH) feront mieux comprendre la différence du point de vue des sociétés qui les ont promulgués. 

Par exemple, (CS) : Si le propriétaire a donné un terrain inculte à un jardinier pour en faire un verger, et si celui-ci n'a pas fini son travail au moment du partage des revenus, la partie restée inculte sera dans le lot du jardinier. Cette disposition se retrouve dans CH. - Si un homme, dit CS, coupe un arbre dans le jardin d'autrui, il paiera une demi-mine d'argent. Même pénalité, dit CH qui ajoute : si le dégât a été fait à l'insu du propriétaire. 

Si un homme, dit CS, abrite un esclave fugitif pendant un mois, il donnera esclave pour esclave, et au cas ou il ne le pourra pas, il paiera 25 sicles d'argent. CH, moins précis sur les circonstances, n'envisage pas le remplacement de l'esclave; il punit de mort celui qui a favorisé sa fuite. Si un esclave, dit CS, conteste les droits de son maître sur sa personne, on le convaincra en justice et on le vendra; tandis que : si un esclave, d'après CH, dit à son maître tu n'es pas mon maître, celui-ci le convaincra en justice comme étant son esclave, et son maître lui coupera l'oreille. 

Tandis que CS par exemple prévoit que : si un jardinier négligent n'a pas cultivé le champ qui lui était confié, il devra payer une amende fixe, CH dispose que l'amende sera fixée par rapport au revenu des champs voisins, ce qui est plus équitable. Ainsi donc, plus de précision et, lorsqu'il se peut, plus de justice dans le Code d'Hammurabi, mais aussi plus de sévérité dans le Code sémitique, que dans la loi sumérienne.

La législation assyrienne.
On connaît la législation assyrienne par un recueil de lois provenant de tablettes trouvées lors des fouilles de Qalat Shergat, l'ancien site d'Assur, capitale de l'Assyrie. 

Ces tablettes ne sont pas toutes les lois de l'Assyrie; ce n'en est même qu'une partie assez faible, mais de même que nous constations plus de précisions dans le Code d'Hammurabi que dans le Code sumérien, nous en relevons encore davantage dans les lois assyriennes. Pour les contestations portant sur les terrains, bien plus de cas ont été prévus, et pour ces sortes de procès la composition du tribunal, la procédure ont été soigneusement fixées. La partie la plus importante de ces lois assyriennes, celle qui nous est parvenue la plus intacte, a trait aux femmes.

Nous apprenons incidemment que la coutume orientale du port du voile existait déjà en Assyrie vers 1100 avant notre ère, époque de la réduction de nos tablettes. La femme de condition et la femme mariée devaient sortir voilées, mais c'était aussi un privilège auquel ne pouvaient prétendre les servantes et les prostituées. Lors du mariage, nous retrouvons à peu près les mêmes dations que dans le Code d'Hammurabi. Le fiancé fait un don au père de la femme et un cadeau au moment des fiançailles; une donation à la femme est consentie pendant le mariage; la femme apporte une dot de son côté. Les lois assyriennes nous montrent une répression sévère des attentats aux moeurs, en même temps que par le luxe de détails dont abonde ce chapitre, elles nous prouvent la fréquence et la gravité de ces délits.

Ce qu'on remarque en outre dans ce nouveau recueil, c'est la rigueur des châtiments. Au lieu que la mansuétude soit allée en augmentant, les punitions sont devenues plus sévères; nous y voyons l'amende, payée ordinairement en plomb, la corvée royale et la bastonnade, pour les fautes vénielles. Viennent ensuite les mutilations : abcision de doigts, d'une lèvre, du nez, des seins, des oreilles ; celle-ci même seront dans certains cas simplement sectionnées à moitié, et tirées en arrière au moyen d'un lien. La mort sera donnée par le pal ou par la pendaison, et aussi par noyade. 

Nous revenons là à ce jugement par le Fleuve que nous connaissons dès le Code d'Hammurabi, mais ce jugement peut être en même temps la punition, car les lois assyriennes prévoient le cas ou l'accusé ne revient pas du Fleuve, de même qu'elles nous apprennent que l'épreuve se faisait de deux façons, soit que le patient fût lié, soit qu'il fût sans liens.

En général on remarque dans le code assyrien ce souci du détail qui n'est sans doute pas attribuable spécialement à la société assyrienne, mais a l'évolution d'une société en général, et aussi cette rigueur dans la répression qui est conforme à ce que nous connaissons par les textes et les monuments du caractère violent de la société assyrienne. 

Les transactions commerciales.
Si nous examinons les contrats, les lettres et les monuments, nous y prenons la notion d'un peuple industrieux occupé de commerce et des métiers les plus divers. L'orge, les grains, les dattes, sont un grand objet d'échange; ils sont achetés souvent sur pied, livrables à la récolte, souvent assez loin du lieu d'origine, par exemple à un magasin situé sur tel quai de la ville. Nous avons l'assurance que des multitudes de barques sillonnaient les canaux de la cité et ceux qui reliaient les villes entre elles. De grands magasins bordaient ces canaux; les temples avaient dans leurs dépendances des greniers, des étables pour y loger les redevances. Le commerce avec les pays éloignés des voies d'eau était assuré par les caravanes.

Voici à titre d'exemple, parmi la multitude de ces tablettes qui nous ont été conservées, des échantillons de lettres et de contrats.

Soit une lettre du roi Hammurabi qui régnait vers 2000 avant J.-C., adressée à son officier Sin-idinnam; comme on le voit, le roi ne dédaignait pas de s'occuper lui-même de ses revenus : 

« A Sin-idinnam, ainsi parle Hammurabi Mendibûm et Masparum m'ont écrit ceci : Sin-idinnam nous a donné 51 hommes pour la tonte des moutons; les hommes qui nous ont été attribués pour la tonte des moutons sont trop peu nombreux. Voilà ce qu'ils ont écrit. Désigne donc des gens robustes pour que la tonte soit rapidement terminée. »
Voici un document daté de l'époque de Cambyse qui est un véritable procès-verbal. On a assemblé huit notables et en leur présence : 
« Nabu mukin aplu, surveillant de l'Eanna (un temple), fils de Nadinu, fils de Dabibi, et Nabu ah iddin, officier royal, de la police d'Eanna, à Shamash ah iddin, fils de Shamashshum iddin, fils de Qurdi Anim, et à Ea qurbanni, fils de Nabu etir napshati, policiers d'Uruk, ont donné cet ordre : Comme vous devez assurer la garde de l'Eanna, requérez les shirqe (fonctionnaires mal déterminés), et qu'avec vous, ils vaquent à cette garde! Shamash ah iddin et Ea qurbanni ont répondu : Nous ne garderons pas l'Eanna et nous ne requerrons pas les shirqe, car c'est pour la garde du centre de la ville que les shirqe doivent être requis. Telle est la désobéissance que Gobryas, préfet de Babylone et du pays d'Ebir-Nari, devra punir ». 
Suivent les signatures des témoins.

Nous donnons ici quelques modèles de contrats : 

« Ce sont dix sicles d'argent qui, selon un reçu scellé, ont été déposés comme part de Sili-Shamash. Celui-ci les a pris des mains de Sili-Ishtar et Amel-ili ses frères. Son coeur est content; il ne réclamera pas. Il en fait serment par le nom du roi Hammurabi ».
Puis viennent les sceaux des témoins.
« La dame Addati prête deux mines d'argent, pesées au poids de la ville de Carchemish, à l'envoyé du chef de la ville. Comme gage de ces deux mines d'argent, douze mesures de terre situées aux environs de Ninive et sept esclaves sont désignés. Le jour ou l'argent sera rendu, le gage sera libéré ». 
Ceci en 694 av. J.-C.

Enfin un simple reçu :

«Reçu d'un sicle et quart d'argent pour la location d'un bateau qui a apporté trois boeufs et vingt-quatre moutons au dieu Shamash et aux dieux de la ville de Sippar, de la part du fils du roi. En outre cinquante mesures de dattes pour la nourriture des deux bateliers ».
Tous ces documents, conservés par milliers, nous permettent de nous faire une idée exacte du mécanisme de la vie de chaque jour pour ces hautes époques et permettent de se faire une idée de l'histoire économique de l'ancienne Mésopotamie.

Se nourrir, se vêtir. Les métiers.
Nous connaissons les principales industries exercées par les Assyro-Babyloniens : mouleurs de briques et charpentiers construisant les maisons; vanniers occupés à couper les roseaux pour en faire des paniers et des clôtures; tisserands et teinturiers de couleurs; forgerons d'armes et de toutes sortes d'objets de métal. L'alimentation exige un nombreux personnel; nous connaissons des bouchers, des pâtissiers, des brasseurs.

La nourriture se composait surtout d'orge, de dattes et de fruits, de légumes tels qu'oignons, concombres, etc. Il semble que la population faisait un usage restreint de la viande; par contre, le poisson dont le Babylonien connaissait mille espèces, était pour elle une grande ressource, ainsi que la volaille et les oeufs. Le pain sans doute en galettes plates, analogue à celui que mangent aujourd'hui les Orientaux, était connu, ainsi que diverses sortes de boissons fermentées : vin, bière, jus de baies de fruits. On mentionne fréquemment l'huile, le beurre, la graisse; il est possible que des distributions d'huile et de soude (à moins qu'il, ne s'agisse de sel ordinaire), dont nous trouvons mention, aient fourni ainsi les éléments d'un savon rudimentaire. Nous voyons, d'après les bas-reliefs, l'ordonnance des repas. 

Les pauvres gens mangeaient accroupis autour d'un unique plat dont le contenu s'élève en pyramide; les nobles et les officiers du roi, à Khorsabad, sont assis sur des sièges assez hauts pour que leurs pieds ne touchent pas terre; devant eux des tables basses sont chargées de mets. Comme de nos jours en Orient, on apportait le repas sur de grands plateaux qu'on posait sur des tables basses, partout où l'on se trouvait. Sur un bas-relief provenant de Ninive et conservé au British Museum, nous voyons le roi Assurbanipal dans les jardins de son palais; étendu sur un lit de repos, il boit dans une coupe; devant lui, la reine est assise dans un fauteuil. Il semble donc que l'usage qu'avaient les Grecs et les Romains de manger couchés n'ait pas été général chez les Assyriens, même à l'époque des Sargonides.

Il nous reste peu de chose du mobilier, C'étaient sans doute des coffres, des caisses; nous connaissons les sièges; ils sont en forme d'escabeau recouvert de coussins en Babylonie, en forme de chaise ou de fauteuil à haut dossier en Assyrie. Les bras des fauteuils étaient fréquemment terminés, comme les pieds des meubles, par un motif décoratif en bronze, tête d'animal ou pomme de pin. Les lits sont, comme les lits antiques grecs ou romains, une sorte de longue table basse sur laquelle sont étendus nattes et coussins.

Les Assyro-Babyloniens appréciaient grandement les étoffes phéniciennes teintes de pourpre; ils connaissaient sans doute la toile de lin et peut-être le coton; Divers documents attestent du goût pour les bijoux et la broderie; on a retrouvé des peignes en ivoire, des miroirs de métal poli, des perles de verre ou de pierres de couleur formant colliers; la mention, parmi les corps de métiers, des parfumeurs, nous assurent aussi de l'élégance des Assyro-BabyIoniens.

Les lettres et les sciences

La littérature assyro-babylonienne.
Il n'y a pas eu, à proprement parler, de mouvement littéraire en Mésopotamie. Les formules des différents genres pratiquées aux origines ont été imitées assez servilement jusqu'aux derniers jours de la civilisation assyro-babylonienne. Comme en Égypte, la littérature religieuse est la plus abondante.

Sous une forme poétique dont les lois ont été en partie reconnues, les mythes relatifs aux origines du monde varient dans les détails suivant les écoles et les époques. D'autres poèmes mettent en scène certaines divinités ou les rois des temps héroïques, racontent le Déluge, initient à la vie d'outre-tombe. Parmi les chants religieux, les prières sollicitant le secours de la divinité, les hymnes à sa louange, les psaumes de pénitence lui exposant la misère de l'humanité se distinguent théoriquement, mais sont souvent réunis dans une même composition, parfois avec les incantations contre les mauvais esprits. 

En général, ils se présentent comme bilingues (sumérien avec traduction sémitique), sans que, d'ordinaire, le texte sumérien soit l'original. La prière de Gudéa à Ningirsu, celle de Nabopolassar à Marduk sont parmi les plus beaux textes insérés dans des documents historiques. La Lamentation du Juste souffrant (dont s'inspire le Livre de Job) est d'un sentiment très élevé. Les Psaumes de pénitence, dont la technique est particulière, se terminent, en général, par une litanie. Les pratiques de la magie ont également donné naissance à plusieurs collections de tablettes.

Les rituels facilitent la compréhension des textes religieux et des textes magiques. Les collections d'innombrables présages initient aux recherches patientes et aux observations méticuleuses qui sont à la base de diverses sciences.

Les sciences.
Les Babyloniens n'ont jamais fait de spéculation scientifique; l'abstraction leur est inconnue et ils ont toujours en vue un but pratique et immédiat. La géométrie se réduit aux connaissances nécessaires à l'arpentage; l'observation des astres  n'est pas dirigée vers l'astronomie, mais vers l'astrologie; les traités de géographie, de zoologie, de minéralogie sont des listes de vocables. En philologie, les Babyloniens élaborent des syllabaires, des listes de paradigmes, des vocabulaires, des liste de signes archaïques. 

On décrit souvent la science mésopotamienne comme une science des listes. La science des présages, seule, fait exception; pendant des siècles, dans chaque champ d'observation, des recherches sont poursuivies avec l'intention de recueillir tous les cas particuliers et d'en faire une classification rigoureuse. 

Poids et mesures : chronologie, métrologie.
Il nous faut dire un mot maintenant des sciences et des lettres dans les empires de Mésopotamie. On constate chez ces peuples deux systèmes de numération, l'un décimal, l'autre duodécimal. Dans celui-ci, on compte par soixantaines, trois cents et trois mille six cents. C'est d'après ce système que les Assyro-Babyloniens ont divise le jour en douze kasbu, c'est-à-dire en douze périodes de deux heures, soit de soixante minutes par heure, ce que nous faisons encore. 

L'année était partagée en douze mois lunaires de trente jours, mais les Assyro-Babyloniens, se rendant par faitement compte de l'inexactitude du procédé, ajoutaient, lorsqu'il était nécessaire, un mois intercalaire à l'année; à l'origine, l'année était même considérée comme composéede deux moitiés semblables avec deux fêtes du nouvel an; c'est ainsi que le septième mois est Teshrit, qui signifie commencement, et que le mois intercalaire se plaçait après le sixième ou après le douzième mois. Les années ne furent jamais comptées comme les nôtres selon une ère; l'année, aux époques anciennes, était nommée d'un événement marquant : « l'année de l'avènement du roi ; l'année où le roi creusa le canal x ; l'année où le roi ravagea tel pays »; les scribes datèrent jusqu'à trois années d'après le même événement, disant de la deuxième : « l'année qui suivit celle où, etc. » et de la troisième : « l'année qui suivit celle où, etc., l'année qui suivit celle-là».

A l'époque assyrienne l'année est nommée par les limmu. On appelle ainsi certains personnages dont une liste fixe était dressée, pour que chacun d'eux donnât son nom à une année. La première année pleine du règne prenait le nom de celle de l'avènement du roi, puis venait celle du Grand Vizir, celle du Tartan, etc.; certaines même tiraient leur nom de notables qui ne sont pas autrement désignés; lorsque la série était terminée, on la recommençait. A l'époque néo-babylonienne et à l'époque perse, les années étaient comptées par l'âge de règne du roi. De là vient la difficulté que nous éprouvons à adopter une chronologie certaine pour les hautes époques où les renseignements historiques sont assez rares. Nous risquons quelquefois d'aligner à la suite des dynasties qui ont régné en même temps en différents points de la Mésopotamie.

Le système des poids et mesures suivait, avons-nous dit, le système duodécimal : la mine qui pesait environ une livre au temps des Rois d'Ur se divisait en soixante sicles, et chaque sicle en grains. L'unité de capacité était le qa (415 millilitres); le qa valait soixante gin; soixante qa faisaient un gur; de même pour l'unité de longueur qui est la coudée (0,495 m), divisée en trente doigts ou en vingt-quatre selon les régions. Mais, en près de 3000, ans ces mesures ont varié; c'est ainsi que selon l'époque à laquelle on la considère, la mine à valu 404 à 505 grammes, et le sicle 6,73 g ou 8,41 g.

Les mathématiques, l'astronomie.
L'étude des mathématiques avait été poussée par les Mésopotamiens à un haut degré de perfection, mais nous ne trouvons jamais chez eux, en quelque branche de l'activité scientifique que ce soit, un traité didactique avec explications; c'est toujours une consignation sèche des conclusions avec parfois une allusion à ce qui y a conduit; un grand enseignement oral devait accompagner forcément ces écrits. C'est ainsi que nous avons de nombreux documents mathématiques, sortes de barêmes donnant mille combinaisons de chiffres, opérations toutes faites dont le lecteur n'avait qu'à utiliser les résultats : tables de multiplications, de divisions et de mesures de volumes.

Ce souci des mathématiques, joint à l'observation des astres, nécessaire à l'astrologie, devait conduire les Mésopotamiens à une véritable maîtrise en astronomie. Leurs présages sont tirés d'observations simples sous le rapport des planètes, des étoiles et de la terre, et de l'apparition de phénomènes atmosphériques et météorologiques ; l'astrologie a donc grandement favorisé l'astronomie, qui fut ensuite étudiée pour elle-même. S'il faut en rabattre sur la science des Chaldéens et leur refuser la connaissance de la précession des équinoxes, attribuable à Hipparque, nous avons du moins de nombreuses tablettes où, ayant joint la spéculation à l'observation. ils ont noté les distances entre étoiles et effectué des calculs très délicats.

La médecine.
La médecine, malgré la part du religieux et du magique qu'elle contient, peut être regardée comme faisant partie des sciences babyloniennes. C'est l'élaboration poussée a l'extrême, uniquement par le raisonnement, d'un système à la base duquel est l'affirmation des causes morales de la maladie. A l'état sain, tout homme est accompagné, ou même occupé, par un bon génie, par son dieu propre qui le protège. Si l'humain, par son péché irrite les dieux, ceux-ci l'abandonnent; la place devient libre et les mauvais esprits qui sont à l'entour s'en emparent ; il y a véritablement possession, Donc, la maladie équivaut au péché. L'homme étant naturellement enclin à se trouver innocent, les Babyloniens admettaient que certains individus, les sorciers, pouvaient par leurs maléfices obliger les bons génies a céder la place aux mauvais; l'homme cessait ainsi d'être coupable, il n'était plus que malheureux. La thérapeutique qui découle naturellement d'une telle étiologie est toute morale; prière, purification, exorcismes, réconciliation, par cérémonies rituelles, de l'humain avec son dieu; les ingrédients qui entrent dans les remèdes ont une vertu non pas curative, mais magique; le désir de forcer le démon à abandonner Ie corps de l'humain incite à composer des médicaments capables de lui déplaire, d'où l'usage de substances répugnantes que le patient sera contraint d'avaler. Néanmoins, peu â peu la médecine se perfectionna; par l'intermédiaire des Grecs, des Syriaques et des Arabes, la médecine du Moyen-Âge a connu bien des recettes qu'employait déjà le vieil Orient. (L. Delaporte / HGP).

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