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L'Antiquité > Le Croissant fertile > l'Asie Mineure |
Les Hittites |
Nous arrivons aujourd'hui à nous faire une idée assez exacte de ce qu'ont été les peuples de l'ancien Orient, les Babyloniens, les Assyriens, les Mèdes, les Perses, les Phéniciens, Hébreux et autres et nous pouvons parler avec une certaine sécurité de leur leur culture matérielle, de leur langue, de leur religion. Nous sommes bien loin d'une aussi grande précision en ce qui touche les Hittites, cet l'ensemble des peuples que l'histoire signale comme les représentants de la plus ancienne civilisation de l'Asie Mineure, de la Syrie et de la Mésopotamie du Nord. Cette civilisation présente des différences très nettes et très marquées avec la civilisation babylonienne et assyrienne, en dépit des relations intimes qui pendant des milliers d'années ont existé de l'une à l'autre. Mais il nous est difficile de savoir dans quelle mesure elle est homogène. Même si on continue d'envisager la civilisation de l'Asie Mineure, de la Syrie et de la Mésopotamie du Nord comme un tout, comme un tout auquel, pour suivre l'exemple des sources bibliques et cunéiformes, on a maintenu le nom de « hittite », nous ne devons pas oublier que ce vaste bassin a aussi été un lieu de confluence d'un grand nombre de courants de populations d'origines différentes.
A la civilisation suméro-akkadienne les Hittites doivent leur système d'écriture et des idées religieuses, des rites, des formules de prières et de magie, et ils sont restés en contact avec l'art babylonien. Mais ils ont adapté cet art à leur culture propre, y ajoutant des éléments égyptiens ou égéens, et ils ont ensuite répandu leurs propres formules jusqu'au pied du Zagros, dès avant le XVe siècle ; ils ont substitué en Assyrie leur influence artistique à celle de Babylone et introduit dans cette région les éléments caractéristiques du développement architectural et décoratif qui aura son plein épanouissement au temps des Sargonides. Par eux se sont transmis à la civilisation grecque, indirectement aux civilisations byzantine et arabe, des éléments dont l'importance et la qualité se distinguent de plus en plus nettement, à mesure que les résultats des fouilles permettent de nouveaux termes de comparaison. L'empire hittiteLe terme de Hittites s'est d'abord appliqué à une population sémitique mentionnée dans la Bible, mais le peuple à l'origine de ce qui sera l'Empire hittite fait partie des populations indo-européennes migrantes (Louvites Palaïtes, Nésites etc), qui se sont installées à la fin du IIIe millénaire en Asie Mineure, où il existait déjà des Etats constitués dès le Bronze ancien, comme le Hatti, le Burushattum (Purushanda) ou le Zalpa (Zalpuwa), l'Ankuwa, le Mâma, le Kuššara, etc.Alors que les Louvites (Luwili) se sont installés au Sud-Ouest de l'Anatolie, et les Palaïtes (Palaumnili), le long de la mer Noire, les Nésites (Naišiltes), c'est-à-dire la population à laquelle on applique aujourd'hui le nom de Hittites, s'établissent sur le plateau central, autour de la ville Koussara (Kuššara), puis de celle de Neša ou Nesha (Kaniš ou Kanish), qui se situe en bordure du Hatti, dont la capitale est Hattuša (auj. Boghazkale). L'Ancien royaume hittite. Le successeur de Labarna transfère sa capitale à Hattuša et prend le nom de Hattušili (Hattousil Ier), nom qui signifie l'Homme de Hattuša. Le royaume hittite conservant quant à lui le nom de Pays de Hatti. Hattušili combattit l'Arzawa, un Etat situé à l'Ouest du sien. Son règne annonce aussi, par une première campagne, les visées hittites sur la Syrie et la Mésopotamie. Après lui, Muršili (Moursil) Ier, conquiert Alep, alors le plus important royaume de Syrie, et Babylone (1595). Son assassinat, vers 1580, annonce une période troublée et violente - tout entière placée sous la pression redoutable des Kaška, peuple qui vivait au Nord-Est, de la chaîne Pontique à l'actuelle Géorgie -, et pendant laquelle se succèdent quatre faibles rois : Hantili Ier, sous lequel les Hittites commencent à perdre du terrain en Syrie, Zidanta Ier, Ammuna et Huzziya Ier, au temps duquel la Syrie fit de se libérer du joug hittite. Char de guerre hittite. Bas-relief d'une poterne de Sindjerli (milieu du IIe millénaire). Le Moyen royaume hittite. Vient ensuite Tudhaliya Ier qui assure aux Hittites quelques victoires militaires sur l'Arzawa et les Kaška, qui, un temps, avaient menacé sa capitale, et aussi sur le Mitanni (Mittani), la puissance montante du moment, située entre l'Assyrie et la boucle Euphrate, et dont la capitale est Washukannie. Arnuwanda Ier, son successeur, devra se confronter aux contrecoups de la politique agressive du règne précédent. L'Arzawa et les Kaška redeviennent menaçants. Une situation qui empire encore sous Tudhaliya II. L'Anatolie toute entière entre alors en rébellion; Hattuša est dévastée. Tudhaliya II parviendra à redresser finalement la situation avant de céder brièvement le trône à l'un de ses fils, Tudhaliya III (dit le jeune), bientôt remplacé par son autre fils Šuppiluliuma Ier, qui, lui, sera à l'origine de vrai renouveau de la puissance hittite. Ce sont deux autres fils de Šuppiluliuma qui lui succéderont. D'abord Arnuwanda II, puis, très vite, Muršili Il (Moursil II). Dès la première année de son règne, Muršili Il dévaste le pays de Millavanda, au Nord-Est de la Lycie, soulevé contre ses alliés ahhiyawa (ces Ahhiyawa, ainsi nommés dans les textes d'Hattuša semblent correspondre aux Achéens). Les annales de Muršili rapportent ses luttes particulièrement en Cilicie et dans la région de l'Euphrate supérieur, ses interventions comme arbitre dans les pays syriens : c'est peut-être lui qui dut défendre les possessions des Hittites en Amurru contre le pharaon Séti Ier. Alliance avec les Hittites. Hattušili III. Muwattali mourut de mort violente et eut pour successeur Urhi-Tešub (Muršili III), bientôt évincé par Hattušili III. Celui-ci fait vite savoir la place qu'il entend jouer dans le jeu régional, ne serait-ce déjà que de façon symbolique. Ainsi, dès son accession au trône, le voit-on se plaindre au pharaon de n'avoir pas reçu de lui une ambassade à son avènement et les cadeaux d'usage : vêtements de luxe et huile parfumée pour les onctions... Une bataille entre Hittites et Egyptiens représentée sur une peinture égyptienne. Quant à ses rapports avec la Babylonie, il sont d'abord bons, comme ceux que pratiquait son père. Il fait un traité d'alliance avec Kadashman-Turgu, qui lui envoie un corps de troupes pour le soutenir dans la lutte contre l'Égypte. Quand ce prince meurt, il intervient dans la politique intérieure du pays en faveur de son fils Kadashman-Ellil et menace d'attaquer Babylone si on ne le proclame pas roi. Le premier ministre proteste : «Tu nous a écrit, riposte-t-il, non pas comme à des frères, mais comme à des serviteurs-».Hattušili III ne veut pas rompre, il attend la majorité de Kadashman-Ellil; en lutte continuelle avec l'Égypte, il a besoin de la Babylonie pour faire contrepoids à l'Assyrie menaçante. Le roi d'Assyrie, Salmanasar Ier(v. 1290-1260) retient les ambassadeurs babyloniens qui traversent son territoire et opprime de plus en plus les anciennes régions mitanniennes annexées à son royaume. Aussi le roi hittite insiste-t-il pour que le roi de Babylone se mette en campagne « contre un pays sur lequel il l'emporte trois ou quatre fois ». Le général babylonien est battu; Šattuara (Shattouara), roi du Hanigalbat, bien que soutenu par les Hittites et les Ahlamé est vaincu près de l'Euphrate; Karkemiš tombe pour un temps au pouvoir de l'Assyrie. Dans ces tristes conjonctures Hattušili songe à modifier ses alliances. Les hostilités avec l'Égypte se sont poursuivies d'année en année sans donner de résultat positif; il n'hésite pas et fait des propositions de paix au pharaon. Les plénipotentiaires se réunissent à Hattuša et, lorsque les conventions d'un traité d'alliance offensive et défensive sont établies, on les transcrit en babylonien sur une tablette d'argent, scellée des sceaux du roi et de la reine. Ramsès la reçoit dans sa ville de Pi-Ramsès, et répond par l'envoi d'un document analogue; dans chaque pays la minute du traité est déposée dans le principal temple, sous le regard de la divinité. Une version égyptienne est gravée sur les murs du Ramesseum, à Karnak. Des lettres de congratulation sont échangées entre la reine d'Égypte et la reine du pays de Hatti; des ambassadeurs sont envoyés dans les pays alliés ou associés annoncer la nouvelle. A partir de ce moment les relations avec l'Égypte sont très cordiales : s'il désire faire venir à sa cour un médecin ou un savant étranger, le Hittite ne se tourne plus vers le roi kassite, mais il s'adresse au pharaon. Et celui-ci sollicite de son ami d'importants envois de fer, ce métal nouveau que les Hittites, instruits par les Achéens, commencent à extraire de l'hématite au pays de Kizwadna, et dont l'emploi va bientôt modifier l'armement et l'outillage dans tout l'Orient. Treize ans après la conclusion du traité d'alliance, Ramsès II épouse une fille de Hattušili; contrairement aux usages le roi hittite amène lui-même la fiancée chez son futur époux, ce qui est considéré en Égypte comme un acte de vassalité. Jadis la déesse Ishtar de Ninive avait été envoyée symboliquement par le roi du Mitanni aux bords du Nil pour guérir Aménophis III; maintenant, si une princesse hittite tombe sous la puissance d'un démon, c'est un dieu égyptien, Khonsou, qui se déplace pour obliger, par sa présence, le mauvais esprit à la quitter. La fin de l'Empire hittite. Il y aura encore un ultime roi hittite, Šuppiluliuma II (1207 - 1178), mais avec la ruine de Hattuša, vers 1180, cesse la domination des Hittites sur le plateau anatolien; entraînés par le mouvement de déplacement des Peuples de la mer, les débris de leur empire se concentrent dans le Nord de la Syrie. On parlera alors d'empire néo-hittite, syro-hittite ou araméen, même si d'ailleurs il s'agit alors moins d'un empire que d'une mosaïque d'Etats, dans lequel dominent non plus les Hittites, mais, ici, les Louvites (dont la capitale, Karkemiš, sur la rive de l'Euphrate, connaît son apogée), là, les Araméens et les Phéniciens. En Anatolie, l'établissement des nouvelles populations donnera progressivement naissance à de nouvelles entités politiques : Phrygie, Lycie, Lydie, Cilicie, etc. La religion hittiteTrois divinites ont pris un rang prépondérant :• Un dieu des éléments, Tešub (Téshoub), armé de la foudre, coiffé d'une tiare conique, vêtu d'une courte tunique, les pieds dans des sandales à bouts recourbés, est représenté debout sur un taureau, sur deux sommets de montagne ou sur deux hommes debout. D'origine urartienne, Tešub est adoré en Syrie sous le nom d'Adad et il a été introduit en Babylonie par l'immigration amorrite (La religion mésopotamienne).Dans un bas-relief sculpté, à Iasili-kaïa, près de Boghazkale (Hattuša), sur les parois des rochers, dans un étroit vallon, les principales divinités hittites sont réunies en groupe et reçoivent les hommages d'une double théorie de personnages. - Génies hittites à tête d'oiseau supportant la voûte du ciel (Karkemiš). La législation hittiteParmi les monuments épigraphiques recueillis dans les ruines de Hattuša, à côtédes lettres et des traités, précieuses sources pour l'histoire, des tablettes portent le texte d'environ 200 lois et sont au point de vue de la civilisation des documents de haute valeur. La date exacte de cette législation n'est pas certaine, mais elle semble remonter à une époque antérieure à la conquête de la Syrie, à la période où les rois de Hatti ont formé une confédération des chefs hittites. On y relève des lois sur les coups et blessures, le mariage, la morale sexuelle, l'esclavage, l'état militaire, les impôts et privilèges, le vol, l'incendie, le louage, le prix des animaux, des étoffes, des peaux. Ces lois se rangent sous deux titres principaux : protection de l'agriculture et répression des délits de nature à troubler l'ordre public. Dans la variété des cas prévus on note également de nombreux détails sur l'organisation de la société où le roi, juge suprême, à qui cependant il n'est pas toujours permis au coupable d'en appeler, se réserve le droit de grâce pour tous les crimes et délits. Comme en Babylonie au temps d'Hammurabi (Le Code d'Hammurabi), le roi met des biens mobiliers ou immobiliers à la disposition de ses hommes d'armes, leur accorde des franchises, exerce le droit de vie et de mort. Des prix maxima sont fixés pour un grand nombre d'objets et le mercantilisme est rigoureusement poursuivi. Les pénalités portées par la législation antérieure ont été adoucies; comme dans la vallée de l'Euphrate elles sont variables d'après la qualité du délinquant ou de celui qui a subi le dommage. La législation pénale comporte surtout des amendes et des dédommagements en argent, variables suivant la qualité du délinquant ou de la personne qui a subi le préjudice. S'il s'agit d'animaux, le dommage se répare souvent en nature. Dans certains cas, la mort est applicable, par exemple, pour certaines fautes contre la morale sexuelle. Le mariage, en pays hittite, a pour base la monogamie; le mari peut cependant avoir légitimement une seconde femme, pourvu qu'elle réside dans un pays différent, et posséder des esclaves concubines. La loi du lévirat est en vigueur et, si une femme, demeurée veuve sans enfants, n'a pas de beau-frère, il lui est possible, après la mort de son propre père, de devenir légitimement l'épouse de l'un de ses oncles déjà marié. Ecriture pictographique hittite. L'écriture et la littérature hittitesC'est dans l'écriture que l'originalité d'une civilisation trouve toujours son expression la plus concrète. On a l'impression que dans les pays hittites aussi il y a eu lutte pour le maintien de la civilisation nationale et que cette lutte a porté surtout sur l'écriture. Trois systèmes d'écriture, foncièrement différents, ont lutté pour la suprématie dans les pays hittites. Pendant 2500 ans : l'écriture cunéiforme babylonienne, l'écriture pictographique (ou "hiéroglyphique") proprement hittite, et l'écriture à caractères araméens venue de Syrie.L'écriture figurée des Hittites se rencontre sur les monuments en pierre dans presque toute l'Asie Mineure et en Syrie jusqu'à Harnath; les inscriptions les plus nombreuses proviennent de Karkemiš. Cette écriture a été employée à Karkemiš (point où la civilisation hittite s'est maintenu le plus longtemps) jusque dans le Ier millénaire. Un fait surprenant, c'est l'absence totale de cette écriture à Sam'al et à Tell Halaf, résidences royales incontestablement et purement hittites que nous connaissons bien par les fouilles; à Sam'al, les seuls monuments écrits officiels, que l'on trouve appartiennent à la basse époque, au premier millénaire, et sont toujours conçus en caractères araméens; à Tell Halaf aussi les inscriptions de l'époque ancienne manquent complètement et c'est en caractères cunéiformes très grossiers qu'un usurpateur de la fin du IIe millénaire, Kapara, a fait inscrire son nom sur ses portraits en pierre. Le fait qu'à Boghazkale (Hattuša) l'écriture figurée ne se rencontre que très rarement et qu'on trouve ensuite cette écriture sur les sceaux en même temps que l'écriture cunéiforme, concorde parfaitement avec ce que nous savons des conditions politiques de l'époque. Exemple d'écriture pictographique hittite accompagnant la représentation d'une sage-femme portant un nouveau-né et tirant derrière elle un agnelet. On pourrait dire, pour résumer, que, dès le IIIe millénaire la pictographie a été l'écriture nationale des Hittites; puis cette écriture a fortement reculé devant l'écriture babylonienne, sans être pourtant jamais complètement abandonnée; aux temps de l'indépendance politique enfin et grâce au renforcement du sentiment national, elle a été employée à nouveau et de plus en plus. On serait tenté de voir dans la fureur insensée avec laquelle les grandes tablettes d'écriture cunéiforme des archives officielles de Hattuša ont été brisées au moment de la ruine de la domination étrangère une réaction de la culture hittite contre les témoins d'une civilisation étrangère. Si l'on veut se faire une idée exacte de la civilisation hittite, on ne doit jamais oublier que depuis le début du IIIe millénaire tout le pays habité par les Hittites a été placé sous l'influence de la civilisation babylonienne. L'écriture et la langue babyloniennes, répandues au loin, permettaient aux conceptions religieuses et aux oeuvres littéraires des Babyloniens d'exercer une grande action. Ces influences naturellement sont restées superficielles; le peuple dans sa masse est certainement demeuré fidèle aux traditions locales. Il nous faut considérer aussi qu'à toutes les époques il y a eu des courants favorables à la culture locale et hostiles à la civilisation babylonienne ainsi qu'à ses moyens d'expression, la langue et l'écriture. D'autre part il est tout naturel aussi que la domination étrangère, qui s'appuyait sur les classes supérieures, se soit servi pour étayer son influence, des formes culturelles étrangères et les ait non pas contrariées mais favorisées par tous les moyens. Gilgameš parmi les animaux (Karkemiš, vers 2000 av. J.-C.). Avec l'écriture et la langue la vie intellectuelle de la Babylonie s'est implantée dans les pays hittites. On ne peut pas dire, d'ailleurs, que tout ce que nous trouvons de « babylonien » dans les pays hittites y soit venu par l'intermédiaire de la littérature babylonienne. Ce n'est pas le cas par exemple de la grande épopée nationale des Babyloniens, du Gilgameš (Gilgamesh) dompteur d'animaux qui est représenté sur plusieurs fragments des textes cunéiformes de Hattuša en langue babylonienne et aussi dans la langue indo-européenne des classes dominantes. Les figures de Gilgameš et de son cycle ont été aussi des types tout-à-fait courants dans l'art plastique des Hittites ou des Néo-Hittites de Sam'al, de Karkemiš et de Tell Halaf; on peut en tirer cette conclusion que ce cycle de légendes a fait partie de tout temps du fonds commun propre à tout le Proche-Orient. Au contraire les rituels babyloniens, les recueils de présages etc. etc. qui remplissent nombre de tablettes cunéiformes de Hattuša n'ont sans doute jamais fait partie, eux, du fonds commun primitif du Proche-Orient et ont été apportés de Babylonie. Ils ont du reste à peine pénétré dans le peuple hittite et n'ont certainement pas dépassé le monde « savant » des centres cultivés. Cortège de musiciens néo-hittites (relief en basalte, VIIIe s.). L'art hittiteLa ville hittite est bâtie sur plan circulaire, autant que le permet la configuration du sol. La muraille d'enceinte n'est pas uniforme de construction, car on emploie en chaque endroit les matériaux les plus économiques. Les portes, peu nombreuses, forment un étroit passage qui traverse une cour intérieure; souvent elles sont ornées de sculptures où domine le lion, tantôt figuré de profil, et tantôt de face, l'avant-corps se dégageant en ronde bosse, disposition adoptée plus tard par les Assyriens.Les palais et les temples se développent en largeur, comme les anciens palais crétois; ils se composent de plusieurs cours entourées de salles; l'entrée principale est souvent précédée d'une façade où se dresse un auvent soutenu par des colonnes; ces colonnes sont en bois et n'ont pas de chapiteau; elles reposent sur une base de pierre sculptée que soutiennent fréquemment deux lions ou deux sphinx accouplés. Cette disposition architecturale plut aux Assyriens, qui empruntèrent aux Hittites l'ornementation des palais au moyen de bas-reliefs sculptés, disposés en plinthes. Mais, tandis que les oeuvres assyriennes sont consacrées à la gloire du prince, en pays hittite les sujets sont presque exclusivement religieux. Reconstitution de la citadelle de Sam'al. Elle s'élevait à peu près au milieu de la capitale du royaume néo-hittite de Sam'al. Cette ville était entourée d'une enceinte mesurant 720 m de diamètre. La citadelle avait environ 300 m de longueur et 200 m dans sa plus grande largeur. Son site, situé près de l'actuelle Zandcirli Höyuk, en Turquie, a commencé à être fouillé en 1888. Les reliefs des palais et les sculptures rupestres du plateau anatolien appartiennent à la seconde moitié du deuxième millénaire; ils s'apparentent à l'art antique suméro-akkadien et ont inspiré l'art assyrien. Ceux de Syrie septentrionale sont pour la plupart du premier millénaire; les plus récents, alors que le pays hittite est déjà sous le joug, reçoivent leur inspiration de l'art ninivite à son apogée. L'étude de la glyptique confirme ces conclusions. C'est au service des rois bâtisseurs que l'art hittite est devenu grand; les principales tâches qui lui ont été proposées l'ont mis en rapport avec l'architecture. La religion, elle aussi, a ouvert à l'art hittite un champ d'activité important et varié; elle n'a pas eu cependant, et à beaucoup près, la même influence sur son développement que les constructions royales. L'art monumental des Hittites n'a pris souci dans son développement que des nécessités pratiques; jamais cet art n'a été cultivé pour lui-même. De là ses caractères la prédominance du métier, l'asservissement étroit à la tradition, l'absence de puissants accents personnels. Le seul fait que l'habitude d'orner de sculptures les façades ait pris naissance chez les Hittites nous oblige à reconnaître aux Hittites un sens artistique très puissant. Un tel usage architectural présuppose en effet un instinct plastique d'une force vraiment élémentaire; aucun peuple de l'ancien Orient n'a possédé au-même degré que les Hittites l'instinct plastique. Les Assyriens, quand ils se sont laissé guider dans leurs constructions par ces mêmes mobiles ou par des mobiles analogues, imitaient souvent des modèles hittites. Représentation en bronze du dieu hittite de Soleil. L'adjonction aux grandes portes d'animaux colossaux, gardiens et défenseurs, était, au fond, la réalisation de conceptions religieuses. Aux animaux, dépositaires des forces divines, qu'ils revêtissent des proportions naturelles ou des proportions monstrueuses, on attribuait la vertu de préserver la ville, le château, le palais de l'intrusion des forces hostiles, humaines ou démoniaques. A côté de ces figures, auxquelles en tant qu'ouvrages de protection on doit reconnaître peut-être un rapport interne et organique avec la partie architecturale, il y a aussi des sculptures de caractère politique, des scènes mythologiques, religieuses et rituelles, ainsi que des représentations individuelles et des groupes de caractère purement profane. Ces oeuvres, il est vrai, n'ont pas de rapport intime avec la partie architecturale; ce sont de purs motifs décoratifs; leurs formes générales sont le résultat d'un choix plastique qui ne recherche pas d'autre but que l'effet décoratif. On est surpris du grand nombre de figures fantastiques, d'êtres mixtes présentant un mélange de formes humaines et de formes animales et se distinguant généralement encore de leurs congénères par l'adjonction d'ailes. Chez aucun peuple de l'Antiquité ces figures ne dominent l'art plastique comme chez les Hittites. Aussi peut-on se demander si ces figures fantastiques ne doivent pas leur existence à l'imagination des Hittites, bien que jusqu'ici on ait incliné à les regarder comme une création de l'Egypte, les sphinx et les dieux à têtes d'animaux étant très répandus en Egypte aussi. En Egypte les êtres de fantaisie n'apparaissent guère comme des êtres viables; on a de la peine a croire qu'ils aient jamais existé. Il en est tout autrement chez les Hittites; d'éléments différents ceux-ci ont fait des créatures nouvelles, véritablement vivantes. Les démons en forme de lions et d'oiseaux, les hommes-scorpions, les taureaux ailés, les lions ailés, les porcs ailés sont parfaitement cohérents et harmonisés dans leurs diverses parties; les têtes d'hommes sont posées sur les corps de lions et les têtes d'animaux sur les corps d'hommes avec autant de sûreté et de fermeté que si elles avaient poussé naturellement sur ces corps. Ces figures fantastiques, elles aussi, sont inspirées en dernière analyse par des idées religieuses; elles sont issues de la croyance aux démons, aux forces surnaturelles qui, au service des grands dieux, protègent l'humain. Toutefois il est impossible d'admettre que les formes variées qui apparaissent sur les monuments aient toutes réellement appartenu au cycle connu des divinités inférieures. Toutes ces figures de fantaisie révèlent une puissance créatrice vraiment extraordinaire; l'art hittite excelle à donner l'apparence de la vie aux visions de l'imagination, à en tirer des figures débordantes de réalité. En revanche, dans la majorité des oeuvres que nous connaissons jusqu'ici, cet art témoigne d'une gaucherie et d'une maladresse tout à fait surprenantes pour ce qui est de l'exécution technique, surtout quand il s'agit de représentations humaines; sur ce terrain l'art hittite ne s'est qu'exceptionnellement élevé au-dessus d'une schématisation rigide, au-dessus d'un canon étroitement délimité d'attitudes et de mouvements. Sauf de rares exemples, comme ce dieu du Soleil reproduit ci-dessus, le visage humain n'a jamais à proprement parler d'expression morale. Quel que soit le genre de représentation, les personnages ne sont jamais associés à l'action; dans les sujets de batailles les visages ont des traits aussi figés et aussi impénétrables que dans l'attitude solennelle des scènes divines ou royales. Le vrai mérite de l'art hittite comme de l'art de toute l'Asie antérieure réside dans la représentation des animaux. Non seulement les animaux sculptés par les Hittites sont représentés de la manière la plus consciencieuse avec leurs caractères distinctifs, mais leur marche, leur attitude sont observées d'un oeil pénétrant et fixées avec une finesse de sentiment et une sûreté qui bien souvent étonnent. Dans l'art hittite les animaux sont aussi vivants et aussi expressifs que les hommes sont schématiques, mornes et inertes. L'artiste hittite quand il représente des animaux commence à faire oeuvre personnelle. Il se libère de la schématisation qui dans les représentations humaines l'entrave et l'enchaîne. Il lui arrive même de s'affranchir souverainement du schème ornemental, qui domine en général les groupes hittites, schème ornemental qui, certes, donne aux oeuvres une allure de solennité mais qui semble bien monotone dans sa rigidité. Chasse au cerf (Malatia, vers 1000 av. J.-c).. C'est son caractère ornemental qui imprime sa marque à l'art hittite. D'une manière générale cet art est un art d'enjolivement, auxiliaire de l'architecture. Des centaines de dalles de pierre se déroulent en longues rangées autour des murs des grandes portes et des palais. L'ornement linéaire n'aurait pas répondu à une pareille destination; aussi, autant que nous en pouvons juger, l'art hittite le dédaigne d'une manière tout à fait surprenante, encore qu'il ait trouvé parfois des formes très expressives pour la décoration de certains éléments architectoniques, spécialement du chapiteau; l'ornement linéaire paraissait trop vain et trop pauvre au peuple dans l'imagination duquel avaient pris naissance les remarquables figures mixtes dont nous avons parlé. L'art hittite est, au sens le plus propre du mot, un art qui parle; il exprime des visions et des conceptions intellectuelles; il raconte les dieux et les démons, les combats des héros mythiques, le roi, la guerre, la chasse. Ce n'est pas un hasard que ce peuple qui avait, en art, une telle prédilection pour l'image parlante, ait conservé jusqu'au bout une pictographie à caractère fortement imagé. L'art hittite a été lui-même et est resté une pictographie; chaque image particulière est conçue d'abord comme l'annonce d'un fait : c'est sous cet angle qu'elle demande à être jugée. Dans la plupart des cas l'artiste du reste n'a pas réussi à faire plus. Mais l'art hittite a laissé aussi des sculptures qui font vivre sous les yeux du spectateur le fait représenté comme une tranche de vie; dans des oeuvres de ce genre l'art hittite a atteint le dernier mot de l'art. (HGP / L. Delaporte / Otto Weber). |
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