| Cambyse II. - Roi de Perse, fils de Cyrus, petit-fils de Cambyse I, administra, ainsi qu'il résulte d'un texte juridique, l'empire pendant l'expédition où son père succomba; à la mort de celui-ci (529 av. J.-C), il chargea son frère, comme lui fils de Cassandane, de l'administration des provinces orientales du royaume, pour l'éloigner du centre du pays. Lui-même crut devoir exécuter un projet conçu par son père, celui de la conquête de l'Egypte. Des considérations politiques commandaient cette expédition, bien plus que les prétextes allégués par les auteurs anciens; il se peut néanmoins que la conduite d'Amasis, qui envoya au roi de Perse, comme épouse, au lieu de sa propre fille Nitétis, la fille d'Apriès, Niteritis, ait fourni à ce dernier un prétexte de guerre. La Perse s'étant étendue par les conquêtes de Cyrus, sur la Méditerranée, depuis la Lydie jusqu'à la Phénicie, la destruction de la puissante influence égyptienne rendait seule définitive; la possession de ces contrées. Aidé par les conseils d'un Grec, nommé Phanès, Cambyse prépara pendant plusieurs années cette campagne; il s'assura du concours naval des Phéniciens, acheta celui des Arabes du désert du Sinaï et pénétra avec une grande armée en Égypte, tandis que les Phéniciens secondaient par mer son attaque. Amasis était mort dans l'intervalle (597), et son fils Psammétique III, qu'Hérodote nomme Psamménit, occupait le trône. Les Egyptiens se préparèrent à défendre leur pays, aidés par des mercenaires grecs, auxquels Cambyse avait eu l'adresse d'opposer les Grecs d'Ionie et d'Éolie. Une bataille sanglante eut lieu sur les confins du Delta, près de l'embouchure pélusiaque, où finalement les Perses demeurèrent vainqueurs. Cambyse somma les habitants de Memphis de se soumettre; le vaisseau de Mytilène, qui portait les hérauts dans ce but, fut détruit, les messagers massacrés et les membres de leurs cadavres emportés dans la citadelle en guise de trophées. Le vainqueur, courroucé, assiégea la forteresse, s'en empara après dix jours de défense et sévit avec une cruauté inouïe envers les Egptiens et leur roi; ce dernier, qui vit ses enfants déshonorés et tués devant ses yeux, fut d'abord épargné, puis, soupçonné de fomenter des troubles, il fut condamné à boire du sang de taureau. Immédiatement après, Cambyse se transporta à Saïs pour profaner et mutiler le cadavre d'Amasis, qu'il brûla ensuite pour froisser les sentiments des Egyptiens; mais, une fois sa puissance solidement établie en Egypte, il s'y comporta comme successeur des Pharaons, en respectant leur culte et leurs usages et en les protégeant en roi égyptien. A Saïs même, il rétablit le culte de tous les dieux (La religion égyptienne), il rendit à sa destination première le temple de Neith, transformé en camp perse, et à Tanit il se fit initier aux mystères ainsi que nous l'apprend la stèle du musée du Vatican. Cambyse devint ainsi le fondateur de la 270 dynastie égyptienne, qui réduisit l'Egypte en province perse et s'y maintint pendant cent onze ans (525-414 av. J.-C.), jusqu'à ce qu'Amyrtée rétablit pour la dernière fois dans l'histoire, pendant soixante-cinq ans, l'indépendance nationale. Cambyse conçut alors le vaste projet de soumettre l'Afrique (c.-à.d. l'Afrique du Nord) au joug perse; en même temps, il organisa trois expéditions : la première, navale, dirigée contre Carthage, demeura sans effet à cause du refus des Phéniciens de préter leur concours sur mer contre une ville colonisée par eux; la seconde fut engagée contre les Ammoniens dans le désert de la Libye, et la troisième contre les Ethiopiens, Macrobiens (Longèves). Les Lybiens, les Barcéens et les habitants de Cyrène s'étaient soumis; sûr de ce côté, Cambyse s'avança avec son armée sur Thèbes, où il détacha 50 000 hommes pour traverser le désert, atteindre l'oasis des Ammoniens et pour y brûler le temple de Jupiter Ammon. Mais aucun soldat ne revint vivant en Egypte, détruits tous par un vent impétueux qui s'éleva du désert et les ensevelit sous des montagnes de sable. Avec le reste de ses troupes, Cambyse entra en Nubie pour marcher sur Méroé. Il avait précédemment envoyé comme espions des hommes de la tribu des Ichtyophages, chargés de cadeaux, pour engager le roi de ce pays à se soumettre; sur le refus de celui-ci, Cambyse s'engagea sans préparatifs, sans provisions, dans le désert de Dongola, où son armée périt presque tout entière. On dit même que les hommes mangèrent les corps de leurs camarades. Exaspéré jusqu'à la folie par ses insuccès, Cambyse revint en Egypte (523 av. J.-C.). Il tua de son épée le taureau Apis qui venait de naître; il crut que les fêtes célébrées à cette occasion étaient l'expression de la joie des Egyptiens, à la suite de ces campagnes désastreuses. Cambyse les traita avec une épouvantable cruauté; sa fureur se tourna aussi contre les Perses; il fit assassiner son frère Smerdis par un de ses séides, nommé Prexaspès, et tua sa propre soeur, qu'il avait voulu épouser. Sa rage fut au comble quand il apprit que la rébellion s'était manifestée au sein de son propre pays, les Mèdes avaient tenté de regagner leur suprématie détruite trente ans auparavant par Cyrus. Un mage, nommé Gaumatès, qui ressemblait à Smerdis, se souleva sous ce nom près de Pasargade, au mois de mars (522 av. J.-C.), et s'empara, au mois de juillet, réellement du pouvoir royal. Sur ces entrefaites, Cambyse s'achemina en hâte vers la Perse, mais arrivé en Syrie, dans un bourg nommé Agbatane, il mourut (vers le mois d'août) des suites d'une blessure qu'il s'était faite lui-même. Hérodote prétend que ce fut un accident, tandis que l'inscription de Bisitun donne à entendre qu'il périt par suicide. Cambyse avait régné sept ans cinq mois; avec lui s'éteignit la branche aînée des Achéménides. Ce prince fut certainement un homme d'une énergie rare et d'un sens politique remarquable, avec un penchant naturel à la cruauté, excité jusqu'à la folie par des revers succédant à de grands exploits. On vante son sentiment de justice, qui fut néanmoins égaré au point de faire écorcher tout vif un juge qui avait failli à ses devoirs, et suspendre sa peau tannée au dos de son siège. Les Perses nommaient Cyrus un père, Darius un marchand, et Cambyse un justicier. Nous n'avons pas de textes émanant directement de Cambyse, mais nous possédons des centaines de documents juridiques cunéiformes, datés de son règne à partir de juillet 529 jusqu'à sa mort, août 522. Dans ces textes, Cambyse est nommé roi de Babylone et des nations, titre que les rois perses, en sages politiques, adoptèrent vis-à-vis de leurs sujets chaldéens. (J. Oppert). | |