| Le fauteuil est un siège à dossier et à bras qui a remplacé les chaires (chaières) du Moyen âge et de la Renaissance. Dès cette époque, le faudesteuil était mobile et il se prêtait mieux à tous les déplacements de la vie intérieure que la chaire condamnée par ses dimensions et par sa lourdeur à rester fixée au même endroit. On peut retrouver son origine dans la chaise curule qui, après avoir été le siège distinctif des consuls et des sénateurs de Rome, fut adoptée par les monarques des premiers temps du Moyen âge, non sans avoir subi des modifications de forme et de décoration (L'art du meuble). Au XIVe siècle, les rois de France possédaient des faus d'esteurs ou faldistoires en métal enrichis de pierres précieuses ou en bois sculpté et revêtu de velours richement décoré d'armoiries peintes par les artistes valets de chambre de la maison royale. Quelques-uns de ces sièges étaient disposés à charnières qui permettaient de les plier en deux pour les transporter plus facilement dans les voyages, comme ceux dont on se sert actuellement dans les jardins et sur les plages des bains de mer. Cette forme de pliant fut pendant longtemps fabriquée dans la Haute-Italie, et il nous est parvenu des fauteuils en bois de cèdre incrustés de marqueterie d'os et de métal qui sont de charmants spécimens du mobilier connu sous le nom d'alla certosina. D'autres fauteuils italiens étaient sculptés dans le bois et enrichis de dorures. La Renaissance française entrant surtout les fauteuils à dossier droit et revêtu d'arabesques et de figures entaillées dans le bois. Ce ne sont à proprement parler que des chaises caqueteuses auxquelles on a joint deux bras pour servir d'appui; mais la sculpture en est généralement traitée avec un grand soin. L'invasion des modes hollandaises en France, vers la fin du XVIe siècle, multiplia le nombre de ces sièges qui étaient relativement rares pendant la Renaissance. Les fauteuils nouveaux étaient terminés par des dossiers peu élevés s'élevant à angle droit, avec des bras offrant une disposition rectiligne. Ces meubles, qui nous paraissent aujourd'hui d'un usage peu confortable, étaient revêtus de cuir repoussé et doré ou de tapisseries au point. On en trouve de nombreux spécimens dans les recueils de gravures d'Abraham Bosse, si curieuses à consulter pour connaître la société française du règne de Louis XIII. Ce mobilier un peu rudimentaire ne s'accordait plus avec les richesses décoratives des palais de Versailles et de Marly. Lebrun et les dessinateurs du cabinet du roi Louis XIV composèrent alors de larges fauteuils à dossier renversé, à bras gracieusement recourbés et à pieds hardiment sculptés, qui répondaient mieux avec leur garniture de velours et de lampas au luxe somptuaire du nouveau règne. Il reste, dans les palais nationaux et dans les magasins du mobilier national, nombre de ces sièges qui sont des chefs-d'oeuvre de goût, et il n'est pas rare d'en voir certains spécimens atteindre des prix considérables quand ils passent en vente publique. La somptuosité inaugurée par Louis XIV lui survécut jusqu'à l'époque de la Révolution. Ce sont des types de goût que les fauteuils de la Régence et que ceux du règne de Louis XV. S'ils sont moins majestueux que ceux du XVIIe siècle, ils présentent une grâce de formes et une légèreté de décoration que leurs prédécesseurs ne connaissaient pas. Mais il fallait la fantaisie et le goût français pour dissimuler ce que leurs ornements de style rocaille présentaient de chimérique. Partout ailleurs, en Italie aussi bien qu'en Allemagne, rien n'est plus incohérent et plus lourd que les sièges à bras du XVIIIe siècle. Il faut ajouter que les manufactures des Gobelins et de Beauvais exécutaient à l'envi des garnitures de sièges représentant des scènes pastorales, des fables et des bouquets de fleurs qui sont des merveilles de fabrication. Sous Louis XVI, le fauteuil reprit une forme plus rationnelle. Les cartouches à coquilles et à enroulements furent remplacés par un dossier à médaillon arrondi, surmonté d'une couronne de roses et relié au siège par deux bras évasés pour donner plus d'espace au corps. La sculpture y atteignit les dernières limites de la délicatesse; ce ne sont, sur tous les montants, que rais de coeur, cordons de perles, feuilles d'acanthe et pieds cannelés, avec garnitures de bergers et de bouquets de fleurs tissées en basse-lisse. Les meilleurs modèles de cette époque se voient dans la suite des gravures de de La Londe. - Fauteuil Louis XVI (Mobilier national). L'époque révolutionnaire ressuscita les fauteuils et les sièges en acajou copiés sur les bas-reliefs antiques, mais ce fut pour peu de temps. Percier tenta de trouver un style réunissant à la fois les ornements de la Rome ancienne avec ceux de la Renaissance. Il échoua dans son entreprise qui ne produisit que des créations hybrides où les sièges des fauteuils sont soutenus par des pilastres à gaines ou par des cornes d'abondance s'entre-croisant. D'autres rappellent les monuments égyptiens, mais la plupart se rapprochent plus ou moins de la chaise curule à pieds droits. Si lourd que fût ce mobilier, il s'épaissit encore sous la Restauration, en perdant les qualités de bonne exécution qu'il conservait encore, grâce à la présence des anciens menuisiers-ébénistes qui survivaient. Eux disparus, le fauteuil ne présenta plus aucun caractère d'art et il devint un simple travail industriel. Pendant près de trente ans la mode se contenta de fauteuils à bras terminés en spirales remplaçant les cols de cygne ou les faisceaux de l'Empire, qui à tout le moins montraient une préoccupation artistique, bien qu'elle fût mal dirigée. Après que les études esthétiques et le goût de l'art se soient réveillés en France, on a reconnu la nécessité de renouer la chaîne avec notre ancienne école, qui avait été interrompue pendant plus d'un demi-siècle. Les critiques, les dessinateurs, les fabricants se sont occupés à la fois de toutes les époques anciennes, suivant que leur tempérament ou le goût de leurs clients les y poussait. Aux uns il fallait le fauteuil Henri Il, tandis que les autres préféraient le siège d'apparat de Louis XIV, ou la bergère de Louis XV. Cette confusion de style n'a pas été cependant sans produire de bons résultats. Elle a appris aux fabricants à retourner aux traditions de bonne exécution qu'ils avaient perdues; elle leur a enseigné en outre les règles du goût qui sont si longues à acquérir et si difficiles à conserver. Il suffit parfois d'un détail qui passe inaperçu dans le dessin d'un modèle, pour enlever à un meuble le caractère d'harmonie qui lui est indispensable pour plaire. La forme des fauteuils est variée à l'infini. On peut dire que chaque pays et que chaque classe d'individus la choisit à sa ressemblance. Les gravures du XVIIIe siècle en contiennent une suite très variée. Parmi celles que l'on emploie le plus souvent, nous citerons : le fauteuil à la Voltaire, le fauteuil américain ou anglais, le crapaud, le confortable ou brougham, le fauteuil gondole, la bergère, le fauteuil confessionnal, le fauteuil confident, le fauteuil mécanique, le fauteuil à porter et le fauteuil roulant. (A. De Champeaux). | |