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Histoire de l'Europe > La France > La France Capétienne > La période féodale / Histoire du Languedoc |
Les Albigeois |
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On a appelé Albigeois, aux XIe et XIIe, siècles les adeptes d'un mouvement religieux du midi de la France. Ils étaient répandus en Languedoc et en Provence, et occupaient principalement les villes d'Albi (d'où ils prirent leur nom), de Béziers, Carcassonne, Toulouse, Montauban, Avignon. Les Albigeois se donnaient à eux-mêmes le nom de Cathares (= Purs). Leur hérésie paraît être originaire de l'Est de l'Europe et dériver du mouvement initié par le Bogomiles : introduite d'abord dans les pays slaves (Hongrie et Bohème), elle pénétra vers 1230 en Lombardie; elle y fut promptement étouffée par l'archevêque de Milan, mais déjà elle avait pris racine dans la France méridionale. Mais le nom d'Albigeois a aussi eu une acception plus large. Il désignait, en France, au XIIIe siècle, non seulement les Cathares, mais tous ceux qui, prêchant la liberté de conscience, s'écartaient des canons de l'Église et refusaient de reconnaître l'autorité des papes en matière de foi. Ce mot n'avait jamais été pris auparavant dans cette signification, qui d'ailleurs resta toujours vague, parce qu'il désignait non seulement des hérétiques de sectes très différentes, mais encore ceux qui ne faisaient que favoriser leurs progrès, ou qui en prirent la défense quand on leur fit une guerre ouverte. La révolte des Purs. La Gascogne, le Languedoc, et surtout le comté d'Albi, étaient le siège principal de ces réformateurs : c'est ce dernier pays, comme on l'a indiqué plus haut, qui, dans la suite, fit donner à tous les sectaires indistinctement le nom général d'Albigeois, quoique ces sectes religieuses n'aient pas eu entre elles unité de croyance. Divisés sur plusieurs points de leur profession de foi, ils étaient d'accord dans le désir d'une réforme de l'Église, de l'épuration des moeurs, et dans la ferme conviction que la parole divine écrite peut seule faire autorité en matière de religion. Ces hommes courageux, à la sincérité fanatique, furent partout expulsés, partout condamnés, mais jamais réfutés : toutefois leur zèle ne se refroidit pas, ils employèrent tous leurs efforts à dessiller les yeux de leurs concitoyens, à leur faire apercevoir leur malheureuse situation et leurs vrais besoins, et à les faire revenir de leur attachement superstitieux et débonnaire pour les moines. Plusieurs d'entre eux, surtout leurs chefs, expièrent leur audace au milieu des flammes, Mais les sectes se multiplièrent en raison directe des persécutions qu'on leur faisait éprouver. Le temps des hérésies. Les décisions de l'Église, en matière de foi, sont de nulle autorité; la Bible seule peut décider. Le sacrifice de la messe, l'adoration des saints, le trafic des indulgences, ne peuvent être tolérés. Le chrétien doit être pauvre, car les biens de ce monde l'éloignent de l'amour de son Dieu. Les cérémonies sont inutiles, ne font qu'embrouiller le culte, et les prêtres ne sauraient avoir le privilège d'administrer les sacrements.Quelque opinion que l'on se soit formée de ces doctrines, on a de tout temps été forcé de convenir de la pureté, de la simplicité et de l'austérité de moeurs qui caractérisaient les Vaudois; on a rendu à leur moralité et à leur conduite politique une éclatante justice : d'ailleurs ils pensaient que tout ce dont ils demandaient la réforme n'appartenait pas au christianisme primitif, n'en faisait pas une partie intégrante et nécessaire, mais s'y était glissé dans la suite des temps. Le clergé poussa de grands cris; car ils ne s'étaient pas bornés à réformer sa doctrine, ils menaçaient ses intérêts les plus chers, et s'en firent ainsi un ennemi irréconciliable. Vers la même époque, Arnaud de Bresce attaqua la hiérarchie des prêtres, et s'efforça de ramener dans l'Église le régime presbytérial ou républicain. Quelques illuminés trouvèrent aussi des fidèles, tel Eon de l'Étoile, gentilhomme breton, qui se disait Fils de Dieu, venu sur la terre pour juger les humains. Il y eut encore de bizarres sectes panthéistes. Le abus de l'Eglise étaient tels que de partout se levaient de nouvelles hérésies. Mais la plus sérieuse menace qui pesait sur son autorité, l'Eglise la vit venir quand la religion des Albigeois - que l'on a désignée sous le nom d'albigéisme ou de catharisme - commença attirer à elle des populations de plus en plus nombreuses. La religion Cathares. La catharisme s'était manifesté en divers pays depuis le commencement du XIe siècle. Il allait se maintinir en Lombardie jusqu'au XIVe. Mais ce fut surtout en Languedoc qu'il fit fortune. Le clergé de ce pays était particulièrement corrompu. De plus, les succès obtenus par la prédication de Henri de Lausanne avaient préparé ces populations ardentes à rompre avec l'Église romaine. Les Cathares étaient nombreux au milieu du XIIe siècle dans toute la région toulousaine surtout à Albi - de là leur nom. - Louis VII songea à une croisade. On préféra d'abord recourir aux moyens pacifiques. Ils échouèrent. Ni les légats du Pape, ni les moines de Cîteaux, ni saint Dominique ne réussirent à faire reculer l'hérésie. Ils étaient soutenus plus ou moins ouvertement par les grands seigneurs, par Roger, comte d'Albi et vicomte de Béziers, ainsi que par les comtes de Foix et de Béarn. Le pape Alexandre III les excommunia au 3e concile de Latran, 1179. Leur suzerain, Raymond VI, comte de Toulouse, tout en comblant de faveurs les congrégations religieuses, ménageait lui aussi les Cathares et se gardait bien de les persécuter, et fut également excommunié. Il renvoya le légat Pierre de Castelnau, qu'un de ses serviteurs assassina à Saint-Gilles, le 12 janvier 1208. La guerre des Albigeois. L'héritage des vaincus, refusé successivement par plusieurs seigneurs du Nord, échut à Simon de Montfort, dont la vaillance s'était affirmée en Palestine pendant la quatrième Croisade, mais dont l'ambition égalait le fanatisme. Raymond se rendit alors à Rome pour donner des éclaircissements au pape, qui l'admit à se disculper de l'accusation d'hérésie et de l'assassinat de Pierre de Castelnau, et il comparut devant les conciles de Saint-Gilles (1210) et d'Arles (1211). Ayant refusé de souscrire aux obligations qu'on voulut lui imposer, il fut excommunié pour la seconde fois et déclaré déchu. Il se révolta ; mais, après la bataille de Castelnaudary (1212), il ne lui resta plus que les villes de Montauban et de Toulouse, et celle-ci dut ouvrir ses portes lorsque la bataille de Muret eut été perdue par Pierre II, le roi d'Aragon, venu au secours de son beau-frère (1213). Albi fut prise en 1215, et, la même année, le comte de Toulousefut dépouillé de ses Etats, qui revinrent, eux aussi, à Simon de Montfort. Raymond VI fut condamné au bannissement. La croisade paraissait terminée à I'avantage de Simon de Montfort. Mais les populations du Midi, indignées de la cruauté avec laquelle le clergé faisait la chasse aux hérétiques, restèrent obstinément fidèles au catharisme, moins sans doute parce qu'elles adhéraient aux dogmes de la nouvelle religion, que par ce qu'elles y voyaient le meilleur rempart contre le totalitarisme de l'Eglise. Et, pendant que le jeune Raymond VII soulevait ses sujets de Provence, Raymond VI reprenait Toulouse (1217) : Simon vint assiéger la place, mais il fut mortellement blessé d'un coup de pierre (1218) : son fils Amaury, s'avouant vaincu en 1222 céda tous ses droits à Louis, fils de Philippe-Auguste (Louis VIII). Ce prince s'empara d'Avignon en 1226. Raymond VII, hors d'état de se battre, accepta solennellement, à Paris, suivant un cérémonial, le traité dont les clauses avaient été arrêtées à Meaux (12 avril 1229). Il ne conserva qu'une partie de ses domaines, et encore dut-il promettre de marier sa fille Jeanne à Alphonse de Poitiers, étant spécifié que le comté de Toulouse serait annexé à la couronne si le frère de saint Louis mourait sans postérité. Tout n'était pas fini encore. Quatre Dominicains, bourreaux d'hérétiques, ayant été assassinés à Avignonet en 1242, Raymond VII fut excommunié. Pour obtenir son pardon, il fit brûler 200 Parfaits capturés au château de Montségur (1244). Les derniers Cathares s'enfuirent en Lombardie. L'hérésie était vaincue. Cette lutte de vingt ans avait eu un caractère religieux, social et politique. L'Église considérant comme un devoir absolu de poursuivre toute entreprise contre le dogme, et l'ordre établi étant alors inséparable de la foi, le catharisme fut réprimé comme un crime contre la religion et contre la société. D'autre part, après le duel implacable où s'affrontèrent deux civilisations, l'une plus rude, brutale et plus sévère, l'autre plus affinée et plus libre, la défaite de la féodalité méridionale assura la prépondérance des pays de langue d'oïl et contribua largement au progrès de l'unité française, à laquelle faisaient surtout obstacle les possessions des Plantagenêt à l'ouest, et, au midi, celles des comtes de Toulouse. La civilisation languedocienne avait péri. Le Midi, ruiné, ensanglanté, dépeuplé, détesta longtemps ses nouveaux maîtres. Et il n'est sans doute pas exagéré de dire, que de nos jours encore, il existe dans le Sud-Ouest une «-mythologie cathare », très éloignée de ses racines religieuses, mais qui résonne encore dans l'imaginaire comme le symbole romantique d'une résistance à l'arrogance de «-Paris », et comme un fanion de l'identité régionale. Ajoutons que c'est à l'occasion de la croisade albigeoise que Grégoire IX commit spécialement l'ordre des dominicains à la recherche et au jugement des hérétiques : l'Inquisition (inquisitio hereticae pravitalis) remplaça les enquêtes sur la foi dirigées par l'autorité épiscopale et devint une institution permanente dans l'Occident chrétien. L'Inquisition se chargea d'achever la conversion de ces malheureux, d'extirper l'hérésie dans ses racines, et leur pays se couvrit de nouveaux bûchers. Cette oppression les força encore une fois de chercher un asile dans la Lombardie et le Piémont, au milieu des paisibles vallées des Alpes, qui cependant ne suffirent pas pour les garantir des nouvelles horreurs que leur préparèrent, de l'aveu d'Innocent VIII, Albert de Capitaneis et Hugues des Marais. Toutes ces persécutions cependant ne servirent qu'à invétérer leur haine contre l'église dominante et à retremper leur courage; ils subsistèrent sous le nom d'Église française jusqu'au temps de la Réforme. (J. H. Schnitzler / HGP / HUP).
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